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05/02/2021 | FRANCE | N°20MA04099

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 05 février 2021, 20MA04099


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. DH... BW..., Mme FF..., Mme BQ... EL..., Mme EJ... H..., Mme AD... K..., M. EN... BY..., M. FG... BY..., M. BM... EQ..., M. CO... BX..., M. BK... ER..., M. AY... BZ..., M. DT... DL..., Mme BP... EX..., Mme AA... BV..., M. AI... D..., Mme DS... O..., M. DH... AL..., Mme BD... CA..., M. CJ... E..., M. AO... CB..., M. CY... P..., M. T... F..., M. EH... AN..., Mme Y... DN..., Mme CQ... CD..., M. CX... CE..., Mme CW... CF..., M. EH... CG..., M. M... DQ..., M. DP... CN..., M. AU... DR..., Mme FE... FB... épouse DR...

, Mme DZ... CH..., Mme AS... Q..., Mme CC... CI..., Mme EK... A...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. DH... BW..., Mme FF..., Mme BQ... EL..., Mme EJ... H..., Mme AD... K..., M. EN... BY..., M. FG... BY..., M. BM... EQ..., M. CO... BX..., M. BK... ER..., M. AY... BZ..., M. DT... DL..., Mme BP... EX..., Mme AA... BV..., M. AI... D..., Mme DS... O..., M. DH... AL..., Mme BD... CA..., M. CJ... E..., M. AO... CB..., M. CY... P..., M. T... F..., M. EH... AN..., Mme Y... DN..., Mme CQ... CD..., M. CX... CE..., Mme CW... CF..., M. EH... CG..., M. M... DQ..., M. DP... CN..., M. AU... DR..., Mme FE... FB... épouse DR..., Mme DZ... CH..., Mme AS... Q..., Mme CC... CI..., Mme EK... AJ..., M. C... ES..., Mme AQ... CM..., Mme EB... AT..., Mme DJ... AV..., M. I... DU..., M. N... B..., Mme DM... U..., Mme ED... AX..., M. FC... FD..., M. M... AZ..., M. EI... EM..., M. CX... BA..., Mme BH... CR..., Mme CK... BC..., Mme DO... DW..., M. EZ... DX..., Mme EF... CS..., M. DB... X..., M. AH... W..., M. EU... Z..., M. CY... DY..., M. ED... DY..., M. DT... CT..., M. DT... CU..., M. AF... BF..., M. BE... CV..., Mme ET... BG..., M. EV... BI..., M. AP... BJ..., M. CL... EA..., Mme S... EW..., M. CX... EO..., M. AR... DA..., M. N... BL..., M. CP... DC..., M. DT... AC..., M. AO... DD..., M. BN... DE..., Mme CC... J..., M. AF... EC..., M. G... DF..., Mme AM... BO..., Mme CC... AE..., M. V... DG..., Mme DV... AG..., M. A... BR..., M. ED... DI..., M. FA... L..., Mme EG... BS..., M. DT... BT..., Mme EP... EE..., Mme DT... DK..., M. M... BU..., M. EH... EY..., le Collectif de défense Inter-Entreprise des salariés engagés-Transport routiers de voyageurs (CODIESE TRV) et le syndicat général des transports CFDT Montpellier et environs ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 2 juin 2020 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Occitanie a homologué le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi des sociétés Vortex et FT Développement.

Par un jugement n° 2003372, 2003376, 2003377, 2003378, 2003379, 2003381, 2003384, 2003386, 2003387 du 27 octobre 2020, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 6 novembre 2020, le syndicat général des transports CFDT Montpellier et environs, représenté par Me M... AB..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 27 octobre 2020 ;

2°) d'annuler la décision du 2 juin 2020 du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Occitanie ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le comité social et économique n'a pas pu émettre un avis éclairé sur l'opération projetée faute d'avoir disposé des informations pertinentes qu'il avait sollicitées et notamment des réponses et explications concrètes sur l'utilisation des véhicules mis en réserve ;

- les agissements pénalement répréhensibles des dirigeants de l'UES Vortex sont responsables de la déconfiture de la sociétés Vortex et de la société holding FT Développement ;

- l'administration ne s'est pas assurée du respect de la suffisance des mesures prises par l'employeur en matière de prévention des risques psycho-sociaux et n'a pas vérifié si le comité social et économique avait été régulièrement consulté sur ces mesures ;

- l'administration a méconnu les exigences qui s'attachent à son contrôle en s'abstenant de vérifier si les administrateurs judiciaires avaient bien recherché les moyens du groupe pour l'établissement du plan de sauvegarde de l'emploi ;

- l'administration s'est abstenue de vérifier si toutes les sociétés du groupe avaient été sollicitées pour abonder le PSE et proposer des postes de reclassement.

- le budget global des mesures d'accompagnement au reclassement du PSE est insuffisant pour satisfaire aux objectifs de maintien dans l'emploi et de reclassement des salariés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 décembre 2020, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par le syndicat général des transports CFDT Montpellier et environs ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 décembre 2020, les sociétés Vortex et FT Développement, Me R... et Me BB..., co-administrateurs judiciaires de ces sociétés, Me AK... et Me CZ..., co-liquidateurs judiciaires de ces mêmes sociétés, représentés par la Selarl GM Associés, concluent au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du syndicat général des transports CFDT Montpellier et environs la somme de 1 500 euros à verser à l'un ou l'autre des administrateurs et liquidateurs judicaires des deux sociétés au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que les moyens soulevés par le syndicat général des transports CFDT Montpellier et environs ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. AW...,

- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,

- et les observations de Me AB..., représentant le syndicat général des transports CFDT Montpellier et environs.

Considérant ce qui suit :

1. L'unité économique et sociale (UES) Vortex est composée de la société Vortex, de la société holding FT Développement et de la société 2ASL. La société Vortex, qui employait en février 2020 1 281 salariés, a pour activité principale les transports scolaires pour le compte de conseils départementaux et le transport d'enfants scolarisés en instituts médicaux-éducatifs. Par deux jugements du 29 avril 2020, le tribunal de commerce de Montpellier a placé les sociétés Vortex et FT Développement en liquidation judiciaire avec poursuite d'activité jusqu'au 22 juin 2020. A la demande de Me R... et de Me BB..., co-administrateurs judiciaires des deux sociétés maintenues en fonction pendant la période de poursuite de l'activité, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Occitanie a, par une décision du 2 juin 2020, homologué le document unilatéral fixant le plan de sauvegarde de l'emploi de ces deux sociétés. Le syndicat général des transports CFDT Montpellier et environs relève appel du jugement du 27 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la légalité de la décision d'homologation :

En ce qui concerne la procédure d'information et de consultation du comité social et économique :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 1233-61 du code du travail : " Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre. (...) ". Les articles L. 1233-24-1 et L. 1233-24-4 du même code prévoient que le contenu de ce plan de sauvegarde de l'emploi peut être déterminé par un accord collectif d'entreprise et qu'à défaut d'accord, il est fixé par un document élaboré unilatéralement par l'employeur. Enfin, aux termes de l'article L. 1233-57-3 du même code, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " En l'absence d'accord collectif (...) l'autorité administrative homologue le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, après avoir vérifié (...) la régularité de la procédure d'information et de consultation du comité social et économique (...) ".

3. D'autre part, il résulte des dispositions de l'article L. 1233-28 du même code que l'employeur qui envisage de procéder à un licenciement collectif pour motif économique d'au moins dix salariés dans une même période de trente jours doit réunir et consulter, le comité social et économique. A ce titre, le I de l'article L. 1233-30 du même code dispose, s'agissant des entreprises ou établissements qui emploient habituellement au moins cinquante salariés, que : " (...) l'employeur réunit et consulte le comité social et économique sur : / 1° L'opération projetée et ses modalités d'application, conformément à l'article L. 2323-31 ; / 2° Le projet de licenciement collectif : le nombre de suppressions d'emploi, les catégories professionnelles concernées, les critères d'ordre et le calendrier prévisionnel des licenciements, les mesures sociales d'accompagnement prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi et, le cas échéant, les conséquences des licenciements projetés en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail.(...) / Le comité social et économique tient au moins deux réunions espacées d'au moins quinze jours (...) ". Aux termes de l'article L. 1233-31 : " L'employeur adresse au représentants du personnel, avec la convocation à la première réunion, tous renseignements utiles sur le projet de licenciement collectif. / Il indique: / 1° La ou les raisons économiques, financières ou techniques du projet de licenciement ; (...) 7° Le cas échéant, les conséquences de la réorganisation en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail. ". L'article L. 1233-32 dispose que, dans les entreprises de plus de cinquante salariés, l'employeur adresse " outre les renseignements prévus à l'article L. 1233-31 (...) le plan de sauvegarde de l'emploi (...) ".

4. Enfin aux termes de l'article L. 1233-58 du code du travail : " I. En cas de redressement ou de liquidation judiciaire, l'employeur, l'administrateur ou le liquidateur, selon le cas, qui envisage des licenciements économiques, met en oeuvre un plan de licenciement dans les conditions prévues aux articles L. 1233-24-1 à L. 1233-24-4. / L'employeur, l'administrateur ou le liquidateur, selon le cas, réunit et consulte le comité social et économique dans les conditions prévues à l'article L. 2323-31 ainsi qu'aux articles : (...) 3°) L. 1233-30, I à l'exception du dernier alinéa, et dernier alinéa du II, pour un licenciement d'au moins dix salariés dans une entreprise d'au moins cinquante salariés. (...) ".

5. Il résulte de l'ensemble des dispositions citées ci-dessus que, lorsqu'elle est saisie en cas de redressement ou de liquidation judiciaire, par l'administrateur ou le liquidateur, d'une demande d'homologation d'un document élaboré en application de l'article L. 1233-24-4 du code du travail et fixant le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi, il appartient à l'administration de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que la procédure d'information et de consultation du comité social et économique a été régulière. En l'absence d'avis du comité social et économique, l'administration ne peut légalement homologuer le plan de sauvegarde de l'emploi qui lui est transmis que si le comité a été mis à même, avant cette transmission, de rendre son avis, d'une part, sur l'opération projetée et ses modalités d'application et, d'autre part, sur le projet de licenciement collectif et le plan de sauvegarde de l'emploi en toute connaissance de cause dans des conditions qui ne sont pas susceptibles d'avoir faussé sa consultation. Lorsque l'assistance d'un expert-comptable a été demandée selon les modalités prévues par l'article L. 1233-34 du même code, l'administration doit également s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que celui-ci a pu exercer sa mission dans des conditions permettant au comité social et économique de formuler ses avis en toute connaissance de cause.

6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier qu'une première réunion d'information et de consultation du comité social et économique s'est tenue le 7 mai 2020 au cours de laquelle les administrateurs judiciaires ont soumis au comité, pour la première fois, l'opération projetée ainsi que le projet de licenciement collectif et le plan de sauvegarde de l'emploi. Cette réunion s'est prolongée les 18 et 28 mai 2020. Lors de cette première réunion d'information et de consultation, le comité social et économique n'a pris aucune décision de recourir à l'assistance d'un expert-comptable. S'il ressort des pièces du dossier qu'un expert-comptable avait été désigné antérieurement dans le cadre du droit d'alerte économique prévu par l'article L. 2312-63 du code du travail et a été autorisé à participer aux différentes réunions, il ne saurait ainsi être regardé comme ayant été désigné au titre des dispositions des articles L. 1233-34 et L. 2325-35 du code du travail et comme bénéficiant, en conséquence, des droits qui découlent de ces dispositions. A l'issue de la réunion du 28 mai 2020, le comité social et économique a voté différentes motions mais s'est abstenu de donner un avis sur le projet de licenciement collectif ainsi que sur les mesures du plan de sauvegarde de l'emploi.

7. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que, postérieurement à l'injonction adressée le 25 mai 2020 par l'autorité administrative à l'employeur, les administrateurs judiciaires ont transmis au comité social et économique, ainsi qu'à l'expert-comptable qui l'assistait dans les circonstances mentionnées au point 6, les informations relatives à la comptabilité de la société 2ASL, notamment les grands livres 2016/2017 et 2018, ainsi qu'un extrait du pacte liant les actionnaires de cette société et de la société VORTEX, les informations relatives à la propriété de la marque Koolicar, le protocole de conciliation avec l'URSSAF, des informations circonstanciées sur les véhicules mis en réserve ainsi que des clarifications comptables concernant l'analyse du carburant " non affecté " et des précisions sur les frais de parrainages de clubs sportifs. Par ailleurs, si les administrateurs judiciaires n'ont pas été en mesure de fournir la liste des véhicules mis en réserve, ils ont informé les membres du comité des raisons qui y faisaient obstacle, tenant à ce que cette liste n'était pas statique du fait que les véhicules en cause étaient destinés à remplacer des véhicules en panne temporairement ou définitivement. S'ils n'ont pas été également en mesure de répondre aux demandes sur les données de géolocalisation de ces véhicules, le détail de l'utilisation des cartes de carburant par les agences et les données des entrées et sorties des véhicules mis en réserve, ils ont également exposé aux membres du comité les raisons pour lesquelles ces données ne pouvaient être aisément identifiées, notamment en raison des difficultés d'affecter sur le plan analytique les véhicules en réserve aux marchés de l'entreprise. A cet égard, la seule circonstance que les membres du comité social et économique n'aient pas obtenu les précisions supplémentaires dont ils souhaitaient disposer en ce qui concerne les véhicules de réserve et la consommation de carburant, alors qu'une explication particulièrement détaillée leur a été donnée sur l'utilisation de ces véhicules, n'est pas, par elle-même, de nature à établir, qu'en l'espèce, le comité n'aurait pas disposé, en temps utile, des éléments d'information disponibles qui lui étaient nécessaires pour apprécier la situation économique et financière des deux entreprises Vortex et FT Développement et qu'il aurait été ainsi empêché de se prononcer en toute connaissance de cause sur l'opération projetée et le plan de sauvegarde de l'emploi.

8. Si le syndicat requérant fait également état de difficultés de communication et de discussions liées au recours à la visioconférence lors de la réunion du 28 mai 2020 dans le contexte sanitaire particulier résultant de l'épidémie de covid-19, aucune des pièces du dossier ne permet d'établir que le moyen de télécommunication utilisé n'aurait pas garanti la qualité de la transmission des échanges entre les membres du comité. Ainsi, il n'est pas davantage établi que cette consultation serait intervenue dans des conditions susceptibles de l'avoir faussée.

9. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'irrégularité de la consultation du comité social et économique doit être écarté.

10. En troisième lieu, si le syndicat général des transports CFDT Montpellier et environs soutient que la cessation de paiement de l'unité économique et sociale (UES) Vortex est la conséquence de graves fautes de gestion, susceptibles de revêtir une qualification pénale, circonstance qui a conduit l'administrateur judiciaire à saisir le procureur de la République, il résulte des dispositions du code du travail, et notamment de son article L. 1233-57-3, que l'administration n'a pas à se prononcer, lorsqu'elle statue sur une demande d'homologation d'un document fixant un plan de sauvegarde de l'emploi, sur le motif économique du projet de licenciement collectif dont il n'appartient qu'au juge du licenciement, le cas échéant ultérieurement saisi, d'apprécier le bien-fondé. Dès lors, le moyen tiré de ce que les agissements pénalement répréhensibles des dirigeants de l'UES Vortex seraient responsables de la situation de la société Vortex et de la société holding FT Développement est en tout état de cause inopérant.

En ce qui concerne la prise en compte de la prévention des risques psycho-sociaux :

11. Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail : " L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ". Par ailleurs, le I de l'article L. 1233-30 du même code dispose, s'agissant des entreprises ou établissements qui emploient habituellement au moins cinquante salariés, que l'employeur réunit et consulte le cas échéant le comité social et économique sur les conséquences des licenciements projetés en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail.

12. Dans le cadre d'une réorganisation qui donne lieu à élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi, il appartient à l'autorité administrative de vérifier le respect, par l'employeur, de ses obligations en matière de prévention des risques pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. A cette fin, elle doit contrôler, tant la régularité de l'information et de la consultation des institutions représentatives du personnel que les mesures auxquelles l'employeur est tenu en application de l'article L. 4121-1 du code du travail au titre des modalités d'application de l'opération projetée. Lorsque l'autorité administrative est saisie d'une demande d'homologation d'un document unilatéral fixant le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi elle ne peut légalement accorder l'homologation demandée que si l'employeur a pris les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs et si la consultation du comité social et économique sur ce point a été régulière.

13. Il ressort des pièces du dossier que, par un jugement du 3 avril 2020, le tribunal de commerce de Montpellier a adopté l'offre de reprise partielle de l'activité de la société Vortex par la société Sadap et ordonné le transfert au cessionnaire de 129 contrats de travail. Puis, par deux jugement du 29 avril 2020, le même tribunal a prononcé la conversion du redressement judiciaire des deux sociétés Vortex et FT Développement en liquidation judiciaire avec poursuite d'activité jusqu'au 22 juin 2020. Le plan de réorganisation mis en oeuvre à la suite de ces jugements prévoit la fermeture totale des deux entreprises, la cessation définitive de leur activité et la suppression de l'ensemble des postes de travail. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'avant l'achèvement de cette opération, et notamment au cours de la période de prolongation d'activité, les conditions de sécurité dans l'entreprise ou les conditions de travail des salariés ayant vocation à être licenciés seraient susceptibles d'être affectées par l'opération projetée. D'autre part, il résulte du document unilatéral présenté aux membres du comité social et économique et notamment de sa partie 10, qu'y ont été identifiés les risques psycho-sociaux auxquels les salariés ayant vocation à être licenciés étaient susceptibles d'être confrontés ainsi que les actions de prévention de ces risques pendant la période de poursuite d'activité autorisée. Le document unilatéral prévoit ainsi le recours par les salariés au médecin du travail et au service de santé au travail chargés d'informer la direction des ressources humaines des situations à risque qu'ils auraient identifiées, une présence accrue du médecin du travail pouvant par ailleurs être sollicitée en fonction des besoins des salariés, ainsi qu'un soutien psychologique, via un numéro vert, par l'intermédiaire de la cellule d'appui à la sécurisation professionnelle (CASP), permettant la prise en charge anticipée et collective des salariés, indépendamment de leur adhésion ou non au contrat de sécurisation professionnelle. Pour soutenir les salariés les plus fragilisés une écoute renforcée a été prévue comprenant des entretiens avec des consultants ayant un profil et une formation de psychologue du travail. Le document unilatéral comportait ainsi les mesures auxquelles l'employeur était tenu en application de l'article L. 4121-1 du code du travail au titre des modalités d'application de l'opération projetée.

14. Il ressort, par ailleurs, des pièces du dossier que ce document a été soumis au comité social et économique dans sa version actualisée s'agissant des risques psycho-sociaux lors de la réunion qui s'est tenue le 28 mai 2020. Le point 11 de l'ordre du jour de cette réunion concernant la société Vortex et le point 6 de l'ordre du jour concernant la société FT Développement prévoyaient très explicitement la consultation du comité " sur les conséquences éventuelles du jugement de liquidation judiciaire du 29 avril 2020 sur les conditions de travail d'hygiène et de sécurité et sur la prévention des risques psycho-sociaux ". Les membres du comité ont ainsi reçu les informations utiles les mettant à même de débattre au cours de cette réunion des risques psycho-sociaux en cause et des mesures envisagées pour les prévenir. La circonstance alléguée que cette question n'aurait pas été abordée au cours de cette réunion est sans incidence dès lors qu'il ne ressort ni du procès-verbal de séance ni d'aucune autre pièce du dossier que les représentants des salariés qui siégeaient au comité auraient été empêchés d'intervenir pour faire valoir leurs observations sur ce point qui avait été régulièrement inscrit à l'ordre du jour.

15. Il ressort enfin des pièces du dossier que l'administration a mis en place une information de la commission santé sécurité et conditions de travail (CSSCT) du comité social et économique sur les risques psycho-sociaux et que celle-ci a été consultée le 7 mai 2020. La décision contestée fait état de ce que la procédure d'information-consultation du comité social et économique de l'unité économique et sociale 2ASL/Vortex/FT développement et de la commission santé sécurité et conditions de travail de ce comité a été régulière et que les mesures d'accompagnement du plan de sauvegarde de l'emploi sont adaptées aux personnes concernées, majoritairement des conducteurs, compte tenu de l'importance du projet de 1 287 licenciements. Il ressort également de ces mêmes pièces que l'administration a tenu compte de ce que, à la date de sa décision et s'agissant des risques psycho-sociaux, aucune situation inquiétante n'avait été identifiée par la cellule d'écoute. Il en résulte ainsi, qu'en tout état de cause, le syndicat requérant n'est pas fondé à soutenir que l'administration s'est abstenue de contrôler la régularité de l'information et de la consultation des institutions représentatives du personnel ainsi que la suffisance des mesures auxquelles l'employeur était tenu en application de l'article L. 4121-1 du code du travail au titre des modalités d'application de l'opération projetée.

En ce qui concerne le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi :

16. D'une part, aux termes de l'article L. 1233-57-3 du code du travail dans sa rédaction applicable à l'espèce : " En l'absence d'accord collectif (...), l'autorité administrative homologue le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, après avoir vérifié la conformité de son contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles relatives aux éléments mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, (...) et le respect par le plan de sauvegarde de l'emploi des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 en fonction des critères suivants : 1° Les moyens dont disposent l'entreprise, l'unité économique et sociale et le groupe ; / 2° Les mesures d'accompagnement prévues au regard de l'importance du projet de licenciement ; / 3° Les efforts de formation et d'adaptation tels que mentionnés aux articles L. 1233-4 et L. 6321-1. / Elle s'assure que l'employeur a prévu le recours au contrat de sécurisation professionnelle mentionné à l'article L. 1233-65 ou la mise en place du congé de reclassement mentionné à l'article L. 1233-71 ".

17. D'autre part, le deuxième alinéa du II de l'article L. 1233-58 du code du travail, issu de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, dispose que : " Par dérogation au 1° de l'article L. 1233-57-3, sans préjudice de la recherche, selon le cas, par l'administrateur, le liquidateur ou l'employeur, en cas de redressement ou de liquidation judiciaire, des moyens du groupe auquel l'employeur appartient pour l'établissement du plan de sauvegarde de l'emploi, l'autorité administrative homologue le plan de sauvegarde de l'emploi après s'être assurée du respect par celui-ci des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 au regard des moyens dont dispose l'entreprise. ".

18. Il résulte des dispositions précitées des articles L. 1233-57-3 et L. 1233-58 du code du travail que, lorsqu'elle est saisie d'une demande d'homologation d'un document fixant le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi relatif à une entreprise en redressement ou liquidation judiciaire, il appartient à l'administration de vérifier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la conformité de ce document et du plan de sauvegarde de l'emploi dont il fixe le contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles applicables, en s'assurant notamment du caractère suffisant du plan de sauvegarde de l'emploi. A ce titre elle doit, au regard de l'importance du projet de licenciement, apprécier si les mesures contenues dans le plan sont précises et concrètes et si, à raison, pour chacune, de sa contribution aux objectifs de maintien dans l'emploi et de reclassement des salariés, elles sont, prises dans leur ensemble, propres à satisfaire à ces objectifs compte tenu, d'une part, des efforts de formation et d'adaptation déjà réalisés par l'employeur et, d'autre part, des moyens dont dispose l'entreprise, à l'exclusion de ceux du groupe auquel, le cas échéant, elle appartient. En revanche, ces dispositions ne dispensent pas l'administration de vérifier si l'administrateur, le liquidateur ou l'employeur ont recherché les moyens du groupe auquel l'employeur appartient pour l'établissement du plan de sauvegarde de l'emploi.

19. En premier lieu, il est constant qu'à la date de la décision en litige les sociétés Vortex et FT Développement avaient été placées en liquidation judiciaire par les deux jugements susmentionnés du 29 avril 2020 du tribunal de commerce de Montpellier. Dans ces conditions, il résulte de ce qui a été dit au point 18, que c'est sans commettre d'erreur de droit que l'administration a apprécié le caractère suffisant du plan de sauvegarde de l'emploi au regard des seuls moyens dont disposaient les sociétés Vortex et FT Développement, à l'exclusion des moyens des autres entreprises du groupe auquel elles appartiennent et notamment de la société 2ASL.

20. En deuxième lieu, il est constant, qu'à la date de la décision en litige, la société FT Développement, détenue à hauteur de 50,44 % par la société 2ASL, détenait 100 % du capital de la société Vortex ainsi que les sociétés FT Formation, FT Transport et Moov. Il ressort des pièces du dossier et il n'est d'ailleurs pas contesté que les sociétés FT Formation, FT Transport et Moov, filiales créées récemment et dont l'activité était liée étroitement à celle des deux entreprises en cessation de paiement enregistraient elles-mêmes des pertes importantes ainsi que l'atteste le résultat net déficitaire de chacune de ces sociétés à la clôture de l'exercice 2018. Il ressort de ces mêmes pièces, d'une part, que les administrateurs judiciaires ont recherché, sans succès, auprès des différentes sociétés du groupe et notamment de la société 2ASL, seule société du groupe à présenter un résultat bénéficiaire, un abondement financier du plan de sauvegarde de l'emploi et que, d'autre part, l'administration a vérifié que cette recherche avait bien été effectuée, ainsi que le mentionne d'ailleurs la décision en litige qui vise les courriers adressés aux différentes sociétés du groupe aux fins de les interroger sur les possibilités d'abondement financier et les réponses apportées à ces demandes. Par suite, le syndicat requérant n'est pas fondé à soutenir que l'administration aurait méconnu les exigences qui s'attachent à son contrôle en s'abstenant de vérifier si les administrateurs judiciaires avaient bien recherché les moyens du groupe pour l'établissement du plan de sauvegarde de l'emploi.

21. En troisième lieu, comme il a été rappelé au point 18, s'agissant d'une entreprise en liquidation judiciaire, l'employeur demeure, même lorsque celle-ci appartient à un groupe, seul débiteur des obligations relatives à l'établissement d'un plan de sauvegarde de l'emploi. Par suite, la circonstance que la société 2ASL a refusé d'abonder financièrement le plan de sauvegarde de l'emploi des sociétés Vortex et FT Développement est sans incidence sur la légalité de la décision en litige.

22. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que la société Vortex, qui a été, ainsi qu'il a été dit, placée en liquidation judiciaire sans poursuite d'activité au-delà du 22 juin 2020, présentait, à la date du 11 mai 2020, un passif exigible supérieur à 4 400 000 euros, un volant de trésorerie estimé à environ 1 400 000 euros jusqu'au 22 juin 2020 et, hormis un parc de véhicules dont la vente était jugée très aléatoire, aucun autre actif valorisable. Ce passif avait une incidence directe sur la société FT Développement très dépendante de sa filiale principale. Le plan de sauvegarde de l'emploi prévoit notamment le recours à une cellule d'appui à la sécurisation professionnelle pour l'ensemble des salariés, des aides à la création ou à la reprise d'entreprises à hauteur de 1 000 euros par salarié portées à 1 500 euros pour les salariés en difficulté, des aides à la formation à destination de tous les salariés dans la limite d'un plafond de 1 000 euros par salarié, montant porté à 1 500 euros pour les salariés en difficulté, la prise en charge des frais de déplacement liés à la mobilité géographique et des frais de déménagement ainsi que les aides du régime d'assurance de garantie des salaires en vue de prendre en charge les frais annexes aux actions de formation et de création d'entreprise et le recours au contrat de sécurisation professionnelle pour l'ensemble des salariés. Par ailleurs, si le plan de sauvegarde de l'emploi ne comporte pas de postes de reclassement dans les autres entreprises du groupe Vortex, cette situation se justifie, en l'espèce, par l'absence d'identification de tout poste de reclassement dans ces entreprises en dépit du sérieux des démarches effectuées par les administrateurs judiciaires des sociétés Vortex et FT Développement auprès des autres sociétés du groupe. Ainsi, compte tenu des moyens très limités des deux sociétés Vortex et FT Développement, les mesures figurant dans le plan, alors même qu'elles se bornent pour l'essentiel à mettre en oeuvre des dispositifs légaux ou financés par des fonds publics, pouvaient être légalement regardées par l'administration comme étant, prises dans leur ensemble, propres à satisfaire aux objectifs mentionnés par les articles L. 1233-61 à L. 1233-63 du code du travail.

23. Il résulte de tout ce qui précède que le syndicat général des transports CFDT Montpellier et environs n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par le syndicat général des transports CFDT Montpellier et environs, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge du syndicat général des transports CFDT Montpellier et environs le versement aux sociétés Vortex et FT Développement, Me R... et Me BB..., co-administrateurs judiciaires de ces sociétés, Me AK... et Me CZ..., co-liquidateurs de ces mêmes sociétés, des sommes qu'ils demandent au titre des mêmes frais.

D É C I D E :

Article 1er : La requête du syndicat général des transports CFDT Montpellier et environs est rejetée.

Article 2 : Les conclusions des sociétés Vortex et FT Développement, de Me R... et Me BB..., co-administrateurs judiciaires de ces sociétés, de Me AK... et Me CZ..., co-liquidateurs de ces mêmes sociétés, tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat général des transports CFDT Montpellier et environs, à la société Vortex, à la société FT Développement, à Me R... et Me BB..., co-administrateurs judiciaires de ces sociétés, à Me AK... et Me CZ..., co-liquidateurs de ces mêmes sociétés et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.

Copie en sera adressée au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Occitanie.

Délibéré après l'audience 22 janvier 2021, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. AW..., président assesseur,

- M. Coutier, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 février 2021.

2

N° 20MA04099

nl


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA04099
Date de la décision : 05/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07 Travail et emploi. Licenciements.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: M. Georges GUIDAL
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : ASSOCIATION D'AVOCATS OTTAN

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-02-05;20ma04099 ?
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