Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... F... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision, née le 13 juin 2017, par laquelle le directeur du centre hospitalier de la Dracénie a implicitement rejeté sa demande tendant au réexamen de sa situation administrative, à sa réintégration sur un poste d'aide-soignant en contact avec des patients et au versement de la nouvelle bonification indiciaire (NBI), d'enjoindre au centre hospitalier de réexaminer sa situation et de le réintégrer sur un poste d'aide-soignant en contact avec des patients et, enfin, de condamner le centre hospitalier à lui verser la somme de 11 567,60 euros en réparation des préjudices subis, assortie des intérêts moratoires.
Par un jugement n° 1702088 du 17 juin 2019, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 19 août 2019, M. F..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 17 juin 2019 du tribunal administratif de Toulon ;
2°) d'annuler la décision implicite du 13 juin 2017 du directeur du centre hospitalier de la Dracénie ;
3°) d'enjoindre au centre hospitalier de la Dracénie de réexaminer sa situation et de le réintégrer sur un poste d'aide-soignant en contact avec des patients ;
4°) de condamner le centre hospitalier de la Dracénie à lui verser la somme de 12 956,90 euros, assortie des intérêts moratoires y afférents ;
5°) de mettre à la charge du centre hospitalier de la Dracénie le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier en ce que le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de la rupture d'égalité de traitement entre agents ;
- il est insuffisamment motivé en ce que le tribunal n'a pas répondu à l'ensemble des arguments formulés ;
- la décision contestée n'est pas motivée ;
- le refus de le réaffecter sur son ancien poste constitue une sanction déguisée ;
- en décidant de le sanctionner sans suivre la procédure disciplinaire, l'administration a entaché sa décision de vice de procédure ;
- les faits sur lesquels repose cette sanction ne sont pas établis ;
- le principe non bis in idem interdisait à l'administration de le sanctionner une seconde fois pour les mêmes faits ;
- l'article L. 122-42 du code du travail proscrit le recours à des amendes et sanctions pécuniaires ;
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, il présentait davantage de mérites que les candidats finalement sélectionnés pour occuper les postes qu'il convoitait ;
- le changement d'affectation litigieux est illégal en ce que les tâches qu'il est amené à accomplir ne correspondent pas à celles d'un aide-soignant ;
- ce changement d'affectation, provisoire, aurait dû conduire l'administration à le réintégrer sur son poste d'origine dès le classement sans suite de la plainte pénale déposée contre lui ;
- l'administration méconnait le principe d'égalité de traitement entre agents en ce qu'il est le seul à ne pouvoir effectuer des gardes et astreintes ;
- il est victime de harcèlement moral et de discrimination ;
- son préjudices financier, résultant des refus de sa hiérarchie de lui permettre d'effectuer des gardes et astreintes et de la perte de sa NBI, est à l'origine d'un préjudice financier qui s'élève à la somme de 7 956,90 euros ;
- il est fondé à demander la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 6 septembre et 19 octobre 2020, le centre hospitalier de la Dracénie, représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. F... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par M. F... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n°93-92 du 19 janvier 1993 ;
- le décret n° 2007-1188 du 3 août 2007 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport M. B...,
- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,
- les observations de Me D..., représentant M. F..., et de Me E... substituant C..., pour le centre hospitalier de la Dracénie.
Considérant ce qui suit :
1. M. F..., aide-soignant de classe normale employé par le centre hospitalier de la Dracénie, a été affecté au service de bionettoyage par une décision du directeur de l'établissement du 31 août 2012. Il relève appel du jugement du tribunal administratif de Toulon du 17 juin 2019 rejetant sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite, née le 13 juin 2017, par laquelle le directeur du centre hospitalier a refusé de réexaminer sa situation et de le muter sur un poste d'aide-soignant, à ce qu'il soit enjoint au centre hospitalier de le muter sur un poste d'aide-soignant et à la condamnation de l'établissement à l'indemniser des préjudices subis.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article 3 du décret susvisé du 3 août 2007 portant statut particulier du corps des aides-soignants et des agents des services hospitaliers qualifiés de la fonction publique hospitalière : " Le corps des aides-soignants et des agents des services hospitaliers qualifiés comprend : / - les aides-soignants, les auxiliaires de puériculture, les aides médico-psychologiques ; / - les agents des services hospitaliers qualifiés. " L'article 4 de ce décret dispose : " Les aides-soignants et les auxiliaires de puériculture collaborent aux soins infirmiers dans les conditions définies à l'article R. 4311-4 du code de la santé publique. / (...) / Les agents des services hospitaliers qualifiés sont chargés de l'entretien et de l'hygiène des locaux de soins et participent aux tâches permettant d'assurer le confort des malades. Ils effectuent également les travaux que nécessite la prophylaxie des maladies contagieuses et assurent, à ce titre, la désinfection des locaux, des vêtements et du matériel et concourent au maintien de l'hygiène hospitalière. ". En vertu de ces dispositions, les aides-soignants et agents des services hospitaliers, s'ils appartiennent à un même corps de la fonction publique hospitalière, relèvent toutefois de catégories d'emplois distincts, eu égard notamment à la nature des tâches qui sont susceptibles de leur être confiées.
3. Il ressort des pièces du dossier que M. F... a été affecté, par décision du 31 octobre 2012, à des fonctions de bionettoyage, consistant à nettoyer et à désinfecter les locaux de l'établissement. De telles attributions relevant de l'emploi d'agent des services hospitaliers et non de celles du grade dont il est titulaire, l'intéressé est fondé à soutenir qu'en refusant de modifier son affectation pour le maintenir sur cet emploi, le centre hospitalier de la Dracénie a méconnu les dispositions précitées de l'article 4 du décret du 3 août 2007 et, par suite, que c'est à tort que le tribunal a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision contestée du directeur de centre hospitalier de la Dracénie.
Sur les conclusions indemnitaires :
4. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
5. M. F..., qui se borne pour l'essentiel à soutenir que les refus de l'administration de l'affecter sur un poste d'aide-soignant font suite à une procédure disciplinaire diligentée à son encontre en cours de l'année 2012 alors qu'aucun agissement matériellement établi ne pouvait lui être reproché, ne fait pas état d'allégations précises permettant de présumer qu'il a été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral ou de discrimination.
6. En revanche, M. F... est fondé à demander la réparation de ses préjudices présentant un caractère certain et directement imputables à l'illégalité fautive, relevée au point 5, entachant la décision contestée du 13 juin 2017.
7. En premier lieu, si la NBI est versée aux aides-soignants en application de l'article 1 du décret susvisé du 19 janvier 1993, ce n'est qu'à la condition qu'ils exercent leurs fonctions " auprès des personnes âgées relevant des sections de cure médicale ou dans les services ou les unités de soins de longue durée auprès des personnes n'ayant pas leur autonomie de vie ". Dès lors que l'administration pouvait légalement décider de muter M. F... vers un poste d'aide-soignant n'impliquant pas de telles missions, le préjudice invoqué par l'intéressé ne présente pas de caractère certain.
8. En deuxième lieu, la rémunération des astreintes que les aides-soignants peuvent être amenés à assurer présentent le caractère d'indemnités destinées à compenser les sujétions résultant de l'accomplissement effectif de ces astreintes. Dès lors que le centre hospitalier fait valoir, sans être contredit, que seuls les agents occupant des postes d'aide-soignant aux consultations externes peuvent être amenés à assurer des astreintes, M. F..., qui n'établit, ni même ne soutient, qu'il aurait dû être nécessairement affecté dans un tel service, ne démontre pas que, du fait de l'illégalité de la décision qu'il conteste, il a été privé d'une chance sérieuse de bénéficier de telles indemnités.
9. En revanche, et eu égard à la nature de l'illégalité fautive entachant le refus du directeur du centre hospitalier de réintégrer l'intéressé sur des fonctions d'aide-soignant, il sera fait une juste réparation du préjudice moral en résultant pour M. F... en lui allouant une indemnité de 3 000 euros.
10. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement, que M. F... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande et à demander que le centre hospitalier de la Dracénie soit condamné à lui verser la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice moral.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
11. Le présent arrêt implique nécessairement, eu égard à ses motifs, que le centre hospitalier de la Dracénie réintègre M. F... dans un emploi correspondant à son grade d'aide-soignant. Il y a par suite lieu de lui enjoindre de procéder à cette réintégration, dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. F..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le centre hospitalier de la Dracénie demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cet établissement le versement d'une somme de 2 000 euros à verser à M. F... sur le fondement des mêmes dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulon n° 1702088 du 17 juin 2019 est annulé.
Article 2 : La décision, née le 13 juin 2017, par laquelle le directeur du centre hospitalier de la Dracénie a implicitement refusé de réintégrer M. F... sur un poste d'aide-soignant est annulée.
Article 3 : Le centre hospitalier de la Dracénie est condamné à verser une somme de 3 000 euros à M. F....
Article 4 : Il est enjoint au centre hospitalier de la Dracénie de réintégrer M. F... sur un poste d'aide-soignant, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 5 : Le centre hospitalier de la Dracénie versera à M. F... une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... F... et au centre hospitalier de la Dracénie.
Délibéré après l'audience du 18 mars 2021, où siégeaient :
- M. Alfonsi, président,
- Mme Jorda-Lecroq, présidente assesseure,
- M. B..., conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er avril 2021.
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N° 19MA03949