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06/04/2021 | FRANCE | N°20MA02249

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre, 06 avril 2021, 20MA02249


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 10 octobre 2019 par lequel le préfet de la Haute-Corse lui a retiré sa carte de résident, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait éloignée, et d'enjoindre au préfet de la Haute-Corse de lui restituer son titre de séjour.

Par un jugement n° 2000182 du 9 juin 2020, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.
r>Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 9 juillet 2020, Mme C..., repré...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 10 octobre 2019 par lequel le préfet de la Haute-Corse lui a retiré sa carte de résident, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait éloignée, et d'enjoindre au préfet de la Haute-Corse de lui restituer son titre de séjour.

Par un jugement n° 2000182 du 9 juin 2020, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 9 juillet 2020, Mme C..., représentée par Me E..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bastia du 9 juin 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 10 octobre 2019 du préfet de la Haute-Corse ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Corse de lui restituer son titre de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l'expiration du délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en lui retirant son titre plus de trois ans après la délivrance, le 16 juin 2016 de sa première autorisation de séjour ;

- il a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation au regard de l'article L.431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle justifie avoir subi des violences conjugales ;

- le préfet a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 janvier 2021, le préfet de la Haute-Corse conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A... ;

- et les observations de Me B..., substituant Me E..., représentant Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... C..., ressortissante marocaine, relève appel du jugement du 9 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 octobre 2019 par lequel le préfet de la Haute-Corse lui a retiré sa carte de résident.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L.431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable à la date à laquelle l'arrêté litigieux a été pris : " En cas de rupture de la vie commune ne résultant pas du décès de l'un des conjoints, le titre de séjour qui a été remis au conjoint d'un étranger peut, pendant les trois années suivant l'autorisation de séjourner en France au titre du regroupement familial, faire l'objet d'un retrait ou d'un refus de renouvellement. / (...). En outre, lorsque l'étranger a subi des violences familiales ou conjugales et que la communauté de vie a été rompue, l'autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour de l'étranger admis au séjour au titre du regroupement familial et en accorde le renouvellement. En cas de violence commise après l'arrivée en France du conjoint mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint se voit délivrer, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ".".

3. D'une part, contrairement à ce que soutient la requérante, le délai de trois ans mentionné à l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pendant lequel l'administration peut retirer le titre de séjour ne court pas à compter de la délivrance du visa, qui ne constitue pas une autorisation de séjour en France, mais à compter de la date de début du premier titre de séjour autorisant l'étranger à résider sur le territoire national au titre du regroupement familial. Le retrait contesté ayant été prononcé le 10 octobre 2019 dans le délai de trois ans suivant la délivrance à Mme C... d'un titre de séjour de dix ans à compter du 13 avril 2017, conformément aux dispositions législatives précitées du premier alinéa de l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le moyen tiré de ce que le retrait litigieux ne pouvait légalement intervenir à la date où il a été prononcé doit être écarté.

4. D'autre part, il est constant que la rupture de la communauté de vie entre les deux époux est intervenue en juillet 2018, à la suite du départ de Mme C... du domicile conjugal. Si la requérante soutient qu'elle a été victime de violences conjugales, les pièces qu'elle produit tant en première instance qu'en appel, notamment un certificat médical du 3 janvier 2018 indiquant une " probable colopathie (...) exacerbée par un contexte de stress lié au contexte familial et une séparation en cours ", une ordonnance du 9 janvier 2018 prescrivant une échographie abdominale, ainsi qu'une attestation d'un compatriote faisant état de pressions et menaces de son époux, lesquelles l'ont incité à quitter la Corse pour se réfugier chez son cousin sur le continent, sont insuffisantes pour établir la réalité des violences conjugales alléguées au cours de moins de deux années de communauté de vie sur le territoire. Au surplus la plainte déposée le 14 juillet 2018 a fait l'objet d'un classement sans suite par le parquet du procureur de la République du tribunal de grande instance de Bastia le 24 juillet 2018 au motif d'infraction insuffisamment caractérisée. Par suite, le préfet de la Haute-Corse n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en retirant, par sa décision en litige du 10 octobre 2019, la carte de résident délivrée en 2016 à Mme C... au titre du regroupement familial.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. /2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

6. Mme C... reprend en appel à l'encontre de l'arrêté attaqué, les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation ainsi que de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sans les assortir d'aucun élément nouveau ou complémentaire déterminant. Mme C... qui résidait et disposait d'un emploi en Espagne est entrée en France en 2016 à l'âge de 27 ans. En instance de divorce et sans charge de famille, les éléments qu'elle produit au dossier, notamment des bulletins de salaire, et un contrat d'emploi à Arles de plongeuse en restauration conclu le 22 février 2019, sont insuffisants pour démontrer la réalité, la stabilité et l'intensité des liens personnels et familiaux qu'elle soutient avoir établis sur le territoire français. Si la requérante fait valoir qu'elle n'a plus de lien réel avec son pays d'origine, cette allégation n'est assortie d'aucune précision. En conséquence, le préfet ne peut être regardé comme ayant porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, au sens des stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme, ou comme ayant commis une erreur manifeste d'appréciation, en lui retirant sa carte de résident et en l'obligeant à quitter le territoire français.

7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Corse.

Délibéré après l'audience du 23 mars 2021, où siégeaient :

- M. A..., président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Ury, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 avril 2021.

N° 20MA02249 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA02249
Date de la décision : 06/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. Alexandre BADIE
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : SELARL BURAVAN DESMETTRE GIGUET et FAUPIN

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-04-06;20ma02249 ?
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