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15/02/2021 | FRANCE | N°19MA03359

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 15 février 2021, 19MA03359


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... et Mme H... G... et M. E... et Mme J... K... ont demandé au tribunal administratif de Nice de condamner la commune d'Isola à verser la somme de 50 000 euros à chacun de leur couple, outre la somme de 15 000 euros à M. G... et celle de 8 000 euros à Mme G..., en réparation des préjudices subis du fait d'un éboulement de rocher survenu le 23 février 2014.

Par un jugement n°1702688 du 4 juin 2019, le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... et Mme H... G... et M. E... et Mme J... K... ont demandé au tribunal administratif de Nice de condamner la commune d'Isola à verser la somme de 50 000 euros à chacun de leur couple, outre la somme de 15 000 euros à M. G... et celle de 8 000 euros à Mme G..., en réparation des préjudices subis du fait d'un éboulement de rocher survenu le 23 février 2014.

Par un jugement n°1702688 du 4 juin 2019, le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 22 juillet 2019, M. et Mme G... et M. et Mme K..., représentés par Me D..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 4 juin 2019 ;

2°) de condamner la commune d'Isola à leur verser les sommes sollicitées devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Isola une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la responsabilité pour faute de la commune, qui connaissait le risque, est engagée ; le danger d'éboulement et de mouvement de terrain n'a pas été signalé et la collectivité n'a pas entrepris ou imposé de travaux ou de mesures de prévention ; le maire a manqué aux pouvoirs de police qu'il tient des articles L. 2212-2 et L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales ;

- le préjudice d'affection résultant de la perte de leurs enfants doit être indemnisé ;

- les époux G... doivent être indemnisés des préjudices physiques et moraux subis du fait de l'accident.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juin 2020, la commune d'Isola, représentée par Me C... di Borgo, demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) subsidiairement de fixer à de plus justes proportions les sommes allouées aux requérants et de condamner la société SMACL Assurances à la garantir de toute condamnation ;

3°) par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 4 juin 2019 en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation présentée à l'encontre de la société SMACL Assurances et de condamner cette société à l'indemniser des frais exposés du fait du sinistre, s'élevant à la somme de 268 657,74 euros ;

4°) de mettre à la charge de la société SMACL Assurances une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève ;

- l'ensemble des préjudices n'est pas justifié ;

- la garantie de son assureur pour les dommages causés aux tiers est engagée ;

- les frais engagés à la suite du sinistre, à fins conservatoires et préventives, doivent être pris en charge par son assureur ; cette demande ne relève pas d'un litige distinct dès lors qu'elle a la même cause que l'action des requérants.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 juillet 2020, la société SMACL Assurances, représentée par Me F..., conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à titre subsidiaire, au rejet des conclusions d'appel en garantie présentées par la commune d'Isola ;

3°) à titre infiniment subsidiaire, à ce que l'indemnisation allouée soit fixée à de plus justes proportions et sa garantie plafonnée à 75 000 euros ;

4°) en tout état de cause à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la commune d'Isola au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève ;

- le sinistre a été déclaré tardivement par la commune ;

- sa prise en charge est prescrite en application des dispositions de l'article L. 114-1 du code des assurances ;

- la prise en charge de ce sinistre est plafonnée par les conditions particulières du marché d'assurance.

La procédure a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes et aux caisses sociales de Monaco qui n'ont pas présenté d'observations.

Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de ce que les conclusions présentées par la commune d'Isola tendant, d'une part, à l'annulation du jugement contesté en ce qu'il a rejeté sa demande présentée à l'encontre de son assureur, la société SMACL Assurances, portant sur la prise en charge des frais de procédure et travaux qu'elle a dû entreprendre, à la suite du sinistre, afin de sécuriser la zone, et notamment la route d'accès à la commune située en contrebas, d'autre part, à la condamnation de cette société, concernent un litige différent de celui qui a fait l'objet de l'appel principal et ne sont en conséquence pas recevables.

Par un mémoire, enregistré le 23 décembre 2020 en réponse à ce moyen, la commune d'Isola conclut aux mêmes fins.

Elle soutient que ce moyen n'est pas fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de Mme I...,

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant M. et Mme G... et M. et Mme K..., et de Me F..., représentant la société SMACL Assurances.

Une note en délibéré, présentée pour M. et Mme G... et M. et Mme K..., a été enregistrée le 5 février 2021.

Considérant ce qui suit :

1. Durant la nuit, le 23 février 2014, plusieurs masses rocheuses se sont détachées d'une falaise et se sont éboulées sur la résidence secondaire de la famille K... située à Isola. L'habitation en a été en grande partie détruite. Le fils de M. et Mme K..., ainsi que celui de leurs amis, M. et Mme G..., qui y dormaient, sont décédés. M. et Mme G... ont eux-mêmes été blessés. Les consorts K... et G... relèvent appel du jugement du 4 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande tendant à ce que la commune d'Isola soit condamnée à les indemniser des préjudices subis du fait de cet éboulement.

Sur les conclusions à fin de condamnation de la commune d'Isola :

2. Aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : / (...) / 5° Le soin de prévenir par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux (...) tels que (...) les éboulements de terre ou de rochers, les avalanches ou autres accident naturels (...) ". Aux termes de l'article L. 2212-4 du même code : " En cas de danger grave ou imminent, tel que les accidents naturels prévus au 5° de l'article L. 2212-2, le maire prescrit l'exécution des mesures de sûreté exigées par les circonstances. / (...) ".

3. La carence du maire à faire usage des pouvoirs de police que lui confèrent les dispositions citées ci-dessus des articles L. 2212-2 et L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales n'est fautive, et par suite de nature à engager la responsabilité de la commune, que dans le cas où, en raison de la gravité ou de l'imminence du péril résultant d'une situation particulièrement dangereuse pour le bon ordre, la sécurité ou la salubrité publiques, cette autorité, en n'ordonnant pas les mesures indispensables pour faire cesser ce péril grave ou imminent, méconnaît ses obligations légales.

4. En l'espèce, le sinistre résulte, par l'effet de l'érosion et de l'évolution défavorable de crevasses issue d'un lent mouvement de terrain d'ensemble du versant, du détachement naturel d'un rocher de la falaise située sur la propriété de la famille K... et surplombant l'habitation construite à flanc de montagne.

5. Les parcelles de la famille K... sont, en raison de l'exposition au risque qui s'est réalisé, localisées au sein d'une zone rouge du plan de prévention des risques naturels prévisibles de mouvements de terrain approuvé le 12 janvier 2006, identifiée comme correspondant à une zone d'aléa de chutes de blocs et/ou pierres d'une ampleur telle qu'elle " ne permet pas de réaliser des parades sur les unités foncières intéressées ". Si, aux termes du plan, la collectivité devait définir des travaux destinés à réduire la vulnérabilité des personnes et des biens situés dans les nombreuses zones rouges que compte la commune dans un délai de deux ans, en particulier dans les zones habitées d'Isola village exposées aux aléas de chute de blocs, la propriété de la famille K... était isolée au sein d'une zone classée naturelle au plan local d'urbanisme et l'habitation, initialement une ancienne grange, n'avait fait l'objet d'aucune autorisation d'urbanisme. Il ne saurait dès lors, en tout état de cause, être reproché à l'autorité municipale de ne pas avoir fait entreprendre ou défini des travaux de sécurisation spécifiques à cette construction.

6. Il ne ressort par ailleurs pas des pièces du dossier et il n'est pas allégué que le dispositif de suivi du versant par GPS mis en place par la collectivité depuis le mois de septembre 2005 aurait mis en évidence une évolution conséquente du mouvement de terrain, ou que des chutes de pierres ou de blocs préalables au sinistre en litige seraient intervenues, de telle sorte qu'un risque grave ou imminent aurait été ou aurait dû être précisément identifié s'agissant des parcelles en cause. Ainsi, quand bien même l'expertise judiciaire conduite à la suite de ce sinistre a mis en évidence des indices de surface de la présence d'une faille active en amont de la zone d'éboulement, le maire de la commune n'a pas manqué à ses pouvoirs de police en ne prenant pas d'autre mesure, d'information ou d'interdiction d'habitation, que la publication, à partir du 1er février 2008, du document d'information communal sur les risques majeurs, reprenant le zonage du plan de prévention des risques, lui-même adopté après enquête publique et énonçant des recommandations pour les biens existants, destinés à réduire les risques ou leurs conséquences, comme un renforcement de façades et la mise en place de parades.

7. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande.

Sur l'appel incident de la commune d'Isola :

8. Les conclusions présentées par la commune d'Isola tendant, d'une part, à l'annulation du jugement contesté en ce qu'il a rejeté sa demande présentée à l'encontre de son assureur, la société SMACL Assurances, portant sur la prise en charge des frais de procédure et travaux qu'elle a dû entreprendre, à la suite du sinistre, afin de sécuriser la zone, et notamment la route d'accès à la commune située en contrebas, d'autre part, à la condamnation de cette société, concernent un litige différent de celui qui a fait l'objet de l'appel principal. Par suite, ces conclusions ne sont pas recevables.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de commune d'Isola, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une quelconque somme au titre des frais exposés par les requérants et non compris dans les dépens. Elles font pareillement obstacle à ce qu'une telle somme soit mise à la charge de la société SMACL Assurances au bénéfice de la commune d'Isola. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions au bénéfice de la société SMACL Assurances.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme G... et de M. et Mme K... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune d'Isola présentées par la voie de l'appel incident, de même que ses conclusions et celles de la société SMACL Assurances tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... et Mme H... G..., à M. E... et Mme J... K..., à la commune d'Isola, à la société SMACL Assurances, à la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes, et aux caisses sociales de Monaco.

Délibéré après l'audience du 3 février 2021, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président assesseur,

- Mme I..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 février 2021.

N°19MA03359 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA03359
Date de la décision : 15/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

60-02-03-02-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Services de police. Police municipale. Police de la sécurité.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Caroline POULLAIN
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : JEAN-CLAUDE BENSA et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-02-15;19ma03359 ?
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