Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... E... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 25 juin 2019 par lequel le préfet de l'Aude lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination pour l'exécution de la mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 1903461 du 14 août 2019, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 17 décembre 2019, Mme E..., représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 14 août 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 25 juin 2019 du préfet de l'Aude ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Aude de procéder au réexamen de sa demande dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de lui délivrer, durant cet examen, une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle, sous réserve que son conseil renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Elle soutient que :
- le préfet n'a pas procédé à une analyse réelle et complète de sa situation personnelle ;
- l'arrêté contesté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- cet arrêté méconnaît les stipulations de l'article 3 de cette même convention ;
- elle justifie de motifs exceptionnels ou de considérations humanitaires au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La requête a été communiquée au préfet de l'Aude qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 octobre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E..., ressortissante russe, relève appel du jugement du 14 août 2019 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 juin 2019 par lequel le préfet de l'Aude lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination pour l'exécution de la mesure d'éloignement.
2. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen sérieux et complet de la situation de Mme E....
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
4. Mme E..., indique être entrée en France avec ses enfants en juin 2017, sans toutefois en justifier, en exposant qu'elle a fui les persécutions qu'elle et son mari ont subies en tant qu'opposants politiques. Elle précise qu'elle est seule en France avec ses deux enfants, qu'ils s'y sont tous trois bien intégrés et qu'elle craint d'être séparée d'eux à titre de punition en cas de retour en Russie. Ce faisant, elle ne démontre pas une insertion particulière dans la société française, ni ne justifie l'ancienneté et la stabilité de ses liens personnels et familiaux en France, où elle est arrivée récemment. Dans ces conditions, et alors qu'elle ne donne aucune indication sur la situation de son mari et ne conteste pas n'être pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, où elle a vécu elle-même au moins jusqu'à l'âge de 42 ans, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté contesté, au regard des buts poursuivis par l'administration, aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée. Par suite, cet arrêté ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : / 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Ou, en application d'un accord ou arrangement de réadmission communautaire ou bilatéral, à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; / 3° Ou, avec son accord, à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". Ces dispositions combinées font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée.
6. Si Mme E... expose qu'elle et son mari sont proches du mouvement de M. D..., principal opposant au président de la fédération de Russie et qu'ils ont donc subi pour ce motif des persécutions et ajoute qu'ayant tenté de porter plainte, son mari a été battu, leurs biens confisqués et qu'ils ont été menacés de mort, ce récit n'est étayé par aucune pièce. Au demeurant, ni l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, ni la Cour nationale du droit d'asile, qui ont eu à se prononcer sur la demande d'asile qu'elle a déposée, n'ont reconnu l'existence des risques auxquels l'intéressée allègue être exposée en cas de retour en Russie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
7. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 31314 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 31311 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ".
8. La situation exposée par Mme E... ne relève pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels tels qu'ils puissent révéler que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne lui délivrant pas un titre de séjour en application des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... E..., à Me A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Aude.
Délibéré après l'audience du 22 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. Guidal, président-assesseur,
- M. C..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 février 2021.
2
N° 19MA05659
nl