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19/02/2021 | FRANCE | N°19MA01800

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 19 février 2021, 19MA01800


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat viticole du cru Minervois et la SCEA Château La Grave ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 15 décembre 2016, par lequel le préfet de l'Aude a autorisé la société Colas Midi-Méditerranée à exploiter une carrière à ciel ouvert de sables et de graviers alluvionnaires au lieu-dit " Les Condamines " sur le territoire de la commune de Trèbes.

Par un jugement n° 1701383 du 26 février 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette dem

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Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 19...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat viticole du cru Minervois et la SCEA Château La Grave ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 15 décembre 2016, par lequel le préfet de l'Aude a autorisé la société Colas Midi-Méditerranée à exploiter une carrière à ciel ouvert de sables et de graviers alluvionnaires au lieu-dit " Les Condamines " sur le territoire de la commune de Trèbes.

Par un jugement n° 1701383 du 26 février 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 19 avril 2019, le 8 mai 2020 et le 25 novembre 2020, le syndicat viticole du cru Minervois et la SCEA Château La Grave, représentés par Me C..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 26 février 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Aude du 15 décembre 2016 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils ont intérêt à agir contre l'arrêté en litige ;

- l'étude d'impact est insuffisante s'agissant des mesures de compensation des effets négatifs notables du projet sur l'environnement ;

- l'absence de l'avis de l'INAO dans le dossier soumis à enquête publique a vicié cette procédure ;

- en s'abstenant d'émettre dans ses conclusions son avis motivé sur la zone de transit le commissaire enquêteur a entaché la procédure d'enquête publique d'irrégularité ;

- le projet est incompatible tant avec le schéma départemental qu'avec le schéma régional des carrières ;

- le projet méconnaît les orientations du schéma de cohérence territorial de Carcassonne ;

- il porte atteinte au paysage et à l'activité agricole en méconnaissance des dispositions des articles L. 110-1 et L. 511-1 du code de l'environnement et de l'article L. 665-6 du code rural et de la pêche maritime ;

- il porte également une atteinte excessive à l'espace agricole en méconnaissance des articles L. 111-1 et L 111-2 du code rural et de la pêche maritime.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 3 avril 2020 et le 14 octobre 2020, la société Colas Midi-Méditerranée, représentée par le cabinet d'avocats Boivin et associés, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête d'appel est irrecevable, pour défaut d'intérêt à agir du syndicat viticole du cru minervois et de la SCEA Château La Grave ;

- les moyens soulevés par le syndicat viticole du cru minervois et la SCEA Château La Grave ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 novembre 2020, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par le syndicat viticole du cru Minervois et la SCEA Château La Grave ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,

- et les observations de Me A... substituant Me D..., représentant la société Colas Midi-Méditerranée.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 15 décembre 2016, le préfet de l'Aude a autorisé la société Colas Midi-Méditerranée à exploiter une carrière de sables et graviers au lieu-dit " Les Condamines " sur le territoire de la commune de Trèbes, pour une production maximale annuelle de 120 000 tonnes. Le syndicat viticole du cru Minervois et la SCEA Château La Grave relèvent appel du jugement du 26 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les règles applicables au litige :

2. Il appartient au juge du plein contentieux des installations classées pour la protection de l'environnement d'apprécier le respect des règles relatives à la forme et à la procédure régissant la demande d'autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l'autorisation et celui des règles de fond régissant le projet en cause au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce, sous réserve du respect des règles d'urbanisme, qui s'apprécie au regard des circonstances de fait et de droit applicables à la date de l'autorisation. Les obligations relatives à la composition du dossier de demande d'autorisation d'une installation classée relèvent des règles de procédure. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances affectant ce dossier ne sont susceptibles de vicier la procédure et ainsi d'entacher d'irrégularité l'autorisation que si elles ont eu pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

Sur la légalité de l'autorisation délivrée le 15 décembre 2016 par le préfet de l'Aude :

En ce qui concerne la régularité de la procédure :

S'agissant de l'étude d'impact :

3. L'article R. 122-5 du code de l'environnement définit le contenu de l'étude d'impact, qui doit être proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et à la nature des travaux, ouvrages et aménagements projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. Le 7° du II de cet article, dans sa version alors applicable, impose à l'étude d'impact de présenter " les mesures prévues par le pétitionnaire ou le maître de l'ouvrage pour : / - éviter les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine et réduire les effets n'ayant pu être évités ; / - compenser, lorsque cela est possible, les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine qui n'ont pu être ni évités ni suffisamment réduits. S'il n'est pas possible de compenser ces effets, le pétitionnaire ou le maître d'ouvrage justifie cette impossibilité ". Selon le II de l'article R. 512-8 du même code : " Le contenu de l'étude d'impact est défini à l'article R. 122-5. Il est complété par les éléments suivants : / (...) 2° Les mesures réductrices et compensatoires mentionnées au 7° du II de l'article R. 122-5 font l'objet d'une description des performances attendues, notamment en ce qui concerne la protection des eaux souterraines, l'épuration et l'évacuation des eaux résiduelles et des émanations gazeuses ainsi que leur surveillance, l'élimination des déchets et résidus de l'exploitation, les conditions d'apport à l'installation des matières destinées à y être traitées, du transport des produits fabriqués et de l'utilisation rationnelle de l'énergie ". Si ces dispositions imposent que l'étude d'impact n'omette aucun des effets négatifs notables du projet sur l'environnement et la santé humaine, ni des mesures qu'ils appellent, elles ne font pas obstacle à ce que ces mesures soient, si nécessaire, précisées ou complétées ultérieurement, notamment à l'occasion de la délivrance des autorisations requises au titre des polices d'environnement, dès lors que l'étude d'impact les identifie avec une précision suffisante.

4. En premier lieu, s'il est reproché à l'étude d'impact de ne pas suffisamment présenter les mesures destinées à compenser les atteintes portées par l'opération aux terres agricoles, celle-ci prévoit au titre des mesures de compensation la remise en état agricole des terrains à vocation de prairie sur une superficie de 7,3 hectares en fin d'exploitation du site, laquelle est prévue pour durer dix ans. Dans la mesure où 1,7 hectares ne pourront pas bénéficier d'un réaménagement permettant leur utilisation agricole future, l'étude d'impact précise qu'une éventuelle compensation par des terres de même superficie (soit environ 1,7 hectares) sur la commune de Trèbes sera envisagée si la nécessité s'avérait confirmée par la commission départementale des espaces agricoles. Si cette mesure comporte une part d'imprécision, il résulte de l'instruction qu'elle devra être complétée de concert avec la commission départementale des espaces agricoles une fois l'exploitation achevée. L'étude d'impact ne peut donc être regardée comme insuffisante sur ce point. Par ailleurs, aucune règle ni aucun principe ne faisait obstacle à ce que soit envisagée à titre de mesure compensatoire la création d'une zone humide sur le point bas du carreau.

5. En second lieu, il résulte des dispositions combinées de l'article L. 112-1-3 du code rural et de la pêche maritime et de son décret d'application du 31 août 2016 que l'exigence d'établir une étude d'impact agricole dans le cas de projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements publics et privés qui, par leur nature, leurs dimensions ou leur localisation, sont susceptibles d'avoir des conséquences négatives importantes sur l'économie agricole n'est applicable qu'aux projets pour lesquels l'étude d'impact prévue à l'article L. 122-1 du code de l'environnement a été transmise à l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement définie à l'article R. 122-6 du code de l'environnement à compter du premier jour du troisième mois suivant celui de la publication de ce décret au Journal officiel de la République française, soit à compter du 1er décembre 2016.

6. En l'espèce, il résulte de l'instruction que le dossier complet de l'étude d'impact a été transmis à l'autorité environnementale le 8 septembre 2015, soit à une date antérieure à l'entrée en vigueur des dispositions de l'article L. 112-1-3 du code rural et de la pêche maritime précité. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions est inopérant.

S'agissant de la composition du dossier d'enquête publique :

7. Aux termes de l'article L. 643-5 du code rural dans sa version alors en vigueur : " L'Institut national de l'origine et de la qualité est consulté lorsqu'une installation soumise à l'autorisation prévue par l'article L. 512-1 du code de l'environnement est projetée dans les communes comportant une aire de production d'un produit d'appellation d'origine et les communes limitrophes, dans les conditions prévues par l'article L. 512-6 du même code ". Selon l'article L. 512-6 du code de l'environnement, alors applicable aux installations classées pour la protection de l'environnement soumises à autorisation : " Dans les communes comportant une aire de production de vins d'appellation d'origine, l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation consulte l'Institut national de l'origine et de la qualité. (...). ". Enfin, l'article R. 123-8 du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige, dispose : " Le dossier soumis à l'enquête publique comprend les pièces et avis exigés par les législations et réglementations applicables au projet, plan ou programme. Le dossier comprend au moins : (...) 4° Lorsqu'ils sont rendus obligatoires par un texte législatif ou réglementaire préalablement à l'ouverture de l'enquête, les avis émis sur le projet, plan ou programme. (...) ".

8. Il résulte de ces dispositions combinées que, lorsqu'un projet d'exploitation d'installation classée pour la protection de l'environnement soumise à autorisation est situé dans une commune dont le territoire comporte des vignobles classés appellation d'origine contrôlée, l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO) doit être consulté et son avis figurer au dossier soumis à l'enquête publique.

9. Par ailleurs, les inexactitudes, omissions ou insuffisances affectant le dossier soumis à enquête publique ne sont susceptibles de vicier la procédure et ainsi d'entacher d'irrégularité l'autorisation que si elles ont eu pour effet de nuire à l'information de l'ensemble des personnes intéressées par l'opération ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur les résultats de l'enquête et, par suite, sur la décision de l'autorité administrative.

10. Il résulte de l'instruction que, par un courrier du 28 janvier 2016, l'INAO a émis un avis favorable au projet d'exploitation de carrière en litige sous réserve que les sols soient restitués à une activité agricole après la fermeture de la carrière et que des mesures soient mises en place pour lutter contre la dissémination des poussières susceptibles d'être générées par l'exploitation. Il est constant que cet avis n'a pas été versé au dossier d'enquête publique. Toutefois, l'étude d'impact jointe à ce dossier abordait largement les conditions dans lesquelles l'exploitation pouvait être génératrice de poussières, ainsi que les mesures envisagées pour éviter leur envol. Y étaient également exposées les problématiques relatives à la remise en état du site en fin d'exploitation ainsi que les mesures prévues pour restituer les sols à un usage agricole. Dans ces circonstances, l'absence de l'avis de l'INAO dans le dossier soumis à l'enquête publique n'a pas eu pour effet de nuire à l'information complète de la population et n'a pas été de nature à exercer une influence sur les résultats de l'enquête. Par suite, la circonstance alléguée n'a pas entaché d'illégalité la décision de l'autorité administrative.

S'agissant de l'avis émis par le commissaire enquêteur sur le projet :

11. D'une part, l'article R. 512-6 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable en l'espèce, prévoit que toute demande de mise en service d'une installation classée pour la protection de l'environnement soumise à autorisation doit être accompagnée, notamment, de l'étude d'impact prévue à l'article L. 122-1 du même code dont le contenu est défini par les dispositions de l'article R. 512-8 de ce code. Le II du même article R. 512-6 précise, en outre, que " les études et documents prévus au présent article portent sur l'ensemble des installations ou équipements exploités ou projetés par le demandeur qui, par leur proximité ou leur connexité avec l'installation soumise à autorisation, sont de nature à en modifier les dangers ou inconvénients ". Aux termes de l'article R. 512-13 du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Si plusieurs installations classées doivent être exploitées par le même exploitant sur le même site, une seule demande d'autorisation peut être présentée pour l'ensemble de ces installations. / Il est procédé à une seule enquête et un seul arrêté peut statuer sur l'ensemble et fixer les prescriptions prévues à l'article R. 512-28. ".

12. D'autre part, aux termes de l'article L. 123-15 du code de l'environnement dans sa rédaction alors en vigueur : " Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête rend son rapport et ses conclusions motivées dans un délai de trente jours à compter de la fin de l'enquête. (...) Le rapport doit faire état des contre-propositions qui ont été produites durant l'enquête ainsi que des réponses éventuelles du maître d'ouvrage. Le rapport et les conclusions motivées sont rendus publics (...) ". En vertu de l'article R. 123-19 du même code, dans sa version alors en vigueur : " Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête établit un rapport qui relate le déroulement de l'enquête et examine les observations recueillies. Le rapport comporte le rappel de l'objet du projet, plan ou programme, la liste de l'ensemble des pièces figurant dans le dossier d'enquête, une synthèse des observations du public, une analyse des propositions et contre-propositions produites durant l'enquête et, le cas échéant, les observations du responsable du projet, plan ou programme en réponse aux observations du public. Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête consigne, dans un document séparé, ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables, favorables sous réserves ou défavorables au projet (...) ".

13. La demande présentée par la société Colas Midi-Méditerranée portait sur l'exploitation, d'une part, d'une carrière, installation relevant de la rubrique 2510-1 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement soumise à autorisation et, d'autre part, d'une station de transit de produits de minéraux ou de déchets non dangereux inertes de 6 000 m², installation relevant de la rubrique 2517-3 de la même nomenclature, connexe à la carrière et soumise à déclaration. Une seule instruction et une seule enquête ont été menées sur l'ensemble de ces installations constitutives d'un même projet et le préfet a statué par un seul arrêté sur ces demandes ainsi que le prévoit l'article R. 512-13 précité du code de l'environnement. Il résulte de l'instruction que dans son rapport le commissaire enquêteur faisait explicitement référence à ces deux installations et à leur régime juridique et qu'il n'a nullement entendu circonscrire ses conclusions au seul projet d'exploitation de la carrière proprement dit, à l'exclusion de l'exploitation des installations connexes de la station de transit. En émettant un avis favorable à la demande présentée par la société Colas Midi-Méditerranée, il a implicitement mais nécessairement entendu faire porter son avis sur l'ensemble du projet. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'avis du commissaire enquêteur serait irrégulier faute pour celui-ci d'avoir consigné ses conclusions motivées sur la station de transit de produits de minéraux ou de déchets non dangereux.

En ce qui concerne le bien-fondé de l'autorisation :

S'agissant de la compatibilité du projet avec le schéma départemental et le schéma régional des carrières :

14. D'une part, aux termes de l'article L. 515-3 du code de l'environnement dans sa rédaction en vigueur à la date du présent arrêt : " I. Le schéma régional des carrières définit les conditions générales d'implantation des carrières et les orientations relatives à la logistique nécessaire à la gestion durable des granulats, des matériaux et des substances de carrières dans la région. (...) / (...) / Les autorisations d'exploitation de carrières délivrées en application du présent titre doivent être compatibles avec ce schéma (...) / (...) / IV. Toutefois, les schémas départementaux des carrières continuent à être régis par le présent article, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, jusqu'à l'adoption d'un schéma régional des carrières, qui au plus tard doit intervenir dans un délai de cinq ans à compter du 1er janvier suivant la date de publication de la même loi ".

15. D'autre part, aux termes de l'article L. 515-3 du code de l'environnement dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 : " Le schéma départemental des carrières définit les conditions générales d'implantation des carrières dans le département. Il prend en compte l'intérêt économique national, les ressources et les besoins en matériaux du département et des départements voisins, la protection des paysages, des sites et des milieux naturels sensibles, la nécessité d'une gestion équilibrée de l'espace, tout en favorisant une utilisation économe des matières premières. Il fixe les objectifs à atteindre en matière de remise en état et de réaménagement des sites (...) Les autorisations et enregistrements d'exploitation de carrières délivrées en application du présent titre doivent être compatibles avec ce schéma (...) ".

16. En premier lieu, il résulte de l'instruction, qu'à la date du présent arrêt, le schéma régional des carrières de la région Occitanie, dont l'élaboration est en cours, n'a pas été approuvé par le préfet de région ni rendu public. Par suite, le moyen tiré de ce que l'autorisation en litige ne respecterait pas les prescriptions de ce schéma est inopérant.

17. En deuxième lieu, si le schéma départemental des carrières de l'Aude approuvé par arrêté préfectoral du 19 septembre 2000 préconise de privilégier la reprise ou l'extension de l'exploitation de zones de carrières existantes, il conditionne néanmoins le respect de cette orientation à la présence de ressources réelles permettant la poursuite de l'activité et n'interdit pas l'autorisation d'exploitation de nouvelles carrières alluvionnaires en fonction des besoins du secteur. Par ailleurs, le schéma départemental préconise également " de privilégier l'utilisation des ressources situées le plus près possible des lieux de consommation et de limiter au maximum le transport des granulats ".

18. En l'espèce, il résulte des constatations de l'autorité environnementale un déficit annuel de matériau de 200 000 tonnes sur l'ouest audois en conséquence de l'épuisement des carrières autorisées, déficit atteignant 800 000 tonnes en 2020. Ce constat est corroboré par un étude du BRGM de décembre 2012, relevant que pour le secteur de Carcassonne à partir de 2015 les productions réelles des carrières existantes dans un rayon de 40 km ne couvrent même plus les deux tiers des besoins de cette zone. L'autorité environnementale a relevé que ce déficit était comblé par des apports en provenance des départements voisins de l'Ariège et du Tarn, représentant chaque année 10 000 allers-retours de camions et que le projet devait permettre de disposer d'un gisement alluvionnaire de grande proximité pour les deux agences de travaux de la société implantées à Carcassonne, clairement identifiés, et d'alimenter les chantiers locaux dans un rayon de 20 à 25 kilomètres maximuM. Contrairement à ce qui est soutenu, au regard de ces éléments et notamment du déficit de matériau et de la proximité de la ressource et du lieu de traitement avec les lieux de consommation, la carrière de Trèbes n'étant située qu'à 10 kilomètres environ de Carcassonne, le moyen tiré de l'incompatibilité de l'arrêté litigieux avec les orientations précitées du schéma départemental des carrières de l'Aude ne peut qu'être écarté.

19. En troisième lieu, le schéma départemental des carrières recommande que " les éléments de fragilisation du tissu agricole, l'atteinte même ponctuelle aux conditions d'exploitation dans une zone doivent constituer des éléments d'appréciation décisifs et faire l'objet d'un examen approfondi avant toute décision d'accorder une autorisation d'exploiter ". Cette disposition n'a ni pour objet ni pour effet d'interdire l'exploitation d'une carrière dans une zone agricole ou viticole. Elle vise seulement à ce que les demandes d'autorisation d'exploitation de carrière susceptible de fragiliser le tissu agricole fasse l'objet d'un examen approfondi avant toute décision. En l'espèce il ne résulte pas de l'instruction que le préfet, qui a consulté la commission départementale de la consommation des espaces agricoles et I'INAO sur le projet, n'aurait pas procédé à un tel examen.

S'agissant de la compatibilité du projet avec le schéma de cohérence territoriale de Carcassonne :

20. Il ne résulte d'aucune disposition ni d'aucune règle que les autorisations délivrées sur le fondement de l'article L. 511-1 du code de l'environnement seraient au nombre des décisions administratives dont la légalité doit s'apprécier par référence aux dispositions des schémas de cohérence territorial. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté en litige méconnaîtrait l'un des objectifs du document d'orientation du schéma de cohérence territoriale de Carcassonne relatif à la continuité des espaces agricoles est inopérant.

S'agissant de l'atteinte alléguée au paysage et à l'espace agricole :

21. Aux termes de l'article L. 110-1 du code de l'environnement : " I. - Les espaces, ressources et milieux naturels, les sites et paysages, la qualité de l'air, les espèces animales et végétales, la diversité et les équilibres biologiques auxquels ils participent font partie du patrimoine commun de la nation. / II. - Leur protection, leur mise en valeur, leur restauration, leur remise en état et leur gestion sont d'intérêt général et concourent à l'objectif de développement durable qui vise à satisfaire les besoins de développement et la santé des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Elles s'inspirent, dans le cadre des lois qui en définissent la portée, des principes suivants : (...) ".

22. Les dispositions précitées de l'article L. 110-1 du code de l'environnement relatives à la protection des espaces, ressources et milieux naturels, sites et paysages se bornent à énoncer un principe dont la portée a vocation à être définie dans le cadre d'autres lois ou qui a vocation à inspirer des règlements. En revanche, elles ne s'appliquent pas aux décisions individuelles. Par suite, leur méconnaissance ne saurait être utilement invoquée au soutien d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté en litige.

23. Aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 (...) ". Aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. / Les dispositions du présent titre sont également applicables aux exploitations de carrières au sens des articles L. 100-2 et L. 311-1 du code minier. ". Aux termes de l'article L. 512-1 dudit code : " Sont soumises à autorisation préfectorale les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts visés à l'article L. 511-1. L'autorisation ne peut être accordée que si ces dangers ou inconvénients peuvent être prévenus par des mesures que spécifie l'arrêté préfectoral. ".

24. Il résulte de l'instruction que le projet de carrière à ciel ouvert est prévu sur une zone de 9 hectares environ à l'est de Trèbes en rive gauche de l'Aude et du Canal du Midi, à 10 kilomètres au sud-est de Carcassonne, dans une plaine peu ondulée constituée de parcelles de vignes et de céréales, sans toutefois faire partie de l'aire de production viticole AOC des communes de Trèbes et de Rustiques. Il résulte du rapport de l'inspection des installations classées pour la protection de l'environnement que la zone en cause s'insère dans un paysage très modifié par l'homme (présence de grands axes de circulation, dynamique d'artificialisation des sols) et composé en grande partie de cultures, vignobles et pâturages intensifs. Les parcelles concernées par le projet sont bordées à l'est, à l'ouest et au nord par des vignobles et jachères et au sud par la RD 610 assurant la liaison entre Trèbes et Béziers où le trafic est relativement important. Selon l'étude paysagère jointe au dossier, si la perception de surfaces minérales et de zone remaniée existe déjà dans le secteur en raison de l'existence d'une carrière d'extraction entre le projet et le canal du midi, l'ouverture et l'exploitation de la carrière intensifiera néanmoins l'artificialisation du secteur. Si l'impact visuel du projet est fort depuis les abords immédiats, (0 à 200 mètres), moyen depuis les points de vue rapprochés, les vues restant rasantes et la présence des vignes en premier plan réduisant la perception des terrains, il est modéré depuis les points de vue éloignés (500 mètres à deux kilomètres) et faible à modéré depuis les points de vue très éloignés (plus de deux kilomètres) notamment depuis les reliefs au sud de la plaine de l'Aude. Par ailleurs, l'impact du projet est nul depuis le Canal du midi du fait de la topographie et modéré depuis les ruines du château de Miramont, seul monument inscrit à l'inventaire dans ce secteur mais relativement éloigné. Si un autre site d'exploitation est prévu à proximité, il résulte de l'étude paysagère que la position limitrophe des deux sites en favorisera la perception comme une seule entité et l'impact cumulé restera faible.

25. Il résulte également de l'étude d'impact que l'exploitant a prévu des mesures de réduction des effets paysagers et visuels du projet dont l'encaissement de la zone technique d'environ 4 mètres sous le niveau du terrain naturel. Les stocks, ne dépassant pas 3 mètres de haut, ne seront pas visibles du terrain naturel avoisinant. Des merlons de terre enherbés de 1,5 mètres de haut permettront également de réduire cet impact visuel tout en limitant l'envol des poussières le long de la RD 610. Dans le même but, sont prévus une rangée d'oliviers plantée sur une partie des pourtours de la zone technique, ainsi que des plantations de bosquets arbustifs et arborés au nord de la zone d'extraction ainsi que la densification de la ripisylve. En outre, selon cette étude, du fait de la présence de haies de cyprès et de peupliers autour des habitations et bâtiments du domaine de la Grave, la perception du projet sera très limitée.

26. Il résulte de ce qui précède que l'atteinte portée au site par le projet est limitée et ne conduit ni à sa dénaturation ni à la transformation de ses caractéristiques essentielles.

27. Les dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement susceptibles d'être causés par les installations classées pour la protection de l'environnement, y compris pour l'agriculture, sont en principe, prévenus par les dispositions de ce code, le respect des prescriptions générales édictées par le ministre chargé des installations classées et des prescriptions particulières édictées, le cas échéant, par le préfet et non pas par les dispositions du code rural. Par suite, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir d'une méconnaissance des dispositions des articles L. 111-1 et L. 111-2 du code rural et de la pêche maritime à l'encontre de l'autorisation en litige, lesquelles au demeurant ne fixent que des objectifs et des priorités permettant d'orienter la politique d'aménagement rural sans que ces objectifs ne soient applicables aux installations classées pour la protection de l'environnement.

28. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que le projet porterait atteinte aux conditions d'exploitation des domaines viticoles situées à proximité de la carrière ni aux terres arables. Il n'est pas davantage établi qu'il remettrait en cause les potentialités et les caractéristiques locales de l'espace agricole. L'arrêté en litige prévoit notamment en son article 4.1 les mesures utiles pour éviter l'émission et la propagation des poussières et l'article 4.3 impose à l'exploitant de mettre en oeuvre un réseau de mesures de retombées de poussières sédimentaires. D'ailleurs, l'INAO et la commission départementale des espaces agricoles ont émis un avis favorable au projet.

29. Par suite, le syndicat viticole du cru Minervois et la SCEA Château La Grave ne sont pas fondés à soutenir que l'autorisation contestée a été délivrée en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 511-1 du code de l'environnement relatives à la protection des paysages et de l'agriculture.

30. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par la société Colas Midi-Méditerranée, que le syndicat viticole du cru Minervois et la SCEA Château La Grave ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 décembre 2016 du préfet de l'Aude.

Sur les frais liés au litige :

31. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que le syndicat viticole du cru Minervois et la SCEA Château La Grave demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du syndicat viticole du cru Minervois et de la SCEA Château La Grave la somme globale de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société Colas Midi-Méditerranée et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête du syndicat viticole du cru Minervois et de la SCEA Château La Grave est rejetée.

Article 2 : Le syndicat viticole du cru Minervois et la SCEA Château La Grave verseront à la société Colas Midi-Méditerranée une somme globale de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat viticole du cru Minervois, à la SCEA Château La Grave, à la société Colas Midi-Méditerranée et à la ministre de la transition écologique.

Délibéré après l'audience 5 février 2021, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. B..., président assesseur,

- M. Coutier, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 février 2021.

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N° 19MA01800

nl


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA01800
Date de la décision : 19/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

44-02-02-005-02-01 Nature et environnement. Installations classées pour la protection de l'environnement. Régime juridique. Actes affectant le régime juridique des installations. Première mise en service.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: M. Georges GUIDAL
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : POITOUT

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-02-19;19ma01800 ?
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