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06/04/2021 | FRANCE | N°20MA02305

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 06 avril 2021, 20MA02305


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 17 décembre 2019 par lequel le préfet de l'Hérault l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de quatre mois.

Par l'article 1er du jugement n° 2000313 du 18 juin 2020, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Montpellier a admis provisoirement Mm

e A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle, par l'article 2 a annulé l'arrêté du p...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 17 décembre 2019 par lequel le préfet de l'Hérault l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de quatre mois.

Par l'article 1er du jugement n° 2000313 du 18 juin 2020, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Montpellier a admis provisoirement Mme A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle, par l'article 2 a annulé l'arrêté du préfet de l'Hérault du 17 décembre 2019, par l'article 3 a enjoint au préfet de l'Hérault de réexaminer la situation de Mme A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, et, par l'article 4, a condamné l'Etat à verser à l'avocat de Mme A... la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, dans le cas où Mme A... serait définitivement admise à l'aide juridictionnelle, ou à verser cette somme à l'intéressée dans le cas où l'aide juridictionnelle ne lui serait pas accordée.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 17 juillet 2020, le préfet de l'Hérault demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 2, 3 et 4 du jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Montpellier du 18 juin 2020 ;

2°) de rejeter la demande de Mme A... présentée devant le tribunal administratif de Montpellier.

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'une erreur de fait s'agissant de la date de la décision attaquée ;

- il n'était pas tenu de saisir le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) et n'a pas entaché sa décision d'un défaut d'examen particulier.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 février 2021, Mme A... conclut au rejet de la requête du préfet de l'Hérault, ou, à défaut, à ce que soit prononcé un non-lieu à statuer, et demande à la Cour de condamner l'Etat à verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par le préfet ne sont pas fondés ;

- la requête a perdu son objet en cours d'instance du fait de la délivrance à la requérante, d'une autorisation provisoire de séjour de six mois.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. La demande d'asile présentée par Mme A..., ressortissante guinéenne née en 1994, a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par une décision du 1er mars 2019, confirmée 21 novembre 2019 par la Cour nationale du droit d'asile. Par un arrêté du 17 décembre 2019 pris au vu de ces décisions, le préfet de l'Hérault a obligé Mme A... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de quatre mois. Le préfet de l'Hérault fait appel du jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Montpellier du 18 juin 2020 en tant qu'il a annulé cet arrêté, qu'il lui a enjoint de réexaminer la situation de Mme A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, et qu'il a condamné l'Etat à verser à l'avocat de Mme A... la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Sur les conclusions à fin de non-lieu à statuer présentées par Mme A... :

2. La circonstance que le préfet de l'Hérault, auquel le jugement a enjoint de réexaminer la situation de Mme A..., a délivré à l'intéressée une autorisation provisoire de séjour, n'est pas de nature à priver d'objet la requête. Par suite, l'exception de non-lieu opposée à la requête par Mme A... ne peut être accueillie.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". Aux termes de l'article R. 511-1 du même code : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ".

4. Si Mme A... a produit la copie d'une lettre et d'un courriel adressés par son conseil à la préfecture de l'Hérault, indiquant qu'elle souffrait d'une grave pathologie ne pouvant être traitée dans son pays d'origine, elle ne justifie pas de la réception de cette lettre ou de ce courriel par les services de la préfecture. Elle ne saurait donc être regardée comme ayant informé l'autorité administrative de ce qu'elle souffrait de problèmes de santé susceptibles d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et pour lesquels elle ne pourrait bénéficier d'une prise en charge dans son pays d'origine. Par suite, le préfet de l'Hérault n'était pas tenu de recueillir l'avis du collège des médecins à compétence nationale de l'OFII. C'est donc à tort que le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du préfet de l'Hérault du 17 décembre 2019.

5. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance par M. A....

6. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 4 que le moyen tiré de ce que le préfet de l'Hérault n'aurait pas procédé à un examen réel et complet de la situation de Mme A... doit être écarté.

7. En deuxième lieu, s'il ressort des pièces du dossier que Mme A... souffre d'une grave maladie et bénéficie d'un traitement, elle ne produit aucun élément de nature à justifier de l'impossibilité de bénéficier d'un traitement approprié à son état dans son pays d'origine, alors qu'il ressort du rapport médical qu'elle produit qu'elle bénéficie d'un tel traitement depuis le mois de mars 2017, soit une date antérieure à son entrée en France. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que le préfet de l'Hérault aurait méconnu les dispositions précitées de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. En troisième lieu, les moyens tirés de ce que la décision fixant le pays de destination serait entachée d'une erreur de fait et aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne sont assortis d'aucune précision permettant à la Cour de statuer sur leur bien-fondé.

9. En quatrième lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. (...) / le prononcé et la durée de l'interdiction de retour (...) sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

10. L'arrêté attaqué, qui vise notamment le III de l'article L. 5111 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, précise que la situation personnelle de Mme A... a fait l'objet d'un examen au regard de ces dispositions, indique notamment que la présence en France de l'intéressée est récente, que ses liens familiaux en France ne sont pas établis et qu'elle ne justifie pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine. Il indique également que Mme A... ne démontre pas l'existence de considérations humanitaires de nature à faire obstacle au prononcé d'une interdiction de retour. Il ajoute que l'intéressée n'a jamais fait l'objet d'une mesure d'éloignement et que son comportement ne représente pas une menace pour l'ordre public. La décision contestée comporte ainsi un énoncé suffisant des considérations de droit et fait qui la fondent, au regard notamment des critères énoncés au III de l'article L. 5111 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

11. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme A..., entrée en France récemment, est célibataire et sans charge de famille en France, et qu'elle ne démontre pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine. Par ailleurs, il résulte de ce qui a été dit au point 7 qu'elle ne démontre pas l'impossibilité de bénéficier d'un traitement médical approprié à son état de santé dans son pays d'origine. Par suite, eu égard à la durée de présence de Mme A... sur le territoire français et aux conditions de son séjour en France, et en dépit du fait qu'elle n'avait auparavant pas fait l'objet d'une mesure d'éloignement et que sa présence sur le territoire français ne représenterait pas une menace pour l'ordre public, le préfet de l'Hérault a pu légalement assortir l'obligation de quitter le territoire français prononcée à l'encontre de l'intéressée d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de quatre mois.

12. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de l'Hérault est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 17 décembre 2019, lui a enjoint de réexaminer la situation de Mme A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, et a condamné l'Etat à verser à l'avocat de Mme A... la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à Mme A... de quelque somme que ce soit au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Les articles 2, 3 et 4 du jugement n° 2000313 du 18 juin 2020 du tribunal administratif de Montpellier sont annulés.

Article 2 : Les conclusions de la demande de Mme A... présentées devant le tribunal administratif de Montpellier, tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 17 décembre 2019, à ce qu'il soit enjoint au préfet de réexaminer sa situation et à ce que soit mis à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme B... A....

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 23 mars 2021, où siégeaient :

- M. Antonetti, président,

- M. Barthez, président assesseur,

- Mme C..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 avril 2021.

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N° 20MA02305

nc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA02305
Date de la décision : 06/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. ANTONETTI
Rapporteur ?: Mme Florence MASTRANTUONO
Rapporteur public ?: Mme BOYER
Avocat(s) : MOULIN

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-04-06;20ma02305 ?
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