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08/04/2021 | FRANCE | N°20MA02870

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 08 avril 2021, 20MA02870


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 12 novembre 2019 par lequel le préfet du Gard l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1906454 du 21 février 2020, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 11 août 2020 sous le n° 20MA02870, M. D..., représe

nté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 21 février 2020 ;

2°) d'annuler ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 12 novembre 2019 par lequel le préfet du Gard l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1906454 du 21 février 2020, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 11 août 2020 sous le n° 20MA02870, M. D..., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 21 février 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 novembre 2019 ;

3°) d'enjoindre, à titre principal, au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé dès lors qu'il n'a pas répondu au moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision attaquée a été signée par une autorité incompétente ;

- les premiers juges ont commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle en tant qu'il a conclu un pacte civil de solidarité avec une ressortissante française ;

- le jugement attaqué méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur la décision fixant le délai de départ volontaire :

- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur de droit ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Sur la décision fixant le pays de destination :

- la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire enregistré le 11 décembre 2020, le préfet du Gard conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 juin 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. H... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant malien, né le 29 juin 1982, a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 12 novembre 2019 par lequel le préfet du Gard l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement n° 1906454 du 21 février 2020, dont il relève appel, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort du jugement attaqué que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen développé par M. D... dans le mémoire enregistré le 4 décembre 2019, tiré de l'erreur manifeste d'appréciation, pourtant visé par le jugement en litige et communiqué. L'enregistrement d'un tel mémoire a eu lieu préalablement à la clôture de l'instruction, intervenue dans les conditions de l'article R. 613-2 du code de justice administrative. Par suite, en omettant de statuer sur ce moyen, qui n'était pas inopérant, les premiers juges ont entaché leur jugement d'irrégularité. Celui-ci doit, par suite, être annulé.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Montpellier.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 12 novembre 2019 portant obligation de quitter le territoire français :

4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté attaqué a été signé, au nom du préfet du Gard, par Mme F... G..., attachée principale, titulaire d'une délégation de signature à l'effet de signer tous les actes dans la limite de ses attributions, au nombre desquels figure la police des étrangers, accordée par un arrêté n° 30-2019-142 du 9 septembre 2019, régulièrement publié au recueil des actes administratifs le 10 septembre 2019. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée manque en fait et ne peut qu'être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. En l'espèce, M. D... a résidé dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de trente-six ans. Si le requérant fait valoir l'existence d'un pacte civil de solidarité conclu postérieurement à la date de la décision attaquée, avec une ressortissante française, Mme I..., il ressort des pièces du dossier que la vie commune des intéressés est trop récente pour que l'arrêté attaqué puisse être regardé comme portant une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par ailleurs, il n'est pas davantage établi que M. D... serait dépourvu de tout lien familial dans son pays d'origine dès lors qu'il ne justifie pas du pays de résidence de son ex-épouse, Mme C... et de leurs trois enfants. Dès lors, M. D... n'est donc pas fondé à soutenir que la décision en litige aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Gard aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...)".

8. En l'espèce, le certificat médical du 4 septembre 2019 ne permet pas d'établir que l'état de santé de M. D..., atteint d'une hépatite B, nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans ce pays. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées n'est pas fondé et doit être écarté.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 12 novembre 2019 fixant le délai de départ volontaire :

9. En premier lieu, la décision fixant le délai de départ volontaire de trente jours comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, au sens des articles L. 211-2 et suivants du code des relations entre le public et l'administration. Elle est par suite suffisamment motivée.

10. En second lieu, les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'erreur manifeste d'appréciation de la décision fixant le délai de départ volontaire de trente jours doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6. M. D... ne justifie pas plus en appel qu'en première instance, des circonstances pour lesquelles un délai supplémentaire aurait dû lui être exceptionnellement accordé.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 12 novembre 2019 désignant le pays de destination de la mesure d'éloignement :

11. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

12. M. D... ne verse aucune pièce au dossier de nature à démontrer qu'il serait personnellement exposé à des risques de traitements inhumains ou dégradants en cas de retour au Mali. Au demeurant, sa demande d'asile a été rejetée par une décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 30 avril 2019, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile, notamment au motif que les déclarations et les documents versés ne permettent pas d'établir la réalité des faits allégués et de regarder comme fondées les craintes de persécution exprimées. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination méconnaîtrait les stipulations précitées doit être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Montpellier tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 novembre 2019 par lequel le préfet du Gard l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ne peut qu'être rejetée.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

14. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 12 novembre 2019 présentées par M. D... n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte de M. D....

Sur les frais liés au litige :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat tout ou partie de la somme que le conseil de M. D... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1906454 du 21 février 2020 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Montpellier et le surplus des conclusions de sa requête devant la Cour sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D..., à Me A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Gard.

Délibéré après l'audience du 25 mars 2021 où siégeaient :

- M. H..., président de chambre,

- M. Portail, président assesseur,

- Mme E..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 avril 2021.

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N° 20MA02870

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20MA02870
Date de la décision : 08/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. POUJADE
Rapporteur ?: M. Alain POUJADE
Rapporteur public ?: Mme BAIZET
Avocat(s) : BAZIN

Origine de la décision
Date de l'import : 13/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-04-08;20ma02870 ?
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