Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Corsica Ferries France a demandé au tribunal administratif de Bastia de condamner la collectivité de Corse à lui verser la somme de 88 200 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 29 décembre 2014, en réparation du préjudice résultant de l'exploitation du " service complémentaire " instauré par la délégation de service public de desserte maritime de la Corse pour la période 2007-2013.
Par un jugement n° 1500375 du 23 février 2017, le tribunal administratif de Bastia a condamné la collectivité de Corse à verser à la société Corsica Ferries France la somme de 84 362 593,12 euros, actualisée selon la méthode décrite par le rapport d'audit produit par cette société et assortie des intérêts au taux légal à compter du 29 décembre 2014.
Procédure devant la Cour :
Par un arrêt n° 17MA01582-17MA01583 du 12 février 2018, la Cour a ordonné qu'il soit sursis à l'exécution du jugement attaqué. La Cour a par ailleurs considéré qu'il existait un lien de causalité direct entre la faute imputable à la collectivité de Corse, résultant de l'attribution illégale de subventions au service complémentaire, et le préjudice de la société Corsica Ferries France, tiré de la perte des bénéfices qu'elle aurait pu tirer d'un surcroît de clientèle. Avant de statuer sur le montant de l'indemnité à la charge de la collectivité de Corse, la Cour a ordonné qu'il soit procédé à une expertise en vue d'obtenir les éléments permettant de déterminer l'accroissement de clientèle dont la société Corsica Ferries France aurait pu bénéficier en l'absence de service complémentaire au cours de la période en cause, et le bénéfice net qu'elle en aurait tiré.
Par ordonnance du 23 mars 2018, la présidente de la Cour a désigné Mme I... en qualité d'expert.
L'experte a rendu son rapport le 28 février 2019. Ce rapport d'expertise a été communiqué aux parties, qui ont été invitées à produire leurs observations.
Par des mémoires enregistrés le 4 juin 2019, le 20 juin 2019, le 13 septembre 2019, et le 5 décembre 2019, la collectivité de Corse, représentée par la SELAS Adamas et la SCP A... et Delprete, demande à la Cour :
1) à titre principal, de surseoir à statuer jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée à titre préjudiciel sur la question de savoir si l'allocation de dommages et intérêts versée au profit d'une société commerciale, concurrente d'une autre société commerciale ayant antérieurement bénéficié d'une aide d'Etat, peut constituer, eu égard à l'importance de la somme allouée et à ses effets sur le marché actuel, une nouvelle aide d'Etat prohibée au sens de l'article 107 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
2) à titre subsidiaire, d'écarter les conclusions de l'expert et d'ordonner une nouvelle expertise économique et comptable ;
3) d'enjoindre à la société Corsica Ferries France de fournir les éléments de nature à justifier de sa régularité au regard du droit européen du travail et du droit européen de la sécurité sociale ;
4) à titre secondement subsidiaire, de rejeter les demandes indemnitaires de la société Corsica Ferries France ou à défaut de limiter le montant des condamnations à 10 206 301,82 euros.
5) en tout état de cause, de condamner la société Corsica Ferries France à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le montant de l'indemnité versée à la société Corsica Ferries France serait constitutive d'une aide d'Etat au sens de l'article 107 du Traité de fonctionnement de l'Union européenne ; il existe un doute sur l'application correcte du droit de l'Union européenne, justifiant la transmission d'une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne ;
- le rapport d'expertise du 28 février 2019 ne répond pas aux chefs de mission fixés par la Cour ;
- le rapport d'expertise du 28 février 2019 est entaché d'erreurs concernant l'évaluation du préjudice subi par la société Corsica Ferries France ;
- le jugement du Tribunal de l'Union européenne du 1er mars 2017, qui s'est prononcé sur la substituabilité des lignes maritimes Toulon-Corse et Marseille-Corse, n'a pas reconnu la substituabilité des liaisons Marseille-Corse et Nice-Corse, ni celle des liaisons Toulon-Ajaccio et Marseille-Propriano ;
- le service complémentaire est une simple surcapacité et l'absence de service complémentaire n'implique pas que la SNCM n'aurait pas assuré les liaisons avec la Corse ; si les ferrys assuraient en principe le service complémentaire, les cas dans lesquels ils pouvaient être affectés au service de base sont nombreux ;
- le dire n° 5, comportant en annexe l'avis du cabinet d'expertise économique Calia conseil et celui de deux experts maritimes, n'a pas été pris en compte par l'expert ;
- la reconstruction des données manquantes pour le trafic des ports de Propriano pour 2007-2013 et d'Ajaccio pour 2007-2009 est erronée et fausse les résultats ;
- l'estimation du nombre de passagers issu du service complémentaire est erronée, seul le chiffrage de la SNCM est fiable ;
- les critères de substituabilité définis par le rapport d'expertise sont insuffisants et infondés ;
- l'expertise a pris en compte des lignes maritimes qui n'étaient pas incluses dans le périmètre de la mission ;
- le refus de prendre en compte les alternatives offertes par le trafic aérien est infondé ;
- le niveau de parts de marché de la société Corsica Ferries France pris en compte par l'expert est erroné ; c'est à tort que l'experte a exclu la fréquentation du service complémentaire ; les parts de marché de la société Corsica Ferries France sur la période s'élèvent en réalité à 60,3 % ;
- la notion de " maille temporelle " mise en oeuvre par l'experte est infondée, contraire au principe de substituabilité, et a pour effet de maximiser artificiellement les capacités d'absorption de la société Corsica Ferries France ;
- l'experte n'a pas pris en compte les capacités d'accueil du port de Toulon ;
- l'experte n'a pas pris en compte les paramètres techniques limitant les capacités d'absorption des navires de la société Corsica Ferries France, notamment les capacités " véhicules " ; la capacité maximale réelle et la capacité maximale théorique des navires ne sont pas identiques ; l'absence de prise en compte de ces paramètres a conduit à majorer de 80 % les capacités d'absorption de la société Corsica Ferries France ; les attestations " Parimar " remises par la société Corsica Ferries France sont sans valeur probante ;
- la flotte de la société Corsica Ferries France ne permettait pas d'absorber tous les passagers du service complémentaire des services Marseille-Ajaccio/Bastia ; la société Corsica Ferries France n'aurait pu faire face à cette clientèle supplémentaire qu'en affrétant un navire supplémentaire ; les coûts afférents à l'absorption de la clientèle supplémentaire s'élèvent à
173 millions d'euros ;
- l'expert a sous-estimé les coûts variables ; les résultats obtenus par l'expert sont disproportionnés ;
- le montant du chiffre d'affaires total brut résultant de la clientèle supplémentaire est limité à 11 363 074 euros ; le bénéfice net dont la société Corsica Ferries France pourrait se prévaloir est limité à 10 206 301,82 euros ;
- l'expert n'a pas vérifié la situation de la société Corsica Ferries France au regard du droit européen au travail et du droit européen de la sécurité sociale ; cette omission a une incidence importante sur l'évaluation du préjudice ;
- il est nécessaire de procéder à une nouvelle expertise judiciaire.
Par des mémoires enregistrés le 4 avril 2019, le 2 août 2019 et le 29 octobre 2019, la société Corsica Ferries France, représentée par Me B..., demande à la Cour :
1) de condamner la collectivité de Corse à lui verser la somme globale de 100 376 204 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis ;
2) de mettre à la charge de la collectivité de Corse la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les critiques adressées par la collectivité de Corse au rapport d'expertise ne sont pas recevables ; la collectivité de Corse entend remettre en cause des hypothèses d'évaluation qu'elle a admises au cours des échanges contradictoires de l'expertise ; les revirements de position de la collectivité de Corse entrent dans le champ de l'estoppel ; les moyens dirigés contre l'expertise sont par suite irrecevables ;
- elle est fondée à demander l'actualisation du chiffrage de son préjudice et d'en rectifier le montant à la hausse, au regard des conclusions du rapport d'expertise ; le rapport d'expertise a révélé l'étendue réelle de son préjudice ;
- les principes méthodologiques sur lesquels s'est fondé l'expert pour établir ses calculs sont justifiés ;
- rien ne fait obstacle à ce que la collectivité de Corse s'acquitte des sommes dues au titre de la réparation du préjudice de la société Corsica Ferries France ;
- la demande de question préjudicielle soulevée par la collectivité de Corse doit être rejetée dès lors qu'il n'existe aucune difficulté sérieuse en l'espèce ; la CJUE a déjà apporté une réponse de principe à cette question ;
- la collectivité de Corse avait précédemment admis les principes et postulats de l'expertise économique et comptable et ne peut plus sérieusement les contester ;
- les critiques formulées par la collectivité de Corse contre le rapport d'expertise économique et comptable ne sont pas fondées ;
- l'experte a considéré à juste titre que les liaisons Marseille-Corse, Toulon-Corse et Nice-Corse sont substituables ;
- l'experte a considéré à juste titre que les ports de Propriano et d'Ajaccio sont substituables ;
- l'experte a estimé correctement le nombre de passagers du service complémentaire ;
- le dire n° 5 de la collectivité de Corse a été pris en compte par l'experte ;
- les données manquantes du trafic ne pouvaient être fournies que par la collectivité de Corse ;
- l'experte a évalué correctement le taux de substitution du transport maritime et du transport aérien ;
- l'experte a évalué correctement la part de marché de la société Corsica Ferries ;
- l'experte a évalué correctement la maille temporelle permettant d'apprécier la substituabilité de deux traversées ;
- l'experte a évalué correctement les capacités du port de Toulon ;
- l'experte n'a pas commis d'erreurs techniques, ni sur le taux de remplissage moyen de 3,2 passagers par véhicule, ni sur l'attestation de Parimar Francharte, ni sur la nécessité de prendre en compte les coûts liés à l'affrètement d'un nouveau navire ;
- l'experte a évalué correctement les coûts supplémentaires ;
- l'experte n'a pas commis d'erreur concernant la régularité de la situation sociale de la société Corsica Ferries France ;
- le rapport d'étude du cabinet Calia conseil n'est pas fondé sur des hypothèses crédibles ; le rapport de MM. Pieri et Hardouin ne repose pas sur des hypothèses réalistes et comporte des erreurs de méthode.
Par ordonnance du 6 mars 2019, la présidente de la Cour a liquidé et taxé les frais de l'expertise à la somme de 27 382,80 euros.
Par ordonnance en date du 6 décembre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 janvier 2020.
Un mémoire présenté par la collectivité de Corse a été enregistré le 28 mai 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. E... Point, rapporteur
- les conclusions de M. D... Roux, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., de Me G... et de Me A... pour la collectivité de Corse, et de Me B... pour la société Corsica Ferries France.
Une note en délibéré, présentée pour la collectivité de Corse, a été enregistrée le 1er février 2021.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêt avant dire droit du 12 février 2018, la cour administrative de Marseille a considéré que le versement à la SNCM d'aides illégales au titre du " service complémentaire " pour la période allant du 1er juillet 2007 au 31 décembre 2013 était constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité de la collectivité de Corse. Elle a également considéré que le lien de causalité entre cette faute et le préjudice invoqué par la société Corsica Ferries France, résultant de la perte des bénéfices qu'elle aurait pu tirer d'un surcroît de clientèle en l'absence d'institution du service complémentaire, était établi. Elle a enfin considéré que la société Corsica Ferries France justifiait de l'existence de son préjudice. Aux termes de l'article 2 de son arrêt avant dire droit, la Cour a ordonné une expertise comptable et économique en vue de déterminer le montant de l'indemnité à la charge de la collectivité de Corse. Le rapport de l'experte, en date du 28 février 2019, a été enregistré au greffe de la Cour le 1er mars 2019.
Sur la demande de la collectivité de Corse tendant à ce qu'il soit sursis à statuer :
2. Ainsi que l'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt Astéris c/ République hellénique, Aff. 106 à 120/87, " les aides publiques, constituant des mesures de l'autorité publique favorisant certaines entreprises ou certains produits, revêtent une nature juridique fondamentalement différente des dommages-intérêts que les autorités nationales seraient, éventuellement, condamnées à verser à des particuliers, en réparation des préjudices qu'elles leur auraient causées. ". La demande indemnitaire formée par la société Corsica Ferries France devant le juge administratif vise à obtenir réparation du préjudice correspondant notamment à la perte des bénéfices qu'elle aurait pu tirer d'un surcroît de clientèle, en l'absence d'institution du service complémentaire au cours de la période 2007-2013. Un tel préjudice trouve son origine dans le versement illégal de subventions, ayant affecté la libre concurrence sur un marché. Toutefois, cette circonstance n'est pas de nature à faire regarder l'indemnité sollicitée comme un transfert de subventions au concurrent lésé. La collectivité de Corse n'est par suite pas fondée à soutenir qu'une telle indemnité réparatrice pourrait constituer une intervention susceptible de favoriser la société Corsica Ferries France sur le marché actuel ou qu'elle serait, au regard de son montant, constitutive d'une aide d'Etat, incompatible avec le droit de l'Union européenne. Par voie de conséquence, et sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer en vue de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne, le moyen doit être écarté.
Sur la fin de non-recevoir opposée par la société Corsica Ferries France :
3. La société Corsica Ferries France ne peut utilement se prévaloir des contradictions ou des changements de position de la collectivité de Corse qu'elle allègue concernant le déroulement de la procédure d'expertise et l'évaluation du préjudice. En tout état de cause, il ne résulte pas de l'instruction que le comportement de la collectivité de Corse aurait en l'espèce fait obstacle à l'évaluation du préjudice de la société Corsica Ferries France par l'experte puis par la Cour, au détriment de la société Corsica Ferries France. Dans ces conditions, la fin de non-recevoir opposée sur ce point par la société Corsica Ferries France doit être écartée.
Sur la régularité des opérations d'expertise :
4. Aux termes de l'article R. 621-1 du code de justice administrative : " La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'entre elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision. ". Aux termes de l'article R. 621-7 du code de justice administrative : " (...) Les observations faites par les parties, dans le cours des opérations, sont consignées dans le rapport.".
5. Il résulte de l'examen du rapport d'expertise du 28 février 2019 que l'experte judicaire a déterminé en premier lieu les traversées effectuées au titre du service complémentaire de la SNCM et estimé, pour ces liaisons, le nombre de passagers correspondant à ce service. L'experte a ensuite considéré que la société Corsica Ferries France détenait 72,2 % des parts de marché sur le transport maritime Corse-continent, et a ainsi fixé le surcroît de clientèle potentielle pour la société Corsica Ferries France sur chaque liaison. Pour déterminer le report de la clientèle du service complémentaire sur les dessertes assurées par la société Corsica Ferries France, l'experte a considéré, par construction, qu'au regard des conditions d'exploitation, la société Corsica Ferries France n'aurait pas mis en oeuvre de liaison supplémentaire par rapport au service effectif entre juillet 2007 et décembre 2013. L'experte a ensuite estimé que les passagers du service complémentaire se seraient reportés en priorité sur les lignes équivalentes reliant la Corse au port de Toulon, et à titre subsidiaire, pour les journées de forte affluence, sur les lignes reliant la Corse au port de Nice. Elle a ainsi défini, pour chaque voyage de la SNCM effectué au titre du service complémentaire, le nombre de passagers qui aurait pu être pris en charge sur une liaison équivalente d'un navire de la société Corsica Ferries France. L'experte judicaire a défini cinq hypothèses, en fonction de la disposition des voyageurs à reporter leur voyage sur une amplitude temporelle de zéro à plus ou moins deux jours, et a retenu comme la plus probable l'hypothèse n° 4. Afin de déterminer le bénéfice net qu'aurait réalisé la société Corsica Ferries France sur cette clientèle supplémentaire, l'experte a déterminé le chiffre d'affaires moyen réalisé par passager, et les coûts d'exploitation supplémentaires qui auraient été engagés par la société Corsica Ferries France pour cette prise en charge.
6. La collectivité de Corse soutient que le dire n° 5 qu'elle a produit au cours des opérations d'expertise n'a pas été pris en compte et que le caractère contradictoire de l'expertise a dès lors été méconnu. Toutefois, il résulte de l'instruction que l'experte a mentionné le dire n° 5 de la collectivité de Corse dans son rapport et l'a versé en annexe. L'experte n'était pas tenue de motiver spécifiquement, pour chaque hypothèse ou chaque observation formulée par chacune des parties au cours des opérations d'expertise, les raisons pour lesquelles elle les écartait de son analyse finale. La collectivité de Corse, qui est l'auteur du dire n° 5, n'est dès lors pas fondée à soutenir que le principe du contradictoire aurait été méconnu.
7. Aux termes du 2°), du 3°) et du 4°) de l'article 2 de l'arrêt avant dire droit en date du 12 février 2018, la Cour a demandé à l'experte de déterminer le degré de substituabilité de l'offre de la société Corsica Ferries France à celle proposée dans le cadre du service complémentaire, les parts de marché de la société Corsica Ferries France sur la période, ainsi que les capacités d'absorption de la flotte de la société Corsica Ferries France. Si, pour chacun de ces points, la Cour a indiqué qu'il y avait lieu de prendre en compte notamment le port de Toulon, aucune mention n'imposait à l'experte de s'y limiter. En outre, aux termes du 5°) du même article, la Cour a missionné l'experte en vue de fournir tous les éléments permettant d'évaluer le chiffre d'affaires qu'aurait engendré l'accroissement de clientèle, là encore de façon globale et sans limiter cette mission aux éléments recueillis concernant le port de Toulon. Par suite, la collectivité de Corse n'est pas fondée à soutenir que l'experte aurait outrepassé sa mission en intégrant dans ses estimations les reports de clientèle vers le port de Nice. Au surplus, la Cour n'est pas tenue par les conclusions de l'expertise et les annexes au rapport d'expertise permettent de distinguer les capacités d'absorption de la société Corsica Ferries France à raison de la prise en compte ou de l'exclusion des reports de passagers sur les liaisons entre la Corse et le port de Nice. Par ailleurs, il résulte de l'instruction, notamment du cahier des charges annexées à la convention et des rapports du délégataire, que le service complémentaire incluait la desserte du port de Propriano pendant les onze semaines d'été. Par suite, c'est à juste titre que l'experte, pour déterminer le nombre de passagers transportés au titre de ce service, a pris en compte les liaisons assurées par la SNCM entre Marseille et Propriano.
8. Il résulte de l'examen de l'expertise économique et comptable du 28 février 2019 que son auteure a considéré au point II que les offres de liaison maritime entre la Corse et le port de Toulon étaient parfaitement substituables à celles reliant la Corse au port de Marseille. Elle s'est par suite prononcée sur le point 2 de l'article 2 de l'arrêt avant dire droit. L'experte a également considéré que les liaisons Marseille-Propriano étaient équivalentes, pour le voyageur, aux liaisons Toulon-Ajaccio. L'experte s'est par ailleurs prononcée spécifiquement sur le taux de report sur le trafic aérien et sur son impact sur le taux d'absorption. Concernant les parts de marché de la société Corsica Ferries France, l'experte a exposé en détail au point III l'origine des données sur lesquelles elle a établi le taux retenu. L'experte a pu légitimement se fonder sur des éléments tirés d'une expertise réalisée antérieurement, dont elle affirme explicitement avoir vérifié les calculs et qui a été portée à la connaissance des parties. Par ailleurs, l'experte ayant évalué les capacités d'absorption de la société Corsica Ferries France selon l'hypothèse d'une offre de transport inchangée, il n'y avait pas lieu d'analyser spécifiquement une éventuelle saturation des capacités du port de Toulon à raison de la mise en oeuvre de liaisons additionnelles. Dès lors, la collectivité de Corse n'est pas fondée à soutenir que l'experte n'aurait pas répondu à chacune des cinq missions fixées à l'article 2 de l'arrêt avant dire droit du 12 février 2018.
9. Il résulte de ce qui précède que la collectivité de Corse n'est pas fondée à demander à ce que le rapport d'expertise du 28 février 2019 soit écarté des débats.
Sur les conclusions aux fins d'indemnisation :
En ce qui concerne les pertes d'exploitation :
10. Les pertes d'exploitation subies par la société Corsica Ferries France correspondent au bénéfice net qui aurait résulté du report de la clientèle du service complémentaire de la SNCM sur les lignes exploitées par la société Corsica Ferries France. La collectivité de Corse conteste les hypothèses et les paramètres retenus par l'experte pour établir son évaluation et soutient que le résultat obtenu est disproportionné.
S'agissant du nombre de passagers du service complémentaire :
11. Il résulte de l'instruction que pour établir le nombre de passagers ayant bénéficié du service complémentaire entre le 1er juillet 2007 et le 31 décembre 2013, l'experte a exploité les données fournies par la collectivité de Corse et provenant de l'Observatoire régional des transports de la Corse (ORTC), concernant les voyageurs transportés par les deux navires de type car-ferry " Napoléon Bonaparte " et " Danielle Casanova " sur l'ensemble de la période. Elle a également pris en compte, de façon ponctuelle et lorsque les données fournies indiquaient que les traversées étaient effectuées au titre du service complémentaire, certains trajets effectués par d'autres navires de type " cargos mixtes ".
12. La collectivité de Corse conteste que les passagers ayant voyagé sur les navires " Napoléon Bonaparte " et " Danielle Casanova " puissent être identifiés de façon exclusive comme des passagers du service complémentaire. Il résulte toutefois de l'instruction, ainsi que l'a estimé la Commission européenne, confirmée sur ce point par le Tribunal de l'Union européenne dans son jugement du 1er mars 2017 (§145), que le service complémentaire mis en place dans le cadre de la délégation de service public de desserte maritime entre le port de Marseille et plusieurs ports de Corse correspondait à un service distinct du service de base, visant à renforcer les capacités de transport de passagers sur des périodes déterminées. Les stipulations du cahier des charges versées en annexe 1 au contrat de la délégation de service public définissent de façon distincte, pour chaque ligne, les exigences imposées au délégataire pour le service de base d'une part, pour le service complémentaire d'autre part. Les paramètres permettant de définir les obligations du délégataire, notamment les capacités minimales, les liaisons assurées, les périodes et les fréquences de rotation, sont spécifiques à chaque service. Ainsi, les obligations contractuelles de la SNCM et de la CMN pour le service de base étaient établies pour cinq lignes et leur imposaient des capacités minimales quotidiennes. Les capacités minimales du service complémentaire, limité à trois lignes, étaient établies pour des périodes de pointe définies spécifiquement pour ce service. Ainsi, la définition contractuelle du service complémentaire en termes de surcapacité ne faisait pas obstacle à ce que ce service soit mis en oeuvre par des moyens techniques propres. En outre, il ressort de l'examen de l'annexe 2 à la convention que le service de base devait être assuré par des navires " cargos mixtes ", tandis que le service complémentaire devait être exécuté par des navires de type " car-ferry ". A cet égard, les rapports d'exécution du délégataire produits au dossier mentionnent clairement que le service complémentaire était assuré par les deux ferrys " Napoléon Bonaparte " et " Danielle Casanova ". Dans ces conditions, la collectivité de Corse n'est pas fondée à soutenir que les conditions de mise en oeuvre du service complémentaire ne permettraient pas de distinguer les passagers transportés au titre du service complémentaire de ceux transportés au titre du service de base. Si la collectivité de Corse soutient par ailleurs que certaines traversées effectuées par les deux navires " Napoléon Bonaparte " et " Danielle Casanova " ont été réalisées au titre du service de base, elle ne l'établit pas. Par voie de conséquence, la collectivité de Corse n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'experte a pris en compte l'intégralité des passagers des navires " Danielle Casanova " et " Napoléon Bonaparte " pour déterminer le nombre de passagers du service complémentaire.
13. Il résulte de l'instruction que l'experte, qui n'a pu obtenir les données relatives au transport des passagers au cours de la période 2007-2008 pour les ports d'Ajaccio et de Propriano, a procédé à une estimation en prenant en compte un taux de référence établi sur la base des données disponibles pour le port de Bastia. Au vu du calcul exposé dans le rapport d'expertise, la collectivité de Corse n'est pas fondée à soutenir que cette méthode de reconstruction serait, en l'absence de données directes, irréaliste ou aboutirait à un résultat disproportionné.
14. La collectivité de Corse soutient, en s'appuyant sur le rapport d'étude du 13 juin 2019 établi par le cabinet Calia conseil, que le nombre de passagers du service complémentaire devrait être établi par référence aux capacités réelles mises en oeuvre pour le service de base le même jour. Toutefois, il résulte de ce qui a été exposé précédemment au point 12 que le service de base et le service complémentaire étaient deux services distincts, que la définition contractuelle de capacités minimales n'était pas le seul paramètre permettant de les caractériser et, dès lors, qu'il n'existait pas de continuité technique entre ces deux services. Par ailleurs, si en l'absence de liaisons effectuées par le navire " Napoléon Bonaparte " ou le " Danielle Casanova ", une partie des passagers aurait pu se reporter sur les autres navires de la SNCM, cette circonstance demeure sans incidence sur l'évaluation du nombre de passagers pris en charge au titre du service complémentaire. Par suite, le service complémentaire étant défini contractuellement et techniquement de façon distincte du service de base, ainsi qu'il a été dit précédemment au point 12, ce n'est qu'à raison de ses parts de marché et de ses capacités d'absorption que la SNCM aurait pu effectivement prendre en charge cette clientèle supplémentaire. Dans ces conditions, la collectivité de Corse n'est pas fondée à soutenir que le nombre de passagers du service complémentaire pourrait être obtenu par soustraction des capacités réelles du service de base au nombre total de passagers transporté par la SNCM. Par suite, l'évaluation du nombre de passagers du service complémentaire proposée par la collectivité de Corse sur le fondement des hypothèses énoncées dans l'étude du cabinet Calia conseil du 13 juin 2019 n'a pas un caractère probant et doit être écartée.
15. La collectivité de Corse soutient que l'experte ne pouvait en aucun cas s'écarter du nombre de passagers déclaré par le délégataire au titre du service complémentaire dans ses rapports d'exploitation annuels. Elle fait valoir que le chiffre global obtenu par l'experte selon la méthode qu'elle a suivie est disproportionné. Il résulte de l'instruction que le nombre total de passagers du service complémentaire résultant de la méthode d'évaluation mise en oeuvre par l'experte judiciaire s'élève à 2,3 millions de passagers. Les chiffres figurant dans les rapports du délégataire concernant le service complémentaire font état de 1,954 million de passagers sur l'ensemble de la période, après extrapolation des données pour la période de juillet à décembre 2007. L'étude du cabinet FP3 du 3 octobre 2017, produite par la collectivité de Corse, avait conclu à une estimation de 1,912 millions de passagers. Celle de KPMG du 23 décembre 2014, produite par la société Corsica Ferries France, proposait un chiffre de 1,987 million de passagers. Toutefois, il ressort du rapport d'expertise du 28 février 2019 que l'estimation fournie par l'experte s'appuie sur des données issues de l'Observatoire régional des transports de la Corse, plus complètes que celles dont avaient disposé préalablement les parties pour construire leurs propres estimations. Il résulte au demeurant de l'examen du rapport d'expertise que l'experte judiciaire avait connaissance de ces évaluations et a spécifiquement justifié l'écart entre sa propre estimation et celles réalisées auparavant. En outre, il résulte de ce qui a été exposé précédemment aux points 12 et 13 que la méthode mise en oeuvre par l'experte pour identifier les passagers transportés au titre du service complémentaire était fondée. La circonstance que le résultat obtenu diffère significativement des chiffres déclarés par le délégataire, qui sont globaux sur une année et ne sont justifiés par aucune méthode de calcul, n'est pas de nature à invalider les résultats proposés par l'experte. Par suite, la collectivité de Corse n'est pas fondée à soutenir que l'experte aurait manifestement surévalué le nombre de passagers transportés au titre du service complémentaire.
16. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de retenir l'évaluation du nombre de passagers du service complémentaire tel qu'il a été établi dans l'expertise du 28 février 2019.
S'agissant des critères de substituabilité :
17. La collectivité de Corse conteste la substituabilité parfaite des offres de traversée Corse-continent, qui a servi d'hypothèse pour l'évaluation réalisée par l'experte. Elle fait valoir que l'experte n'a pas justifié le taux de substituabilité retenu.
18. Il résulte de ce qui a été exposé au point 8 de l'arrêt avant dire droit du 12 février 2018 que les dessertes maritimes entre Marseille et la Corse et entre Toulon et la Corse constituent, eu égard à la faible distance entre ces deux ports, à la durée sensiblement égale de la traversée, à la similitude des heures d'accostage des navires en Corse et à la quasi-équivalence des prix pratiqués, des offres au moins en partie substituables pour les voyageurs se rendant dans cette île. Il résulte par ailleurs du jugement du Tribunal de l'Union européenne, validant sur ce point la position de la Commission européenne, que les traversées Toulon-Corse et Marseille-Corse sont des biens quasi-identiques et par suite substituables.
La collectivité de Corse n'apporte aucun élément probant de nature à remettre en cause cette position. Ainsi, il doit être regardé comme établi que les dessertes maritimes continent-Corse depuis le port de Toulon ou depuis celui de Marseille sont équivalentes, et par suite parfaitement substituables. Il en va de même de la substituabilité des offres de desserte assurées par Ajaccio et Propriano, dès lors que les deux ports ne sont distants que d'environ 70 kilomètres, que les conditions de traversée présentent des caractéristiques semblables et que les tarifs pratiqués sont équivalents. Dans ces conditions, il y a lieu de retenir les hypothèses de substituabilité admises par l'experte au point II de son rapport concernant les liaisons maritimes en cause.
19. Pour mesurer le taux de report des usagers du service complémentaire de la SNCM vers les liaisons assurées par la société Corsica Ferries France, l'experte a pris en compte, lorsque les navires assurant la rotation entre la Corse et Toulon étaient remplis, les disponibilités sur les navires de la compagnie assurant une desserte maritime par le port de Nice. L'experte a ainsi admis une certaine substituabilité des offres permettant de satisfaire les besoins de traversée continent-Corse depuis les ports de Marseille et de Nice. La collectivité de Corse soutient que cette hypothèse n'est pas justifiée et qu'elle est infondée. Il résulte cependant de l'instruction que le service complémentaire a été institué pour assurer des capacités supplémentaires au cours des périodes de pointe, définies en fonction du calendrier des vacances scolaires et des fêtes. Pour ces périodes, la complémentarité des besoins de traversée continent-Corse et de séjour en Corse doit être regardée comme particulièrement élevée, de sorte que l'absence de disponibilité d'une desserte maritime par les ports de Marseille ou de Toulon n'aurait pas réduit la demande de traversées maritimes. Rien ne permet d'établir que les voyageurs, notamment les voyageurs vacanciers, auraient renoncé à une traversée maritime du seul fait que celle-ci aurait eu lieu par le port de Nice plutôt que par les ports de Toulon ou de Marseille. Ainsi, pour les journées de pointe, il y a lieu de considérer qu'une desserte maritime par le port de Nice présente des caractéristiques comparables à celles d'une desserte maritime par le port de Marseille. En outre, l'Autorité de la concurrence a fait valoir au point 131 de son avis n° 12-A-05 du 17 février 2012 que, d'après les données de l'Observatoire régional des transports de la Corse, le trafic passager n'avait pas été sensiblement perturbé par une grève ayant touché la SNCM entre le mois de janvier et le mois de mars 2011. L'Autorité de la concurrence a notamment indiqué qu'on pouvait " estimer qu'environ les deux tiers des passagers qui auraient voyagé avec la SNCM se sont reportés sur les navires de Corsica Ferries (via les ports de Toulon et Nice), ce qui suggère que la substituabilité entre les ports est assez forte. ". Il résulte de l'ensemble de ces éléments que, contrairement à ce qu'affirme la collectivité de Corse, l'experte était fondée à retenir une substituabilité au moins partielle des offres de desserte maritime par les ports de Marseille et de Nice. En outre, il résulte de l'instruction que dans le cadre des hypothèses retenues par l'experte, le nombre de passagers reportés sur les navires assurant une liaison par le port de Nice représente environ 7 % des passagers du service complémentaire absorbés par la société Corsica Ferries France. Un tel niveau d'absorption n'implique donc pas une substituabilité parfaite des dessertes maritimes Marseille-Corse et Nice-Corse. La prise en compte de reports de passagers sur les liaisons maritimes assurées depuis le port de Nice, de façon subsidiaire par rapport au port de Toulon, repose ainsi sur une hypothèse de substituabilité raisonnable, cohérente et certaine au regard de ce qui vient d'être dit concernant la nature des offres de desserte maritime Corse-continent. Par ailleurs, les données relatives aux places disponibles sur les navires assurant la liaison entre la Corse et le port de Nice figurent à l'annexe 3 bis du rapport d'expertise. Ainsi, la collectivité de Corse n'est pas fondée à soutenir que l'évaluation proposée par l'experte serait sur ce point erronée.
20. Il résulte de l'instruction que l'experte a retenu un taux de report des passagers du service complémentaire vers l'aérien à hauteur de 0,8 %, correspondant à 10 % des 8 % des passagers voyageant sans véhicule. La collectivité de Corse conteste ce taux de report en faisant valoir que la substituabilité du maritime et de l'aérien est forte. Toutefois, il résulte de l'instruction, ainsi que le fait valoir notamment le rapport d'étude du cabinet Calia conseil versé au dossier par la collectivité de Corse, que les caractéristiques intrinsèques du trajet aérien vers la Corse sont sensiblement différentes de celles du transport maritime quant au temps de trajet, au prix et aux contraintes de voyage, notamment pour les voyageurs qui ont un véhicule. Dans ces conditions, il n'est pas établi qu'un tel bien serait identique ou quasi-identique à une traversée maritime, ni que la traversée aérienne présenterait un degré de substituabilité comparable à celui d'une liaison maritime au départ de Toulon ou de Nice. Ainsi, dans l'hypothèse d'une disponibilité de la traversée maritime depuis ces deux ports, il n'y a pas lieu de considérer que les préférences du consommateur pour ce mode de transport auraient été significativement modifiées du fait de l'absence d'offre au départ du port de Marseille au cours de la période 2007-2013. Dès lors, c'est à juste titre que l'experte n'a pris en compte le report des passagers vers l'aérien que pour les périodes en tension, et pour les seuls passagers voyageant sans véhicule. En outre, la part des passagers qui se serait reportée vers le transport aérien, ainsi évaluée, est significativement inférieure à la part de passagers qui, sur les périodes de tension, n'aurait pu être transportée par les navires de la société Corsica Ferries France. Par suite, c'est également à juste titre que l'experte a considéré que la part de passagers qui se serait reportée vers le transport aérien était incluse dans la part des passagers non absorbés par la société Corsica Ferries France. Dans ses conditions, la collectivité de Corse n'établit pas que l'absence de service complémentaire aurait modifié les parts de marché entre le transport maritime et le transport aérien au-delà de ce qu'a admis l'experte, et ne critique pas utilement la détermination du taux de report des passagers vers le transport aérien de 0,8 % retenu par cette dernière. Il y a lieu, dès lors, de considérer que les reports de passagers vers le transport aérien n'auraient pas eu d'incidence significative sur le niveau d'absorption de la société Corsica Ferries France.
21. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de retenir les critères de substituabilité appliqués dans l'expertise du 28 février 2019.
S'agissant des parts de marché de la société Corsica Ferries France :
22. Pour déterminer le nombre de passagers susceptibles de se reporter sur les liaisons assurées par la société Corsica Ferries France, l'experte a pris en compte les parts de marché constatées sur les liaisons maritimes Corse-continent entre 2007 et 2013, à l'exclusion du service complémentaire. Elle a retenu un taux de parts de marché de 72,2 % pour la société Corsica Ferries France. L'institution du service complémentaire étant constitutif d'une distorsion de concurrence, la collectivité de Corse n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, pour établir ce taux, l'experte a exclu par construction la fréquentation du service complémentaire. Le niveau de parts de marché de 60,3 % allégué par la collectivité de Corse, qui se réfère sur ce point au rapport d'étude de Calia conseil, correspond aux parts de marché de la société Corsica Ferries France incluant le service complémentaire et ne peut dès lors être retenu. Si la collectivité de Corse fait valoir par ailleurs que la SNCM aurait en tout état de cause proposé une offre au départ de Marseille en plus du service de base, et capté ainsi une part significative des voyageurs du service complémentaire, il résulte de l'instruction que l'exploitation du service complémentaire mis en place par la SNCM était déficitaire. Dès lors, ainsi que l'a jugé la Cour au point 7 de l'arrêt avant dire droit, cet opérateur n'aurait pas offert ce service aux usagers en l'absence de compensation par les subventions de la collectivité de Corse. Dans ces conditions, la collectivité de Corse n'est pas fondée à soutenir que l'estimation des parts de marché de la société Corsica Ferries France retenue par l'experte serait erronée. Il y a lieu en conséquence de retenir ce taux de parts de marché de 72,2 % pour établir le nombre de passagers qui se seraient reportés sur les liaisons maritimes assurées par la société Corsica Ferries France.
S'agissant des capacités d'absorption :
23. Pour évaluer l'ampleur du report des usagers du service complémentaire sur les liaisons assurées par la société Corsica Ferries France, l'experte a considéré par construction que la société Corsica Ferries France n'aurait pas modifié la fréquence de ses rotations ou la taille de sa flotte, et que les possibilités de report devaient être limitées aux places disponibles sur les navires ayant effectué une rotation le jour même, ou dans une maille temporelle de plus ou moins deux jours. Le postulat d'une offre de transport constante résulte des informations fournies par la société Corsica Ferries France, qui a indiqué au cours des opérations d'expertise qu'au regard des conditions économiques d'exploitation, elle n'aurait pas été en mesure d'armer des bateaux supplémentaires ni d'augmenter la fréquence de ses rotations afin d'absorber un surplus de passagers. Il n'y a pas lieu, dans le cadre de l'évaluation du préjudice, de remettre en cause une telle hypothèse, dont la vraisemblance économique n'est pas sérieusement contestée par la collectivité de Corse. Dès lors, il y a lieu de considérer que les capacités d'absorption de la société Corsica Ferries France sont limitées aux places disponibles sur les liaisons existantes, selon les hypothèses d'amplitude temporelle définies par l'experte.
24. Il résulte de l'instruction, en particulier des taux de remplissage constatés sur la période 2007-2013 tels que recensés dans l'annexe 4 au rapport d'expertise, que les navires de la société Corsica Ferries France ont été remplis à 100 % de leur capacité théorique à plusieurs reprises, notamment aux mois de juillet et août. Par ailleurs, les capacités théoriques de remplissage des navires de la société Corsica Ferries France, attestées par un document d'un expert en courtage maritime versé au dossier, ne sont pas sérieusement contestées par la collectivité de Corse. Dans ces conditions, la collectivité de Corse n'est pas fondée à soutenir que le taux de remplissage de 100 % pris en compte par l'experte pour déterminer les capacités d'absorption de passagers sur les navires de la société Corsica Ferries France serait impossible et irréaliste. La collectivité de Corse fait valoir par ailleurs que les capacités d'accueil passagers des navires de la société Corsica Ferries France étaient limitées par les capacités d'accueil des véhicules, et que l'experte n'a pas pris en compte cette contrainte technique dans ses hypothèses. Il résulte toutefois du point 2.3 du rapport d'expertise que l'experte a déterminé une règle de méthode plafonnant la prise en compte des passagers pouvant être pris en charge par les navires de Corsica Ferries, en fonction des capacités d'accueil des véhicules et à raison d'un taux moyen de 3,2 passagers par véhicule, plus 8 % de places disponibles pour des " passagers sans véhicule ". Si la collectivité de Corse soutient que cette règle n'a pas été mise en oeuvre dans les tableaux de l'annexe 3-1, il résulte de l'instruction, notamment de l'examen du nombre de passagers retenus pour la liaison au départ de Bastia le 7 juillet 2007 et pour celle au départ d'Ajaccio le 15 août 2010, que la règle décrite au point 2.3 a effectivement été appliquée par l'experte. Par suite, la collectivité de Corse ne remet pas utilement en cause la fiabilité des résultats de l'expertise sur ce point. Si elle affirme, en se référant à une étude " Expert consultants Geecmar " datée du 12 juin 2019, que les capacités de chargement en fonction de la longueur linéaire sont purement théoriques et ne correspondent pas à la réalité, cette affirmation n'est pas étayée et les capacités de chargement des véhicules prises en compte par l'experte ne sont pas utilement contestées.
25. La collectivité de Corse soutient par ailleurs, en s'appuyant sur la même étude " Expert consultants Geecmar " datée du 12 juin 2019, que les annexes au rapport d'expertise comprennent des erreurs de calcul concernant l'absorption des passagers du service complémentaire par les navires de Corsica Ferries France. Il résulte toutefois de l'instruction que les erreurs alléguées correspondent en premier lieu à l'absence de prise en compte de l'absorption de passagers par les navires assurant les liaisons entre la Corse et le port de Nice. Les écarts mis en avant dans l'étude du 12 juin 2019 concernant la rotation sur Ajaccio le 3 juillet 2010 et la rotation sur Bastia le 8 juillet 2007 correspondent dès lors à une différence méthodologique et non à une erreur de calcul. Par ailleurs, à raison de 3,2 passagers par véhicule constatés sur la ligne SNCM du 3 juillet 2010, le nombre de places disponibles pour les véhicules sur les deux navires de la société Corsica Ferries France assurant la liaison avec Toulon ce jour-là, à hauteur de 280, n'aurait pas limité l'absorption des 835 passagers reportés sur ces deux liaisons. Il en va de même pour l'ensemble des rotations mentionnées en annexe de l'étude du 12 juin 2019, liaisons pour lesquelles les places disponibles pour les véhicules ne limitaient pas les capacités d'absorption des passagers reportées par l'experte, plafonnées d'après les modalités établies au point 2.3 de l'expertise. Les tableaux de synthèse figurant au point 5 de l'étude du 12 juin 2019, fondés sur une approche méthodologique excluant l'absorption de passagers sur les liaisons de la société Corsica Ferries France avec le port de Nice, n'ont ainsi pas de valeur probante. Par conséquent, la collectivité de Corse n'est pas fondée à soutenir que les erreurs de calcul auraient engendré un écart de plus de 60 % entre la quantité de passagers réellement absorbables et la quantité de passagers absorbés retenue par l'experte.
26. Il résulte de ce qui a été dit précédemment au point 23 que l'évaluation du manque à gagner doit être établie à offre constante de la société Corsica Ferries France. Il ne résulte pas de l'instruction que la prise en charge des passagers supplémentaires sur les liaisons existantes de la société Corsica Ferries France aurait engendré des difficultés techniques de nature à limiter les capacités d'absorption des navires. Au regard de la fréquence des liaisons et du volume de passagers absorbé sur chaque navire, il ne résulte pas de l'instruction que le temps de chargement ou de déchargement des passagers supplémentaires aurait engendré des difficultés particulières. Par suite, la collectivité de Corse n'est pas fondée à soutenir que les capacités du port de Toulon n'auraient pas permis la prise en charge du surplus de passagers.
27. Il résulte de tout ce qui précède que la société Corsica Ferries France n'est pas fondée à soutenir que la méthode mise en oeuvre par l'experte pour évaluer les capacités d'absorption des navires de la société Corsica Ferries France serait erronée ou produirait un résultat manifestement disproportionné par rapport aux capacités d'absorption réelles. Il y a lieu, dans ces conditions, de retenir sur ce point les bases d'évaluation formulées dans le rapport d'expertise.
S'agissant de l'amplitude temporelle des reports :
28. Le rapport d'expertise du 28 février 2019 a proposé cinq hypothèses d'évaluation du report des passagers du service complémentaire sur les liaisons assurées par la société Corsica Ferries France, en fonction d'une variation de la " maille temporelle ". Les cinq hypothèses construites par l'experte ont été établies selon deux paramètres. Le premier définit une marge d'équivalence, allant de zéro à deux jours par rapport à la date du voyage effectué sur le service complémentaire. Le second consiste à appliquer ou non cette marge aux samedis, en considération du fait que ce jour correspond au commencement et à l'achèvement des locations saisonnières. Toutefois, il résulte de l'instruction que l'application d'une maille temporelle large conduit à modifier la date du voyage, qui est l'une de ses caractéristiques essentielles. Une telle modification ne permet pas de garantir qu'une traversée reportée ou avancée d'un ou deux jours serait, du point de vue du voyageur, équivalente à la traversée initiale. Ainsi, il n'est pas certain que deux offres de traversée n'ayant pas lieu le même jour puissent être regardées comme des biens quasi-identiques et dès lors parfaitement substituables. Dans ces conditions, l'application d'une maille temporelle large est susceptible d'avoir une incidence sur les préférences du consommateur et d'induire des modifications significatives de l'état du marché. Au regard de l'incertitude que cette variation fait peser sur les autres hypothèses de calcul et, par suite, sur le montant du préjudice, toutes choses n'étant plus égales par ailleurs, il y a lieu d'écarter l'application des mailles temporelles larges proposées par l'experte et de retenir son hypothèse n° 1, selon laquelle le report de passagers s'effectue sur les liaisons ayant lieu le jour même. Dans ces conditions, il y a lieu de retenir, au titre du nombre total de passagers absorbés par la société Corsica Ferries France pour la période du 1er juillet 2007 au 31 décembre 2013, le chiffre de 1 399 873 passagers.
S'agissant du chiffre d'affaires manqué par la société Corsica Ferries France :
29. Pour déterminer le chiffre d'affaires par passager supplémentaire qu'aurait réalisé la société Corsica Ferries France sur la période considérée, l'experte a pris en compte en premier lieu le prix du billet, établi à partir des données constatées dans la comptabilité analytique de la société pour la période en cause. Au titre de l'hypothèse n° 1, le montant des recettes est évalué à hauteur de 78 818 130 euros hors taxes. L'experte a également pris en compte le montant de l'aide sociale qui aurait été versée par l'Office des transports de la Corse au cours de la même période, en tenant compte des plafonds définis par la collectivité de Corse, et a établi ce montant pour l'hypothèse n° 1 à hauteur de 5 547 956 euros hors taxes. L'experte a enfin défini les revenus moyens tirés des ventes à bord établis à 8,48 euros hors taxes par passager, soit un montant total de 11 870 925 euros pour l'hypothèse n° 1. La méthode et les données de ce calcul ne sont pas sérieusement contestées par les parties et il y a lieu de retenir pour l'évaluation du préjudice subi par la société Corsica Ferries France un chiffre d'affaires manqué de 96 237 011 euros hors taxes.
S'agissant des charges :
30. Il résulte de l'instruction que pour établir le niveau des charges qui auraient été supportées par la société Corsica Ferries France pour l'accueil des passagers additionnels, l'experte a considéré à juste titre qu'à nombre de navires et de rotations inchangé, conformément aux hypothèses retenues, la compagnie n'aurait supporté aucun coût fixe supplémentaire. Concernant les coûts variables, l'experte a pris en compte en premier lieu l'armement des navires, correspondant aux coûts d'équipage supplémentaires. Ces coûts ont été calculés en nombre de jours/homme, auquel a été appliqué un coût moyen de 103,34 euros et une majoration de 5,7 % correspondant à la marge appliquée par le loueur de la société Corsica Ferries France. Si la collectivité de Corse soutient que ces coûts ont été sous-évalués dès lors qu'il n'est pas établi que la société Corsica Ferries France respecterait le droit social français, de telles
allégations ne sont étayées par aucun élément de preuve. A cet égard, il résulte de l'instruction que les coûts de personnel supplémentaires ont été établis par l'experte à partir des données de la comptabilité analytique de la société Corsica Ferries France, comptabilité certifiée par un commissaire aux comptes. La société Corsica Ferries France fait également valoir sur ce point qu'elle applique le droit social français dans le cadre de son activité de cabotage maritime, qu'elle fait l'objet de contrôles réguliers par les inspecteurs des affaires maritimes et qu'elle a en tout état de cause déjà versé les certificats et attestations sociales permettant de vérifier la régularité de sa situation à l'Office des transports de la Corse, dans le cadre de ses obligations de service public. Dans ces conditions, la collectivité de Corse n'est pas fondée à soutenir qu'il existerait un doute sur le montant réel des charges de personnel, résultant d'une méconnaissance par la société Corsica Ferries France des règles du droit social, ou que l'experte aurait été tenue de vérifier spécifiquement ce point. Pour ces mêmes raisons, il n'y a pas lieu d'enjoindre à la société Corsica Ferries France de produire les documents certifiant de la régularité de sa situation sur cette question. Les coûts de personnels évalués par l'expertise du 28 février 2019 doivent ainsi être regardés comme établis. Il y a lieu, dès lors, de retenir le montant de 2 897 182 euros établi par l'experte au titre de l'hypothèse n° 1.
31. L'experte a également pris en compte les achats de marchandise et de restauration, les commissions versées aux agences de voyages, les frais de blanchisserie, les charges de personnel intérimaire, les commissions bancaires et diverses autres charges variables. Ces évaluations ne sont pas sérieusement contestées par les parties et il y a lieu de les retenir.
32. La collectivité de Corse soutient qu'il y a lieu de prendre en compte les coûts d'affrètement de navires supplémentaires. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit précédemment au point 23 que, par construction, l'évaluation du préjudice de la société Corsica Ferries France doit être réalisée à offre constante. Dans ces conditions, le moyen doit être écarté.
33. La collectivité de Corse soutient en outre que l'évaluation de l'experte ne prend pas en compte les coûts induits par le temps de chargement et de déchargement des navires, les coûts supplémentaires de carburant, les droits de port, ainsi que les coûts de structure. Concernant les droits de port, la société Corsica Ferries France affirme, sans être utilement contredite sur ce point, que les droits de port collectés par la compagnie et reversés aux autorité portuaires ne sont pas inclus dans le prix des billets, que le chiffre d'affaires évalué par l'experte a été calculé net de ces droits, et par suite qu'il n'y a pas lieu de prendre en compte le reversement de ces droits au titre des charges. Concernant la consommation de carburants, l'étude du cabinet Calia conseil sur laquelle s'appuie la collectivité de Corse admet que le transport de passagers supplémentaires n'a pas d'incidence significative sur la consommation des navires. Si la société Corsica Ferries France soutient, par référence à l'étude du cabinet Calia conseil, que les temps d'escale supplémentaires auraient un impact sur les temps de navigation et par suite sur la consommation en carburant des navires, cette affirmation n'est ni étayée ni établie. L'incidence de la prise en charge des voyageurs supplémentaires sur les charges de structure alléguée par l'étude de Calia conseil n'est pas davantage démontrée. Dans ces conditions, la collectivité de Corse n'est pas fondée à soutenir que l'experte aurait minoré les charges supportées par la société Corsica Ferries France.
34. Il résulte de ce qui précède qu'il sera fait une juste appréciation des coûts induits par la prise en charge des passagers supplémentaires du service complémentaire par la société Corsica Ferries France en en fixant le montant, selon l'hypothèse n° 1 du rapport d'expertise, à hauteur de 9 937 828 euros.
35. Il résulte de tout ce qui précède qu'il sera fait une juste appréciation du bénéfice net qu'aurait tiré la société Corsica Ferries France d'un surcroît de clientèle, en l'absence d'institution du service complémentaire, en le fixant à la somme de 86 299 183 euros.
S'agissant du caractère disproportionné du montant de l'indemnité :
36. Il résulte de ce qui précède que l'évaluation du préjudice de la société Corsica Ferries France est construite sur le postulat d'une absorption du surcroît de passagers sans modification de la flotte ou de la fréquence des trajets. Un tel postulat impliquant des coûts fixes inchangés, la collectivité de Corse n'est pas fondée à soutenir que les marges d'exploitation résultant des calculs de l'experte, de l'ordre de 90 %, auraient un caractère irréaliste au regard des niveaux de marges habituellement constatés pour une activité de transport maritime, lesquels prennent en compte l'ensemble des coûts de production du service. Au regard des données d'exploitation fournies par l'expertise, en particulier le taux de remplissage des navires, il n'apparait pas irréaliste qu'un surcroit de clientèle permettant une augmentation significative du nombre de passagers par navire engendre une amélioration notable de la marge d'exploitation de l'opérateur. Par suite, la collectivité de Corse n'est pas fondée à soutenir que le niveau de marge opérationnelle résultant du calcul de l'indemnité serait disproportionné et irréaliste.
En ce qui concerne les préjudices annexes :
37. La société Corsica Ferries France demande l'indemnisation des frais qu'elle a engagés auprès du cabinet KPMG pour la réalisation d'une étude économique et comptable pour la résolution du litige. Il résulte de l'instruction que dans son rapport daté du 28 février 2019, l'experte diligentée par la Cour s'est référée plusieurs fois aux données de l'expertise KMPG, notamment pour le calcul des parts de marché et l'évaluation comptable du manque à gagner, et a utilisé certains éléments de cette étude pour élaborer ses conclusions. Il sera fait une juste appréciation des frais utilement exposés par la société Corsica Ferries France sur ce point en les fixant à la somme de 5 000 euros.
38. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de la collectivité de Corse tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Bastia du 23 février 2017 doivent être rejetées. Ses conclusions tendant à ce que soit ordonnée une nouvelle expertise et ses conclusions subsidiaires tendant au rejet des demandes indemnitaires de la société Corsica Ferries France ou à leur limitation à hauteur de 10 206 301,82 euros doivent également être rejetées. La société Corsica Ferries France est seulement fondée, au titre de l'appel incident, à demander à ce que le montant des condamnations mises à la charge de la collectivité de Corse soit porté à la somme de 86 304 183 euros.
Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts
39. La société Corsica Ferries France a droit aux intérêts sur les condamnations prononcées au point 38 à compter du 29 décembre 2014, date de réception de sa réclamation préalable. La capitalisation des intérêts a été demandée pour la première fois lors de l'enregistrement de la requête devant le tribunal administratif de Bastia. Les intérêts étaient dus pour au moins une année entière, pour la première fois le 30 décembre 2015, et à cette date à chaque échéance annuelle ultérieure. Il y a lieu de faire droit dans cette mesure à la demande de la société Corsica Ferries France.
Sur les dépens :
40. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. ".
41. Les frais d'expertise ont été liquidés et taxés à hauteur de 27 382,80 euros par ordonnance de la présidente de la cour administrative d'appel de Marseille en date du 6 mars 2019. En application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative et compte tenu de tout ce qui précède, il y a lieu de mettre les frais de l'expertise à la charge de la collectivité de Corse.
Sur les frais liés au litige :
42. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la collectivité de Corse les sommes réclamées par la société Corsica Ferries France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dans les instances n°17MA01582 et n°17MA01583. Les demandes formulées sur le même fondement par la collectivité de Corse dans les deux instances doivent également être rejetées.
D É C I D E :
Article 1 : La somme de 84 362 593,12 euros que la collectivité de Corse a été condamnée à verser à la société Corsica Ferries France est portée à la somme de 86 304 183 euros. Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 29 décembre 2014. Les intérêts échus le 30 décembre 2015 seront capitalisés à cette date puis à chaque échéance annuelle ultérieure.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Bastia n° 1500375 du 23 février 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : La requête de la collectivité de Corse et le surplus des conclusions de la société Corsica Ferries France sont rejetés.
Article 4 : Les frais d'expertise, taxés et liquidés à hauteur de la somme de 27 382,80 euros, sont mis à la charge de la collectivité de Corse.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la collectivité de Corse et à la société Corsica Ferries France.
Copie en sera adressée à Mme I..., experte.
Délibéré après l'audience du 25 janvier 2021, où siégeaient :
- M. Guy Fédou, président,
- Mme F... H..., présidente assesseure,
- M. E... Point, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 février 2021.
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N° 17MA01582-N°17MA01583