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31/03/2021 | FRANCE | N°20MA02151

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 31 mars 2021, 20MA02151


Vu la procédure suivante :

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés le 2 juillet 2020, le 28 janvier 2021 et le 19 février 2021, l'association " société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France " (SPPEF) représentée par Me A..., demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler l'arrêté du 29 mai 2020 du préfet du Var en tant qu'il autorise la poursuite de l'édification et de l'exploitation du parc éolien sur les communes d'Ollières et Artigues ;

2°) d

e prononcer la suspension dans le délai de 48 heures à compter de la décision à intervenir des...

Vu la procédure suivante :

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés le 2 juillet 2020, le 28 janvier 2021 et le 19 février 2021, l'association " société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France " (SPPEF) représentée par Me A..., demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler l'arrêté du 29 mai 2020 du préfet du Var en tant qu'il autorise la poursuite de l'édification et de l'exploitation du parc éolien sur les communes d'Ollières et Artigues ;

2°) de prononcer la suspension dans le délai de 48 heures à compter de la décision à intervenir des travaux d'édification des éoliennes réalisés sans aucune autorisation environnementale, sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable ;

- l'autorisation délivrée à la société Provencialis par l'effet de l'arrêté préfectoral du 29 mai 2020 est illégale en ce qu'elle ne répond pas aux exigences de la procédure découlant de l'application de l'article L. 181-3 du code de l'environnement ;

- la société aurait dû justifier de la délivrance d'une autorisation environnementale avant le démarrage des travaux ;

- le préfet ne pouvait délivrer une autorisation provisoire pour l'exploitation du parc éolien sur le fondement de l'article L. 171-7 du code de l'environnement dès lors que ce parc n'était pas encore en exploitation effective à la date de la décision en cause ;

- l'intérêt général invoqué par le préfet pour justifier la délivrance de l'autorisation provisoire d'exploiter est contestable ;

- l'autorisation provisoire d'exploiter le parc éolien en litige est illégale dès lors que la société Provencialis n'a pas respecté le délai de six mois imparti par l'inspecteur de l'environnement dans son rapport du 25 mai 2020 pour régulariser sa situation en déposant un dossier de demande d'autorisation environnementale, comportant notamment une évaluation des incidences du projet sur l'environnement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 février 2021, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que l'association requérante ne justifie pas d'un intérêt à agir, que les conclusions présentées par cette association dans son mémoire en réplique tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 mai 2020 du préfet du Var " en tant qu'il autorise la poursuite de l'édiction et l'exploitation du parc éolien sur les communes d'Ollières et Artigues " sont tardives et donc irrecevables, et qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par des mémoires, enregistrés le 20 janvier 2021 et le 4 février 2021, la société Provencialis, représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête, demande que l'association SPPEF soit condamnée au paiement d'une amende d'un montant de 10 000 euros sur le fondement de de l'article R. 741-12 du code de justice administrative et demande que soit mise à la charge de cette association la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le décret n° 2017-81 du 26 janvier 2017 relatif à l'autorisation environnementale ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. Georges Guidal, président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Coutier, premier conseiller,

- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant l'association SPPEF et de Me B..., représentant la société Provencialis.

Considérant ce qui suit :

1. Un projet en vue de la réalisation d'un parc de 22 éoliennes sur le territoire des communes d'Artigues et d'Ollières a fait l'objet d'autorisations de défrichement par arrêtés du préfet du Var des 11 décembre 2007, 19 décembre 2007, 21 décembre 2007 et 25 avril 2008 ainsi que de six permis de construire délivrés par le préfet le 25 janvier 2008. Ces permis, initialement sollicités par la société Eco Delta, ont été transférés par arrêté préfectoral du 5 janvier 2015 à la société Provencialis. Cette dernière a déposé auprès du préfet du Var, en date du 10 février 2015 et du 28 avril 2015, des demandes d'autorisation de fonctionnement de ces installations au bénéfice des droits acquis sur le fondement des dispositions de l'article L. 553-1 du code de l'environnement, qui ont abouti à la délivrance par l'autorité préfectorale de deux récépissés de déclaration d'antériorité datés respectivement, pour les dix éoliennes situées sur la commune d'Artigues, du 26 mars 2015, et pour les douze situées sur la commune d'Ollières, du 6 mai 2015. Par jugement du 10 février 2020, le tribunal administratif de Toulon a, sur recours de l'association de défense du cadre de vie Sainte Victoire (DECAVI), de la SCI Le château de la Verrerie et de l'association " société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France " (SPPEF), annulé ces récépissés. A la suite de l'annulation de ces récépissés, le préfet du Var a pris en date du 29 mai 2020, sur le fondement de l'article L. 171-7 du code de l'environnement, un arrêté portant autorisation provisoire d'exploiter le parc éolien. Par la présente requête, l'association SPPEF demande à la Cour, d'une part, d'annuler cet arrêté du 29 mai 2020 du préfet du Var en tant qu'il autorise la poursuite de l'édification et de l'exploitation du parc éolien sur les communes d'Ollières et Artigues, d'autre part, de prononcer la suspension des travaux d'édification des éoliennes dans le délai de 48 heures à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte.

Sur les conclusions présentées par l'association SPPEF :

2. Aux termes de l'article L. 181-1 du code de l'environnement, applicable au litige : " L'autorisation environnementale, dont le régime est organisé par les dispositions du présent livre ainsi que par les autres dispositions législatives dans les conditions fixées par le présent titre, est applicable aux activités, installations, ouvrages et travaux suivants, lorsqu'ils ne présentent pas un caractère temporaire : (...) / 2° Installations classées pour la protection de l'environnement mentionnées à l'article L. 512-1. (...) ". Aux termes de l'article L. 181-3 du même code : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas. (...) ". Aux termes de l'article L. 171-7 de ce code : " I.- Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, lorsque des installations ou ouvrages sont exploités, des objets et dispositifs sont utilisés ou des travaux, opérations, activités ou aménagements sont réalisés sans avoir fait l'objet de l'autorisation, de l'enregistrement, de l'agrément, de l'homologation, de la certification ou de la déclaration requis en application du présent code, ou sans avoir tenu compte d'une opposition à déclaration, l'autorité administrative compétente met l'intéressé en demeure de régulariser sa situation dans un délai qu'elle détermine, et qui ne peut excéder une durée d'un an. / Elle peut, par le même acte ou par un acte distinct, suspendre le fonctionnement des installations ou ouvrages, l'utilisation des objets et dispositifs ou la poursuite des travaux, opérations, activités ou aménagements jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la déclaration ou sur la demande d'autorisation, d'enregistrement, d'agrément, d'homologation ou de certification, à moins que des motifs d'intérêt général et en particulier la préservation des intérêts protégés par le présent code ne s'y opposent. / L'autorité administrative peut, en toute hypothèse, édicter des mesures conservatoires aux frais de la personne mise en demeure. (...) ".

3. En premier lieu, il ressort des énonciations de l'arrêté attaqué que, conformément aux dispositions précitées de l'article L. 171-7 du code de l'environnement, la société Provencialis a été mise en demeure par le préfet du Var de régulariser sa situation par la production, dans le délai d'un an, d'un dossier de demande d'autorisation environnementale, constitué notamment d'une " étude relative à la faune et la flore courant sur les quatre saisons ". Il ressort également desdites énonciations que le préfet a entendu édicter des mesures conservatoires permettant la poursuite du projet en litige dans l'attente de cette régularisation, mesures qui présentent ainsi un caractère provisoire. Si les dispositions de cet article L. 171-7 prévoient que l'autorité préfectorale peut suspendre le fonctionnement des installations ou la poursuite des travaux en cause jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la demande d'autorisation, elles ne l'y oblige pas et doivent être regardées comme permettant à cette autorité d'autoriser à titre provisoire l'exploitant à poursuivre son activité pour un motif d'intérêt général. Dans ces conditions, l'arrêté du 29 mai 2020 en tant qu'il autorise la poursuite de l'édification et de l'exploitation du parc éolien ne saurait être regardé comme valant délivrance d'une autorisation environnementale. Il y a lieu, par suite, d'écarter le moyen tiré de ce que la délivrance par le préfet du Var d'une telle autorisation provisoire à la société Provencialis aurait été accomplie en méconnaissance de la procédure à laquelle est soumise l'autorisation environnementale régie par l'article L. 181-3 du code de l'environnement, notamment en ce qu'elle fait obligation de produire une étude d'impact.

4. En deuxième lieu, l'article R. 425-29-2 du code de l'urbanisme, créé par le décret du 26 janvier 2017 relatif à l'autorisation environnementale, dispose que lorsqu'un projet d'installation d'éoliennes terrestres est soumis à une telle autorisation, cette autorisation dispense du permis de construire. L'autorisation délivrée s'entend donc comme autorisant tant la construction des installations que leur exploitation. En tout état de cause, en dépit de l'annulation des récépissés d'antériorité prononcée par le tribunal administratif de Toulon, la société Provencialis reste, par l'effet de l'arrêté préfectoral de transfert du 5 janvier 2015, détentrice des permis de construire relatifs aux deux parcs éoliens en litige. Dans ces conditions, et eu égard à ce qui a été dit au point précédent, le préfet du Var a pu légalement autoriser la société Provencialis à poursuivre la réalisation des travaux d'édification des éoliennes, alors même que le parc éolien n'est pas encore en exploitation, au motif que l'interruption du projet présenterait de lourdes conséquences s'agissant de l'intérêt général que constitue le développement de l'énergie d'origine éolienne ainsi qu'en termes économique et social, l'atteinte causée par l'exploitation aux intérêts visés par l'article L. 511-1 du code l'environnement n'étant en l'espèce pas avérée.

5. En dernier lieu, à supposer même que la société Provencialis n'aurait pas respecté le délai de six mois imparti par l'inspecteur de l'environnement dans son rapport du 25 mai 2020 pour régulariser sa situation en déposant un dossier de demande d'autorisation environnementale, ce délai ne saurait être regardé comme valant déchéance de l'autorisation provisoire délivrée par l'arrêté contesté dès lors que, par cet acte, le préfet a fixé à la société un délai d'un an pour effectuer cette régularisation.

6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête, que les conclusions de l'association SPPEF tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 mai 2020 du préfet du Var en tant qu'il autorise la poursuite de l'édification et de l'exploitation du parc éolien sur les communes d'Ollières et Artigues doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, celles tendant à ce que soit prononcée la suspension dans le délai de 48 heures à compter de l'arrêt à intervenir des travaux d'édification des éoliennes, sous astreinte.

Sur les conclusions de la société Provencialis tendant à l'application des dispositions de l'article R. 741-12 du code de justice administrative :

7. Aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 3 000 euros ". La possibilité d'infliger à l'auteur d'une requête une amende pour recours abusif constitue un pouvoir propre du juge. Les conclusions de la société Provencialis tendant à ce que la Cour condamne l'association SPPEF au paiement d'une amende sur le fondement de cet article ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

8. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par l'association SPPEF, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'association SPPEF une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société Provencialis et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de l'association SPPEF est rejetée.

Article 2 : L'association SPPEF versera à la société Provencialis une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de la société Provencialis tendant à l'application des dispositions de l'article R. 741-12 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'association " société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France " (SPPEF), à la ministre de la transition écologique et à la société Provencialis.

Copie en sera adressée au préfet du Var.

Délibéré après l'audience du 19 mars 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Guidal, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Coutier, premier conseiller,

- Mme C..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 mars 2021.

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N° 20MA02151

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA02151
Date de la décision : 31/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Nature et environnement - Installations classées pour la protection de l'environnement - Régime juridique - Actes affectant le régime juridique des installations.

Nature et environnement - Installations classées pour la protection de l'environnement - Régime juridique - Pouvoirs du préfet.


Composition du Tribunal
Président : M. GUIDAL
Rapporteur ?: M. Bruno COUTIER
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : ANDRE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-03-31;20ma02151 ?
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