La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/04/2021 | FRANCE | N°19MA02976

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 07 avril 2021, 19MA02976


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler les décisions des 4 et 27 avril 2017 par lesquelles le directeur interrégional des services pénitentiaires Provence-Alpes-Côte d'Azur / Corse, statuant sur recours contre les décisions du président de la commission de discipline de la maison d'arrêt de Grasse respectivement prises les 3 et 20 mars 2017, a confirmé les deux sanctions prononcées à son encontre, lui infligeant chacune 14 jours de confinement en cellule.

Par un jugemen

t n°1701786,1701881 du 30 avril 2019, le tribunal administratif de Nice a annul...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler les décisions des 4 et 27 avril 2017 par lesquelles le directeur interrégional des services pénitentiaires Provence-Alpes-Côte d'Azur / Corse, statuant sur recours contre les décisions du président de la commission de discipline de la maison d'arrêt de Grasse respectivement prises les 3 et 20 mars 2017, a confirmé les deux sanctions prononcées à son encontre, lui infligeant chacune 14 jours de confinement en cellule.

Par un jugement n°1701786,1701881 du 30 avril 2019, le tribunal administratif de Nice a annulé les décisions des 4 et 27 avril 2017.

Procédure devant la Cour :

Par un recours, enregistré le 1er juillet 2019, le garde des sceaux, ministre de la justice, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 30 avril 2019 ;

2°) de rejeter les demandes présentées par M. A... devant le tribunal administratif.

Il soutient que :

- l'administration n'a qu'une obligation de moyen quant à la présence d'un assesseur extérieur en commission de discipline, prévue par l'article R. 57-7-6 du code de procédure pénale ; il y a en l'espèce été satisfait et aucune irrégularité n'est constituée au regard de la composition de la commission ; en tout état de cause M. A... n'a été privé d'aucune garantie ;

- s'il a été sanctionné la seconde fois au motif qu'il n'avait pas respecté la première sanction prononcée à son encontre, la seconde sanction ne trouve pas sa base légale dans la première ni n'a été prise pour l'application de cette dernière ; au demeurant la première sanction n'est pas entachée d'illégalité et celle relevée à tort par le tribunal ne concernait que la procédure ;

- les demandes de M. A... doivent être rejetées pour les motifs exposés en première instance.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 avril 2020, M. B... A..., représenté par Me C..., conclut à la confirmation du jugement attaqué et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le recours est non fondé dans les moyens qu'il soulève ;

- le rédacteur du compte-rendu d'incident ayant donné lieu à la première sanction n'est pas identifié, en méconnaissance des articles R. 57-7-13 du code de procédure pénale, L. 111-2 du code des relations entre le public et l'administration et 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le rapport d'incident ayant donné lieu à la seconde sanction a été dressé tardivement au regard des exigences de l'article R. 57-7-13 du code de procédure pénale ;

- la décision de fouille préalable à cette sanction n'a fait l'objet d'aucun écrit de sorte qu'il ne peut être vérifié qu'elle était motivée et proportionnée ;

- au cours des deux procédures les dispositions de l'article R. 57-7-16 du code de procédure pénale n'ont pas été respectées dès lors qu'il n'a pas eu communication de son dossier avant la réunion de la commission de discipline.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 29 novembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de procédure pénale ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. Le 1er février 2017, M. A..., détenu à la maison d'arrêt de Grasse, a été trouvé dans sa cellule en possession de deux téléphones portables, avec puces et chargeurs artisanaux. En conséquence, le président de la commission de discipline a prononcé à son encontre, le 3 mars 2017, une sanction de 14 jours de confinement en cellule, assortie de la privation de tout appareil électrique et de toute activité. Durant la période d'application de cette sanction, le 11 mars 2017, ont été découverts dans la cellule de l'intéressé, une télévision, un chargeur artisanal, des fils dénudés et des morceaux de fenêtre cassés. Le président de la commission de discipline a en conséquence prononcé à son encontre, le 20 mars 2017, une nouvelle sanction de 14 jours de confinement en cellule, assortie des mêmes privations que la précédente. Par deux décisions, respectivement prises les 4 et 27 avril 2017, le directeur interrégional des services pénitentiaires Provence-Alpes-Côte d'Azur / Corse, statuant sur recours, a confirmé ces sanctions. Le Garde des Sceaux, ministre de la justice, relève appel du jugement du 30 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Nice a annulé ces décisions.

Sur le bien-fondé du jugement en ce qui concerne la décision du 4 avril 2017 :

2. En vertu de l'article 726 du code de procédure pénale, la commission disciplinaire appelée à connaître des fautes commises par les personnes détenues placées en détention provisoire ou exécutant une peine privative de liberté doit comprendre au moins un membre extérieur à l'administration pénitentiaire. Aux termes de l'article R. 57-7-6 du même code : " La commission de discipline comprend, outre le chef d'établissement ou son délégataire, président, deux membres assesseurs ". Aux termes de l'article R. 57-7-7 du même code : " Les sanctions disciplinaires sont prononcées, en commission, par le président de la commission de discipline. Les membres assesseurs ont voix consultative ". L'article R. 57-7-8 du même code dispose que : " Le président de la commission de discipline désigne les membres assesseurs./ Le premier assesseur est choisi parmi les membres du premier ou du deuxième grade du corps d'encadrement et d'application du personnel de surveillance de l'établissement./ Le second assesseur est choisi parmi des personnes extérieures à l'administration pénitentiaire qui manifestent un intérêt pour les questions relatives au fonctionnement des établissements pénitentiaires, habilitées à cette fin par le président du tribunal de grande instance territorialement compétent. La liste de ces personnes est tenue au greffe du tribunal de grande instance ". Enfin, aux termes de l'article R. 57-7-12 du même code : " Il est dressé par le chef d'établissement un tableau de roulement désignant pour une période déterminée les assesseurs extérieurs appelés à siéger à la commission de discipline ".

3. Il résulte de ces dispositions que la présence dans la commission de discipline d'un assesseur choisi parmi des personnes extérieures à l'administration pénitentiaire, alors même qu'il ne dispose que d'une voix consultative, constitue une garantie reconnue au détenu, dont la privation est de nature à vicier la procédure, alors même que la décision du directeur interrégional des services pénitentiaires, prise sur le recours administratif préalable obligatoire exercé par le détenu, se substitue à celle du président de la commission de discipline.

4. Il appartient à l'administration pénitentiaire de mettre en oeuvre tous les moyens à sa disposition pour s'assurer de la présence effective de cet assesseur, en vérifiant notamment en temps utile la disponibilité effective des personnes figurant sur le tableau de roulement prévu à l'article R. 57-7-12. Si, malgré ses diligences, aucun assesseur extérieur n'est en mesure de siéger, la tenue de la commission de discipline doit être reportée à une date ultérieure, à moins qu'un tel report compromette manifestement le bon exercice du pouvoir disciplinaire.

5. En l'espèce, s'il ressort des pièces du dossier que l'administration pénitentiaire n'a été informée que le 27 février 2017 du décès de l'assesseur qui devait être présent lors de la réunion de la commission de discipline du 3 mars 2017, elle ne fournit aucune précision quant aux diligences qu'elle aurait accomplies pour trouver un autre assesseur disponible pour le remplacer et se borne à alléguer qu'un report de la réunion était impossible sans fournir aucune explication. Il ne ressort ainsi pas des pièces du dossier qu'un tel report aurait compromis manifestement le bon exercice du pouvoir disciplinaire. Il s'ensuit que la procédure disciplinaire se trouve viciée et la décision litigieuse du directeur interrégional des services pénitentiaires entachée d'illégalité.

6. Il résulte de tout ce qui précède que le Garde des Sceaux, ministre de la justice n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nice a annulé la décision du directeur interrégional des services pénitentiaires du 4 avril 2017.

Sur le bien-fondé du jugement en ce qui concerne la décision du 27 avril 2017 :

7. En raison des effets qui s'y attachent, l'annulation pour excès de pouvoir d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, emporte, lorsque le juge est saisi de conclusions recevables, l'annulation par voie de conséquence des décisions administratives consécutives qui n'auraient pu légalement être prises en l'absence de l'acte annulé ou qui sont en l'espèce intervenues en raison de l'acte annulé. Il en va ainsi, notamment, des décisions qui ont été prises en application de l'acte annulé et de celles dont l'acte annulé constitue la base légale.

8. Aux termes de l'article R. 57-7-2 du code de procédure pénale : " Constitue une faute disciplinaire du deuxième degré le fait, pour une personne détenue : / (...) / 6° De se soustraire à une sanction disciplinaire prononcée à son encontre ; / (...) ".

9. Alors que M. A... était soumis, du fait de la décision du président de la commission de discipline du 3 mars 2017, à une sanction de confinement en cellule sans appareil électrique, il a été trouvé, ainsi que mentionné précédemment, le 11 mars 2017, en possession notamment d'une télévision. La décision litigieuse est ainsi motivée par la circonstance que le détenu s'est soustrait à la sanction disciplinaire prononcée à son encontre par la décision du 3 mars 2017, à laquelle s'est substituée celle du 4 avril 2017. Elle n'aurait pu légalement être prononcée en l'absence de cette précédente sanction, annulée à juste titre par le tribunal administratif. Il s'ensuit que la décision du directeur interrégional des services pénitentiaires du 27 avril 2017, confirmant cette seconde sanction, doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la première sanction, quand bien-même celle-ci résulte d'une irrégularité de procédure.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le Garde des Sceaux, ministre de la justice n'est pas davantage fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nice a annulé la décision du directeur interrégional des services pénitentiaires du 27 avril 2017.

Sur les frais liés au litige :

11. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat, Me C..., peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de celles de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me C... de la somme de 2 000 euros à ce titre.

D É C I D E :

Article 1er : Le recours du garde des sceaux, ministre de la justice, est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à Me C... la somme de 2 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au garde des sceaux, ministre de la justice, à M. B... A... et à Me C....

Délibéré après l'audience du 22 mars 2021, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président assesseur,

- Mme D..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 avril 2021.

N°19MA02976 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA02976
Date de la décision : 07/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

37-05-02-01 Juridictions administratives et judiciaires. Exécution des jugements. Exécution des peines. Service public pénitentiaire.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Caroline POULLAIN
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : LENDOM ROSANNA

Origine de la décision
Date de l'import : 13/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-04-07;19ma02976 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award