Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner la commune d'Alès à lui verser la somme de 52 470,70 euros, portant intérêts à compter du 31 mars 2016 et capitalisation de ces intérêts, en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité de la décision du 20 février 2013, par laquelle le maire de la commune a refusé de lui proposer la signature d'un contrat à durée indéterminée à compter du 13 mars 2012.
Par un jugement n° 1702960 du 20 septembre 2019, le tribunal administratif de Nîmes a condamné la commune d'Alès à verser à Mme A... la somme de 24 581,60 euros, assortie des intérêts au taux légal depuis le 19 juillet 2018 et de la capitalisation de ces intérêts.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 19 novembre 2019 et 9 septembre 2020, la commune d'Alès, représentée par Me F..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 20 septembre 2019 ;
2°) de rejeter la demande de Mme A... devant le tribunal administratif de Nîmes et ses conclusions d'appel incident ;
3°) de mettre à la charge de Mme A..., outre les dépens de l'instance, la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande indemnitaire présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Nîmes était tardive dès lors que la décision du 25 juillet 2017, simplement confirmative de celle du 22 juin 2017 rejetant sa demande indemnitaire préalable, n'a pu prolonger le délai de recours contentieux de deux mois qui courait à compter de cette dernière décision ;
- les conclusions d'appel incident de Mme A... tendant à l'exécution du jugement attaqué sont irrecevables, faute d'être présentées par une requête distincte ;
- elles sont également irrecevables en ce qu'elles sont présentées à titre principal ;
- à titre subsidiaire, la règle du service fait s'oppose à ce que Mme A... puisse obtenir le versement d'une somme égale au total des traitements qui lui auraient été versés si elle n'avait été évincée du service, en particulier les primes de fin d'année, exclusivement liées à l'exercice effectif des fonctions ;
- le tribunal a commis une erreur au moment de déterminer le montant de l'indemnité allouée à Mme A..., qui s'élève, suivant les bases et modalités de calcul retenues par les premiers juges, à la somme de 70 621,90 euros et non à 71 851,50 euros ;
- le préjudice moral invoqué n'est pas établi.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 26 janvier et 25 septembre 2020, Mme A..., représentée par Me E... et Me D..., conclut, dans le dernier état de ses écritures :
1°) au rejet de la requête ;
2°) par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement attaqué pour porter à la somme globale de 52 791,60 euros le montant de l'indemnité allouée et pour assortir cette somme des intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2016, et de la capitalisation de ces intérêts le 29 novembre 2017 ;
3°) à la condamnation de la commune d'Alès à lui verser une indemnité totale d'un montant égal à 100 euros par jour depuis la notification du jugement attaqué ou une somme globale de 35 000 euros, au titre de la carence à exécuter ce jugement ;
4°) à ce que soit mise à la charge de la commune d'Alès, outre les entiers dépens de l'instance, le versement de la somme de 3 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la responsabilité de la commune est engagée à son égard à raison de sa carence à exécuter le jugement du 20 septembre 2019, et justifie qu'elle soit condamnée à lui verser une somme de 100 euros par jour de retard depuis la date de ce jugement ;
- le jugement attaqué devra être confirmé en ce qu'il alloue la somme de 24 260,70 euros au titre des pertes de revenus ;
- il y a lieu de lui allouer, en outre, une indemnité d'un montant de 28 210 euros au titre de son préjudice moral ;
- elle a droit aux intérêts moratoires à compter du 13 mars 2012 et à la capitalisation de ces intérêts à compter du 13 mars 2013.
Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir serait susceptible d'être fondé sur le moyen d'ordre public relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions de Mme A... tendant au versement à son profit d'une indemnité d'un montant égal à 100 euros par jour depuis la notification du jugement attaqué ou une somme globale de 35 000 euros en ce qu'elles sont présentées pour la première fois en appel et reposent sur un fondement distinct des demandes de première instance ou, à supposer qu'elles tendent à l'exécution sous astreinte du jugement attaqué, il revient à l'intéressée, conformément aux dispositions de l'article L. 911-9 du code de justice administrative, de demander au préfet le mandatement d'office de l'indemnité allouée par le tribunal administratif de Nîmes.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,
- et les observations de Me F..., représentant la commune d'Alès.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêt n° 15MA000253 du 29 mars 2016, la cour a annulé le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 20 septembre 2019 rejetant la demande de Mme A..., agent contractuelle embauchée le 1er février 2005 par la commune d'Alès en qualité d'adjoint technique territorial, tendant à l'annulation de la décision née le 20 février 2013 par laquelle le maire a implicitement refusé de renouveler son engagement pour une durée indéterminée. La commune d'Alès relève appel du jugement du 20 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Nîmes l'a condamnée à verser à Mme A... la somme de 24 581,60 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité de la décision du 20 février 2013.
Sur les conclusions indemnitaires :
En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée (...). ".
3. La demande de Mme A..., présentée par courrier de son conseil du 6 juin 2017, tendant au rappel des traitements qui ne lui ont pas été versés pendant son éviction du service, auxquels elle ne pouvait au demeurant prétendre en l'absence de service fait, n'a pas le même objet que celle, présentée par courrier du 18 juillet 2017, tendant à l'indemnisation du préjudice financier résultant des pertes de revenus qu'elle a subies du fait de l'illégalité de la décision du 20 février 2013. Ainsi, le courrier du 25 juillet 2017 par lequel le conseil de la commune a rejeté la seconde de ces demandes ne peut, en tout état de cause, être regardé comme confirmatif de celui du 22 juin 2017 rejetant la première. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont écarté la fin de non-recevoir opposée par la commune d'Alès à l'encontre de la demande enregistrée par Mme A... au greffe du tribunal administratif de Nîmes le 26 septembre 2017.
4. En second lieu, c'est à bon droit que les premiers juges, par des motifs qu'il y a lieu d'adopter, ont rejeté comme irrecevables, faute pour l'intéressée d'avoir lié le contentieux sur ce point, les conclusions de Mme A... tendant à la réparation de son préjudice moral.
En ce qui concerne le bien-fondé des conclusions indemnitaires :
5. L'illégalité de la décision par laquelle le maire d'Alès a refusé de renouveler le contrat de travail de Mme A... arrivé à expiration le 31 mars 2012, constatée par l'arrêt de la cour mentionné au point 1, constitue, ainsi que les premiers juges l'ont justement retenu, une faute de nature à engager la responsabilité de la commune à l'égard de l'intéressée, qui est, par suite, fondée à demander réparation des préjudices résultant d'une telle faute et, notamment, du préjudice correspondant à la perte des rémunérations et accessoires de rémunération dont elle a été privée du fait de son éviction illégale.
6. Pour l'évaluation du préjudice mentionné au point précédent, il y a lieu de prendre en compte le montant des traitements que la requérante aurait dû percevoir durant la période d'éviction illégale, augmenté des primes et indemnités qu'elle avait une chance sérieuse de percevoir, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, étaient seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions, et dont doivent être déduits les revenus de toute nature qu'elle a pu percevoir au cours de la période considérée.
7. Il résulte de l'instruction que Mme A... percevait un traitement net mensuel de 1 229,20 euros, dont elle a été irrégulièrement privée entre les mois d'avril 2012 et novembre 2016, soit une perte de gains professionnels de 68 835,20 euros. Il résulte encore de l'instruction que l'intéressée percevait une prime de fin d'année dont le montant était déterminée par l'autorité hiérarchique en tenant compte, notamment, de l'assiduité de l'agent et de sa manière de servir. Si Mme A... ne saurait prétendre, ainsi que le soutient la commune d'Alès, au versement d'une indemnité égale aux primes d'intéressement et de rendement qui auraient pu lui être versées si elle n'avait pas été évincée du service, s'agissant de compléments de rémunération liés à l'exercice effectif des fonctions, elle est en revanche fondée à demander la réparation de sa perte de chance sérieuse de percevoir ces primes, qu'il y a lieu d'évaluer, eu égard aux éléments versés à l'instruction, à la somme globale de 728 euros par an, soit 3 640 euros pour l'ensemble de la période d'éviction du service, ce qui porte à la somme totale de 72 475,20 € le montant des indemnités qui lui sont dues à raison de son éviction illégale du service.
8. Il y a lieu, toutefois, de déduire de ce manque à gagner le total des revenus de remplacement dont elle a bénéficié au cours de cette même période, constitués d'allocations versées par l'organisme Pôle emploi, de revenus professionnels et d'indemnités journalières de sécurité sociale.
9. Il résulte de l'instruction que l'intéressée a perçu 6 537,80 euros d'indemnités journalières de sécurité sociale au titre de l'année 2012, puis 8 981,70 euros au titre de l'année 2013. En outre, elle allègue, par un tableau détaillé, avoir perçu des indemnités journalières d'un montant cumulé de 11 680,12 euros, 9 232,48 euros et 7 022,31 euros, respectivement pour les années 2014, 2015, 2016. Elle a également perçu des allocations de retour à l'emploi d'un montant total de 1 693,88 euros, 3 036,20 euros, 11 680,12 euros, 9 544,48 euros et 1 967,46 euros soit 21 419,76 euros, respectivement pour les années 2012 à 2016. Enfin, elle a perçu 818,84 euros au cours du mois de novembre 2016 d'une activité salariée. Le montant total des revenus de remplacement ainsi perçus par Mme A... s'élevant à la somme de 72 195,39 euros, l'indemnité à laquelle elle est en droit de prétendre en réparation du préjudice financier résultant de son éviction illégale du service doit, en vertu des principes qui ont été rappelés ci-dessus, être fixée à la somme de 279,81 euros.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la commune d'Alès est seulement fondée à demander que le montant de l'indemnité qu'elle doit verser à Mme A... soit ramené à la somme de 279,81 euros.
Sur les conclusions présentées pour la première fois en appel par Mme A... :
11. Par ses conclusions tendant au versement à son profit d'une indemnité d'un montant égal à 100 euros par jour depuis la notification du jugement attaqué ou une somme globale de 35 000 euros, au titre de la carence à exécuter ce jugement, Mme A... ne demande la réparation des carences de la commune à exécuter ledit jugement. Ces conclusions, qui présentent le caractère de conclusions nouvelles en appel, doivent être rejetées comme irrecevables.
12. A supposer que Mme A... ait demandé l'exécution d'office du jugement attaqué, de telles conclusions ne sont pas davantage recevables dès lors qu'il lui revient, conformément aux dispositions L. 911-9 du code de justice administrative, de demander au représentant de l'Etat de procéder au mandatement d'office de l'indemnité allouée par les premiers juges.
Sur les intérêts au taux légal et la capitalisation des intérêts :
13. Les intérêts moratoires, dus en application de l'article 1231-6 du code civil, lorsqu'ils ont été demandés, et quelle que soit la date de cette demande, courent à compter du jour où la demande de paiement du principal est parvenue à l'administration. Mme A..., qui n'apporte aucun élément de nature établir que sa demande indemnitaire préalable présentée par courrier du 18 juillet 2017 est parvenue avant le 19 juillet 2017, n'est pas fondée à demander, sur ce point, la réformation du jugement attaqué. Elle n'est pas davantage fondée, par suite, à demander que la capitalisation de ces intérêts soit prononcée à compter du 29 novembre 2017.
Sur les frais liés au litige :
14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à chacune des parties la charge des frais qu'elle a exposés dans la présente instance.
D E C I D E :
Article 1er : La somme de 24 581,60 euros que la commune d'Alès été condamnée à verser à Mme A... par le jugement du tribunal administratif de Nîmes n° 1702960 du 20 septembre 2019 est ramenée à 279,81 euros.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 20 septembre 2019 est reformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et à la commune d'Alès.
Délibéré après l'audience du 18 mars 2021, où siégeaient :
- M. Alfonsi, président,
- Mme Jorda-Lecroq, présidente-assesseure,
- M. B..., conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er avril 2021.
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N° 19MA04947