Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Groupe La Paisible a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner solidairement l'Etat et le département des Alpes-Maritimes à lui verser, à titre principal, la somme de 4 483 914 euros et, à titre subsidiaire, la somme de 3 700 000 euros en réparation des préjudices qu'elle impute à l'illégalité de l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes et du président du conseil général des Alpes-Maritimes du 15 juillet 2009 ayant prononcé la fermeture temporaire de la maison de retraite " Résidence Marina " située à Cagnes-sur-Mer et à l'absence de conclusion de la convention tripartite prévue par l'article L. 313-12 du code de l'action sociale et des familles.
Par un jugement n° 1701535 du 30 septembre 2019, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 2 décembre 2019 et le 12 février 2021, la société Groupe La Paisible, représentée par la SCP B..., Malaussena, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 30 septembre 2019 ;
2°) de condamner solidairement l'Etat et le département des Alpes-Maritimes à lui verser, à titre principal, la somme de 4 483 914 euros, à titre subsidiaire, la somme de 3 700 000 euros, ou, à titre très subsidiaire, la somme de 660 768 euros, à titre indemnitaire, assortie des intérêts au taux légal à compter du 30 décembre 2016 et de leur capitalisation ;
3°) d'ordonner une mesure d'expertise comptable ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat et du département des Alpes-Maritimes la somme de 4 000 euros chacun en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la responsabilité de l'Etat et du département des Alpes-Maritimes est engagée conjointement du fait de l'annulation devenue définitive de l'arrêté du 15 juillet 2009 ayant prononcé la fermeture provisoire de la maison de retraite et de la résistance abusive à la signature de la convention tripartite prévue par l'article L. 313-12 du code de l'action sociale et des familles ;
- le lien de causalité entre cet arrêté et l'impossibilité de rouvrir la structure en établissement d'hébergement pour personnes âgées (EHPA) ou établissement d'hébergement pour personnes âgées en dépendantes (EHPAD) est établi ;
- elle est fondée à obtenir la réparation intégrale du préjudice subi depuis le mois de septembre 2009 consistant, à titre principal, en la perte d'exploitation et, à titre subsidiaire, en la perte du fonds de commerce.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 janvier 2021, le département des Alpes-Maritimes, représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société Groupe La Paisible la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête est irrecevable en l'absence d'exposé de moyens ;
- la demande indemnitaire n'a pas été précédée d'une demande préalable ;
- le lien de causalité entre l'illégalité de l'arrêté du 15 juillet 2009 et les préjudices n'est pas établi ;
-la créance est prescrite ;
- les préjudices ne sont pas établis.
Par un mémoire en défense enregistré le 14 janvier 2021, le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- le lien de causalité entre l'illégalité de l'arrêté du 15 juillet 2009 et les préjudices n'est pas établi ;
- les préjudices n'ont pas de caractère certain.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la Cour a désigné Mme Jorda-Lecroq, présidente-assesseure de la 2ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant la SA Groupe La Paisible, et de Me A..., représentant le département des Alpes-Maritimes.
Considérant ce qui suit :
1. La société Groupe La Paisible relève appel du jugement du 30 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire de l'Etat et du département des Alpes-Maritimes à l'indemniser des préjudices qu'elle impute, d'une part, à l'illégalité de l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes et du président du conseil général des Alpes-Maritimes du 15 juillet 2009 ayant prononcé la fermeture temporaire de la maison de retraite " Résidence Marina " qu'elle exploite à Cagnes-sur-Mer et, d'autre part, à la résistance abusive à signer la convention tripartite prévue par l'article L. 313-12 du code de l'action sociale et des familles.
2. Aux termes de l'article L. 313-12 du code de l'action sociale et des familles, dans sa version alors en vigueur : " I. - Les établissements assurant l'hébergement des personnes âgées mentionnées au 6° du I de l'article L. 312-1 du présent code et les établissements de santé dispensant des soins de longue durée visés au 2° de l'article L. 6111-2 du code de la santé publique qui accueillent un nombre de personnes âgées dépendantes dans une proportion supérieure à un seuil fixé par décret ne peuvent accueillir des personnes âgées remplissant les conditions de perte d'autonomie mentionnées à l'article L. 232-2 que s'ils ont passé au plus tard le 31 décembre 2007 une convention pluriannuelle avec le président du conseil général et l'autorité compétente de l'Etat, qui respecte le cahier des charges établi par arrêté ministériel, après avis des organismes nationaux d'assurance maladie et des représentants des présidents de conseils généraux. La convention pluriannuelle identifie, le cas échéant, les services au sein desquels sont dispensés des soins palliatifs et définit, pour chacun d'entre eux, le nombre de référents en soins palliatifs qu'il convient de former ainsi que le nombre de lits qui doivent être identifiés comme des lits de soins palliatifs. (...) ". Il résulte de ces dispositions que la signature d'une convention pluriannuelle avec le président du conseil général et l'autorité compétente de l'Etat concerne l'accueil des personnes âgées dépendantes et non pas celui des personnes âgées non dépendantes.
3. D'une part, s'agissant de l'accueil de personnes âgées non dépendantes, il résulte de ce qui vient d'être exposé que l'absence de signature d'une convention pluriannuelle avec le président du conseil général et l'autorité compétente de l'Etat n'interdit pas à un établissement privé d'accueillir ce type de résidents après le 31 décembre 2007, contrairement à ce qui est soutenu par la société Groupe La Paisible. Celle-ci n'est donc pas fondée à rechercher la responsabilité de l'Etat et du département des Alpes-Maritimes sur le terrain d'une faute de ce fait. Par ailleurs, si l'illégalité de cet arrêté, annulé par un jugement du 21 mai 2010 du tribunal administratif de Nice confirmé par un arrêt n° 10MA02876 de la cour du 4 octobre 2012 devenu irrévocable, est susceptible d'engager la responsabilité solidaire de l'Etat et du département pour la période courant du 15 juillet 2009 à la date de lecture de ce jugement, il résulte de l'instruction que, dans le cadre du contrat d'assurance multirisques pour résidences de personnes âgées qui avait été souscrit par la requérante auprès de la compagnie Allianz Iard, une indemnisation correspondant à la perte d'exploitation dont l'intéressée demande, à titre principal, la réparation lui a déjà été versée pour la période en cause.
4. D'autre part, s'agissant de l'accueil de personnes âgées dépendantes, il résulte de l'instruction qu'à la suite de la décision conjointe du préfet des Alpes-Maritimes et du président du conseil général de ce département du 27 janvier 2009, devenue définitive en l'absence d'appel sur ce point du jugement du 21 mai 2010 du tribunal administratif de Nice ayant rejeté la demande d'annulation de cette décision présentée par la société Groupe La Paisible, la maison de retraite " Résidence Marina " ne pouvait plus accueillir ce type de résidents à partir du 1er février 2009. L'annulation de l'arrêté du 15 juillet 2009 émanant des mêmes autorités prononçant la fermeture temporaire de l'établissement est dès lors sans lien avec la perte d'exploitation ou la perte du fonds de commerce résultant du départ des résidents en situation de dépendance dont la requérante demande l'indemnisation. Elle n'est donc pas fondée à rechercher la responsabilité de l'Etat et du département des Alpes-Maritimes sur le fondement de l'illégalité fautive de cet arrêté.
5. Par ailleurs, s'agissant encore de l'accueil de personnes âgées dépendantes, il ne résulte de l'instruction ni que le dossier relatif à la passation d'une convention pluriannuelle déposé au mois de juin 2007 par l'intéressée était complet, ni que les nombreuses pièces complémentaires sollicitées à de multiples reprises aussi bien par les services de l'Etat que par ceux du département des Alpes-Maritimes étaient superfétatoires. Il ne résulte pas davantage de l'instruction que l'absence de signature de la convention tripartite est imputable à la résistance abusive de l'administration, alors que des dysfonctionnements majeurs ont été constatés lors de la visite de la maison de retraite " Résidence Marina " le 12 août 2008 et ont entrainé un signalement de la direction des services vétérinaires au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Grasse ainsi que deux mises en demeure de lever les observations figurant au rapport d'inspection, et que le permis de construire tendant au réaménagement de l'établissement tel que prévu par le projet de convention n'a pas été délivré par le maire de la commune de Cagnes-sur-Mer. Il suit de là que, contrairement à ce que soutient la société requérante, la responsabilité solidaire de l'Etat et du département des Alpes-Maritimes n'est pas non plus susceptible d'être engagée sur le terrain de la faute à ce titre.
6. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de nonrecevoir et l'exception de prescription quadriennale opposées par le département des Alpes-Maritimes et sans qu'il y ait lieu d'ordonner une expertise, la société Groupe La Paisible n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Groupe La Paisible la somme demandée par le département des Alpes-Maritimes au titre de ces mêmes dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société Groupe La Paisible est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du département des Alpes-Maritimes présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Groupe La Paisible, au ministre des solidarités et de la santé et au département des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 4 mars 2021 où siégeaient :
- Mme Jorda-Lecroq, présidente-assesseure, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme C..., première conseillère,
- M. Sanson, conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 mars 2021.
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N° 19MA05266
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