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31/03/2021 | FRANCE | N°19MA03760

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 31 mars 2021, 19MA03760


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI " Las Brisas " a demandé au tribunal administratif de Toulon, en premier lieu, d'annuler la décision du 7 février 2017 par laquelle le préfet du Var lui a demandé, d'une part, de procéder à la suppression d'un ponton et d'une plateforme bétonnée pour lesquels elle bénéficiait d'une autorisation d'occupation temporaire du domaine public maritime et, d'autre part, de remplacer cette plateforme par une structure en bois démontable et, en second lieu, d'annuler la décision du 12 avril 2017 rejetant

son recours gracieux dirigé contre cette décision.

Par un jugement n° 1701...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI " Las Brisas " a demandé au tribunal administratif de Toulon, en premier lieu, d'annuler la décision du 7 février 2017 par laquelle le préfet du Var lui a demandé, d'une part, de procéder à la suppression d'un ponton et d'une plateforme bétonnée pour lesquels elle bénéficiait d'une autorisation d'occupation temporaire du domaine public maritime et, d'autre part, de remplacer cette plateforme par une structure en bois démontable et, en second lieu, d'annuler la décision du 12 avril 2017 rejetant son recours gracieux dirigé contre cette décision.

Par un jugement n° 1701773 du 13 juin 2019, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 8 août 2019 et le 13 juillet 2020, la SCI " Las Brisas ", représentée par la SCP B... Mercurio, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 13 juin 2019 ;

2°) à titre principal, d'annuler la décision du préfet du Var du 7 février 2017 ;

3°) à titre subsidiaire, de l'autoriser à procéder à la rénovation de la plateforme bétonnée de 38 m² à l'identique de l'existant (parties dénommées 2, 3 et 4) ;

4°) d'enjoindre au préfet du Var de lui délivrer une autorisation d'occupation temporaire du domaine public maritime pour le " passage cimenté " (partie 5) ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision en litige, qui constitue une mesure de police ou à tout le moins une sanction, n'est pas motivée en droit en méconnaissance des dispositions des articles L. 221-2 et L. 221-5 du code des relations entre le public et l'administration ;

- elle est entachée d'une erreur de qualification juridique, la démolition des ouvrages n'étant pas justifiée au regard de leur parfait état d'entretien ;

- dans le mesure où elle n'était pas titulaire de droits réels sur les ouvrages, le préfet ne pouvait légalement lui demander de procéder à leur démolition et à leur reconstruction ;

- plusieurs personnes placées dans la même situation qu'elle ont fait l'objet, sans justification, d'un traitement différent en méconnaissance du principe d'égalité ;

- elle est recevable à demander à la Cour d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation d'occupation du domaine public maritime.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juin 2020, la ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- la demande d'injonction est irrecevable ;

- les autres moyens soulevés par la SCI " Las Brisas " ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant la SCI " Las Brisas ".

Considérant ce qui suit :

1. Le préfet du Var a, par un arrêté du 12 février 2015, autorisé la SCI " Las Brisas " à maintenir sur le domaine public maritime sur le territoire de la commune de Saint-Tropez, un ponton en platelage en bois démontable de 40 m² et une plateforme bétonnée de 38 m². Après avoir constaté, à la suite d'un contrôle sur place, l'existence de dommages causés à ces ouvrages par l'action de la mer, le préfet du Var a, par un courrier du 7 février 2017, demandé à la SCI de procéder à leur entière suppression ainsi qu'au remplacement de la plateforme bétonnée par une structure en bois démontable. Bien que la SCI ait exprimé le souhait de maintenir à l'identique la plateforme en béton, le préfet du Var a confirmé sa position par une lettre du 12 avril 2017. La SCI " Las Brisas " relève appel du jugement du 13 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet du Var du 7 février 2017.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; / 2° Infligent une sanction ; / 3° Subordonnent l'octroi d'une autorisation à des conditions restrictives ou imposent des sujétions ; / 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits (...) ". Tandis qu'aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

3. Il ressort des pièces du dossier que la décision contestée du préfet du Var du 7 février 2017, qui visait l'arrêté préfectoral du 12 février 2015 par lequel la SCI a été autorisé à maintenir les ouvrages mentionnées au point 1 sur le domaine public maritime, rappelait l'existence de dommages importants sur la plateforme bétonnée et le passage cimenté provoqués par des coups de mer, constatés le 9 janvier 2017 par des agents du service de la DDTM du Var, circonstances dont le préfet déduisait ensuite l'existence de problèmes de sécurité et d'entretien, puis la nécessité de procéder à la démolition des ouvrages en cause et au remplacement de la plateforme bétonnée par une structure en bois démontable. Il exigeait par ce courrier la communication au service en charge de la gestion du domaine public maritime d'un projet comprenant les dispositions techniques et calendaires de la démolition à venir et de son remplacement par un ouvrage démontable avant la date du 28 avril 2017.

4. Compte tenu de son objet, cette décision n'a ni le caractère d'une mesure de police, ni d'une sanction. Elle ne constitue pas davantage une décision retirant ou abrogeant une décision créatrice de droits. En revanche, compte tenu de sa portée, elle doit être regardée comme imposant à la SCI " Las Brisas " des sujétions dans l'exercice de son droit d'occupation du domaine public au sens du 3° de l'article L. 211-2 précité du code des relations entre le public et l'administration et doit par suite être motivée en application de ces dispositions.

5. Au regard des termes du courrier du 7 février 2017, la décision en litige reposait sur le respect de l'obligation d'entretien et de sécurité mise à la charge du bénéficiaire de l'autorisation, laquelle figure à l'article 8 de l'arrêté préfectoral du 12 février 2015. Même si l'auteur de la décision n'y a pas expressément mentionné cet article, dès lors qu'y était visé l'arrêté préfectoral du 12 février 2015 et que la référence à cette obligation d'entretien et de sécurité était, dans les circonstances de l'espèce, dépourvue de toute ambiguïté sur les considérations de droit ayant fondé la décision du préfet et ne privait dès lors pas la SCI " Las Brisas " des garanties que l'exigence de motivation visait à lui apporter, les exigences de motivation prévues par les dispositions précitées ont été respectées.

6. En deuxième lieu, dans le courrier qu'elle a adressé le 1er mars 2017 au préfet du Var, la SCI " Las Brisas " précisait que, " en ce qui concerne les parties 2, 3 et 4 [du plan annexe à l'autorisation] nous souhaitons du non démontable, réparer l'existant et faire un habillage à l'identique ". Ces considérations corroborent le constat effectué par les agents du service de la DDTM du Var de la survenance de dommages sur la plateforme bétonnée dont la construction datait d'une trentaine d'années auparavant. S'il résulte du procès-verbal de constat du 13 novembre 2017 que la SCI a fait établir par un cabinet d'expertise maritime que " la partie maçonnée du ponton est récente, propre, en bon état structurel et recouverte en partie supérieure de pierres et pavages scellés " de telles constatations ne peuvent s'expliquer que par la réalisation de travaux d'entretien entrepris postérieurement à la survenance des dommages. L'avis technique de solidité du ponton établi par la société SOCOTEC suite à une visite sur place le 10 juillet 2019 et décrivant un bon état structurel de l'ouvrage, fait d'ailleurs état de travaux de rénovation de l'ouvrage entrepris quelques années avant que ne soit rendu cet avis technique. Le bon état allégué de la plateforme bétonnée ne peut, dans ces conditions, que résulter de travaux entrepris par la SCI " Las Brisas " postérieurement à la décision en litige, sans autorisation de l'autorité gestionnaire du domaine public et en contradiction avec les prescriptions qui lui étaient fixées par cette décision. Elle n'est, par suite, pas fondée à soutenir que cette décision, dont la légalité s'apprécie à la date à laquelle elle a été prise, serait entachée d'une erreur de qualification juridique en raison du parfait état d'entretien de l'ouvrage.

7. En troisième lieu, s'il est soutenu que les travaux de démolition exigés par la décision en litige auront un impact sur la faune et la flore et vont entraîner un risque de pollution, cette allégation n'est corroborée par aucune des pièces du dossier.

8. En quatrième lieu, il ressort des termes mêmes de l'article 1er de l'autorisation d'occupation temporaire du domaine public délivrée le 12 février 2015 à la SCI " Las Brisas " que celle-ci a n'était pas constitutive de " droits réels " sur ce domaine. Cette circonstance ne faisait toutefois pas obstacle à ce que le préfet du Var ordonne la démolition des ouvrages que la SCI avait été autorisée à maintenir sur ledit domaine, dès lors qu'il estimait que ceux-ci n'étaient plus en parfait état d'entretien et de sécurité en méconnaissance des prescriptions de l'article 8 de l'autorisation et alors même que ce mauvais état d'entretien n'aurait résulté que des seules intempéries. Par ailleurs, il ressort du plan annexé à l'autorisation du 12 février 2015 que la partie 5 du ponton dite " non titrée " devait être démolie par son titulaire à la suite de la délivrance de l'autorisation. La SCI " Las Brisas " n'est, par suite, pas fondée à soutenir que la décision en litige ne pouvait mettre à sa charge la démolition de cette partie de l'ouvrage au motif qu'elle n'aurait disposé d'aucun droit sur celle-ci.

9. En cinquième lieu, le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité administrative compétente règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier.

10. La SCI " Las Brisas " soutient que la décision en litige méconnaîtrait le principe d'égalité en ce que plusieurs de ses voisins, titulaires comme elle d'une autorisation d'occupation temporaire du domaine public maritime, seraient autorisés à maintenir sur ce domaine des ouvrages maçonnés non démontables, comme le ponton en litige. Il ne ressort cependant pas des pièces du dossier que les ouvrages dont il s'agit auraient subi des dégradations et seraient en mauvais état d'entretien contrairement au ponton utilisé par la SCI à la date de la décision en litige, ni qu'ils auraient fait l'objet d'un constat de carence dans leur entretien. Par suite, la différence de traitement entre la SCI " Las Brisas " et les autres titulaires d'autorisation d'occupation du domaine public, qui répond à une différence de situation en rapport avec l'objet de la norme qui l'établit, n'est pas contraire au principe d'égalité.

11. Il résulte de ce qui précède que la SCI " Las Brisas " n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

12. Dès lors qu'il n'appartient pas au juge administratif d'autoriser la réalisation de travaux sur le domaine public, les conclusions présentées par la SCI " Las Brisas " tendant à ce qu'elle soit autorisée à procéder à la rénovation de la plateforme bétonnée de 38 m² à l'identique de l'existant ne peuvent, en tout état de cause, être accueillies.

13. Le présent arrêt n'appelant aucune mesure d'exécution, les conclusions de la SCI " Las Brisas " tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet du Var de lui délivrer une autorisation d'occupation du domaine public maritime pour le " passage cimenté " (partie 5) ne peuvent qu'être rejetées.

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la SCI " Las Brisas " demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SCI " Las Brisas " est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI " Las Brisas " et à la ministre de la transition écologique.

Délibéré après l'audience du 19 mars 2021, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. A..., président assesseur,

- M. Coutier, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 mars 2021.

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N° 19MA03760

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA03760
Date de la décision : 31/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - Forme et procédure - Questions générales - Motivation - Motivation obligatoire.

Domaine - Domaine public - Régime - Occupation - Utilisations privatives du domaine - Autorisations unilatérales.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: M. Georges GUIDAL
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : SCP CASTAGNON MERCURIO

Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-03-31;19ma03760 ?
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