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05/03/2021 | FRANCE | N°20MA04734

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 05 mars 2021, 20MA04734


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. DH... BV..., Mme FK..., Mme BP... EN..., Mme EK... H..., Mme AC... K..., M. EP... BX..., M. FM... BX..., M. BL... ET..., M. CN... BW..., M. BJ... EU..., M. AW... BY..., M. DT... DL..., Mme BO... FB..., Mme AA... BU..., M. AG... D..., Mme DS... O..., M. DH... AJ..., Mme BB... BZ..., M. CI... E..., M. AM... CA..., M. CY... P..., M. T... F..., M. EI... AL..., Mme Y... DN..., Mme CP... CC..., M. CX... CD..., Mme CV... CE..., M. EI... CF..., M. M... DQ..., M. DP... CM..., M. AS... DR..., Mme FJ... FG... épouse DR...

, Mme DZ... CG..., Mme AQ... Q..., Mme CB... CH..., Mme EM... A...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. DH... BV..., Mme FK..., Mme BP... EN..., Mme EK... H..., Mme AC... K..., M. EP... BX..., M. FM... BX..., M. BL... ET..., M. CN... BW..., M. BJ... EU..., M. AW... BY..., M. DT... DL..., Mme BO... FB..., Mme AA... BU..., M. AG... D..., Mme DS... O..., M. DH... AJ..., Mme BB... BZ..., M. CI... E..., M. AM... CA..., M. CY... P..., M. T... F..., M. EI... AL..., Mme Y... DN..., Mme CP... CC..., M. CX... CD..., Mme CV... CE..., M. EI... CF..., M. M... DQ..., M. DP... CM..., M. AS... DR..., Mme FJ... FG... épouse DR..., Mme DZ... CG..., Mme AQ... Q..., Mme CB... CH..., Mme EM... AH..., M. C... EW..., Mme AO... CL..., Mme EB... AR..., Mme DJ... AT..., M. I... DU..., M. N... B..., Mme DM... U..., Mme ER... AV..., M. FH... FI..., M. M... AX..., M. EJ... EO..., M. CX... AY..., Mme BG... CQ..., Mme CJ... BA..., Mme DO... DW..., M. FD... DX..., Mme EG... CR..., M. DB... X..., M. K... W..., M. EY... Z..., M. CY... DY..., M. EE... DY..., M. DT... CS..., M. DT... CT..., M. AE... BE..., M. BC... CU..., Mme EX... BF..., M. EZ... BH..., M. AN... BI..., M. CK... EA..., Mme S... FA..., M. CX... EQ..., M. AP... DA..., M. N... BK..., M. CO... DC..., M. DT... AB..., M. AM... DD..., M. BM... DE..., Mme CB... J..., M. AE... ED..., M. G... DF..., Mme AK... BN..., Mme CB... AD..., M. V... DG..., Mme DV... AF..., M. A... BQ..., M. EE... DI..., M. FE... L..., Mme EH... BR..., M. DT... BS..., Mme ES... EF..., Mme EL... DK..., M. M... BT..., M. EI... FC..., le Collectif de défense Inter-Entreprise des salariés engagés-Transport routiers de voyageurs (CODIESE TRV) et le syndicat général des transports CFDT Montpellier et environs ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 2 juin 2020 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Occitanie a homologué le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi des sociétés Vortex et FT Développement.

Par un jugement n° 2003372, 2003376, 2003377, 2003378, 2003379, 2003381, 2003384, 2003386, 2003387 du 27 octobre 2020, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 23 décembre 2020 et le 1er février 2021, le syndicat CODIESE TRV (Collectif de défense Inter-Entreprise des salariés engagés-Transport routiers de voyageurs), M. BL... ET..., M. CN... BW..., M. BJ... EU..., M. AW... BY..., M. DT... DL..., Mme BO... FB..., Mme AA... BU..., M. AG... D..., Mme DS... O..., M. DH... AJ..., Mme BB... BZ..., M. CI... E..., M. AM... CA..., M. CY... P..., M. T... F..., Mme Y... DN..., Mme CP... CC..., M. CX... CD..., Mme CV... CE..., M. EI... CF..., M. M... DQ..., M. DP... CM..., M. AS... DR..., Mme FJ... FG... épouse DR..., Mme AQ... Q..., Mme CB... CH..., Mme EM... AH..., M. C... EW..., Mme AO... CL..., Mme EB... AR..., Mme DJ... AT..., M. N... B..., Mme DM... U..., Mme ER... AV..., M. FH... FI..., M. M... AX..., M. EJ... EO..., M. CX... AY..., Mme BG... CQ..., Mme CJ... BA..., Mme DO... DW..., M. FD... DX..., Mme EG... CR..., M. DB... X..., M. K... W..., M. EY... Z..., M. DT... CS..., M. DT... CT..., M. AE... BE..., M. BC... CU..., M. EZ... BH..., M. AN... BI..., M. CK... EA..., Mme S... FA..., M. CX... EQ..., M. AP... DA..., M. N... BK..., M. CO... DC..., M. DT... AB..., M. AM... DD..., M. BM... DE..., Mme CB... J..., M. AE... ED..., M. G... DF..., Mme AK... BN..., Mme CB... AD..., Mme DV... AF..., M. A... BQ..., M. EE... DI..., M. FE... L..., Mme EH... BR..., M. DT... BS..., Mme ES... EF..., Mme EL... DK..., M. M... BT..., M. EI... FC..., représentés par Me EV..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 27 octobre 2020 ;

2°) d'annuler la décision du 2 juin 2020 du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Occitanie ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à chacun des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les réponses apportées par le tribunal administratif à leurs moyens sont contestables et parfois entachées d'une contradiction de motifs ;

- le tribunal administratif a omis d'examiner le moyen tiré de ce que ce que la DIRECCTE ne pouvait estimer que l'absence d'avis du CSE valait avis implicite de rejet ;

- la décision en litige comporte des erreurs quant à la qualité des administrateurs judiciaires et n'a pas été notifiée aux liquidateurs judicaires ;

- la décision du 2 juin 2020 du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi est insuffisamment motivée ;

- la procédure d'information et de consultation du comité social et économique a été insuffisante, ne lui permettant pas d'émettre un avis complet et éclairé sur le projet, notamment il n'a pas été informé de la liste des contrats de travail transférés qui n'étaient pas encore tous connus à la date de la dernière réunion du comité ;

- les dispositions du dernier alinéa du II de l'article L. 1233-30 du code du travail selon lesquelles, en l'absence d'avis du comité social et économique, celui-ci est réputé avoir été consulté, ne sont pas applicables aux entreprises en liquidation judiciaire ;

- l'absence d'avis explicite du comité social et économique faisait ainsi obstacle à ce que l'administration homologue légalement le plan de sauvegarde de l'emploi ;

- la commission santé, sécurité et conditions de travail a été mise en place de manière irrégulière et n'a pu rendre, dans ces conditions, régulièrement son avis ;

- l'administration, qui ne disposait pas à la date de la décision en litige d'informations sur la saisine de la commission paritaire nationale de l'emploi des transports routiers et des activités auxiliaires de transport et des procès-verbaux des réunions des 18 et 28 mai 2020 du comité social et économique et du 7 mai 2020 du CSSCT, n'a pas été en mesure d'exercer correctement son contrôle ;

- les mesures prévues en matière de prévention des risques psycho-sociaux sont insuffisantes ;

- le plan est insuffisant au regard des moyens dont disposait le groupe ;

- dans la mesure où la cessation d'activité des entreprises est due à la légèreté blâmable de l'employeur il appartenait aux liquidateurs de se rapprocher du dirigeant personne physique pour obtenir un abondement financier du plan ;

- les recherches de reclassement sont insuffisantes s'agissant des recherches de reclassement conventionnel.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 janvier 2021, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par le syndicat CODIESE TRV et autres ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 janvier 2021, les sociétés Vortex et FT Développement, Me R... et Me AZ..., co-administrateurs judiciaires de ces sociétés, Me AI... et Me CZ..., co-liquidateurs judiciaires de ces mêmes sociétés, représentés par la Selarl GM Associés, concluent au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du syndicat CODIESE TRV et autres la somme de 150 euros par requérant à verser à l'un ou l'autre des administrateurs et liquidateurs judicaires des deux sociétés au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que les moyens soulevés par le syndicat CODIESE TRV et autres ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. AU...,

- et les conclusions de M. Chanon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. L'unité économique et sociale (UES) Vortex est composée de la société Vortex, de la société holding FT Développement et de la société 2ASL. La société Vortex, qui employait 1 745 salariés, a pour activité principale les transports scolaires pour le compte de conseils départementaux et le transport d'enfants scolarisés en instituts médicaux-éducatifs. Par deux jugements du 29 avril 2020, le tribunal de commerce de Montpellier a placé les sociétés Vortex et FT Développement en liquidation judiciaire avec poursuite d'activité jusqu'au 22 juin 2020. A la demande de Me R... et de Me AZ..., co-administrateurs judiciaires des deux sociétés maintenues en fonction pendant la période de poursuite de l'activité, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Occitanie a, par une décision du 2 juin 2020, homologué le document unilatéral fixant le plan de sauvegarde de l'emploi de ces deux sociétés. Le syndicat CODIESE TRV et 76 salariés des deux entreprises relèvent appel du jugement du 27 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, eu égard à l'office du juge d'appel, qui est appelé à statuer d'une part sur la régularité de la décision des premiers juges et d'autre part, sur le litige qui a été porté devant eux, les moyens tirés de ce que les réponses apportées par le tribunal administratif aux moyens soulevés seraient contestables et parfois entachées d'une contradiction de motifs sont inopérants.

3. En, second lieu, il ressort des pièces du dossier qu'au point 21 du jugement attaqué, le tribunal administratif a répondu au moyen tiré de l'absence d'avis émis par le comité social et économique en relevant que celui-ci avait été régulièrement consulté et disposait, lors de sa dernière réunion, de l'ensemble des éléments nécessaires pour émettre un avis en toute connaissance de cause, tant sur l'opération projetée et ses modalités d'application que sur le projet de licenciement collectif et le plan de sauvegarde de l'emploi, pour en déduire que le DIRECCTE avait, à bon droit, même en l'absence d'un avis favorable ou défavorable émis par le comité social et économique, constaté la régularité de la procédure d'information-consultation de ce comité. Le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments des requérants, a ainsi implicitement mais nécessairement écarté celui tiré de ce que " la DIRECCTE ne pouvait estimer que l'absence d'avis du CSE valait avis implicite de rejet ".

Sur la légalité de la décision d'homologation :

En ce qui concerne la forme de la décision en litige et les conditions de sa notification :

4. Si la décision en litige mentionne dans ses visas que la demande d'homologation a été présentée par Me AZ... et Me R... en qualité de liquidateurs judiciaires des sociétés Vortex et FT Développement, alors que les intéressés ont été désignés par le tribunal de commerce pour assurer une mission d'administrateur judiciaire de ces mêmes sociétés, cette simple erreur matérielle est sans incidence sur sa légalité. Par ailleurs, les conditions de notification d'une décision administrative étant dépourvues d'incidence sur sa légalité, le moyen tiré de ce que la décision en litige du 2 juin 2020 n'aurait pas été notifiée régulièrement à Me AI... et CZ..., liquidateurs judiciaires des deux sociétés, est inopérant à l'appui du recours pour excès de pouvoir formé contre cette décision.

En ce qui concerne la motivation de la décision :

5. Aux termes de l'article L. 1233-57-4 du code du travail : " L'autorité administrative notifie à l'employeur (...) la décision d'homologation (...). / Elle la notifie, dans les mêmes délais, au comité social et économique (...). La décision prise par l'autorité administrative est motivée. / (...) ".

6. Lorsque l'administration homologue la décision de l'employeur fixant le plan de sauvegarde de l'emploi, il lui appartient, sans prendre nécessairement parti sur le respect de chacune des règles dont il lui revient d'assurer le contrôle, de faire en sorte que les personnes, autres que l'employeur, auxquelles est notifiée cette décision favorable à ce dernier, puissent à sa seule lecture en connaître les motifs. A ce titre, elle doit faire figurer dans la motivation de sa décision les éléments essentiels de son examen et, notamment, ceux relatifs à la régularité de la procédure d'information et de consultation des instances représentatives du personnel, ceux tenant au caractère suffisant des mesures contenues dans le plan au regard des moyens de l'entreprise et, le cas échéant, de l'unité économique et sociale ou du groupe, ainsi que ceux relatifs à la recherche, par l'employeur, des postes de reclassement. Par ailleurs, l'autorité administrative doit, le cas échéant, indiquer dans la motivation de sa décision tout élément sur lequel elle aurait été, en raison des circonstances propres à l'espèce, spécifiquement amenée à porter une appréciation.

7. En l'espèce, la décision en litige vise notamment les procès-verbaux des réunions du comité social et économique des 7, 18 et 28 mai 2020 ainsi que le refus du comité de rendre un avis sur l'opération projetée, ses modalités d'application et sur le projet de licenciement économique collectif. La circonstance alléguée que ces procès-verbaux ne retraceraient que les seules délibérations du comité à l'exclusion " de la teneur des débats " n'est pas de nature à établir une insuffisance de motivation de la décision contestée. Par ailleurs s'il est soutenu qu'en l'absence d'une retranscription ou d'une synthèse de ces débats l'administration ne serait pas en mesure d'opérer son contrôle ou encore que l'administrateur judiciaire n'aurait pas apporté de réponses circonstanciées au cours des débats, ces éléments sont étrangers à la question de la motivation de la décision administrative en litige. Dans ces conditions le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la procédure d'information et de consultation du comité social et économique :

8. D'une part, aux termes de l'article L. 1233-61 du code du travail : " Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre. (...) ". Les articles L. 1233-24-1 et L. 1233-24-4 du même code prévoient que le contenu de ce plan de sauvegarde de l'emploi peut être déterminé par un accord collectif d'entreprise et qu'à défaut d'accord, il est fixé par un document élaboré unilatéralement par l'employeur. Enfin, aux termes de l'article L. 1233-57-3 du même code, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " En l'absence d'accord collectif (...) l'autorité administrative homologue le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, après avoir vérifié (...) la régularité de la procédure d'information et de consultation du comité social et économique (...) ".

9. D'autre part, il résulte des dispositions de l'article L. 1233-28 du même code que l'employeur qui envisage de procéder à un licenciement collectif pour motif économique d'au moins dix salariés dans une même période de trente jours doit réunir et consulter, le comité social et économique. A ce titre, le I de l'article L. 1233-30 du même code dispose, s'agissant des entreprises ou établissements qui emploient habituellement au moins cinquante salariés, que : " (...) l'employeur réunit et consulte le comité social et économique sur : / 1° L'opération projetée et ses modalités d'application, conformément à l'article L. 2323-31 ; / 2° Le projet de licenciement collectif : le nombre de suppressions d'emploi, les catégories professionnelles concernées, les critères d'ordre et le calendrier prévisionnel des licenciements, les mesures sociales d'accompagnement prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi et, le cas échéant, les conséquences des licenciements projetés en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail.(...) / Le comité social et économique tient au moins deux réunions espacées d'au moins quinze jours (...) ". Le II du même article dispose que : " Le comité social et économique rend ses deux avis dans un délai qui ne peut être supérieur, à compter de la date de sa première réunion au cours de laquelle il est consulté sur les 1° et 2° du I, à : / (...) 3° Quatre mois lorsque le nombre des licenciements est au moins égal à deux cent cinquante. (...) / En l'absence d'avis du comité social et économique dans ces délais, celui-ci est réputé avoir été consulté ". Aux termes de l'article L. 1233-31 : " L'employeur adresse au représentants du personnel, avec la convocation à la première réunion, tous renseignements utiles sur le projet de licenciement collectif. / Il indique: / 1° La ou les raisons économiques, financières ou techniques du projet de licenciement ; (...) 7° Le cas échéant, les conséquences de la réorganisation en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail. ". L'article L. 1233-32 dispose que, dans les entreprises de plus de cinquante salariés, l'employeur adresse " outre les renseignements prévus à l'article L. 1233-31 (...) le plan de sauvegarde de l'emploi (...) ".

10. Enfin aux termes de l'article L. 1233-58 du code du travail : " I. En cas de redressement ou de liquidation judiciaire, l'employeur, l'administrateur ou le liquidateur, selon le cas, qui envisage des licenciements économiques, met en oeuvre un plan de licenciement dans les conditions prévues aux articles L. 1233-24-1 à L. 1233-24-4. / L'employeur, l'administrateur ou le liquidateur, selon le cas, réunit et consulte le comité social et économique dans les conditions prévues à l'article L. 2323-31 ainsi qu'aux articles : (...) 3°) L. 1233-30, I à l'exception du dernier alinéa, et dernier alinéa du II, pour un licenciement d'au moins dix salariés dans une entreprise d'au moins cinquante salariés. (...) ".

11. Il résulte de l'ensemble des dispositions citées ci-dessus que, lorsqu'elle est saisie en cas de redressement ou de liquidation judiciaire, par l'administrateur ou le liquidateur, d'une demande d'homologation d'un document élaboré en application de l'article L. 1233-24-4 du code du travail et fixant le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi, il appartient à l'administration de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que la procédure d'information et de consultation du comité social et économique a été régulière. En l'absence d'avis du comité social et économique, l'administration ne peut légalement homologuer le plan de sauvegarde de l'emploi qui lui est transmis que si le comité a été mis à même, avant cette transmission, de rendre son avis, d'une part, sur l'opération projetée et ses modalités d'application et, d'autre part, sur le projet de licenciement collectif et le plan de sauvegarde de l'emploi en toute connaissance de cause dans des conditions qui ne sont pas susceptibles d'avoir faussé sa consultation. Lorsque l'assistance d'un expert-comptable a été demandée selon les modalités prévues par l'article L. 1233-34 du même code, l'administration doit également s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que celui-ci a pu exercer sa mission dans des conditions permettant au comité d'entreprise de formuler ses avis en toute connaissance de cause.

12. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier qu'une première réunion d'information et de consultation du comité social et économique s'est tenue le 7 mai 2020 au cours de laquelle les administrateurs judiciaires ont soumis au comité, pour la première fois, l'opération projetée ainsi que le projet de licenciement collectif et le plan de sauvegarde de l'emploi. Cette réunion s'est prolongée les 18 et 28 mai 2020. Lors de cette première réunion d'information et de consultation, le comité social et économique n'a pris aucune décision de recourir à l'assistance d'un expert-comptable. S'il ressort des pièces du dossier qu'un expert-comptable avait été désigné antérieurement dans le cadre du droit d'alerte économique prévu par l'article L. 2312-63 du code du travail et a été autorisé à participer aux réunions des 18 et 28 mai 2020, il ne saurait ainsi être regardé comme ayant été désigné au titre des dispositions des articles L. 1233-34 et L. 2325-35 du code du travail et comme bénéficiant, en conséquence, des droits qui découlent de ces dispositions. A l'issue de la réunion du 28 mai 2020, le comité social et économique a voté différentes motions mais s'est abstenu de donner un avis sur le projet de licenciement collectif ainsi que sur les mesures du plan de sauvegarde de l'emploi.

13. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que, postérieurement à l'injonction adressée le 25 mai 2020 par l'autorité administrative à l'employeur, les administrateurs judiciaires ont transmis au comité social et économique, ainsi qu'à l'expert-comptable qui l'assistait dans les circonstances mentionnées au point 12, les informations relatives à la comptabilité de la société 2ASL, notamment les grands livres 2016/2017 et 2018, ainsi qu'un extrait du pacte liant les actionnaires de cette société et de la société Vortex, le protocole de conciliation avec l'URSSAF, des informations circonstanciées sur les véhicules mis en réserve ainsi que des clarifications comptables concernant l'analyse du carburant " non affecté ". S'il leur est reproché de ne pas avoir transmis la ou les conventions liant les sociétés Vortex et FT Développement avec les autres sociétés du groupe et notamment la société 2 ASL, il ressort des pièces du dossier qu'aucune convention de cette nature n'a jamais été conclue entre ces sociétés. Par ailleurs, si les administrateurs judiciaires n'ont pas été en mesure de fournir la liste des véhicules mis en réserve, ils ont informé les membres du comité des raisons qui y faisaient obstacle, tenant à ce que cette liste n'était pas statique du fait que les véhicules en cause étaient destinés à remplacer des véhicules en panne temporairement ou définitivement. S'ils n'ont pas été également en mesure de répondre aux demandes sur les données de géolocalisation de ces véhicules, le détail de l'utilisation des cartes de carburant par les agences et les données des entrées et sorties des véhicules mis en réserve, ils ont également exposé aux membres du comité les raisons pour lesquelles ces données ne pouvaient être aisément identifiées, notamment en raison des difficultés d'affecter sur le plan analytique les véhicules en réserve aux marchés de l'entreprise. Ils ont également apporté au conseil des précisions et clarifications comptables par rapport aux données relevées par l'expert-comptable concernant l'analyse du carburant " non affecté ". A cet égard, la seule circonstance que les membres du comité social et économique n'aient pas obtenu les précisions supplémentaires dont ils souhaitaient disposer en ce qui concerne les véhicules de réserve et la consommation de carburant, alors qu'une explication particulièrement détaillée leur a été donnée sur l'utilisation de ces véhicules, n'est pas, par elle-même, de nature à établir, qu'en l'espèce, le comité n'aurait pas disposé, en temps utile, des éléments d'information disponibles qui lui étaient nécessaires pour apprécier la situation économique et financière des deux entreprises Vortex et FT Développement et qu'il aurait été ainsi empêché de se prononcer en toute connaissance de cause sur l'opération projetée et le plan de sauvegarde de l'emploi.

14. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que dans le cadre de la convention collective nationale des transports routiers et des activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950, un accord a été conclu le 7 juillet 2009 entre organisations représentatives des employeurs et des salariés sur la garantie d'emploi et la poursuite des relations de travail en cas de changement de prestataire dans les transports urbains de voyageurs. Les stipulations de cet accord ont été rendues obligatoires, pour tous les employeurs et tous les salariés compris dans le champ d'application de l'accord par un arrêté interministériel du 22 juillet 2010. Aux termes de l'article 2 de cet accord : " Lorsque les conditions pour l'application des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail (...) ne sont pas remplies, les parties prévoient la continuité de l'emploi des salariés affectés au marché concerné dans les conditions stipulées ci-dessous, en vue d'améliorer et de renforcer la garantie d'emploi offerte aux salariés affectés à un marché faisant l'objet d'un changement de prestataire. ". Le personnel concerné par cette garantie d'emploi est défini par l'article 2.3. de cet accord, aux termes duquel : " Le nouveau prestataire s'engage à garantir l'emploi du personnel affecté au marché faisant l'objet de la reprise lorsqu'il remplit les conditions cumulatives suivantes: / - appartenir expressément à une catégorie de conducteur et être affecté au moins à 65 % de son temps de travail calculé sur la base de la durée contractuelle, hors heures supplémentaires et complémentaires (ou, en cas de changement d'horaire dans les 12 derniers mois, sur la base de la moyenne constatée sur la même période) pour le compte de l'entreprise sortante sur le marché concerné, soit à une autre catégorie professionnelle (ouvrier, employé ou agent commercial) et être affecté exclusivement au marché concerné ; / - être affecté sur le marché depuis au moins 6 mois et ne pas être absent depuis 4 mois ou plus à la date d'expiration du contrat ". Selon l'article 2.5 du même accord, il appartient à l'entreprise sortante qui était auparavant titulaire du marché, d'établir une " liste de tout le personnel affecté au marché repris, en faisant ressortir les salariés remplissant les conditions énumérées à l'article 2.3 " Conditions d'un maintien dans l'emploi " du présent accord (...) Elle sera communiquée obligatoirement à l'entreprise entrante dans les plus brefs délais et au plus tard 40 jours avant le début du marché, si le délai de 45 jours prévu à l'article 2. 2 " Modalités entre entreprises " du présent accord est respecté. Dans le cas contraire, cette communication sera effectuée sous 48 heures (hors dimanches et fêtes) à compter du moment où elle sera informée de l'attribution du marché. Si l'entreprise sortante ne communique pas les informations prévues par le présent article dans les délais visés ci-dessus, et laisse sans réponse une demande formelle de l'entreprise entrante, l'entreprise entrante est délivrée de ses obligations à son égard. Dans ce cas, le salarié reste à la charge de l'entreprise sortante (...) Les institutions représentatives du personnel de l'entreprise sortantes seront également informées dans les mêmes délais (...) ". Il résulte de ces stipulations, dont l'appréciation incombe au juge administratif en application des dispositions de l'article L. 1235-7-1 du code du travail, que si elles prévoient dans le cas du transfert des contrats de travail des salariés affectés à un marché faisant l'objet d'un changement de prestataire une information des institutions représentatives du personnel de l'entreprise dite " sortante ", elles n'imposent pas une telle obligation à l'employeur au stade de l'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi.

15. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que le comité social et économique a été informé de la suppression de la totalité des postes de travail au nombre de 1287. Il résulte également du procès-verbal de la réunion du 28 mai 2020 qu'il a été informé des contrats de travail qui à cette date étaient transférés aux entreprises qui avaient repris les marchés en cours de la société Vortex. Si à cette dernière date, ainsi qu'à celle de la décision en litige, cette liste n'était pas définitive, et si donc les contrats de travail transférés n'étaient pas encore tous connus avec exactitude, il résulte de ce qui a été dit au point 14, d'une part, que cette circonstance est sans incidence sur la régularité de la procédure d'information et de consultation du comité social et économique et que, d'autre part, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la décision litigieuse serait illégale en ce qu'elle aurait homologué le plan de sauvegarde de l'emploi en méconnaissance des stipulations de l'accord du 7 juillet 2009. S'il est soutenu que certains salariés se sont vus refuser leur transfert par le repreneur d'un marché au motif que la société n'aurait pas produit les éléments contractuels conditionnant un tel transfert validé par l'inspecteur du travail, cette contestation relève d'un litige distinct de celui qui a été tranché par le jugement attaqué. Par suite, il n'appartient pas, en tout état de cause, à la Cour d'en connaître dans le cadre de la présente instance.

En ce qui concerne l'absence d'avis explicite du comité social et économique :

16. Il résulte des dispositions de l'article L. 1233-58 du code du travail, mentionnées au point 10, que dans le cas d'une entreprise en liquidation judiciaire le comité social et économique est consulté dans les conditions prévues, d'une part, au I de l'article L. 1233-30 exception faite de son dernier alinéa et, d'autre part, du dernier alinéa de son II. Il en résulte que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, les dispositions énoncées au dernier alinéa du II de l'article L. 1233-30 selon lesquelles en l'absence d'avis du comité social et économique, celui-ci est réputé avoir été consulté, sont bien applicables aux entreprises en liquidation judiciaire.

17. En l'espèce, comme il a été dit précédemment, le comité social et économique a été mis à même avant la transmission de la demande d'homologation, de rendre son avis, d'une part, sur l'opération projetée et ses modalités d'application et, d'autre part, sur le projet de licenciement collectif et le plan de sauvegarde de l'emploi en toute connaissance de cause dans des conditions qui ne sont pas susceptibles d'avoir faussé sa consultation. Dès lors, si au cours de la réunion du 28 mai 2020 il s'est refusé à émettre un avis et s'est borné à voter différentes motions, il doit néanmoins être réputé, en application du dernier alinéa du II de l'article L. 1233-30, avoir été régulièrement consulté. Par suite, l'absence d'avis explicite du comité social et économique ne faisait pas obstacle à ce que l'administration homologue légalement le plan de sauvegarde de l'emploi qui lui était transmis.

En ce qui concerne le moyen tiré de l'irrégularité de la constitution de la commission sécurité, santé et conditions de travail :

18. Aux termes de l'article L. 2315-36 du code du travail : " Une commission santé, sécurité et conditions de travail est créée au sein du comité social et économique dans : / 1° Les entreprises d'au moins trois cent salariés (...) ". Selon l'article L. 2315-38 du même code : " La commission santé, sécurité et conditions de travail se voit confier, par délégation du comité social et économique, tout ou partie des attributions du comité relatives à la santé, à la sécurité et aux conditions de travail, à l'exception du recours à un expert prévu à la sous-section 10 et des attributions consultatives du comité ". L'article L. 2315-39 dispose que : " La commission est présidée par l'employeur ou son représentant. / Elle comprend au minimum trois membres représentants du personnel, dont au moins un représentant du second collège, ou le cas échéant du troisième collège prévus à l'article L. 2314-11. / Les membres de la commission santé, sécurité et conditions de travail sont désignés par le comité social et économique parmi ses membres, par une résolution adoptée selon les modalités définies à l'article L. 2315-32, pour une durée qui prend fin avec celle du mandat des membres élus du comité ". Enfin, en vertu, de l'article R. 2314-24 du même code dans sa rédaction alors en vigueur : " Le tribunal d'instance est saisi des contestations par voie de déclaration au greffe (...) Lorsque la contestation porte sur la régularité de l'élection ou sur la désignation de représentants syndicaux, la déclaration n'est recevable que si elle est faite dans les quinze jours suivant cette élection ou cette désignation ".

19. Le délai de contestation imparti par l'article R. 2314-24 du code du travail est applicable à toute décision du comité social et économique procédant à la désignation de ses délégués à la commission santé, sécurité et conditions de travail. La désignation des délégués du comité social et économique de l'UES Vortex à la commission santé, sécurité et conditions de travail a été opérée lors de la réunion de ce comité du 19 novembre 2019. Il ne ressort pas des pièces du dossier que cette désignation aurait été contestée dans le délai de quinze jours imparti par l'article R. 2314-24 du code du travail, lequel était expiré lorsque la commission santé, sécurité et conditions de travail a été consultée le 7 mai 2020 sur les risques psychosociaux liés au projet de licenciement. Par suite, les requérants ne peuvent valablement invoquer l'irrégularité de la composition de la commission santé, sécurité et conditions de travail lors de cette consultation.

En ce qui concerne le moyen tiré du caractère incomplet des informations transmises à l'administration :

20. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir de statuer sur la légalité d'une décision administrative au vu des éléments du dossier qui lui est soumis, lequel peut comporter non seulement les éléments dont disposait l'administration à la date de sa décision mais aussi, le cas échéant, des éléments produits seulement devant lui. Par suite, les requérants ne peuvent utilement soutenir que la décision d'homologation en litige est illégale pour le motif tiré de ce que l'administration n'aurait pas disposé d'informations sur la saisine de la commission paritaire nationale de l'emploi des transports routiers et des activités auxiliaires de transport de nature à justifier légalement sa décision. Au demeurant, cette allégation n'est pas corroborée par les pièces du dossier desquelles il ressort que l'administration était bien informée de cette saisine, ainsi qu'en atteste notamment l'indication figurant dans la décision en litige selon laquelle cette commission a été saisie par un courrier du 29 avril 2020. Pour les mêmes raisons, le moyen tiré de ce que l'administration ne pouvait pas homologuer la décision unilatérale de l'employeur au motif qu'à la date de la décision en litige elle ne disposait que d'un extrait des procès-verbaux des réunions des 18 et 28 mai 2020 du comité social et économique qui ne retraçaient pas l'intégralité des débats ainsi que les réponses apportées par l'administrateur judiciaire au cours de ces débats, est inopérant. Il en est de même du moyen tiré de ce que l'administration n'aurait pas disposé du procès-verbal de la réunion du 7 mai 2020 de la commission sécurité, santé et conditions de travail du comité social et économique. Au demeurant, si cette réunion qui s'est tenue en visioconférence en raison de la crise sanitaire, n'a pas donné lieu à l'établissement d'un procès-verbal, il ressort des pièces du dossier que l'enregistrement vidéo des débats a été transmis à l'administration et qu'elle en disposait à la date de la décision en litige.

En ce qui concerne le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi :

S'agissant de la prise en compte de la prévention des risques psychosociaux :

21. Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail : " L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ". Par ailleurs, le I de l'article L. 1233-30 du même code dispose, s'agissant des entreprises ou établissements qui emploient habituellement au moins cinquante salariés, que l'employeur réunit et consulte le comité social et économique le cas échéant sur les conséquences des licenciements projetés en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail.

22. Dans le cadre d'une réorganisation qui donne lieu à élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi, il appartient à l'autorité administrative de vérifier le respect, par l'employeur, de ses obligations en matière de prévention des risques pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. A cette fin, elle doit contrôler, tant la régularité de l'information et de la consultation des institutions représentatives du personnel que les mesures auxquelles l'employeur est tenu en application de l'article L. 4121-1 du code du travail au titre des modalités d'application de l'opération projetée. Lorsque l'autorité administrative est saisie d'une demande d'homologation d'un document unilatéral fixant le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi elle ne peut légalement accorder l'homologation demandée que si l'employeur a pris les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs et si la consultation du comité social et économique sur ce point a été régulière.

23. Il ressort des pièces du dossier que par un jugement du 3 avril 2020, le tribunal de commerce de Montpellier a adopté l'offre de reprise partielle de l'activité de la société Vortex par la société Sadap et ordonné le transfert au cessionnaire de 129 contrats de travail. Puis, par deux jugement du 29 avril 2020, le même tribunal a prononcé la conversion du redressement judiciaire des deux sociétés Vortex et FT Développement en liquidation judiciaire avec poursuite d'activité jusqu'au 22 juin 2020. Le plan de réorganisation mis en oeuvre à la suite de ces jugements prévoit la fermeture totale des deux entreprises, la cessation définitive de leur activité et la suppression de l'ensemble des postes de travail. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'avant l'achèvement de cette opération, et notamment au cours de la période de prolongation d'activité, les conditions de sécurité dans l'entreprise ou les conditions de travail des salariés ayant vocation à être licenciés seraient susceptibles d'être affectées par l'opération projetée. D'autre part, il résulte du document unilatéral présenté aux membres du comité social et économique et notamment de sa partie 10, qu'y ont été identifiés les risques psychosociaux auxquels les salariés ayant vocation à être licenciés étaient susceptibles d'être confrontés ainsi que les actions de prévention de ces risques pendant la période de poursuite d'activité autorisée. Le document unilatéral prévoit ainsi le recours par les salariés au médecin du travail et au service de santé au travail chargés d'informer la direction des ressources humaines des situations à risque qu'ils auraient identifiées, une présence accrue du médecin du travail pouvant par ailleurs être sollicitée en fonction des besoins des salariés, ainsi qu'un soutien psychologique, via un numéro vert, par l'intermédiaire de la cellule d'appui à la sécurisation professionnelle (CASP), permettant la prise en charge anticipée et collective des salariés, indépendamment de leur adhésion ou non au contrat de sécurisation professionnelle. Pour soutenir les salariés les plus fragilisés, une écoute renforcée a été prévue comprenant des entretiens avec des consultants ayant un profil et une formation de psychologue du travail. Le document unilatéral comportait ainsi les mesures auxquelles l'employeur était tenu en application de l'article L. 4121-1 du code du travail au titre des modalités d'application de l'opération projetée. Alors même que le document unilatéral n'aurait pas comporté " un dispositif d'information individuelle et de recours ou dispositif d'alerte face à toute difficulté en matière de risques psychosociaux " des salariés, l'administration a pu estimer que ces mesures, prises dans leur ensemble, étaient propres à satisfaire les objectifs de prévention de ces risques.

S'agissant du caractère suffisant du plan de sauvegarde de l'emploi au regard des moyens des entreprises Vortex et FT Développement :

24. D'une part, aux termes de l'article L. 1233-57-3 du code du travail dans sa rédaction applicable à l'espèce : " En l'absence d'accord collectif (...), l'autorité administrative homologue le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, après avoir vérifié la conformité de son contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles relatives aux éléments mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, (...) et le respect par le plan de sauvegarde de l'emploi des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 en fonction des critères suivants : 1° Les moyens dont disposent l'entreprise, l'unité économique et sociale et le groupe ; / 2° Les mesures d'accompagnement prévues au regard de l'importance du projet de licenciement ; / 3° Les efforts de formation et d'adaptation tels que mentionnés aux articles L. 1233-4 et L. 6321-1. / Elle s'assure que l'employeur a prévu le recours au contrat de sécurisation professionnelle mentionné à l'article L. 1233-65 ou la mise en place du congé de reclassement mentionné à l'article L. 1233-71 ".

25. D'autre part, le deuxième alinéa du II de l'article L. 1233-58 du code du travail, issu de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, dispose que : " Par dérogation au 1° de l'article L. 1233-57-3, sans préjudice de la recherche, selon le cas, par l'administrateur, le liquidateur ou l'employeur, en cas de redressement ou de liquidation judiciaire, des moyens du groupe auquel l'employeur appartient pour l'établissement du plan de sauvegarde de l'emploi, l'autorité administrative homologue le plan de sauvegarde de l'emploi après s'être assurée du respect par celui-ci des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 au regard des moyens dont dispose l'entreprise. ".

26. Il résulte des dispositions précitées des articles L. 1233-57-3 et L. 1233-58 du code du travail que, lorsqu'elle est saisie d'une demande d'homologation d'un document fixant le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi relatif à une entreprise en redressement ou liquidation judiciaire, il appartient à l'administration de vérifier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la conformité de ce document et du plan de sauvegarde de l'emploi dont il fixe le contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles applicables, en s'assurant notamment du caractère suffisant du plan de sauvegarde de l'emploi. A ce titre elle doit, au regard de l'importance du projet de licenciement, apprécier si les mesures contenues dans le plan sont précises et concrètes et si, à raison, pour chacune, de sa contribution aux objectifs de maintien dans l'emploi et de reclassement des salariés, elles sont, prises dans leur ensemble, propres à satisfaire à ces objectifs compte tenu, d'une part, des efforts de formation et d'adaptation déjà réalisés par l'employeur et, d'autre part, des moyens dont dispose l'entreprise, à l'exclusion de ceux du groupe auquel, le cas échéant, elle appartient. En revanche, ces dispositions ne dispensent pas l'administration de vérifier si l'administrateur, le liquidateur ou l'employeur ont recherché les moyens du groupe auquel l'employeur appartient pour l'établissement du plan de sauvegarde de l'emploi.

27. En premier lieu, il est constant qu'à la date de la décision en litige les sociétés Vortex et FT Développement avaient été placées en liquidation judiciaire par les deux jugements susmentionnés du 29 avril 2020 du tribunal de commerce de Montpellier. Dans ces conditions, il résulte de ce qui a été dit au point 26 que le caractère suffisant du plan de sauvegarde de l'emploi doit être apprécié au regard des seuls moyens dont disposaient les sociétés Vortex et FT Développement, à l'exclusion des moyens des autres entreprises du groupe auquel elles appartiennent. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le plan serait insuffisant au regard des moyens dont disposait le groupe.

28. En second lieu, il n'appartient pas à l'administration, dans de telles circonstances, de rechercher si la cessation d'activité est due à la faute ou à la légèreté blâmable de l'employeur. Par ailleurs, aucune règle ne permet de solliciter un dirigeant pour abonder un plan de sauvegarde de l'emploi sur ses biens privés. Par suite, le moyen tiré de ce que le plan aurait dû être établi au regard des moyens réels du dirigeant des sociétés Vortex et FT Développement dans la mesure où leur cessation d'activité serait la conséquence directe et nécessaire de la légèreté blâmable de l'employeur est inopérant.

S'agissant des mesures de reclassement prévues par le plan :

29. L'article L. 1233-62 du code du travail dispose que : " Le plan de sauvegarde de l'emploi prévoit des mesures telles que : / 1° Des actions en vue du reclassement interne sur le territoire national, des salariés sur des emplois relevant de la même catégorie d'emplois ou équivalents à ceux qu'ils occupent ou, sous réserve de l'accord exprès des salariés concernés, sur des emplois de catégorie inférieure ; / (...) 3° Des actions favorisant le reclassement externe à l'entreprise, notamment par le soutien à la réactivation du bassin d'emploi / (...) 5° Des actions de formation, de validation des acquis de l'expérience ou de reconversion de nature à faciliter le reclassement interne ou externe des salariés sur des emplois équivalents ".

30. Il revient notamment à l'autorité administrative de s'assurer que le plan de reclassement intégré au plan de sauvegarde de l'emploi est de nature à faciliter le reclassement des salariés. A cette fin, l'employeur doit avoir identifié dans le plan l'ensemble des possibilités de reclassement des salariés dans l'entreprise. En outre, lorsque l'entreprise appartient à un groupe, l'employeur, seul débiteur de l'obligation de reclassement, doit avoir procédé à une recherche sérieuse des postes disponibles pour un reclassement dans les autres entreprises du groupe et, pour l'ensemble des postes de reclassement ainsi identifiés, l'employeur doit avoir indiqué dans le plan leur nombre, leur nature et leur localisation.

31. Les sociétés Vortex et FT Développement étant mises en liquidation judiciaires et cessant toute activité, cette circonstance faisait nécessairement obstacle à l'identification de postes de reclassement en leur sein. Par ailleurs, malgré le sérieux des démarches effectuées par les administrateurs judiciaires des sociétés Vortex et FT Développement auprès des autres sociétés du groupe Vortex auquel elles appartenaient, aucun poste de reclassement n'a pu y être identifié. Enfin, les recherches effectuées auprès des sociétés susceptibles de reprendre les marchés de la société Vortex ont abouti au transfert du contrat de travail de 223 salariés. La circonstance qu'un nombre de contrats de travail supérieur n'ait pas été transféré n'est pas de nature à établir une insuffisance des mesures de reclassement externe, dès lors que les recherches ayant conduit à ces transferts ont été menées avec sérieux. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'insuffisance des mesures de reclassement du plan faisait obstacle, pour ce motif, à l'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi.

32. Il résulte de tout ce qui précède que le syndicat CODIESE TRV et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

33. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par le syndicat CODIESE TRV et autres, au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge du syndicat CODIESE TRV et autres le versement à Me R... et Me AZ..., co-administrateurs judiciaires des sociétés Vortex et FT Développement, Me AI... et Me CZ..., co-liquidateurs de ces mêmes sociétés, les sommes qu'ils demandent au titre des mêmes frais.

D É C I D E :

Article 1er : La requête du syndicat CODIESE TRV et autres est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de Me R... et Me AZ..., co-administrateurs judiciaires des sociétés Vortex et FT Développement, de Me AI... et Me CZ..., co-liquidateurs de ces mêmes sociétés, tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme CV... CE..., représentante unique, pour l'ensemble des requérants, aux sociétés Vortex et FT Développement, à Me CW... R... et Me BD... AZ..., co-administrateurs judiciaires de ces sociétés, à Me FL... AI... et Me EC... CZ..., co-liquidateurs de ces mêmes sociétés et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.

Copie en sera adressée au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Occitanie.

Délibéré après l'audience du 19 février 2021, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. AU..., président assesseur,

- Mme FF..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 mars 2021.

2

N° 20MA04734

nl


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA04734
Date de la décision : 05/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07 Travail et emploi. Licenciements.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: M. Georges GUIDAL
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : CAMPAGNOLO

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-03-05;20ma04734 ?
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