La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/02/2021 | FRANCE | N°19MA01387

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 16 février 2021, 19MA01387


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Alazard et Roux et Me B... C..., agissant en qualité d'administrateur judiciaire de la SAS Alazard et Roux, ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 17 mars 2016 par laquelle le président de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur a prononcé la déchéance des droits de la SAS Alazard et Roux au titre d'une aide financière du fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) relative au dispositif " investissements dans

les industries agro-alimentaires ".

Par un jugement n° 1604074 du 7 février ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Alazard et Roux et Me B... C..., agissant en qualité d'administrateur judiciaire de la SAS Alazard et Roux, ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 17 mars 2016 par laquelle le président de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur a prononcé la déchéance des droits de la SAS Alazard et Roux au titre d'une aide financière du fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) relative au dispositif " investissements dans les industries agro-alimentaires ".

Par un jugement n° 1604074 du 7 février 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 25 mars 2019 et le 18 septembre 2020, la SAS Alazard et Roux et Me C..., représentés par Me D..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 7 février 2019 ;

2°) d'annuler la décision du président de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur du 17 mars 2016 ;

3°) à titre subsidiaire, de décider que la déchéance ne pourra porter que sur 15 % de l'aide ;

4°) de condamner la région Provence-Alpes-Côte d'Azur aux entiers dépens et de mettre à sa charge le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la procédure contradictoire préalable prévue par l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration et organisée par l'article L. 122-1 du même code n'a pas été mise en oeuvre ;

- la SAS Alazard et Roux n'a pas bénéficié du système d'avertissement précoce prévu par l'article D. 615-58-1 du code rural et de la pêche maritime ;

- le délai qui lui a été accordé avant le contrôle sur place est insuffisant ;

- la décision de déchéance est insuffisamment motivée ;

- la décision de déchéance ne comporte aucune motivation du choix de la sanction la plus grave, en méconnaissance de l'article D. 615-59 du code rural et de la pêche maritime ;

- le versement d'une subvention par la Caisse d'assurance retraite et de la santé au travail (Carsat) n'est pas de nature à fonder la déchéance ;

- la société a respecté son engagement tenant à l'absence de revente des investissements au titre desquels elle a bénéficié de l'aide ;

- la sanction est disproportionnée ;

- la déchéance totale des droits a été prise en méconnaissance de l'article D. 615-58 du code rural et de la pêche maritime ;

- le remboursement de l'aide doit être limité à 15 % des sommes allouées, en raison du défaut de dénonce des modifications des structures d'exercice.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 18 août 2020 et le 8 octobre 2020, la région ProvenceAlpesCôte d'Azur, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de la SAS Alazard et Roux la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 7611 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

le règlement (CE) n° 1698/2005 du Conseil du 20 septembre 2005 concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural ;

- le règlement (CE) n° 1975/2006 de la commission du 7 décembre 2006 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 1698/2005 du Conseil en ce qui concerne l'application de procédures de contrôle et de conditionnalité pour les mesures de soutien au développement rural ;

- le règlement (UE) n° 1306/2013 du parlement européen et du conseil du 17 décembre 2013 relatif au financement, à la gestion et au suivi de la politique agricole commune et abrogeant les règlements (CEE) n° 352/78, (CE) n° 165/94, (CE) n° 2799/98, (CE) n° 814/2000, (CE) n° 1200/2005 et n° 485/2008 du Conseil ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- l'arrêté du 16 avril 2010 relatif aux aides accordées au titre des investissements dans les industries agroalimentaires dans le cadre du programme de développement rural hexagonal ;

le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- et les conclusions de Mme Boyer, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Alazard et Roux, qui exerce une activité d'abattage et de transformation de viande, a conclu avec le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, le 14 novembre 2011, une convention de subvention au titre d'une aide du FEADER dans le cadre du dispositif " investissements dans les industries agro-alimentaires ", portant sur un projet de création d'une unité d'abattage, de découpe et de transformation de viandes ovines et bovines exclusivement régionales et certifiées halal. A la suite d'un contrôle, le président de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur a prononcé, le 17 mars 2016, la déchéance de l'aide qui avait été versée à la SAS Alazard et Roux pour un montant de 148 032,90 euros. La SAS Alazard et Roux fait appel du jugement du 7 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ; (...) ". Aux termes de l'article L. 121-1 du même code : " (...) les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2 (...) sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". Aux termes de l'article L. 122-1 de ce code : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. / L'administration n'est pas tenue de satisfaire les demandes d'audition abusives, notamment par leur nombre ou leur caractère répétitif ou systématique ".

3. Il ressort des pièces du dossier que la SAS Alazard et Roux a fait l'objet d'un contrôle sur place diligenté par l'Agence de services et de paiement (ASP) le 3 décembre 2015. Un compte-rendu du contrôle, qui mentionnait clairement et précisément les constats relatifs notamment à la revente des investissements aidés et à l'existence d'un co-financeur non déclaré au plan de financement, et qui invitait la société à faire valoir ses observations dans un délai de dix jours, lui a été adressé. Le gérant de la SAS Alazard et Roux a signé ce compte-rendu le 29 janvier 2016, après y avoir ajouté des observations manuscrites, puis a également adressé à l'agence, le 8 février 2016, des observations complémentaires. Par suite, la SAS Alazard et Roux, que l'administration n'était pas tenue d'informer de sa faculté de présenter des observations orales, ni de la possibilité de se faire assister d'un conseil et de demander la communication de son dossier, a bénéficié d'une procédure contradictoire préalable à l'adoption de la décision de déchéance en litige.

4. En deuxième lieu, aux termes du 5 de l'article 27 du règlement (CE) n° 1975/2006 de la Commission du 7 décembre 2006 : " La notification préalable des contrôles sur place peut être donnée, à condition que le but du contrôle ne soit pas compromis. Si la notification préalable dépasse 48 heures, alors elle devrait être limitée au minimum nécessaire, selon la nature de la mesure et de l'opération cofinancée (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que la SAS Alazard et Roux a été avertie le 2 décembre 2015 du contrôle sur place qui s'est déroulé le lendemain. En se bornant à soutenir que le délai qui lui a été accordé avant le contrôle sur place est insuffisant au motif que le délai de prévenance serait de quinze jours pour l'ensemble des administrations, la SAS Alazard et Roux n'invoque aucune disposition législative, réglementaire ou communautaire ni aucun principe prévoyant de telles exigences s'agissant de la procédure du contrôle sur place effectué par l'ASP dans le cadre du contrôle des aides relevant du FEADER. Par suite, doit être écarté le moyen tiré de ce que le délai qui lui a été accordé avant le contrôle sur place aurait été insuffisant.

6. En troisième lieu, la société requérante ne peut se prévaloir utilement de la méconnaissance des dispositions des articles D. 615-58, D. 615-58-1 et D. 615-59 du code rural et de la pêche maritime, qui ne sont applicables qu'aux aides soumises aux règles de conditionnalité posées par les articles 91 à 101 du règlement (UE) n° 1306/2013 du parlement européen et du conseil du 17 décembre 2013, dont l'aide en cause ne fait pas partie.

7. En quatrième lieu, la décision de déchéance du 17 mars 2016 vise l'ensemble des textes communautaires et nationaux applicables à l'aide en litige, notamment le règlement (CE) n° 1698/2005 du Conseil du 20 septembre 2005, ainsi que la convention du 14 novembre 2011, sur lesquels se fonde la déchéance des droits à l'attribution de la subvention, et mentionne que le remboursement de l'aide dont la SAS Alazard et Roux a bénéficié lui est demandé au motif des manquements de l'intéressée à ses engagements tenant à la revente des investissements aidés avant le délai de cinq ans prévu dans la convention et à la perception d'une subvention de 41 600 euros par un co-financeur, la Carsat, non prévue dans le plan de financement. Par suite, cette décision, qui n'est pas motivée par référence, est suffisamment motivée en droit et en fait.

8. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier que par sa demande d'aide présentée le 11 janvier 2011, la SAS Alazard et Roux s'est notamment engagée à " ne pas solliciter à l'avenir, pour ce projet, d'autres crédits (nationaux ou européens), en plus de ceux mentionnés dans le tableau " financement du projet " ". Il est constant que la subvention de 41 600 euros qui lui a été versée le 9 mai 2011 par la Carsat n'était pas mentionnée dans le tableau relatif au financement du projet figurant dans la demande d'aide. Si cette subvention concerne des aménagements ergonomiques afin d'améliorer les conditions de travail des employés de la SAS Alazard et Roux, elle est relative, contrairement à ce qui est soutenu, à une partie des équipements prévus pour la réalisation du projet au titre duquel la société a bénéficié de l'aide en cause, notamment en ce qui concerne l'éclairage, le sol, ainsi que les boxes des animaux. Dans ces conditions, la SAS Alazard et Roux, qui, d'ailleurs, a attesté dans sa demande de paiement de l'aide, présentée postérieurement à la perception de la subvention versée par la Carsat, ne pas avoir sollicité une autre aide, a méconnu son engagement tenant au financement du projet.

9. En sixième lieu, aux termes de l'article 12 de l'arrêté du 16 avril 2010 relatif aux aides accordées au titre des investissements dans les industries agroalimentaires dans le cadre du programme de développement rural hexagonal : " Pendant une durée de cinq ans à compter de la date de la décision juridique d'attribution de l'aide FEADER, le demandeur prend les engagements suivants : / - maintenir en bon état fonctionnel et pour un usage identique les investissements aidés et ne pas les revendre. Afin de ne pas faire obstacle aux regroupements d'outils industriels ou de branches dans le cadre de restructurations internes d'entreprises, l'autorité de gestion peut autoriser les transferts, au sein d'un même groupe, d'ensembles fonctionnels d'investissements subventionnés (...) ".

10. Il ressort des pièces du dossier qu'au cours de l'année 2013, les agencements du projet faisant l'objet de l'aide ont été apportés à la société civile immobilière (SCI) Ara, dont le capital est détenu à 99,84 % par la société requérante, les matériels à la SAS Abattoirs du Sud, dont le capital était entièrement détenu par la requérante, et qu'au cours de l'année 2015, 90 % du capital de la SAS Abattoirs du Sud a été cédé à des tiers. La SAS Alazard et Roux n'est donc pas demeurée propriétaire des biens apportés à ces deux sociétés, alors même qu'elle en était l'associé unique ou majoritaire. Par ailleurs, dès lors que la majeure partie du capital de la SAS Abattoirs du Sud a été cédée à des tiers en 2015, la SAS Alazard et Roux ne peut être regardée comme ayant transféré les investissements subventionnés au sein d'un même groupe au sens des dispositions précitées de l'article 12 de l'arrêté du 16 avril 2010. La société requérante a donc méconnu son engagement de rester propriétaire des matériels et des bâtiments acquis dans le cadre du projet aidé pendant une durée minimale de cinq ans, sans qu'ait d'incidence à cet égard la circonstance que ces apports auraient permis la sauvegarde de la société.

11. En dernier lieu, l'article 9 de la convention d'attribution de l'aide du FEADER conclue entre la SAS Alazard et Roux et le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur stipule : " En cas de non-respect des (...) engagements du bénéficiaire (...), la région (...) peut (...) exiger le reversement total ou partiel des sommes versées. / (...) Le reversement total de la somme perçue (...) sera requis en cas notamment de : / - Refus des contrôles réglementaires, / - Fausse déclaration ou fraude manifeste, / - Cessation d'activité dans les 5 ans (sauf cas de force majeure) ".

12. Il résulte des éléments énoncés aux points 8 et 10 que la SAS Alazard et Roux a délibérément manqué à certains de ses engagements déclaratifs. Dès lors, le président du conseil régional a fait une exacte application des dispositions précitées en décidant de recouvrer le montant intégral des sommes perçues au titre de l'aide.

13. Il résulte de tout ce qui précède la SAS Alazard et Roux n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

14. En premier lieu, les dispositions de l'article L. 7611 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la région ProvenceAlpes Côte d'Azur, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demandent la SAS Alazard et Roux et Me C... au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la SAS Alazard et Roux la somme de 2 000 euros à ce titre.

15. En second lieu, aucun dépens n'ayant été exposé dans cette instance, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la SAS Alazard et Roux et de Me C... tendant à l'application des dispositions de l'article R. 7611 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SAS Alazard et Roux et de Me C... est rejetée.

Article 2 : La SAS Alazard et Roux versera la somme de 2 000 euros à la région ProvenceAlpesCôte d'Azur au titre de l'article L. 7611 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Alazard et Roux, à Me B... C... et au préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur.

Délibéré après l'audience du 2 février 2021, où siégeaient :

- M. Antonetti, président,

- M. Barthez, président assesseur,

- Mme E..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 février 2021.

2

N° 19MA01387


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA01387
Date de la décision : 16/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

15-08 Communautés européennes et Union européenne. Litiges relatifs au versement d`aides de l'Union européenne.


Composition du Tribunal
Président : M. ANTONETTI
Rapporteur ?: Mme Florence MASTRANTUONO
Rapporteur public ?: Mme BOYER
Avocat(s) : DELAPLACE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-02-16;19ma01387 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award