Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... G... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 2 décembre 2016 par laquelle le directeur régional du réseau La Poste des Alpes-Maritimes a prononcé à son encontre la sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois et de condamner La Poste à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis et à lui rembourser les traitements indûment prélevés.
Par jugement n° 1700336 du 8 novembre 2019, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 13 décembre 2019, M. G..., représenté par Me F..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 8 novembre 2019 du tribunal administratif de Nice ;
2°) de faire droit à sa demande de première instance ;
3°) de mettre à la charge de La Poste la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la sanction en litige repose sur des faits matériellement inexacts ;
- en tout état de cause, cette sanction est disproportionnée ;
- son éviction illégale pendant trois mois lui a causé un préjudice financier et psychologique ;
- il a droit au remboursement de ses traitements indûment prélevés.
Par un mémoire en défense enregistré le 4 novembre 2020, La Poste, représentée par la SELARL d'avocats E... AMG, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du requérant la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de Me E... représentant La Poste.
Considérant ce qui suit :
1. M. G..., agent technique et de gestion supérieur à La Poste, exerçant les fonctions de chargé de clientèle, s'est vu infliger, par la décision en litige du 2 décembre 2016 du directeur régional du réseau La Poste des Alpes-Maritimes, après avis du conseil de discipline de La Poste, la sanction disciplinaire de l'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de trois mois. Le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision et à la condamnation de La Poste à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité de cette sanction et à lui rembourser les traitements indûment prélevés. M. G... relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. L'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat dispose : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes (...). Troisième groupe : - la rétrogradation ; - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans (...). ".
3. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
4. Pour prendre la décision en litige d'exclusion temporaire de fonctions de trois mois, La Poste s'est fondée sur la mise à profit par le requérant de sa fonction de chargé de clientèle pour faire un faux en écriture et pour effectuer des opérations pour son propre compte, sur les comptes de son épouse et de ses enfants, sur le compte d'une cliente La Banque Postale (LBP) à des fins personnelles et sur le non-respect de la réglementation en vigueur sur les virements.
5. S'agissant du grief le plus grave de faux en signature qui lui est reproché, il ressort des pièces du dossier qu'à la suite d'une réclamation déposée par une cliente, Mme D..., du bureau de poste de Nice Saint-Augustin où M. G... exerçait ses fonctions de chargé de clientèle, cet agent a fait l'objet d'une enquête interne qui a donné lieu à un rapport le 29 juin 2016. Il est notamment reproché à M. G... d'avoir signé, à l'insu de cette cliente, le 20 août 2015 un ordre de virement permanent mensuel d'un montant de 160 euros avec prise d'effet au 8 septembre 2015 du compte courant postal de cette cliente vers son compte courant, correspondant selon le requérant à la location à Mme D... d'un garage lui appartenant. Il ressort tant de ce rapport, qui n'est pas empreint de partialité, que de l'enquête portant sur la réalité des faits de faux en signature reprochés au requérant, ordonnée sur le fondement des articles R. 623-1 à 3 du code de justice administrative par ordonnance du 26 juin 2019 du tribunal administratif de Nice, qui a entendu Mme D... avant de statuer sur la demande du requérant, que la signature apposée sur le bordereau de virement ne correspond pas à celle de Mme D... enregistrée sur la fiche de signature de la banque Postale, que le requérant a d'ailleurs consultée sans raison apparente à deux reprises avant l'émission de cet ordre de versement et que Mme D... a contesté sous serment avoir signé cet ordre de virement. Pour contester avoir signé cet ordre et avoir ainsi commis le faux en écriture qui lui est reproché par la décision en litige, M. G... produit en appel une nouvelle attestation de Mme D... rédigée le 18 novembre 2019, soit dix jours après le jugement attaqué, affirmant que c'est elle qui a signé l'ordre de virement en litige et qu'elle n'avait pas reconnu jusqu'alors sa propre signature modifiée selon elle en raison d'une intervention chirurgicale de la main qu'elle avait subie pendant cette période. Toutefois, il ressort d'une attestation du 22 décembre 2017 de la directrice de La Poste Nice Saint-Augustin interrogée dans le cadre de l'enquête interne et qui a reçu Mme D... en entretien que cette cliente dit avoir été " harcelée " à son travail et à son domicile par le requérant pour qu'elle rédige le 25 janvier 2017 une première lettre de rétractation de ses accusations portées contre lui. Cette nouvelle attestation de Mme D... du 18 novembre 2019, qui a au demeurant admis devant le tribunal avoir loué au requérant son garage contre paiement en espèces, n'est pas de nature à contredire sérieusement ses propres déclarations faites sous serment devant le tribunal administratif de Nice. Par suite, la matérialité de ce fait reproché est établie, contrairement à ce que soutient le requérant.
6. S'agissant des autres griefs reprochés au requérant par la décision en litige, le requérant ne conteste pas sérieusement, en se bornant à produire une attestation de son fils aîné selon laquelle ce membre de sa famille n'aurait jamais constaté un mouvement sur son compte bancaire sans avoir signé un ordre en ce sens et alors que le requérant a lui-même admis dans le cadre de l'enquête interne avoir effectué de telles opérations en raison de l'impossibilité alléguée pour sa famille de se déplacer durant les heures d'ouverture de la Banque Postale, que ne serait pas établi le grief tiré de que le requérant aurait mis à profit, pendant une période de trois années avant la sanction en litige, sa fonction de chargé de clientèle pour effectuer notamment des opérations bancaires sur les comptes de ses enfants, en méconnaissance de l'annexe 4 du règlement intérieur de La Poste, qui interdit à tout postier de traiter seul toutes opérations de versements et de virements entre lui-même ou sa famille et la Banque Postale. Par suite, l'autorité disciplinaire ne s'est pas fondée pour ces autres griefs sur des faits matériellement inexacts et a pu à bon droit estimer que les faits reprochés à M. G... constituaient une faute de nature à justifier une sanction.
7. Eu égard à la nature des fonctions exercées par M. G... et aux obligations déontologiques qui s'imposent aux agents de la Banque Postale, et alors même que la manière de servir du requérant a été estimée satisfaisante par sa hiérarchie jusqu'au prononcé de la sanction en litige et que La Poste n'a pas subi de préjudice du fait de son comportement, La Poste n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, infligé une sanction disproportionnée en décidant de prendre à l'encontre de M. G... la sanction du troisième groupe de l'exclusion temporaire de fonctions de trois mois.
8. Il résulte de tout ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 2 décembre 2016 de La Poste. Par voie de conséquence, ses conclusions indemnitaires et celles tendant à ce que La Poste lui rembourse les traitements prétendument indûment prélevés doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une quelconque somme soit mise à la charge de La Poste qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. G... la somme de 2 000 euros à verser à La Poste au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. G... est rejetée.
Article 2 : M. G... versera la somme de 2 000 euros à La Poste sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... G... et à La Poste.
Délibéré après l'audience du 2 février 2021, où siégeaient :
- Mme B..., présidente assesseure, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222- 26 du code de justice administrative,
- Mme C..., première conseillère,
- M. Mouret, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition du greffe le 16 février 2021.
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N° 19MA05505