La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/03/2021 | FRANCE | N°19MA03136

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 18 mars 2021, 19MA03136


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) KRCS a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés, à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice 2013 ainsi que la décharge des pénalités appliquées aux impositions supplémentaires au titre de l'exercice 2014.

Par un jugement n° 1801407 en date du 20 mai 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Pro

cédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 12 juillet 2019, le 18...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) KRCS a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés, à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice 2013 ainsi que la décharge des pénalités appliquées aux impositions supplémentaires au titre de l'exercice 2014.

Par un jugement n° 1801407 en date du 20 mai 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 12 juillet 2019, le 18 décembre 2019 et le 4 juin 2020, la SCI KRCS représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 20 mai 2019 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'indemnité provisionnelle d'expropriation de 81 020 euros ne peut être rattachée qu'à l'exercice clos en 2012 dès lors qu'elle a été fixée en application des articles L. 15-4 et L. 15-5 du code de l'expropriation, qui constituent un fondement légal distinct de l'indemnité définitive ; à ce titre, elle dispose d'une autonomie comptable et fiscale ; conformément aux principes dégagés par le Conseil d'Etat et à la doctrine administrative référencée BOI-BIC-BASE-20-10 publiée le 4 décembre 2012, elle revêt le caractère d'une créance acquise dès lors qu'elle était certaine dans son principe et déterminée dans son montant dès l'exercice 2012 par l'effet de l'autorité de la chose jugée s'attachant au jugement du juge de l'expropriation du 16 octobre 2012, non susceptible d'appel ; le transfert de propriété du fonds de commerce s'est produit dès le 13 septembre 2012 par l'effet de l'ordonnance d'expropriation prononcée à cette même date ; l'indemnité a été prononcée au visa de l'article R. 15-7 3 du code de l'expropriation qui " correspond au préjudice causé aux intéressés tel qu'il paraît établi à l'issue des débats ", nonobstant l'examen d'autres chefs de préjudice lors de la fixation de l'indemnisation définitive ;

- les pénalités pour manquement délibéré qui ont assorti les impositions litigieuses sont illégales par voie de conséquence de la contestation en droit des rectifications ;

- elles ne sont pas motivées, en méconnaissance des dispositions de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979, de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales et de la doctrine administrative référencée BOI-CF-INF-30-20 §40 publiée le 3 janvier 2018 ;

- la preuve d'un manquement délibéré n'est pas rapportée par l'administration fiscale en méconnaissance de l'instruction administrative référencée BOI-CF-INF-10-20-20 du 12 septembre 2012.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 novembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics, conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'expropriation ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Courbon, rapporteur public,

- et les observations de Me A... représentant la SCI KRCS.

Considérant ce qui suit :

1. La SCI KRCS qui exerce une activité de marchands de bien, a loué les parcelles CV n° 6 et CV n° 18 dont elle était propriétaire, à la SARL D3P, pour l'exploitation du bar discothèque " O Bar " situé à Lattes (34) jusqu'en novembre 2013. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur l'ensemble des déclarations fiscales et opérations susceptibles d'être examinées au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015. Au cours de ces investigations, l'administration a constaté que la SCI avait déduit extra-comptablement du résultat imposable des exercices clos en 2013 et en 2014, le montant de l'indemnité d'expropriation et le prix de la vente perçus, estimant que l'un comme l'autre n'étaient pas imposables. A l'issue du contrôle, l'administration a considéré que l'indemnité d'expropriation et le produit de la vente avaient été exonérées à tort par la société. Par proposition de rectification du 16 décembre 2016, l'administration a procédé à une rectification en base en réintégrant dans le bénéfice imposable de 2013 la somme de 542 490 euros représentant le montant total de l'indemnité d'expropriation des parcelles CV n° 6 et CV n° 18, et dans le bénéfice imposable de 2014, la somme de 1 020 293 euros correspondant à la vente des autres parcelles détenues par la SCI. La rectification a été assortie des intérêts de retard et de la majoration de 40 % de l'article 1729-a du code général des impôts. Les impositions supplémentaires ont été mises en recouvrement le 16 octobre 2017 pour un montant total de 651 619 euros de cotisation d'impôt sur les sociétés au titre de 2013 et 2014 comprenant les pénalités correspondantes. Suite à la réclamation présentée par la SCI, par décision du 13 février 2018, l'administration a maintenu les impositions en litige. La SCI KRCS a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2013 ainsi que les pénalités appliquées aux impositions supplémentaires des exercices 2013 et 2014. Par un jugement du 20 mai 2019, le tribunal a rejeté sa demande. La SCI KRCS relève appel de ce jugement.

Sur le quantum du litige :

2. Le ministre de l'action et des comptes publics oppose en défense une fin de non-recevoir tirée de ce que la contestation de la SCI KRCS, qui porte sur la totalité de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés mise à sa charge, excède le quantum contesté par la société dans le cadre de sa réclamation préalable. Il résulte de l'instruction que la réclamation préalable comme la demande présentée par la SCI KRCS devant le tribunal administratif contestent les impositions en litige à hauteur de 204 596 euros. Dans son mémoire en réplique, la requérante a expressément accepté cette limitation du quantum. Par suite, le quantum du litige s'élève à 204 596 euros et les conclusions tendant à la décharge de la totalité de l'imposition supplémentaire en litige sont irrecevables à hauteur de 408 596 euros au titre des droits et 38 427 euros au titre des intérêts de retard.

Sur le bien-fondé des impositions :

3. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " 1. (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif soit en cours, soit en fin d'exploitation. 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions que le bénéfice net imposable est déterminé en prenant en compte non pas les seules opérations afférentes à la période d'imposition et qui ont fait l'objet d'un règlement au cours de cette période, mais l'ensemble des produits définitivement acquis et des dépenses engagées, autrement dit les créances et les dettes devenues certaines dans leur principe et dans leur montant au cours de la période considérée.

5. Il résulte de l'instruction que la SCI KRCS a fait l'objet le 13 septembre 2012 d'une ordonnance d'expropriation pour cause d'utilité publique prévue aux articles L. 15-4 et L. 15-5 du code de l'expropriation. A l'issue du transport sur les lieux et de l'audition des parties, par un jugement du 16 octobre 2012, le juge de l'expropriation du tribunal de grande instance de Montpellier a fixé le montant de l'indemnité provisionnelle due à la SCI à 81 020 euros et a autorisé l'expropriant (le concessionnaire Autoroutes du Sud de la France) à prendre immédiatement possession des biens expropriés moyennant le paiement de l'indemnité prévisionnelle ou sa consignation. En l'absence d'accord amiable entre les parties sur le montant total de l'indemnité définitive, l'Etat a saisi le juge de l'expropriation d'une demande de fixation de l'indemnité d'éviction. Toutefois, un accord ayant été signé par les deux parties le 10 avril 2013, fixant le montant total de l'indemnité à la somme globale de 542 490 euros, le juge de l'expropriation a donné acte du désistement de l'Etat de sa demande de fixation de l'indemnité d'éviction et à la SCI KRCS de son acquiescement. Dans le cadre de cet accord, la prise de possession a été fixée au 16 septembre 2013. Les biens immobiliers expropriés étant comptabilisés en stock dans les écritures de la SCI, qui exerce une activité de marchands de biens, l'administration a analysé cette cession comme la réalisation de l'objet social de la société. Elle a alors réintégré dans les résultats imposables des exercices 2013 et 2014 l'indemnité d'expropriation, d'une part, et le produit de la vente des parcelles détenues par la SCI, d'autre part. La SCI KRCS qui avait déduit extra-comptablement du résultat imposable respectivement de l'exercice 2013 et 2014, le montant de l'indemnité d'expropriation et le prix de la vente perçus, estimant que l'un comme l'autre n'étaient pas imposables, a finalement admis dans le cadre de ses observations formulées le 13 février 2017, avoir commis une erreur en considérant l'indemnité d'expropriation et le produit de la vente non imposables, mais estimait qu'une partie de l'indemnité d'expropriation perçue en 2012, soit 81 020 euros, devait être rattachée à cet exercice, au cours duquel l'indemnité provisionnelle avait été fixée par le jugement du tribunal de grande instance du 16 octobre 2012. Toutefois, l'indemnité d'expropriation en litige, si elle était certaine dans son principe à la date du jugement du 16 octobre 2012, n'a été déterminée dans son montant que le 10 avril 2013 lors de l'accord transactionnel conclu entre les parties. La circonstance que ce jugement du 16 octobre 2012 fixant l'indemnité provisionnelle soit définitif et revêtu de l'autorité de la chose jugée est sans incidence sur le caractère incertain du montant de la créance. En outre, la qualification fiscale ne pouvant pas dépendre automatiquement de la qualification que le droit civil confère au transfert de propriété des immeubles résultant d'une procédure d'expropriation, l'indemnité provisionnelle ne correspond pas fiscalement à des dommages et intérêts perçus en réparation d'un préjudice subi. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a considéré que l'indemnité d'expropriation litigieuse d'un montant total alloué de 542 490 euros devait être intégralement imposée au titre de l'exercice 2013.

6. Eu égard à ce qui vient d'être dit, la SCI KRCS ne saurait se prévaloir utilement de la documentation administrative référencée BOI-BIC-BASE-20-10 du 4 décembre 2012, qui ne fait pas des textes applicables une interprétation différente de celle qui en est faite dans le présent arrêt. La SCI KRCS n'est, par suite, pas fondée à s'en prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, si elle a entendu le faire.

Sur les pénalités pour manquement délibéré :

7. Aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable. (...) ".

8. La proposition de rectification adressée à la requérante mentionne expressément, dans un paragraphe spécifiquement consacré aux pénalités, le fondement juridique de la majoration appliquée, les motifs de fait et de droit qui la fondent ainsi que son taux de 40 %. Elle précise notamment que la requérante a déduit comptablement du bénéfice fiscal, sans aucun fondement juridique, un produit de 542 490 euros en 2013 résultant de l'octroi de l'indemnité d'expropriation et un produit de 1 020 293 euros en 2014 correspondant à la vente des parcelles, soit 63 % du total des produits enregistrés au titre de l'exercice clos en 2013 et la totalité des produits enregistrés au titre de l'exercice clos en 2014. Par suite, l'administration fiscale a suffisamment motivé les pénalités appliquées à la SCI KRCS.

9. La requérante ne peut utilement, sur ce point, se prévaloir de la doctrine administrative relative à la motivation des pénalités fiscales, laquelle a trait à la procédure d'établissement des pénalités et ne comporte, par conséquent, aucune interprétation de la loi fiscale invocable sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

10. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

11. D'une part, la SCI KRCS conteste les pénalités afférentes aux impositions en litige par voie de conséquence de la contestation des rectifications en droits. Eu égard à ce qui vient d'être dit, ce moyen ne peut qu'être écarté.

12. D'autre part, l'administration fait valoir que la SCI KRCS ne pouvait ignorer de bonne foi, le caractère imposable de l'indemnité d'expropriation et du prix de cession des parcelles, dans le résultat passible de l'impôt sur les sociétés au titre des exercices 2013 et 2014, eu égard au montant important et à la nature même des produits en cause dont la réglementation comptable et fiscale d'enregistrement est suffisamment connue des entreprises et ne présentait aucune difficulté d'interprétation, d'autant que son dirigeant, M. D..., disposait d'une expérience en la matière en sa qualité de dirigeant de plusieurs sociétés et bénéficiait de l'assistance d'un comptable. La circonstance que la déclaration fiscale ait été explicite ne saurait atténuer le caractère délibéré du manquement, les produits en litige, ayant été neutralisés fiscalement lors de la détermination du résultat fiscal, sans aucun fondement juridique. En outre, la circonstance que l'administration se soit trompée dans ses rectifications concernant la SCI Alpha est sans aucune incidence sur la caractérisation du manquement délibéré. Dans ces conditions, le caractère intentionnel de la volonté d'éluder l'impôt sont établis. Par suite, l'administration fiscale justifie l'application des pénalités prévues par l'article 1729 du code général des impôts.

13. La SCI KRCS n'est, enfin, pas fondée à se prévaloir de l'instruction administrative référencée BOI-CF-INF-10-20-20 § 30 et 40 du 12 septembre 2012, qui ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle qui lui a été appliquée.

14. Il résulte de ce tout qui précède que, la SCI KRCS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'allocation de frais liés à l'instance doivent également être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SCI KRCS est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI KRCS et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 11 mars 2021, où siégeaient :

- M. Lascar, président,

- Mme C..., présidente assesseure,

- Mme B..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 mars 2021.

7

N° 19MA03136

mtr


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-04-03 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales. Détermination du bénéfice imposable.


Références :

Publications
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. LASCAR
Rapporteur ?: Mme Jeannette FEMENIA
Rapporteur public ?: Mme COURBON
Avocat(s) : CABINET PLMC PUJOL LAFONT MARTY CASES PUGLIESE

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Date de la décision : 18/03/2021
Date de l'import : 30/03/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19MA03136
Numéro NOR : CETATEXT000043279550 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-03-18;19ma03136 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award