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06/04/2021 | FRANCE | N°19MA01814

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 06 avril 2021, 19MA01814


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C... A... ont demandé au tribunal administratif de Bastia de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2012, ainsi que des pénalités y afférentes.

Par l'article 1er du jugement n° 1700659 du 20 décembre 2018, le tribunal administratif de Bastia a réduit de 992 000 euros le montant de la plus-value retenu par l'adminis

tration pour l'établissement des impositions en litige, par l'article 2 de ce jug...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C... A... ont demandé au tribunal administratif de Bastia de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2012, ainsi que des pénalités y afférentes.

Par l'article 1er du jugement n° 1700659 du 20 décembre 2018, le tribunal administratif de Bastia a réduit de 992 000 euros le montant de la plus-value retenu par l'administration pour l'établissement des impositions en litige, par l'article 2 de ce jugement a déchargé M. et Mme A... des impositions en litige au titre de l'année 2012 dans la mesure résultant de ce qui a été dit à l'article 1er, par son article 3 a déchargé M. et Mme A... des pénalités pour manquement délibéré mises à leur charge au titre de l'année 2012, et, par l'article 4 de ce jugement, a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 19 avril 2019 et le 4 septembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 1er à 4 du jugement du tribunal administratif de Bastia du 20 décembre 2018 ;

2°) de remettre à la charge de M. et Mme A... la somme de 317 315 euros au titre de l'impôt sur le revenu, de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et des contributions sociales au titre de l'année 2012, ainsi que les pénalités pour manquement délibéré au titre de l'année 2012 pour un montant de 489 662 euros ;

3°) de rejeter l'appel incident de M. et Mme A....

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a estimé que le prix de cession des actions de la société Sud Investissement Participation devait être diminué du montant versé au titre d'une clause de garantie d'actif ;

- c'est à tort que le tribunal a prononcé la décharge de la majoration pour manquement délibéré ;

- le moyen soulevé par M. et Mme A... n'est pas fondé.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 1er juillet 2019 et le 8 octobre 2019, M. et Mme A..., représentés par Me B..., demandent à la Cour :

1°) de rejeter la requête du ministre de l'action et des comptes publics ;

2°) de prononcer la décharge de la totalité des impositions et pénalités en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les moyens soulevés par le ministre de l'action et des comptes publics ne sont pas fondés ;

- ils étaient en droit de bénéficier du dispositif d'abattement prévu par l'article 150-0 D ter du code général des impôts au titre de la cession des actions de la société Sud Investissement Participation, dès lors que les conditions étaient remplies par Mme A....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de Mme Boyer, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant M. et Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue d'un contrôle sur pièces du dossier de M. et Mme A..., l'administration fiscale a remis en cause l'exonération sous le bénéfice de laquelle avait été placée la plus-value réalisée lors de la cession, le 20 juin 2012, des actions de la société Sud Investissement Participation. Le ministre de l'action et des comptes publics fait appel du jugement du tribunal administratif de Bastia du 20 décembre 2018 en tant qu'il a réduit de 992 000 euros le montant de la plus-value retenu par l'administration pour l'établissement des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales auxquelles M. et Mme A... ont ainsi été assujettis, prononcé la décharge de ces suppléments d'impôt dans cette mesure, ainsi que la décharge des pénalités pour manquement délibéré, et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. M. et Mme A..., par la voie de l'appel incident, demandent que soit prononcée la décharge totale des impositions et pénalités en litige.

Sur le bien-fondé des impositions :

2. Aux termes du 1 du I de l'article 150-0 A du code général des impôts : " (...) les gains nets retirés des cessions à titre onéreux (...) de valeurs mobilières, de droits sociaux (...) sont soumis à l'impôt sur le revenu (...) ". Aux termes du 1 de l'article 150-0 D du même code, dans sa rédaction applicable à l'année en litige : " Les gains nets mentionnés au I de l'article 150-0 A sont constitués par la différence entre le prix effectif de cession des titres ou droits, net des frais et taxes acquittés par le cédant, et leur prix effectif d'acquisition par celui-ci ou, en cas d'acquisition à titre gratuit, leur valeur retenue pour la détermination des droits de mutation ". Aux termes de l'article 150-0 D bis de ce code, alors en vigueur : " I. - 1. Les gains nets mentionnés au 1 de l'article 150-0 D et déterminés dans les conditions du même article retirés des cessions à titre onéreux d'actions, de parts de sociétés (...) sont réduits d'un abattement d'un tiers pour chaque année de détention au-delà de la cinquième (...). / V. - Pour l'application du 1 du I, la durée de détention est décomptée à partir du 1er janvier de l'année d'acquisition ou de souscription des titres ou droits, et : / (...) 6° Pour les titres ou droits acquis ou souscrits avant le 1er janvier 2006, à partir du 1er janvier 2006 (...) ". Aux termes de l'article 150-0 D ter du même code, dans sa rédaction applicable à l'année en litige : " I. - L'abattement prévu à l'article 150-0 D bis (...) s'applique dans les mêmes conditions, à l'exception de celles prévues au V du même article, aux gains nets réalisés lors de la cession à titre onéreux d'actions, de parts (...), acquis ou souscrits avant le 1er janvier 2006, si les conditions suivantes sont remplies : / 1° La cession porte sur l'intégralité des actions, parts ou droits détenus par le cédant dans la société dont les titres ou droits sont cédés (...) ; 2° Le cédant doit : / a) Avoir exercé au sein de la société dont les titres ou droits sont cédés, de manière continue pendant les cinq années précédant la cession et dans les conditions prévues au 1° de l'article 885 O bis, l'une des fonctions mentionnées à ce même 1° ; (...) / b) Avoir détenu directement ou par personne interposée ou par l'intermédiaire de son conjoint ou de leurs ascendants ou descendants ou de leurs frères et soeurs, de manière continue pendant les cinq années précédant la cession, au moins 25 % des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux de la société dont les titres ou droits sont cédés ; / c) Cesser toute fonction dans la société dont les titres ou droits sont cédés et faire valoir ses droits à la retraite dans les deux années suivant ou précédant la cession (...) ".

3. Il résulte de l'instruction que M. et Mme A..., dans leur déclaration relative à la plus-value de cession des actions de la société Sud Investissement Participation, ont indiqué que le prix de cession s'est élevé à 2 992 002 euros. A l'issue du contrôle sur pièces du dossier de M. et Mme A..., l'administration fiscale, constatant que le prix de cession unitaire stipulé par l'acte de cession du 20 juin 2012 s'élevait à 8 euros, soit 3 992 000 euros pour les 499 000 actions en cause, a imposé une plus-value de cession correspondant à la différence entre ce prix et le prix d'acquisition des actions. M. et Mme A... font valoir que la valeur des actions cédées avait été déterminée en tenant compte, notamment, d'une plus-value latente de 1 200 000 euros susceptible d'être réalisée par la société civile immobilière (SCI) Le Donatello, qui est une filiale de la société Sud Investissement Participation, dans le cadre de la réalisation, à Sanary-sur-Mer, d'une opération immobilière, et que le prix de cession des actions a été réduit de 992 000 euros par un avenant du 14 juin 2013 au protocole de cessions d'actions, au motif que la SCI Le Donatello avait été contrainte d'abandonner son projet. Toutefois, d'une part, il est constant que l'acte de cession signé le 20 juin 2012 ne comportait aucune clause de révision ultérieure du prix et précisait au contraire en son article 3 que le prix de cession était déterminé " de façon ferme, définitive et non révisable sur la base du bilan clos au 31 décembre 2011 ". D'autre part, à défaut d'avoir été enregistré, l'avenant du 14 juin 2013 n'a pas date certaine et ne peut justifier la minoration du prix de cession des actions de la société Sud Investissement Participation. M. et Mme A... font valoir que le prix de cession pouvait être modifié postérieurement à la signature de l'acte de cession du 20 juin 2012, dès lors que cet acte comporte en son article 5 une clause de garantie d'actif et de passif, établie sur la base du bilan clos au 31 décembre 2011. Toutefois, et en tout état de cause, il n'est pas établi que l'actif de la société dont les actions ont été cédées aurait subi une dépréciation complète et irréversible en raison de l'annulation par le tribunal administratif de Toulon du plan local d'urbanisme de Sanary-sur-Mer, d'ailleurs postérieure à la clôture du bilan de l'exercice 2011, et de l'introduction de recours intentés contre le permis de construire dont la SCI Le Donatello bénéficiait, alors qu'il résulte notamment d'un acte du 7 octobre 2014 portant règlement de copropriété de la résidence " Le Donatello " que la réalisation du programme immobilier initié par la SCI s'est poursuivie. De même, la seule circonstance que ces événements ont retardé la réalisation du projet ne saurait justifier la révision du prix de cession stipulé. Il résulte de ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour réduire le montant de la plus-value retenu pour l'établissement des impositions contestées, les premiers juges ont estimé que le prix de cession des actions de la société Sud Investissement Participation avait été révisé en application d'une clause de garantie d'actif.

4. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par M. et Mme A... devant le tribunal administratif de Bastia et repris en appel, relatif au bienfondé des impositions faisant l'objet du recours du ministre de l'action et des comptes publics.

5. Il résulte des dispositions citées au point 2 qui, compte tenu de leur caractère dérogatoire, doivent être interprétées strictement, que le bénéfice de l'abattement prévu à l'article 150-0 D ter du code général des impôts est subordonné au respect de plusieurs conditions relatives à la personne du cédant, tenant notamment à l'exercice effectif de fonctions de direction normalement rémunérées au sein de la société dont les titres sont cédés et à la cessation de toute fonction au sein de cette même société dans l'année suivant la cession. Par suite, le respect de ces conditions s'apprécie nécessairement, dans le cas d'un couple marié, au niveau de chaque conjoint pris isolément, alors même que le législateur a prévu, au b du 2° de l'article 150-0 D ter, que la condition relative à la détention de manière continue pendant les cinq années précédant la cession d'au moins 25 % des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux de la société dont les titres sont cédés doit être appréciée tant au regard des titres détenus directement par le cédant que des titres détenus par l'intermédiaire d'autres membres de son groupe familial et notamment par son conjoint. Si les dispositions du 1 de l'article 6 du code général des impôts soumettent les personnes mariées à une imposition commune pour les revenus perçus par chacune d'elles, cette règle n'implique pas, par elle-même, d'apprécier au niveau du foyer fiscal le respect des conditions d'éligibilité à l'abattement pour durée de détention applicable aux cessions réalisées par les dirigeants de sociétés lors de leur départ en retraite. Enfin, la circonstance que les époux seraient mariés sous le régime de la communauté légale et que le prix versé à chaque époux en contrepartie de la cession des titres serait, en application des règles civiles applicables à ce régime matrimonial, porté à l'actif de la communauté, est sans incidence sur l'appréciation individuelle que requiert l'application des dispositions fiscales en cause.

6. M. et Mme A..., qui ne contestent pas que, selon les mentions de la liasse fiscale déposée par la société Sud Investissement Participation au titre de l'exercice clos en 2011, M. A... détenait les actions cédées le 20 juin 2012, ne démontrent pas par la seule production de l'acte de cession, rédigé sous seing privé, les désignant comme les cédants et mentionnant qu'ils sont mariés sous le régime de la communauté universelle, qu'ils devraient être regardés comme ayant cédé conjointement les actions en cause. Par suite, dès lors que M. A..., qui disposait ainsi de la qualité de cédant au sens de l'article 150-0 D ter du code général des impôts, a fait valoir ses droits à la retraite en 2002, soit plus de deux ans avant la cession, il ne pouvait se prévaloir du bénéfice de l'abattement prévu par cet article. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration fiscale a imposé la plus-value de cession des actions de la société Sud Investissement Participation.

Sur les pénalités :

7. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (...) entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) ".

8. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que M. A... ne pouvait ignorer qu'il était seul propriétaire des actions cédées et qu'il ne remplissait pas la condition tenant à la date de son départ en retraite. Par ailleurs, il ne pouvait ignorer qu'aucune révision du prix de cession stipulé ne pouvait être justifiée par une dépréciation des actifs de la société Sud Investissement Participation résultant du jeu d'une garantie d'actif. Le ministre est donc fondé à soutenir que le tribunal administratif de Bastia a retenu à tort que l'administration n'apportait pas la preuve d'un manquement délibéré de M. et Mme A... à leurs obligations fiscales.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bastia a réduit de 992 000 euros le montant de la plus-value retenu par l'administration pour l'établissement des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales auxquelles M. et Mme A... ont été assujettis au titre de l'année 2012, prononcé la décharge de ces suppléments d'impôt dans cette mesure, ainsi que la décharge des pénalités pour manquement délibéré, et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et à demander la remise à la charge des intéressés de ces impositions et pénalités.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par M. et Mme A... et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Les articles 1er à 4 du jugement n° 1700659 du 20 décembre 2018 du tribunal administratif de Bastia sont annulés.

Article 2 : Les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales, ainsi que les pénalités correspondantes et la majoration pour manquement délibéré dont les premiers juges ont prononcé la décharge sont remises à la charge de M. et Mme A..., pour un montant total de 806 977 euros.

Article 3 : Les conclusions d'appel incident présentées par M. et Mme A... et leurs conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à M. et Mme C... A....

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 23 mars 2021, où siégeaient :

- M. Antonetti, président,

- M. Barthez, président assesseur,

- Mme D..., premier conseiller.

Rendu public pas mise à disposition au greffe, le 6 avril 2021.

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N° 19MA01814

nc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA01814
Date de la décision : 06/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Amendes - pénalités - majorations - Pénalités pour manquement délibéré (ou mauvaise foi).

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Revenus des capitaux mobiliers et assimilables - Plus-values de cession de droits sociaux - boni de liquidation.


Composition du Tribunal
Président : M. ANTONETTI
Rapporteur ?: Mme Florence MASTRANTUONO
Rapporteur public ?: Mme BOYER
Avocat(s) : CONSULTIS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-04-06;19ma01814 ?
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