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11/03/2021 | FRANCE | N°19MA00477

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 11 mars 2021, 19MA00477


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la lettre du 18 avril 2017 par laquelle le préfet du Var a donné son accord pour la création de l'aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine (AVAP) de la commune de Fréjus et d'annuler la délibération du conseil municipal de la ville du 15 mai 2017 approuvant la création de l'aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine.

Par un jugement n° 1702253 du 27 novembre 2018, le tribunal administratif de Toulon

a annulé la délibération du 15 mai 2017 en ce qu'elle approuve les dispositi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la lettre du 18 avril 2017 par laquelle le préfet du Var a donné son accord pour la création de l'aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine (AVAP) de la commune de Fréjus et d'annuler la délibération du conseil municipal de la ville du 15 mai 2017 approuvant la création de l'aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine.

Par un jugement n° 1702253 du 27 novembre 2018, le tribunal administratif de Toulon a annulé la délibération du 15 mai 2017 en ce qu'elle approuve les dispositions des paragraphes 1.1.10 à 1.1.19 du 1.1 du III du règlement de l'AVAP et a rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 28 janvier 2019, M. E..., représenté par la SELARL Urban Conseil, agissant par Me F..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 27 novembre 2018 du tribunal administratif de Toulon en tant qu'il n'a prononcé qu'une annulation partielle de la délibération du conseil municipal de Fréjus du 15 mai 2017 approuvant la création de l'aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine (AVAP).

2°) d'annuler dans son entier la délibération du 15 mai 2017 ;

3°) de réformer le jugement du 27 novembre 2018 en ce qu'il n'a pas fait droit à sa demande fondée sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la commune de Fréjus une somme de 1 500 euros au titre des frais de première instance et non compris dans les dépens ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Fréjus une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais non compris dans les dépens de la procédure d'appel.

Il soutient que :

- à défaut de mise en compatibilité du plan local d'urbanisme de Fréjus avec l'aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine (AVAP) avant la création de celle-ci conformément à l'article L. 642-3 du code du patrimoine, l'AVAP n'est pas compatible avec les dispositions du règlement du plan local d'urbanisme ;

- la commune de Fréjus a commis une erreur manifeste d'appréciation en classant sa villa " bâtiment remarquable " de catégorie 1 ;

- les prescriptions du règlement de l'AVAP applicables aux bâtiments remarquables portent une atteinte excessive au droit de propriété garanti par l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La procédure a été communiquée à la commune de Fréjus qui n'a pas produit d'observations en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code du patrimoine ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de Mme D..., rapporteur public,

- et les observations de Me B... de la SELARL Urban Conseil, représentant M. E....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... E... est propriétaire indivis d'une parcelle cadastrée section CE n° 304, située boulevard Corot dans le quartier de Saint-Aygulf, sur le territoire communal de la ville de Fréjus. Par une délibération du 29 février 2012, le conseil municipal de la commune de Fréjus a prescrit la mise à l'étude de la révision de la zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager et de sa transformation en aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine (AVAP). Par une délibération du 29 septembre 2015, ce même conseil municipal a arrêté le projet de création de l'AVAP. M. E... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la délibération du 15 mai 2017 par laquelle la création de l'AVAP a été approuvée par le conseil municipal, suite à l'enquête publique qui s'est déroulée du 22 août au 23 septembre 2016 et suite à l'accord donné par le préfet du Var par lettre du 18 avril 2017. Par un jugement du 27 novembre 2018, le tribunal administratif de Toulon a annulé la délibération du 15 mai 2017 en ce qu'elle approuve les dispositions des paragraphes 1.1.10 à 1.1.19 du 1.1 du III du règlement de l'AVAP et a rejeté le surplus de la demande. Par la présente requête en appel, M. E... demande l'annulation du jugement en ce qu'il n'a prononcé que l'annulation partielle de la délibération du 15 mai 2017.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 642-1 du code du patrimoine dans sa version antérieure applicable à l'espèce : " Une aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine peut être créée à l'initiative de la ou des communes ou d'un établissement public de coopération intercommunale lorsqu'il est compétent en matière d'élaboration du plan local d'urbanisme, sur un ou des territoires présentant un intérêt culturel, architectural, urbain, paysager, historique ou archéologique. Elle a pour objet de promouvoir la mise en valeur du patrimoine bâti et des espaces dans le respect du développement durable. Elle est fondée sur un diagnostic architectural, patrimonial et environnemental, prenant en compte les orientations du projet d'aménagement et de développement durables du plan local d'urbanisme, afin de garantir la qualité architecturale des constructions existantes et à venir ainsi que l'aménagement des espaces. L'aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine a le caractère de servitude d'utilité publique. ". Aux termes de l'article L. 642-2 du même code : " Le dossier relatif à la création de l'aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine comporte : - un rapport de présentation des objectifs de l'aire. Ces objectifs sont fondés sur le diagnostic mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 642-1 et déterminés en fonction du projet d'aménagement et de développement durables du plan local d'urbanisme s'il est entré en vigueur ; (...) ". Aux termes du cinquième alinéa de l'article L. 642-3 du code du patrimoine, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Lorsque le projet n'est pas compatible avec les dispositions du plan local d'urbanisme, l'aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine ne peut être créée que si celui-ci a été mis en compatibilité avec ses dispositions selon la procédure définie aux articles L. 153-54 à L. 153-59 du code de l'urbanisme ".

3. En l'espèce, dans son rapport de présentation, l'AVAP comprend une partie intitulée " Cohérence avec le PADD " du plan local d'urbanisme de la ville de Fréjus, énumérant les trois axes principaux qu'a intégré le projet d'aménagement et de développement durables au regard de l'aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine (AVAP). Ainsi que l'ont jugé à bon droit les premiers juges, les dispositions du règlement du PLU relatives aux zones UBa et UCd ne sont pas incompatibles avec les interdictions et les obligations plus restrictives posées par le règlement de l'AVAP adaptées aux spécificités de protection des bâtiments énumérés. A ce titre, la partie 1.2 dénommée " Constructions neuves " du règlement de l'AVAP, précisant que " les projets d'architecture contemporaine soucieux d'une intégration dans l'environnement, et qui ne sauraient être un affaiblissement de l'architecture balnéaire, pourront être tolérés (...). Ceci implique une intégration du projet dans son environnement et une architecture de qualité, prenant en compte les caractéristiques de l'architecture et de l'ambiance paysagère de ce quartier balnéaire ", complète mais ne contredit pas les prescriptions contenues dans le règlement du plan local d'urbanisme. En outre, les dispositions du règlement relatives à la zone UB, qui autorisent la réalisation d'installations classées pour la protection de l'environnement, de terrains de sport et d'aires de stationnement dans le secteur de Saint-Aygulf, n'entrent pas plus en contradiction avec le règlement de l'AVAP, dès lors que ce dernier conditionne la réalisation de constructions neuves à leur intégration dans l'environnement. Dans ces conditions, M. E... n'est pas fondé à soutenir que la commune aurait dû mettre en oeuvre une procédure de mise en compatibilité du plan local d'urbanisme en application des articles L. 153-54 à L. 153-59 du code du patrimoine.

4. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que la villa " Le Belvédère ", propriété du requérant, se situe dans le quartier balnéaire de Saint-Aygulf de la commune de Fréjus. Ce quartier est représentatif de l'architecture de type villégiature développée au début du XXème siècle et structuré de " boulevards rectilignes aux allées perpendiculaires débouchant sur la mer ou sur la colline boisée ". Construite entre 1914 et 1918, la villa " le Belvédère ", est typique de ce type d'architecture. Si le requérant soutient que la villa litigieuse ne comporte plus les éléments architecturaux et originaux dressés par le règlement de l'aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine, il ressort toutefois de la fiche " patrimoine bâti " de l'AVAP en date du 2 juin 2015 que demeurent une entrée charretière en ferronnerie encadrée par des piliers, des débords de toiture, des carrelages anciens surmontés d'une terrasse-belvédère composée d'une balustrade en tuiles romanes et des menuiseries d'époque. La circonstance que la remise à l'état d'origine soit inenvisageable du fait de la mauvaise qualité des matériaux autrefois utilisés n'altère pas le caractère patrimonial de la villa. Dans ces conditions, la commune de Fréjus n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en classant la villa " bâtiment remarquable " de catégorie 1.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général (...) ". Il résulte des articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen que les atteintes portées au droit de propriété doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et être proportionnelles à l'objectif poursuivi.

6. Si M. E... soutient que les paragraphes 1.1.1 à 1.1.9 du III du règlement de l'aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine de la ville de Fréjus, en tant qu'il interdit les opérations de démolition, de modification, de suppression de tout ou partie du bâtiment et l'installation de châssis de toits, de panneaux à énergie solaire ou de l'isolation par l'extérieur des façades, portent atteinte à son droit de propriété, il est de la nature de toute réglementation d'urbanisme de prévoir, dans l'intérêt général et compte tenu de l'objectif de préservation et de mise en valeur du patrimoine architectural, des contraintes et des servitudes, lesquelles peuvent porter sur des obligations de faire ou de ne pas faire et des interdictions. Ainsi, les dispositions retenues par les paragraphes 1.1.1 à 1.1.9 du III du règlement de l'AVAP de Fréjus limitent l'exercice du droit de propriété, protégé par l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, mais n'y portent pas une atteinte excessive qui serait disproportionnée au regard du but d'intérêt général poursuivi par la commune de Fréjus. Elles ne méconnaissent pas non plus les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. Il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon n'a fait que partiellement droit à sa demande.

Sur les conclusions tendant à la réformation du jugement en ce qui concerne l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

9. M. E... demande à la Cour de réformer le jugement en tant que ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ont été rejetées. Toutefois, M. E..., ne présente aucun moyen à l'appui de ces conclusions, qui ne peuvent dès lors qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

10. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la commune de Fréjus le versement de la somme réclamée par M. E... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E... et à la commune de Fréjus.

Délibéré après l'audience du 18 février 2021 où siégeaient :

- M. Poujade, président,

- M. C..., président-assesseur,

- Mme Gougot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 mars 2021

2

N° 19MA00477


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19MA00477
Date de la décision : 11/03/2021
Type d'affaire : Administrative

Analyses

68-01-01-02-02-17 Urbanisme et aménagement du territoire. Plans d'aménagement et d'urbanisme. Plans d`occupation des sols (POS) et plans locaux d'urbanisme (PLU). Application des règles fixées par les POS ou les PLU. Règles de fond. Servitudes d'utilité publique affectant l'utilisation du sol.


Composition du Tribunal
Président : M. POUJADE
Rapporteur ?: M. Philippe PORTAIL
Rapporteur public ?: Mme GIOCANTI
Avocat(s) : URBAN CONSEIL

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-03-11;19ma00477 ?
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