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25/03/2021 | FRANCE | N°20MA02270

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 25 mars 2021, 20MA02270


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du préfet de l'Aude du 10 février 2020 l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de sa destination.

Par un jugement n° 2000893 du 11 juin 2020, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 10 juillet 2020, M. C..., représenté par Me E..., demande à

la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellie...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du préfet de l'Aude du 10 février 2020 l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de sa destination.

Par un jugement n° 2000893 du 11 juin 2020, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 10 juillet 2020, M. C..., représenté par Me E..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier du 11 juin 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Aude du 10 février 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le premier juge a commis une erreur manifeste d'appréciation en rejetant le moyen tiré du défaut d'examen réel et sérieux de sa demande ;

- la décision attaquée est entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux ;

- le préfet de l'Aude s'est estimé à tort lié par l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et n'a pas exercé sa compétence ;

- la décision est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet de l'Aude qui n'a pas produit de mémoire.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrégularité de la composition de la formation de jugement, la demande déposée par M. C... relevant, en vertu des dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'une formation de jugement collégiale et non du juge unique.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 octobre 2020 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., de nationalité albanaise, relève appel du jugement du 30 avril 2019 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 10 février 2020 par lequel le préfet de l'Aude lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Les dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile énumèrent les cas dans lesquels l'autorité administrative peut prononcer une obligation de quitter le territoire français à l'encontre d'un ressortissant étranger. Aux termes de ces dispositions dans leur rédaction en vigueur à la date de l'arrêté contesté : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant, au sens des 4° et 5° de l'article L. 1211 du même code, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ".

3. Par ailleurs, les dispositions du I, du I bis et du II de l'article L. 512-1 du même code définissent des régimes contentieux distincts applicables à la contestation par un étranger mentionné à l'article L. 511-1 précité de l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire français selon le fondement de cette obligation et selon que cette dernière a été assortie ou non d'un délai de départ volontaire, hors les cas où il est par ailleurs placé en rétention ou assigné à résidence. Ainsi, aux termes du I de l'article L. 512-1 de ce code : " L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des 3°, 5°, 7° ou 8° du I de l'article L. 511-1 ou sur le fondement de l'article L. 511-3-1 et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II de l'article L. 511-1 ou au sixième alinéa de l'article L. 511-3-1 peut, dans le délai de trente jours suivant sa notification, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français ou d'interdiction de circulation sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant. (...) / Le tribunal administratif statue dans un délai de trois mois à compter de sa saisine. Toutefois, si l'étranger est placé en rétention en application de l'article L. 551-1 ou assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, il est statué selon la procédure et dans le délai prévu au III du présent article ". Aux termes de son I bis " L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des 1°, 2°, 4° ou 6° du I de l'article L. 511-1 et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II du même article L. 511-1 peut, dans un délai de quinze jours à compter de sa notification, demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant. La même procédure s'applique lorsque l'étranger conteste une obligation de quitter le territoire fondée sur le 6° du I dudit article L. 511-1 et une décision relative au séjour intervenue concomitamment. Dans cette hypothèse, le président du tribunal administratif ou le juge qu'il désigne à cette fin statue par une seule décision sur les deux contestations. (...) ".

4. Il résulte des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour et des étrangers et du droit d'asile que, si la demande d'un étranger qui a régulièrement sollicité un titre de séjour ou son renouvellement a été rejetée, la décision portant obligation de quitter le territoire français susceptible d'intervenir à son encontre doit nécessairement être regardée comme fondée sur un refus de titre de séjour, donc sur la base légale prévue au 3° du I de cet article.

5. Il ressort des pièces du dossier qu'à la suite du rejet définitif de sa demande d'asile le 10 juillet 2018, M. C... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Dans ces conditions, le préfet de l'Aude ne pouvait plus fonder la décision litigieuse lui faisant obligation de quitter le territoire sur les dispositions précitées du 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mais sur les dispositions précitées du 3° du même article. Il est par ailleurs constant que le requérant n'a pas été placé en rétention ni assigné à résidence. Dès lors, la situation de l'appelant n'entrant pas dans les prévisions également précitées de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile donnant compétence au président du tribunal administratif ou au juge qu'il désigne à cette fin pour statuer sur la légalité des décisions litigieuses, il n'appartenait qu'au tribunal administratif siégeant en formation collégiale de statuer sur la demande de l'intéressé tendant à l'annulation de la décision 10 février 2020 du préfet de l'Aude refusant de lui délivrer un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire. Il y a donc lieu d'annuler le jugement attaqué comme rendu par une formation de jugement irrégulière.

6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu pour la cour de statuer, par voie d'évocation, sur les conclusions présentées par M. C... devant le tribunal administratif de Montpellier.

Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français :

7. En premier lieu, l'arrêté attaqué mentionne les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont le préfet de l'Aude a entendu faire application. Il précise que M. C... est entré sur le territoire national le 25 août 2017 de façon régulière, qu'il a été débouté du droit d'asile par une décision du 21 novembre 2017 de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA), confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 10 juillet 2018, qu'il se maintient irrégulièrement sur le territoire français depuis un premier arrêté portant obligation de quitter le territoire français en date du 13 août 2018 et qu'au regard des circonstances, l'obligation de quitter le territoire français ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet n'aurait pas suffisamment motivé sa décision ni procédé à un examen particulier de sa situation personnelle.

8. En deuxième lieu, la seule circonstance que le préfet ait reproduit, aux termes de l'arrêté attaqué, l'avis émis par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ne saurait établir qu'il s'est estimé tenu par cet avis pour rejeter la demande présentée par l'intéressé. Ainsi qu'il a été dit au point précédent, il ressort, du reste, des termes mêmes de l'arrêté attaqué que le préfet a procédé à l'examen de la situation administrative et personnelle de M. C... et a notamment recherché si son retour dans son pays d'origine n'était pas de nature à l'exposer à des peines ou traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dans ces conditions, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le préfet s'est estimé à tort lié par l'avis émis par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et n'aurait ainsi pas exercé sa compétence.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° À l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. ".

10. Il ressort des pièces du dossier, notamment des documents médicaux fournis par M. C..., que celui-ci souffre d'une hypertension artérielle pour laquelle il est suivi médicalement et qu'il a subi une hospitalisation en avril 2019. Sur la base de ces éléments et de l'examen médical de l'intéressé, dans son avis du 3 février 2020, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a considéré que, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, d'une part, " eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont (il) est originaire, (il) peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ", et, d'autre part, son état de santé lui permet de voyager sans risque vers son pays d'origine. Pour contester le bien-fondé de cet avis, le requérant n'apporte pas d'éléments médicaux circonstanciés de nature à établir qu'il ne pourrait pas bénéficier d'un traitement médical adapté à sa pathologie en Albanie. Par suite, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation qu'aurait commise le préfet au regard des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. Le requérant n'est pas plus fondé à soutenir que l'arrêté serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

11. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

12. Il ressort des pièces du dossier que compte tenu de la faible ancienneté du séjour en France du requérant, celui-ci n'établit pas avoir fixé durablement sa vie privée et familiale en France, malgré l'état de santé de son fils aîné, né en 2008, qui souffre d'une déformation thoracique, au demeurant, sans retentissement cardiaque ou respiratoire et pour lequel il n'établit pas l'impossibilité de suivre des soins médicaux dans son pays d'origine. Ainsi, le préfet de l'Aude n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 10 février 2020 du préfet de l'Aude portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination. Ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent être rejetées par voie de conséquence.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier du 11 juin 2020 est annulé.

Article 2 : Les conclusions tendant à l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français présentées par M. C... devant le tribunal administratif de Montpellier sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., au ministre de l'intérieur et à Me E....

Copie en sera adressée au préfet de l'Aude.

Délibéré après l'audience du 11 mars 2021 à laquelle siégeaient :

- M. D..., président de chambre,

- M. Portail, président assesseur,

- Mme B..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mars 2021.

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N° 20MA02270

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20MA02270
Date de la décision : 25/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. POUJADE
Rapporteur ?: M. Alain POUJADE
Rapporteur public ?: Mme GOUGOT
Avocat(s) : POURRET

Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-03-25;20ma02270 ?
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