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06/04/2021 | FRANCE | N°19MA04487

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre, 06 avril 2021, 19MA04487


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du ministre de l'intérieur du 9 janvier 2018 prise après avis de la commission de recours des militaires et rejetant son recours dirigé contre la décision du 6 avril 2017 fixant à 1 206,19 euros le montant de la régularisation des charges d'occupation du logement pour l'année 2013, d'enjoindre à l'Etat de procéder au remboursement des sommes prélevées, et d'enjoindre à l'Etat de procéder à l'installation de compteurs in

dividuels dans chaque gendarmerie et de prendre en compte le mode de calcul des...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du ministre de l'intérieur du 9 janvier 2018 prise après avis de la commission de recours des militaires et rejetant son recours dirigé contre la décision du 6 avril 2017 fixant à 1 206,19 euros le montant de la régularisation des charges d'occupation du logement pour l'année 2013, d'enjoindre à l'Etat de procéder au remboursement des sommes prélevées, et d'enjoindre à l'Etat de procéder à l'installation de compteurs individuels dans chaque gendarmerie et de prendre en compte le mode de calcul des charges dans le logiciel " autocharges ".

Par un jugement n° 1800668 du 24 septembre 2019, le tribunal administratif de Nîmes a annulé cette décision, enjoint au ministre de l'intérieur de verser à M. C... les sommes prélevées en exécution de la décision du 9 janvier 2018, et rejeté le surplus des conclusions de la requête de M. C....

Procédure devant la Cour :

Par un recours enregistré le 10 octobre 2019, le ministre de l'intérieur demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 24 septembre 2019 ;

2°) de rejeter la demande de M. C... devant le tribunal administratif de Nîmes.

Il soutient que :

- la répartition des charges d'occupation de logement prévue par la circulaire n° 102000 GEND/DSF/SDIL/2BR du 28 décembre 2011, fixe des règles équitables dans la répartition des charges d'occupation en fonction de la multiplicité des situations d'occupation du parc immobilier de la gendarmerie ;

- c'est à tort que les premiers juges ont écarté le principe de la répartition des charges d'occupation en fonction de la surface dès lors que les charges afférentes à la caserne d'Anduze sont collectives puisque les fournisseurs d'énergies et de fluides facturent leurs prestations à la gendarmerie qui procède ensuite à leur répartition à la surface.

M. C... a été mis en demeure de défendre le 9 juin 2020.

Une ordonnance du 9 juin 2020 a fixé la clôture de l'instruction au 9 août 2020 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de la défense ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- code des relations entre le public et l'administration ;

- le décret n° 87-713 du 26 août 1987 ;

- le décret n° 2008-1281 du 8 décembre 2008 ;

- le décret n° 2012-545 du 23 avril 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le ministre de l'intérieur fait appel du jugement n° 1800668 du 24 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a annulé sa décision du 9 janvier 2018 prise après avis de la commission de recours des militaires, rejetant le recours de M. C..., gendarme, dirigé contre la décision du 6 avril 2017 fixant à 1 206,19 euros le montant de la régularisation des charges de chauffage au titre du logement qu'il occupe pour nécessité absolue de service au sein de la caserne d'Anduze au titre de l'année 2013.

2. Aux termes de l'article L. 4145-2 du code de la défense : " Les officiers et sous-officiers de gendarmerie, du fait de la nature et des conditions d'exécution de leurs missions, sont soumis à des sujétions et des obligations particulières en matière d'emploi et de logement en caserne. ". Aux termes de l'article R. 2124-71 du code général de la propriété des personnes publiques : " Le bénéficiaire d'une concession de logement par nécessité absolue de service ou d'une convention d'occupation précaire avec astreinte supporte l'ensemble des réparations locatives et des charges locatives afférentes au logement qu'il occupe, déterminées conformément à la législation relative aux loyers des locaux à usage d'habitation, ainsi que les impôts ou taxes qui sont liés à l'occupation des locaux. Il souscrit une assurance contre les risques dont il doit répondre en qualité d'occupant. ". Aux termes de l'article D. 2124-75 du même code : " Les personnels de tous grades de la gendarmerie nationale en activité de service et logés dans des casernements ou des locaux annexés aux casernements bénéficient d'une concession de logement par nécessité absolue de service. ". Aux termes de l'article D. 2124-75-1 du même code : " La gratuité du logement accordé en application de l'article D. 2124-75 s'étend à la fourniture de l'eau, à l'exclusion de toutes autres fournitures. ".

3. Il résulte des dispositions de l'article R. 2124-71 du code général de la propriété des personnes publiques que les réparations locatives et les charges locatives afférentes au logement occupé par le bénéficiaire d'une concession de logement par nécessité absolue de service sont déterminées conformément à la législation relative aux loyers des locaux à usage d'habitation. La nature de ces réparations et de ces charges figure sur la liste des charges locatives récupérables annexée au décret du 26 août 1987 pris en application de l'article 18 de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.

4. D'une part, aux termes de l'article R. 131-7 du code de la construction et de l'habitation applicable au litige : " I.- Dans les immeubles collectifs équipés des appareils prévus à l'article R. 131-2, les frais de chauffage afférents à l'installation commune sont divisés, d'une part, en frais de combustible ou d'énergie et, d'autre part, en autres frais de chauffage tels que les frais relatifs à la conduite et à l'entretien des installations de chauffage et les frais relatifs à l'utilisation d'énergie électrique (ou éventuellement d'autres formes d'énergie) pour le fonctionnement des appareillages, notamment les instruments de régulation, les pompes, les brûleurs et les ventilateurs. II.- Les frais de combustible ou d'énergie sont répartis entre les locaux desservis en distinguant des frais communs et des frais individuels. (...) Le total des frais individuels s'obtient par différence entre le total des frais de combustible ou d'énergie et les frais communs calculés comme il est dit ci-dessus. Ce total est réparti en fonction des indications fournies par les appareils prévus à l'article R. 131-2, les situations ou configurations thermiquement défavorables des locaux pouvant être prises en compte. (...) ".

5. D'autre part, les charges afférentes au combustible ou à la fourniture d'énergie nécessaires au chauffage collectif des locaux privatifs et des parties communes sont mentionnées sur la liste annexée au décret du 26 août 1987 citée au point 3. A moins que l'immeuble concerné entre dans le champ des exceptions énumérées à l'article R. 131-3 du code de la construction et de l'habitation, eu égard notamment à la date de délivrance du permis de construire et à l'existence d'une impossibilité technique à poser des compteurs individuels, il y a lieu de tenir compte, pour déterminer le montant de ces charges, du principe de l'individualisation des frais de chauffage collectif posé à l'article R. 131-2 précité de ce code, alors même que ces dispositions réglementaires ne se rapportent pas à la législation relative aux loyers des locaux à usage d'habitation. Cependant, en l'absence de réglementation spécifique au cas de la concession du logement par nécessité absolue de service dont bénéficient les personnels de tous grades de la gendarmerie nationale en activité de service, au sein de casernements ou de locaux annexés à ceux-ci, le ministre de l'intérieur peut légalement faire application du pouvoir qui lui appartient de réglementer la situation des agents placés sous ses ordres pour adapter, dans le respect du principe d'individualisation des charges de chauffage collectif, les dispositions de l'article R. 131-7 du code de la construction et de l'habitation, dans leur rédaction applicable en 2013, lesquelles prévoient la répartition des frais de combustible ou d'énergie dans les immeubles collectifs faisant partie d'une copropriété à usage entièrement locatif.

6. Il résulte de l'instruction que le montant des charges réclamées après régularisation à M. C... au titre de l'année 2013 a été déterminé, s'agissant des frais de chauffage, en fonction, d'une part, de la surface habitable du logement occupé par l'intéressé, d'autre part, du nombre de ses jours de présence à l'unité. Il est constant que ce logement, comme les autres logements de la caserne d'Anduze, est muni d'un appareil permettant d'individualiser les frais de chauffage collectif.

7. L'administration a fixé le montant des charges dues par M. C... en faisant application des principes prescrits par la circulaire du ministre de l'intérieur n° 102000 du 28 décembre 2011 relative à la gestion des charges d'occupation au sein de la gendarmerie. Cette circulaire a été mise en ligne le 23 janvier 2013 sur le site internet relevant du Premier ministre alors prévu au premier alinéa de l'article 1er du décret du 8 décembre 2008 relatif aux conditions de publication des instructions et circulaires, actuellement repris à l'article R. 312-8 du code des relations entre le public et l'administration.

8. Aux termes par ailleurs de l'article 1.3 de la circulaire du 28 décembre 2011 précitée : " Les charges imputables à l'Etat et aux parties prenantes individuelles (PPI) que sont les occupants (...) doivent être strictement séparées et individualisées. Elles sont, autant que faire se peut, calculées en fonction d'éléments objectifs tels que la consommation réelle (...) ou au prorata des surfaces habitables des locaux de services et techniques (LST) et des logements et du temps d'occupation (...) ". A ce titre, l'article 4.3.1 de la même circulaire dispose que " Le coût du ou des combustibles nécessaires au fonctionnement du ou des systèmes de chauffage collectif (...) est réparti exclusivement au prorata des surfaces chauffées et du nombre de jours de chauffage imputable à chaque PPI. Tout autre mode de répartition est formellement proscrit afin de préserver le principe d'équité attaché à la vie en collectivité. " et précise que " le choix dans l'attribution du logement n'étant pas laissé à la discrétion de l'occupant, la répartition du chauffage collectif au prorata des surfaces chauffées sera réalisée à l'échelle de la caserne afin de respecter le principe d'équité attaché à la vie en collectivité. ". Ainsi, l'article 4.3.2.2., applicable aux ensembles immobiliers dont la facturation des charges de chauffage n'est pas individualisée par logement, confirme que " l'ensemble des dépenses de combustible concourant à la prestation de chauffage collectif de la caserne est réparti exclusivement au prorata des surfaces chauffées et du nombre de jours de chauffage imputable à chaque PPI et ce, même si différents types de chauffage ou de fluides sont utilisés. ". A l'inverse, l'article 4.3.3., définissant les règles applicables aux logements dont la facturation des charges de chauffage est individualisée par logement, indique que les occupants doivent s'acquitter directement des factures auprès du prestataire de service. Il résulte nécessairement de ces dispositions que le ministre a estimé que les charges de chauffage devaient être calculées en principe au prorata des surfaces habitables des logements et du temps d'occupation et qu'elles ne correspondent à la consommation réelle que lorsque les logements ne sont pas raccordés à un équipement de chauffage collectif mais sont équipés d'un système de chauffage individuel impliquant la souscription d'un abonnement individuel auprès d'un prestataire de service, lequel établit les factures en fonction des relevés effectués sur des compteurs posés dans chaque logement. Ces dispositions ont pour effet de maintenir le calcul des charges de chauffage collectif en fonction des surfaces habitables des logements et du temps d'occupation, y compris lorsque les logements sont équipés de compteurs individuels qui ne seraient pas contrôlés par un fournisseur d'énergie.

9. Il résulte notamment de l'article 4.3.1 de la circulaire du 28 décembre 2011 que celle-ci vise à prendre en considération la situation particulière des gendarmes, statutairement tenus d'occuper un logement concédé par nécessité absolue de service qui leur est imposé, par opposition aux locataires du secteur civil. Cette circulaire a entendu fixer pour l'ensemble des cas " des règles équitables " et " intégrer la multiplicité des situations, en s'inspirant des règles de droit commun ". Si l'administration soutient que les dispositions citées au point précédent répondent à un souci d'équité, en ce qu'elles instaurent une péréquation systématique des charges de chauffage collectif entre occupants, elles méconnaissent en réalité le principe d'individualisation des charges prescrit par l'article R. 131-2 du code de la construction et de l'habitation, principe qui vise au surplus à la réalisation d'économies d'énergie. En conséquence, ces dispositions n'ont pu légalement fonder la régularisation des charges de chauffage notifiée à M. C... au titre de l'année 2013.

10. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement attaqué.

D É C I D E :

Article 1er : Le recours du ministre de l'intérieur est rejeté.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... C....

Délibéré après l'audience du 23 mars 2021, où siégeaient :

- M. Badie, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. A..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 avril 2021.

N° 19MA04487 2


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Armées et défense - Personnels militaires et civils de la défense - Questions communes à l'ensemble des personnels militaires - Soldes et avantages divers.

Armées et défense - Personnels militaires et civils de la défense - Questions communes à l'ensemble des personnels militaires.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. Didier URY
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre
Date de la décision : 06/04/2021
Date de l'import : 20/04/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19MA04487
Numéro NOR : CETATEXT000043385849 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-04-06;19ma04487 ?
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