La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/04/2021 | FRANCE | N°19MA05760

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 01 avril 2021, 19MA05760


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H... C..., Mme A... C..., Mme G... C... et M. E... C... ont demandé au tribunal administratif de Bastia de mettre à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des infections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) la somme de 414 320 euros en réparation des préjudices subis par Mme F... B... du fait de l'aggravation de son état de santé en raison de sa contamination par le virus de l'hépatite C.

Par un jugement n° 1701253 du 17 octobre 2019, le tribunal admi

nistratif de Bastia a mis à la charge de l'ONIAM le versement aux ayants-droit...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H... C..., Mme A... C..., Mme G... C... et M. E... C... ont demandé au tribunal administratif de Bastia de mettre à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des infections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) la somme de 414 320 euros en réparation des préjudices subis par Mme F... B... du fait de l'aggravation de son état de santé en raison de sa contamination par le virus de l'hépatite C.

Par un jugement n° 1701253 du 17 octobre 2019, le tribunal administratif de Bastia a mis à la charge de l'ONIAM le versement aux ayants-droit de Mme B... d'une somme de 8 000 euros.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 23 décembre 2019 et le 5 octobre 2020, M. H... C..., M. E... C... et Mme G... C..., représentés par Me D..., demandent à la cour :

1°) de réformer le jugement du 17 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Bastia a limité à la somme de 8 000 euros l'indemnité mise à la charge de l'ONIAM en réparation du préjudice subi par Mme B... ;

2°) de porter à la somme de 384 320 euros le montant de l'indemnité due ;

3°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les troubles dans les conditions d'existence n'ont pas été indemnisés dans le cadre de la transaction du 14 août 2013 ;

- la transaction ne fait pas obstacle à une demande indemnitaire liée à l'aggravation de l'état de santé ;

- l'état de santé de Mme B... s'est aggravé entre le 28 mars 2012, date de la consolidation de son état de santé, et son décès, le 1er février 2014 ;

- Mme B... a eu besoin de l'aide d'une tierce personne 24 heures par jour au moins à partir du mois de janvier 2013 ;

- le déficit fonctionnel permanent doit être fixé à 100% à partir du mois de mai 2013 ;

- le préjudice spécifique de contamination doit être indemnisé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mai 2020, l'ONIAM, représenté par la SELARL Birot, Ravaut et Associés, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le besoin d'assistance par une tierce personne et les troubles dans les conditions d'existence ont été indemnisés dans le cadre du protocole transactionnel du 14 août 2013 ;

- il n'y a pas lieu à la majoration de l'aide d'une tierce personne fixée à 4 heures par jour à compter du mois de mai 2013 ;

- la perte totale d'autonomie n'est pas établie ;

- la fixation à 100% du déficit fonctionnel permanent, évalué à 64%, n'est pas justifiée par l'état de Mme B... ;

- le préjudice de contamination est inclus dans les troubles dans les conditions d'existence qui ont déjà été indemnisées.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme I...,

- et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. H... C..., Mme G... C... et M. E... C..., agissant en leur qualité d'ayants droit de Mme B..., leur épouse et mère, relèvent appel du jugement du 17 octobre 2019 en tant que par celui-ci le tribunal administratif de Bastia, qui a mis à la charge de l'ONIAM la somme de 8 000 euros en réparation des souffrances endurées par Mme B..., du fait de la dégradation de son état de santé à la suite de sa contamination par le virus de l'hépatite C lors d'une transfusion réalisée le 11 février 1981, n'a pas indemnisé l'aggravation du besoin d'aide par une tierce personne et du déficit fonctionnel permanent ni le préjudice spécifique de contamination.

2. Selon l'article 2044 du code civil, la transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître. En vertu de l'article 2052 du même code, un tel contrat a entre les parties l'autorité de la chose jugée en dernier ressort. En vertu de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, l'acceptation de l'offre d'indemnisation de l'ONIAM vaut transaction au sens de l'article 2044 du code civil et a donc, entre les parties, l'autorité de la chose jugée en dernier ressort.

3. Il résulte de l'instruction que par un jugement du 29 février 1996, le tribunal administratif de Bastia a condamné l'ONIAM à verser à Mme B... la somme de 500 000 francs (76 224,51 euros) en réparation des troubles dans les conditions d'existence. A la suite de l'aggravation de son état de santé consécutif à un carcinome hépatocellulaire diagnostiqué le 13 janvier 2010 et à un lupus secondaire au traitement antiviral administré en 2003, l'ONIAM a fixé la date de consolidation de l'état de santé au 28 mars 2012, date du scanner indiquant qu'aucune lésion évolutive du carcinome hépatocellulaire n'était décelable, et a versé, dans le cadre d'un protocole transactionnel signé par Mme B... le 14 août 2013, les sommes de 99 480 euros au titre du déficit fonctionnel permanent fixé à 64% et de 33 287,49 euros au titre des frais d'assistance par une tierce personne évaluée à deux heures par jour tous les jours jusqu'à la fin de sa vie. Une indemnisation complémentaire de 21 199,69 euros a été versée à la victime le 30 août 2013 au titre de l'aide d'une tierce personne dont le nombre d'heures par jour a été portée à quatre compte tenu de la récidive du carcinome hépatocellulaire au mois d'avril 2013, de la nécessité de réaliser une nouvelle cure de chimio-embolisation et d'une neutropénie. Il résulte par ailleurs de l'instruction, et notamment des pièces médicales produites par les parties, que l'état de santé de Mme B... s'est encore aggravé et qu'elle a présenté une thrombose de la veine porte au mois de mai 2013 et a dû être hospitalisée à trois reprises en septembre et en novembre 2013 et en janvier 2014 pour de nouvelles cures de chimio-embolisation avant de décéder des suites d'un cancer du foie le 1er février 2014. Contrairement à ce que fait valoir l'ONIAM, les dispositions des articles 2044 et 2052 du code civil et L. 1142-5 du code de la santé publique ne font pas obstacle à ce que l'office, après avoir indemnisé la victime, l'indemnise à nouveau en raison d'une aggravation de son état de santé. Toutefois, il ne résulte ni des pièces médicales versées au débat, ni des attestations des deux soeurs de Mme B..., que l'aggravation de son état de santé a eu pour conséquence de porter à 100% le taux de son déficit fonctionnel permanent et à 24 heures jour l'aide par une tierce personne.

4. En revanche, le préjudice spécifique de contamination, lié aux inquiétudes légitimes nées de la contamination et des conséquences graves pouvant en résulter pour la personne contaminée par le virus de l'hépatite C, est distinct de celui correspondant aux souffrances physiques et morales endurées et est susceptible d'être indemnisé par le juge administratif. Il n'est pas contesté que, de la date de la révélation de sa contamination par le virus de l'hépatite C, le 6 janvier 1993, jusqu'à son décès des suites de cette contamination, le 1er février 2014, Mme B... a pu légitimement éprouver de l'anxiété en raison même de sa contamination, de l'évolution péjorative de sa maladie et de la dégradation inexorable de son état de santé. Il sera fait une juste appréciation du préjudice qu'elle a subi de ce fait en lui allouant une somme de 20 000 euros.

5. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... J... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a limité à 8 000 euros la somme mise à la charge de l'ONIAM en réparation des préjudices subis par Mme B... et à obtenir que cette somme soit portée à 28 000 euros.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. C... J... et non compris dans les dépens en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La somme de 8 000 euros mise à la charge de l'ONIAM par le jugement du tribunal administratif de Bastia du 17 octobre 2019 est portée à 28 000 euros.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Bastia du 17 octobre 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'ONIAM versera à M. C... J... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. H... C..., M. E... C..., Mme G... C... et à l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des maladies nosocomiales.

Délibéré après l'audience du 18 mars 2021 où siégeaient :

- M. Alfonsi, président de chambre,

- Mme Jorda-Lecroq, présidente-assesseure,

- Mme I..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er avril 2021.

4

N° 19MA05760


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA05760
Date de la décision : 01/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Préjudice - Absence ou existence du préjudice.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Évaluation du préjudice.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: Mme Agnes BOURJADE
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : SELARL BIROT-RAVAUT et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 13/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-04-01;19ma05760 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award