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15/02/2021 | FRANCE | N°19MA01799

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 15 février 2021, 19MA01799


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler, d'une part, la délibération du 15 décembre 2016 par laquelle le conseil municipal de la commune de Cogolin a approuvé la cession à la société Cogedim Provence d'une partie des parcelles cadastrées section BD n°1 et 108, pour une superficie de 101 550 m2 et un prix de 34 800 000 euros, et autorisé son maire à signer la promesse unilatérale de vente et l'acte authentique ainsi que tous documents afférents à cette cession et, d'autre

part, la délibération du 27 avril 2017 par laquelle ce même conseil municipal...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler, d'une part, la délibération du 15 décembre 2016 par laquelle le conseil municipal de la commune de Cogolin a approuvé la cession à la société Cogedim Provence d'une partie des parcelles cadastrées section BD n°1 et 108, pour une superficie de 101 550 m2 et un prix de 34 800 000 euros, et autorisé son maire à signer la promesse unilatérale de vente et l'acte authentique ainsi que tous documents afférents à cette cession et, d'autre part, la délibération du 27 avril 2017 par laquelle ce même conseil municipal a modifié les conditions de cette cession notamment en ramenant la superficie concernée à 98 480 m2 et en prévoyant un complément de prix.

Par un jugement n°1700400 et 1701855 du 21 février 2019, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande dirigée contre la délibération du 27 avril 2017 et dit qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur celle dirigée contre la délibération du 15 décembre 2016.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 19 avril et 6 septembre 2019, M. B..., représenté par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 21 février 2019 ;

2°) d'annuler les délibérations du conseil municipal de Cogolin des 15 décembre 2016 et 27 avril 2017 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Cogolin une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors qu'il y avait lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de la délibération du 15 décembre 2016 ;

- la cession du terrain n'a pas fait l'objet d'une mise en concurrence alors qu'elle vise à confier au cessionnaire la réalisation de travaux d'intérêt général à la discrétion de la collectivité ;

- la commission des finances et celle des travaux n'ont pas été saisies.

- les conseillers municipaux n'ont pas reçu une information suffisante satisfaisant aux exigences des articles L. 2121-12 et 13 du code général des collectivités territoriales, notamment quant à la situation du site classé, quant aux prix auquel la cession est consentie, quant à la possibilité pour l'acquéreur de se substituer un tiers, quant au contenu de la promesse de vente et quant au projet poursuivi ;

- des pouvoirs en blancs ont été établis par certains conseillers municipaux, en méconnaissance des exigences de l'article L. 2121-20 du code général des collectivités territoriales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 octobre 2019, la commune de Cogolin, représentée par la SELARL LVI Avocats Associés, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 15 décembre 2016, le conseil municipal de Cogolin a approuvé la cession à la société Cogedim Provence d'une partie des parcelles cadastrées section BD n°1 et 108, pour une superficie de 101 550 m2 et un prix de 34 800 000 euros, et autorisé son maire à signer la promesse unilatérale de vente sous conditions suspensives et l'acte authentique ainsi que tous documents afférents à cette cession. Par une seconde délibération du 27 avril 2017, le conseil municipal a décidé de modifier les conditions de cette cession. Il a ainsi, d'une part, approuvé la vente à la même société d'une partie des mêmes parcelles, pour une superficie ramenée à 98 480 m2 et en prévoyant notamment, le cas échéant, un complément de prix et, d'autre part, une nouvelle fois autorisé le maire à signer les actes correspondants. M. B..., conseiller municipal, relève appel du jugement du 21 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du 27 avril 2017 et dit qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur celle dirigée contre la délibération du 15 décembre 2016.

Sur le bien-fondé du jugement en ce qui concerne la délibération du 27 avril 2017 :

2. En premier lieu, il ressort de la délibération litigieuse que les conditions suspensives mises à la vente, tenant à l'obtention de permis de construire, n'ont été prévues qu'au bénéfice de la société cessionnaire. Celle-ci ne peut dès lors, en aucune manière, être regardée comme ayant été chargée par la délibération contestée de la réalisation de travaux en vue de la construction d'immeubles pour le compte de la commune de Cogolin. Cette décision se borne ainsi, comme il était légalement possible de le faire, à prévoir la cession des terrains. Elle n'avait pas à être précédée d'une mise en concurrence préalable dès lors qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose à une personne morale de droit public autre que l'État de faire précéder la vente d'une dépendance de son domaine privé d'une telle mise en concurrence.

3. En deuxième lieu, M. B... ne fournit aucune indication quant au texte dont il résulterait qu'un examen préalable du projet de délibération en commissions des finances et des travaux aurait dû être effectué. Il s'ensuit que son moyen, dépourvu de toute précision suffisante, ne peut être qu'écarté.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales : " Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 2121-12 du même code : " Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal. / (...) ". Cette obligation, qui doit être adaptée à la nature et à l'importance des affaires, doit permettre aux intéressés d'appréhender le contexte ainsi que de comprendre les motifs de fait et de droit des mesures envisagées et de mesurer les implications de leurs décisions. Elle n'impose pas de joindre à la convocation adressée aux intéressés, à qui il est au demeurant loisible de solliciter des précisions ou explications conformément à l'article L. 2121-13 du même code, une justification détaillée du bien-fondé des propositions qui leur sont soumises.

5. En l'espèce, la note de synthèse adressée aux conseillers municipaux reprenait la teneur de la délibération précédente du 15 décembre 2016 dont l'adoption avait elle-même été précédée de l'envoi d'une note de synthèse et d'un débat particulièrement fourni à l'occasion de la séance du conseil municipal, et expliquait les modifications qu'il était envisagé d'y apporter tenant notamment à une réduction de l'emprise foncière du projet afin de prétendre à une labellisation " EcoQuartier " et à la division de la cession en trois phases afin de permettre une optimisation de la réalisation de l'opération. Elle n'avait pas à fournir d'éléments d'information complémentaires quant à la nature du projet de construction poursuivi par le cessionnaire, dès lors, ainsi qu'il a été dit précédemment, que l'objet de la délibération se bornait à approuver la cession de terrains, ni à apporter de justification détaillée quant au bien-fondé de la faculté, au demeurant limitée, laissée au cocontractant de se substituer un tiers après agrément de la commune.

6. Si M. B... soutient que les conseillers municipaux auraient dû être informés de ce qu'une partie des parcelles cadastrées section BD n°1 et 108 avaient fait l'objet d'un classement à raison de la présence de pins par un arrêté ministériel de 1925, il ressort du compte-rendu de la réunion du conseil municipal du 15 décembre 2016 que ce sujet y avait été exposé par le maire, relevant l'existence d'une telle zone, ne présentant toutefois plus d'intérêt actuel, ainsi que celle d'une autre zone, non classée, mais pourvue d'arbres remarquables, justifiant que la commune conserve une partie importante des parcelles concernées, clairement matérialisée en blanc sur les plans annexés. La circonstance que le périmètre de la zone classée communiqué par les services de l'Etat ne serait pas le même que celui défini initialement par l'arrêté ministériel de 1925 n'est quant à elle pas de nature à caractériser une insuffisante information des élus municipaux.

7. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que les conseillers municipaux ont été dûment informés de la teneur de l'avis prévu par les dispositions de l'article L. 2241-1 du code général des collectivités territoriales, rendu le 28 octobre 2016 par les services de la direction départementale des finances publiques sur la valeur vénale des parcelles litigieuses en vue de leur cession à un promoteur pour la construction de 1 200 logements et parkings sur 70 000 m2 de surface de plancher. Les circonstances que cet avis a été rendu sans visite sur place et pour un projet qui ne correspond pas totalement à celui qui a fait l'objet de la délibération litigieuse, notamment parce que ce dernier consiste en la cession de seulement 98 480 m2 sur les 135 229 m2 que contiennent ces parcelles, ne sont en elles-mêmes pas de nature à caractériser une insuffisance de l'information fournie aux élus.

8. Il ne ressort enfin d'aucune disposition que les conseillers municipaux auraient dû se voir adresser, préalablement à la réunion du conseil municipal du 27 avril 2017, le projet de promesse unilatérale de vente lui-même, dont les conditions essentielles figuraient bien dans la note de synthèse et la délibération qui leur était proposée, et dont il n'est pas allégué qu'il aurait été sollicité par l'un d'entre eux. Si M. B... n'a pas, malgré sa demande en ce sens, obtenu communication de la promesse qui aurait été signée à la suite de la délibération du 15 décembre 2016, il ne résulte pas de cette circonstance qu'il aurait disposé d'une information insuffisante pour se prononcer sur la délibération du 27 avril 2017. Le moyen tiré de ce que les dispositions des articles L. 2121-12 et L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales auraient été méconnues doit dès lors être écarté.

9. En quatrième lieu, M. B... soutient que l'ensemble des pouvoirs donnés par sept des huit conseillers municipaux absents l'ont été irrégulièrement. Toutefois, cette délibération, en faveur de laquelle vingt-quatre votes sur trente-et-un ont été comptabilisés, aurait été adoptée alors même que ces sept votes favorables n'auraient pas été pris en compte.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande dirigée contre la délibération du 27 avril 2017.

Sur le bien-fondé du jugement en ce qui concerne la délibération du 15 décembre 2016 :

11. Contrairement à ce que soutient M. B..., il ressort sans ambigüité de la délibération du 27 avril 2017 que, si elle a entendu modifier les conditions de la cession telle qu'elle avait été approuvée par la délibération du 15 décembre 2016, elle a défini à nouveau l'intégralité des modalités de la vente, reprenant notamment les éléments qui figuraient dans la délibération du 15 décembre 2016 et qui étaient inchangés. Elle s'est ainsi substituée à la délibération du 15 décembre 2016 qu'elle a implicitement et nécessairement retirée. M. B... n'est dès lors pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulon a prononcé un non-lieu à statuer sur sa demande dirigée contre la délibération du 15 décembre 2016.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Cogolin, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une quelconque somme au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions au bénéfice de la commune de Cogolin sur le fondement de ces dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Cogolin au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la commune de Cogolin.

Copie en sera adressée à la société Cogedim Provence.

Délibéré après l'audience du 3 février 2021, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président assesseur,

- Mme C..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 février 2021.

N°19MA01799 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA01799
Date de la décision : 15/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Collectivités territoriales - Commune - Organisation de la commune - Organes de la commune - Conseil municipal.

Collectivités territoriales - Commune - Biens de la commune.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Caroline POULLAIN
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : AARPI MASQUELIER-CUERVO AVOCATS et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-02-15;19ma01799 ?
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