Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association " les Spanqués " a demandé au tribunal administratif de Nîmes :
1°) d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le président de la communauté de communes de la Terre de Randon sur son recours gracieux du 9 juin 2016, les factures portant " redevance annuelle service public d'assainissement non collectif ", les lettres de relance émises à compter du mois de novembre 2015, les délibérations n° 2011-09, n°2015-043, n°2016-37, n°2016-38, n° 2017-039, n°2017-057 du conseil communautaire de la communauté de communes de la Terre de Randon, devenue Randon-Margeride à compter du 1er janvier 2017, respectivement en date des 10 février 2011, 20 novembre 2015, 14 avril 2016 et 3 mars 2017, ainsi que les règlements de service ;
2°) d'enjoindre à la communauté de communes Randon-Margeride de reverser les sommes payées à compter du mois de novembre 2015 au titre de la redevance de contrôle de diagnostic des installations ;
3°) de mettre à la charge de la communauté de communes Randon-Margeride une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n°1603161 du 27 novembre 2018, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté les conclusions de la requête tendant à l'annulation des factures et des lettres de relance ainsi qu'à la restitution des sommes versées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 25 janvier 2019, 6 novembre 2020 et 16 décembre 2020, l'association " les Spanqués ", représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 27 novembre 2018 ;
2°) d'annuler les délibérations des 14 avril 2016 et 3 mars 2017 ainsi que la décision implicite portant rejet du recours gracieux ;
3°) de mettre à la charge de la communauté de communes Randon-Margeride une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle a intérêt à agir ;
- les conclusions dirigées contre la décision implicite portant rejet du recours gracieux n'étaient pas tardives ;
- le contrôle de la légalité de cette décision relève bien de la compétence du juge administratif ;
- cette décision est illégale dès lors que les factures en cause ont fait une application rétroactive de la délibération du 14 avril 2016 et sont dépourvues de base légale ;
- les délibérations litigieuses ont introduit une facturation par redevance annuelle du service de contrôle périodique, disproportionnée avec le service rendu ;
- elles méconnaissent l'article R. 2224-19-5 du code général des collectivités territoriales dès lors que sont incluses dans cette redevance les prestations d'entretien, sans tenir compte du recours ou non des usagers à ce service.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 13 septembre 2019 et 11 décembre 2020, la communauté de communes Randon-Margeride, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de l'association " les Spanqués " au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève ;
- subsidiairement l'association n'a pas intérêt à solliciter l'annulation de factures émises envers des usagers.
Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de ce qu'il n'appartient pas aux juridictions administratives de connaître des conclusions tendant à l'annulation de la décision rejetant le recours gracieux en tant qu'elle refuse d'annuler des factures adressées aux usagers, celles-ci relevant d'un litige entre un service public industriel et commercial et ses usagers.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., représentant l'association " les Spanqués " et de Me C..., substituant Me B..., représentant la communauté de communes Randon-Margeride.
Une note en délibéré a été enregistrée le 4 février 2021 pour la communauté de communes Randon-Margeride.
Considérant ce qui suit :
1. L'association " les Spanqués " doit être regardée comme relevant appel du jugement du 27 novembre 2018 en tant que le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des délibérations du conseil communautaire de la communauté de communes de la Terre de Randon, devenue par fusion d'établissements Randon-Margeride à partir du 1er janvier 2017, des 14 avril 2016 et 3 mars 2017, n°2016-37, 2016-38, 2017-39 et 2017-57, relatives au service public de l'assainissement, ensemble la décision implicite du président de l'établissement, rejetant son recours gracieux réceptionné le 14 juin 2016.
Sur le jugement attaqué en tant qu'il porte sur les conclusions dirigées contre les délibérations des 14 avril 2016 et 3 mars 2017 :
2. Aux termes du III de l'article L. 2224-8 du code général des collectivités territoriales : " Pour les immeubles non raccordés au réseau public de collecte, la commune assure le contrôle des installations d'assainissement non collectif. Cette mission consiste : /1° Dans le cas des installations neuves ou à réhabiliter, en un examen préalable de la conception joint, s'il y a lieu, à tout dépôt de demande de permis de construire ou d'aménager et en une vérification de l'exécution. A l'issue du contrôle, la commune établit un document qui évalue la conformité de l'installation au regard des prescriptions réglementaires ; / 2° Dans le cas des autres installations, en une vérification du fonctionnement et de l'entretien. A l'issue du contrôle, la commune établit un document précisant les travaux à réaliser pour éliminer les dangers pour la santé des personnes et les risques avérés de pollution de l'environnement. / (...) / Les communes déterminent la date à laquelle elles procèdent au contrôle des installations d'assainissement non collectif ; elles effectuent ce contrôle au plus tard le 31 décembre 2012, puis selon une périodicité qui ne peut pas excéder dix ans. / Elles peuvent assurer, avec l'accord écrit du propriétaire, l'entretien, les travaux de réalisation et les travaux de réhabilitation des installations d'assainissement non collectif prescrits dans le document de contrôle. Elles peuvent en outre assurer le traitement des matières de vidanges issues des installations d'assainissement non collectif. / (...) ". Aux termes de l'article L. 2224-11 du même code : " Les services publics d'assainissement sont financièrement gérés comme des services à caractère industriel et commercial ". Aux termes de son article R. 2224-19-1 : " Le conseil municipal ou l'organe délibérant de l'établissement public compétent pour tout ou partie du service public d'assainissement collectif ou non collectif institue une redevance d'assainissement pour la part du service qu'il assure et en fixe le tarif. / (...) ". Son article R. 2224-19-5 précise : " La redevance d'assainissement non collectif comprend une part destinée à couvrir les charges de contrôle de la conception, de l'implantation et de la bonne exécution et du bon fonctionnement des installations et, le cas échéant, une part destinée à couvrir les charges d'entretien de celles-ci. / La part représentative des opérations de contrôle est calculée en fonction de critères définis par l'autorité mentionnée au premier alinéa de l'article R. 2224-19-1 et tenant compte notamment de la situation, de la nature et de l'importance des installations. Ces opérations peuvent donner lieu à une tarification forfaitaire. / La part représentative des prestations d'entretien n'est due qu'en cas de recours au service d'entretien par l'usager. Les modalités de tarification doivent tenir compte de la nature des prestations assurées. ". Aux termes de l'article R. 2224-19-10 : " Le produit des redevances d'assainissement est affecté au financement des charges du service d'assainissement. / Ces charges comprennent notamment : / - les dépenses de fonctionnement du service, y compris les dépenses de personnel ; / - les dépenses d'entretien ; / - les charges d'intérêt de la dette contractée pour l'établissement et l'entretien des installations ; / - les charges d'amortissement des immobilisations. ".
3. Les tarifs des services publics à caractère industriel et commercial, qui servent de base à la détermination des redevances demandées aux usagers en vue de couvrir les charges du service, doivent trouver leur contrepartie directe dans le service rendu aux usagers.
4. En l'espèce, en application de l'article 20 du règlement du service adopté par une délibération n°2011-08 du 10 février 2011 la redevance pour contrôle périodique de fonctionnement des installations existantes était, comme les autres prestations assurées par le service, facturée à l'acte à l'occupant de l'immeuble ou à défaut à son propriétaire. Si la délibération n°2011-09, fixant le montant des redevances, évoquait de façon contradictoire une redevance annuelle pour contrôle et diagnostic des installations existantes fixée à 53 euros, incluant une prestation de vidange de fosse tous les huit ans, elle précisait que celle-ci serait facturée à l'abonné dans les jours qui suivent l'intervention, laquelle était prévue tous les huit ans. Cette mention d'une redevance " annuelle " doit dès lors être regardée comme une erreur de plume. Il n'est d'ailleurs pas contesté que, sur la base de ces délibérations, les usagers n'étaient facturés qu'à hauteur de 53 euros pour une période de contrôle de huit ans, après l'intervention d'un contrôle.
5. En premier lieu, par la délibération n°2016-37 du 14 avril 2016, le conseil communautaire a modifié les articles 20 et 21 du règlement du service, pour prévoir que la redevance pour contrôle périodique de fonctionnement des installations existantes qui " contribue au financement du service " serait, à la différence des autres prestations assurées par le service, facturée annuellement au propriétaire. Eu égard à la périodicité du contrôle en cause et à la rédaction évoquée ci-dessus de la délibération n°2011-09, inchangée, cette modification revenait, ainsi que soutenu par l'association requérante, à multiplier par huit le montant de la redevance, fixée ainsi à 424 euros pour une période de contrôle de huit ans.
6. Or, la communauté de communes ne fournit aucune explication de nature à justifier une telle augmentation, aucun déficit particulier du service dont il ressortirait une insuffisance de la redevance jusqu'alors demandée n'étant allégué au titre des années antérieures, ni aucune augmentation des charges liées audit service. Si, à partir de l'année 2016, a été imputé sur le budget du service des sommes relativement importantes particulièrement au titre de salaires du personnel, soit un peu plus de 18 000 euros en 2016, 24 000 euros en 2017 et 29 000 euros en 2018, les explications fournies par la collectivité ne justifient pas cette prise en charge alors que les prestations de communication, d'information, de contrôle, d'établissement d'un fichier informatique, de rédaction de rapports de synthèse et, jusqu'en juin 2017, de facturation, ont été confiées à la société Véolia. Il ressort en outre des pièces versées par l'association requérante que le montant collecté auprès des usagers au titre de la redevance a été, à partir de l'année 2016, largement supérieur aux frais acquittés par la collectivité en paiement des prestations fournies aux intéressés. En outre, alors qu'en application des dispositions citées ci-dessus de l'article R. 2224-19-5 du code général des collectivités territoriales la part représentative des prestations d'entretien n'est due qu'en cas de recours au service d'entretien par l'usager, il ressort des pièces du dossier et particulièrement de la délibération n°2016-38 et des bordereaux de mandats produits par la requérante que les recettes tirées de cette redevance, facturées à chacun des usagers du service, sont utilisées pour financer une prestation de vidange au bénéfice des usagers qui le solliciteraient.
7. Il ressort de l'ensemble de ces éléments que le montant de la redevance tel qu'il résulte des modifications apportées par la délibération n°2016-37 au règlement de service ne trouve pas sa contrepartie directe dans le service rendu aux usagers et que cette délibération ne respecte pas les dispositions des articles R. 2224-19-5 et R. 2224-19-10 du code général des collectivités territoriales. De même, la délibération n°2016-38 qui pérennise une aide à la réalisation de vidange, nécessairement prélevée sur le budget du service, méconnaît l'article R. 2224-19-5 du code général des collectivités territoriales.
8. En second lieu, par les délibérations n°2017-39 et n°2017-57 du 3 mars 2017, le conseil communautaire du nouvel établissement a ramené le montant de la redevance due annuellement pour le contrôle périodique de fonctionnement des installations existantes, désormais prévu tous les dix ans, à 35 euros. Ce montant demeure plus de cinq fois supérieur à celui applicable, s'agissant de la communauté de communes de la Terre de Randon, avant l'adoption de la délibération n°2016-37 et, compte-tenu des éléments mentionnés ci-dessus au point 6, n'est pas davantage justifié au regard du service rendu. Ces délibérations combinées méconnaissent ainsi également, à cet égard, les dispositions des articles R. 2224-19-1 et R. 2224-19-10 du code général des collectivités territoriales.
9. En revanche si la délibération n°2017-39 fixe le montant de la redevance pour contrôle de conception et réalisation dans le cadre d'une construction neuve ou d'une réhabilitation, en précisant, pour cette seule redevance, que cette prestation comprend les conseils liés à l'installation, ces menus conseils sont indissociables de la prestation de contrôle de conception en cause et entrent, contrairement à ce que prétend la requérante, dans les missions relevant du service public de l'assainissement, telles que visées à l'article L. 2224-8 du code général des collectivités territoriales.
10. Il résulte de tout ce qui précède que l'association " les Spanqués " est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande dirigée contre les délibérations des 14 avril 2016 et, en ce qu'elles fixent le montant et les modalités d'appel de la redevance afférente aux contrôles périodiques de fonctionnement des installations existantes, celles du 3 mars 2017.
Sur le jugement attaqué en tant qu'il porte sur les conclusions dirigées contre la décision portant rejet du recours gracieux réceptionné le 14 juin 2016 :
11. Par son recours gracieux daté du 9 juin 2016, réceptionné le 14 juin 2016, l'association requérante a sollicité auprès du président de la communauté de communes, d'une part, l'annulation de l'ensemble des factures adressées aux usagers du service d'assainissement non-collectif depuis le mois de novembre 2015, d'autre part, l'annulation des délibérations mentionnées ci-dessus, n°2016-37 et 2016-38.
12. En premier lieu, les litiges opposant un service public industriel et commercial tel celui présentement en cause à ses usagers relèvent de la compétence du juge judiciaire. Si, par exception, le juge administratif est compétent pour connaître des conclusions, même lorsqu'elles sont présentées par un usager, tendant à l'annulation pour excès de pouvoir des mesures relatives à l'organisation d'un tel service, comme les tarifs, il n'en va pas de même lorsque le litige porte sur l'application individuelle à un usager de ces mesures. Il s'ensuit que les juridictions administratives ne sont pas compétentes pour statuer sur les conclusions de l'association " les Spanqués " tendant à l'annulation de la décision implicite portant rejet de son recours gracieux en tant qu'elle refuse d'annuler les factures adressées aux usagers, quand bien-même elles ne sont pas présentées directement par ces usagers. Dès lors, il y a lieu d'annuler le jugement en date du 27 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Nîmes s'est reconnu compétent pour connaître de cette demande et, statuant par voie d'évocation, de rejeter cette demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.
13. En deuxième lieu, si l'association " les Spanqués " n'a formellement sollicité l'annulation de la décision implicite portant rejet du recours gracieux que dans ses écritures enregistrées le 1er juin 2018, elle demandait, dès l'introduction de l'instance, l'annulation des délibérations n°2016-37 et 2016-38. Eu égard au lien existant entre ces délibérations et la décision portant rejet du recours gracieux formé à leur encontre, les conclusions de l'association doivent être regardées comme ayant été présentées contre cette dernière décision dès l'introduction de l'instance, dans le délai de recours fixé par l'article R. 421-2 du code de justice administrative. Par suite, c'est à tort que le tribunal a estimé cette demande tardive. Son jugement doit, dès lors, être annulé en ce qu'il a rejeté la demande dirigée contre la décision rejetant le recours gracieux formé à l'encontre des délibérations n°2016-37 et 2016-38 comme irrecevable.
14. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur cette demande présentée devant le tribunal administratif. Eu égard aux illégalités évoquées ci-dessus aux points 6 et 7, cette décision doit, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens, être annulée.
Sur les frais liés au litige :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'association " les Spanqués ", qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une quelconque somme au titre des frais exposés par la communauté de communes Randon-Margeride et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de cette dernière la somme de 2 000 euros à verser à l'association " les Spanqués " sur le fondement de ces dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Nîmes en date du 27 novembre 2018 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par l'association " les Spanqués " devant le tribunal administratif de Nîmes tendant à l'annulation de la décision rejetant le recours gracieux réceptionné le 14 juin 2016, en tant qu'elle refuse d'annuler les factures adressées aux usagers depuis le mois de novembre 2015, est rejetée comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.
Article 3 : Les délibérations des 14 avril 2016, n°2016-37 et 2016-38, la décision rejetant le recours gracieux réceptionné le 14 juin 2016 en tant qu'elle refuse d'annuler ces délibérations et, les délibérations du 3 mars 2017, n°2017-39 et 2017-57, en ce qu'elles fixent le montant et les modalités d'appel de la redevance afférente aux contrôles périodiques de fonctionnement des installations existantes, sont annulées.
Article 4 : La communauté de communes Randon-Margeride versera à l'association " les Spanqués " la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à l'association " les Spanqués " et à la communauté de communes Randon-Margeride.
Délibéré après l'audience du 3 février 2021, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président assesseur,
- Mme D..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 février 2021.
N°19MA00387 2