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05/02/2021 | FRANCE | N°19MA00029

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 05 février 2021, 19MA00029


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Parc Eolien des Trois Communes a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 24 mai 2017 du préfet de l'Aude qui a refusé de lui délivrer l'autorisation unique d'exploiter une installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent et deux postes de livraison sur le territoire des communes de Fourtou et Cubières-sur-Cinoble ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1705741 du 6 novembre 2018

, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.

Procédure devan...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Parc Eolien des Trois Communes a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 24 mai 2017 du préfet de l'Aude qui a refusé de lui délivrer l'autorisation unique d'exploiter une installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent et deux postes de livraison sur le territoire des communes de Fourtou et Cubières-sur-Cinoble ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1705741 du 6 novembre 2018, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 4 janvier 2019 et 9 juin 2020, sous le n° 19MA00029, la société Parc Eolien des Trois Communes, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 6 novembre 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 24 mai 2017 et la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Aude de poursuivre l'instruction de l'autorisation unique correspondante et d'engager la phase d'enquête publique préalable, dans un délai d'un mois à compter de la date de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier faute pour le tribunal administratif d'avoir examiné l'ensemble des moyens dont elle se prévalait à l'encontre des différents motifs qui fondaient l'arrêté en litige ;

- l'arrêté contesté retient une insuffisance de l'étude d'impact sans toutefois l'avoir invité à compléter son étude ;

- le préfet a fondé sa décision sur l'absence de dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces protégées ;

- il aurait dû l'inviter à compléter son dossier sur ce point ;

- l'avis de l'autorité environnementale n'a pas été sollicité en méconnaissance de l'article R. 122-7 du code de l'environnement ;

- l'absence de communication de cet avis a été de nature à influencer le sens de la décision critiquée et l'a privé d'une garantie ;

- l'arrêté en litige a été pris avant même la tenue de l'enquête publique ;

- la commission départementale des paysages n'a pas été saisie ;

- le préfet a méconnu le principe du contradictoire ;

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;

- l'étude d'impact présente un caractère suffisant ;

- le préfet ne pouvait se fonder sur le schéma régional climat air énergie (SRE), le plan de gestion des paysages audois vis-à-vis de l'éolien, l'atlas des paysages audois et la convention européenne des paysages qui sont dépourvus d'effet normatif ;

- le site ne présente pas d'intérêt particulier au sens de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme ;

- le projet en litige ne porte pas atteinte aux paysages et patrimoine local ;

- l'autorisation ne tenant pas lieu de dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces protégées, elle ne pouvait pas être rejetée sur le fondement des dispositions du 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement ;

- le projet ne porte pas atteinte à l'avifaune et aux chiroptères.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 décembre 2019, la ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête de la société Parc Eolien des Trois Communes.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société Parc Eolien des Trois Communes ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne du paysage signée à Florence le 20 octobre 2000, ratifiée par la loi n° 2005-1272 du 13 octobre 2005 ;

- le code de l'environnement ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'urbanisme ;

- l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ;

- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;

- le décret n° 2014-450 du 2 mai 2014 ;

- le décret n° 2017-81 du 26 janvier 2017 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant la société Parc Eolien des Trois Communes.

Considérant ce qui suit :

1. Sur le fondement des dispositions de l'ordonnance du 20 mars 2014 relative à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement, le préfet de l'Aude a, par un arrêté du 24 mai 2017, refusé de délivrer à la société Parc Eolien des Trois Communes l'autorisation unique d'exploiter, sur le territoire des communes de Fourtou et Cubières-sur-Cinoble, une installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent de huit aérogénérateurs et rejeté, par une décision implicite, son recours gracieux. Par un jugement du 6 novembre 2018 le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté et de cette décision. La société Parc Eolien des Trois Communes relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Saisi d'un recours dirigé contre une décision refusant de délivrer une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement fondée sur plusieurs motifs de refus, le juge, s'il estime que l'un de ces motifs fait légalement obstacle à ce que l'autorisation soit délivrée, n'est pas tenu d'examiner les moyens dirigés contre les autres motifs de la décision.

3. Par le jugement attaqué, le tribunal a estimé que le motif tiré de l'atteinte aux paysages et au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants était légal et suffisait à justifier la décision en litige. Si l'arrêté contesté relève également un impact significatif sur les enjeux locaux de l'avifaune, incompatible avec les objectifs de préservation de ces enjeux, il résulte de ce qui a été dit au point 2 que le tribunal n'était pas tenu d'examiner les moyens dirigés contre cet autre motif de refus. Par suite, si les premiers juges n'ont pas répondu à ces moyens, ils n'ont pas pour autant entaché leur jugement d'irrégularité. Par ailleurs, ils ont suffisamment répondu aux autres moyens tirés de légalité externe et interne qu'ils ont examinés.

Sur la légalité de l'arrêté du 24 mai 2017 du préfet de l'Aude :

En ce qui concerne le cadre juridique du litige :

4. L'ordonnance du 20 mars 2014 relative à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement a prévu que, à titre expérimental et pour une durée de trois ans, plusieurs types de projets, notamment les projets d'installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent soumises à l'autorisation au titre de l'article L. 512-1 du code de l'environnement sont autorisés par un arrêté préfectoral unique, dénommé " autorisation unique ". Elle vaut autorisation au titre de l'article L. 512-1 du code de l'environnement et, le cas échéant, permis de construire au titre de l'article L. 42-1 du code de l'urbanisme, autorisation de défrichement au titre des articles L. 214-13 et L. 341-3 du code forestier, autorisation d'exploiter au titre de l'article L. 311-1 du code de l'énergie, approbation au titre de l'article L. 323-11 du même code et dérogation au titre du 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement. En application de ces dispositions, le décret du 2 mai 2014 relatif à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement a fixé le contenu du dossier de demande d'autorisation unique et les modalités de son instruction ainsi que de sa délivrance par le préfet.

5. Les dispositions de l'ordonnance du 26 janvier 2017, codifiées aux articles L. 181-1 et suivants du code de l'environnement, instituent une autorisation environnementale dont l'objet est de permettre qu'une décision unique tienne lieu de plusieurs décisions auparavant distinctes dans les conditions qu'elles précisent. L'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017 précise les conditions d'entrée en vigueur de ces dispositions : " Les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur le 1er mars 2017, sous réserve des dispositions suivantes : / 1° Les autorisations délivrées au titre du chapitre IV du titre Ier du livre II ou du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l'environnement dans leur rédaction antérieure à la présente ordonnance, ou au titre de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ou de l'ordonnance n° 2014-619 du 12 juin 2014, avant le 1er mars 2017, sont considérées comme des autorisations environnementales relevant du chapitre unique du titre VIII du livre Ier de ce code, avec les autorisations, enregistrements, déclarations, absences d'opposition, approbations et agréments énumérés par le I de l'article L. 181-2 du même code que les projets ainsi autorisés ont le cas échéant nécessités ; les dispositions de ce chapitre leur sont dès lors applicables, notamment lorsque ces autorisations sont contrôlées, modifiées, abrogées, retirées, renouvelées, transférées, contestées ou lorsque le projet autorisé est définitivement arrêté et nécessite une remise en état ; / 2° Les demandes d'autorisation au titre du chapitre IV du titre Ier du livre II ou du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l'environnement, ou de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ou de l'ordonnance n° 2014-619 du 12 juin 2014 régulièrement déposées avant le 1er mars 2017 sont instruites et délivrées selon les dispositions législatives et réglementaires dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la présente ordonnance ; après leur délivrance, le régime prévu par le 1° leur est applicable ; / (...) ". Sous réserve des dispositions de son article 15 précité, l'article 16 de la même ordonnance abroge les dispositions de l'ordonnance du 20 mars 2014 relatives à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement.

6. En vertu de l'article L. 181-17 du code de l'environnement, issu de l'article 1er de l'ordonnance du 26 janvier 2017 et applicable depuis le 1er mars 2017, l'autorisation environnementale est soumise, comme l'autorisation unique l'était avant elle ainsi que les autres autorisations mentionnées au 1° de l'article 15 de cette même ordonnance, à un contentieux de pleine juridiction. Il appartient, dès lors, au juge du plein contentieux d'apprécier le respect des règles de procédure régissant la demande d'autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle l'autorité administrative statue sur cette demande et celui des règles de fond régissant l'installation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce, sous réserve du respect des règles d'urbanisme qui s'apprécie au regard des circonstances de fait et de droit applicables à la date de l'autorisation.

En ce qui concerne le bien-fondé du refus contesté :

S'agissant de la légalité externe :

7 L'arrêté contesté, après avoir visé l'ensemble des textes applicables et plus particulièrement, l'ordonnance du 20 mars 2014 et le décret du 2 mai 2014, analyse le secteur d'implantation du projet et indique que celui-ci participerait à miter le paysage et ne répond pas à l'enjeu d'implantation des éoliennes qui est de composer avec le paysage et, d'autre part, de préserver la diversité de ceux-ci. Il décrit, ensuite, les paysages et les éléments patrimoniaux concernés par le projet en cause de manière suffisamment précise en mentionnant deux entités paysagères singulières. Il relève que l'approche paysagère du projet sous-estime les impacts produits par le projet sur les patrimoines culturels et paysagers, leurs contextes avoisinants et leurs perspectives. L'arrêté en litige précise, en outre, que les perceptions des aérogénérateurs seraient significatives depuis plusieurs routes touristiques et que les mutations induites par le projet éolien ne sont pas compatibles avec la préservation des plans paysagers des forteresses de montagne, filles E... qu'il cite comme les routes précitées. Il relève, par ailleurs que les éoliennes en crête créent des points d'appels visuels disproportionnés par rapport aux points hauts des paysages prégnants dans les perspectives des Corbières. Il fait également état de la proximité du site classé du Pech de Bugarach et de la crête nord du Synclinal du Fenouillèdes situé à 500 m de l'aire d'étude immédiate du projet et relève que de nombreuses vues depuis le Synclinal rencontreraient ces très grandes machines, incongrues dans ce paysage remarquable. Ces éléments portant sur l'atteinte aux paysages et aux éléments patrimoniaux sont ainsi suffisamment circonstanciés sans qu'il soit besoin de faire état de photomontages et de citer les distances vis-à-vis des châteaux cathares. Il en va de même des circonstances de fait relatives à l'atteinte à l'avifaune, l'arrêté en litige mentionnant les quatre espèces menacées par le projet et précisant, à leur égard, que le projet se situe dans les domaines vitaux pour trois d'entre elles et à moins de 5 kilomètres au sud des Gorges de Galamus détectées comme un site de reproduction potentielle d'un nouveau couple de Gypaète barbu lequel est considéré comme très sensible à la mortalité éolienne tout comme le vautour Percnoptère. L'arrêté en litige est, par suite, suffisamment motivé.

8. Aux termes de l'article L. 114-7 du code des relations entre le public et l'administration : " Ainsi qu'il est dit à l'article L. 311-2 et dans les conditions posées à cet article, les avis au vu desquels est prise, sur demande, une décision individuelle créatrice de droits sont communicables à l'auteur de la demande dès leur envoi à l'administration compétente ".

9. Les circonstances que le préfet de l'Aude n'ait pas répondu à la demande de communication des motifs de la société requérante et ne lui ait pas communiqué l'ensemble des avis visés dans l'arrêté contesté constituent un litige distinct et sont sans incidence sur la motivation de l'arrêté contesté laquelle est suffisante en l'espèce ainsi qu'il a été dit au point 7.

10. Aux termes du II de l'article 12 du décret du 2 mai 2014 relatif au stade de l'examen préalable de la demande, avant enquête publique : " (...) II.- Le représentant de l'Etat dans le département peut rejeter la demande pour l'un des motifs suivants : / 1° Le dossier reste incomplet ou irrégulier à la suite de la demande mentionnée à l'article 11 ; / 2° Le projet ne permet pas d'atteindre les objectifs mentionnés à l'article 3 de l'ordonnance du 20 mars 2014 susvisée ; / 3° Le projet est contraire aux règles qui lui sont applicables. Ce rejet est motivé ". L'article 13 de ce décret dispose que : " I. - Dans les quatre mois à compter du dépôt de la demande d'autorisation unique, le représentant de l'Etat dans le département informe le demandeur de l'achèvement de l'examen préalable de son dossier et de l'avis de l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement rendu conformément au III de l'article L. 122-1 du code de l'environnement. (...) / III. - Lorsque l'examen préalable est achevé, le demandeur fournit les exemplaires nécessaires pour procéder à l'enquête publique (...) ". Selon l'article 14 du même décret : " (...) / Nonobstant le II de l'article R. 512-14 du code de l'environnement, le représentant de l'Etat dans le département communique, au plus tard quinze jours après avoir achevé l'examen préalable, la demande au président du tribunal administratif en lui indiquant les dates qu'il se propose de retenir pour l'ouverture et la clôture de l'enquête publique. Il en informe le demandeur. (...) ".

11. Le préfet de l'Aude a rejeté la demande d'autorisation unique de la société requérante au stade de la phase d'examen préalable au motif que le projet éolien " Les arbres Hauts " de la société Parc Eolien des Trois Communes ne permet pas d'atteindre les objectifs mentionnés à l'article 3 de l'ordonnance du 20 mars 2014 et qu'il convient d'en rejeter la demande en application de l'article 12, II, 2° du décret du 2 mai 2014. Par suite, le préfet n'avait pas à procéder à une enquête publique postérieurement à l'examen de cette demande.

12. Aux termes de l'article 11 du décret du 2 mai 2014 : " Lorsque le dossier de demande n'est pas complet ou régulier, ou ne comporte pas les éléments suffisants pour poursuivre son instruction, le représentant de l'Etat dans le département demande des compléments et correctifs au demandeur dans un délai qu'il fixe. ".

13. Si par l'arrêté contesté, le préfet de l'Aude a relevé que l'approche paysagère du projet sous-estime les impacts introduits par le projet de parc éolien " Les Arbres Hauts " sur les patrimoines culturels et paysagers, leurs contextes avoisinants et leurs perspectives, il ne s'agit que d'une critique de l'analyse des impacts paysagers réalisés par l'étude du pétitionnaire de nature à appuyer le motif tiré de l'atteinte aux paysages, au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants retenu par le préfet. Par ailleurs, il ne ressort pas de cet arrêté que ce dernier se serait fondé sur la nécessité pour la société Parc Eolien des Trois Communes de déposer une demande de dérogation au titre du 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement. Dans ces conditions, le préfet de l'Aude n'avait dès lors pas à inviter la société requérante à compléter son dossier sur ces deux points.

14. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

15. A supposer même que le préfet de l'Aude était tenu de solliciter l'avis de l'autorité environnementale, ce qu'il n'a pas fait, dans les circonstances de l'espèce et s'agissant d'une décision de rejet fondée sur des motifs de fond liés à l'atteinte aux paysages et à l'avifaune, ce vice n'a exercé aucune influence sur le sens de cette décision, d'autant que le préfet n'est pas lié par cet avis. Par ailleurs, ce vice n'a pas privé la société Parc Eolien des Trois Communes d'une garantie.

16. Aux termes de l'article 15 du décret du 2 mai 2014 : " Les consultations de la présente sous-section sont menées conjointement dès l'achèvement de l'examen préalable. ". L'article 18 de ce décret dispose que : " (...) / Conformément à l'article R. 553-9 du code de l'environnement, la commission départementale de la nature, des paysages et des sites peut être consultée sur une demande d'autorisation unique concernant les installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent (...) ".

17. La société Parc Eolien des Trois Communes ne peut utilement se plaindre de l'absence de saisine de la commission départementale des paysages et des sites, prévue par les dispositions mentionnées au point 16, dès lors que cette consultation n'est prévue qu'après l'achèvement de l'examen préalable.

18. Aux termes de l'article R. 512-25 du code de l'environnement, dans sa version en vigueur à la date de son abrogation le 1er mars 2017 : " Au vu du dossier de l'enquête et des avis prévus par les articles précédents, qui lui sont adressés par le préfet, l'inspection des installations classées établit un rapport sur la demande d'autorisation et sur les résultats de l'enquête. (...) ". L'article R. 512-26 du même code dispose que : " Le projet d'arrêté statuant sur la demande est porté par le préfet à la connaissance du demandeur, auquel un délai de quinze jours est accordé pour présenter éventuellement ses observations par écrit au préfet, directement ou par mandataire. / Le préfet statue dans les trois mois à compter du jour de réception par la préfecture du dossier de l'enquête transmis par le commissaire enquêteur. En cas d'impossibilité de statuer dans ce délai, le préfet, par arrêté motivé, fixe un nouveau délai. ".

19. Comme dit au point 11, le préfet de l'Aude ayant rejeté la demande d'autorisation unique de la société requérante à la fin de la phase de l'examen préalable, il n'avait pas à lui transmettre le projet d'arrêté statuant sur sa demande sur le fondement des dispositions de l'article R. 512-26 du code de l'environnement, lesquelles s'appliquent au stade ultérieur de la phase de décision après la phase de l'enquête publique. Par ailleurs, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose au préfet de transmettre au pétitionnaire le rapport de l'inspection des installations classées. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire doit être écarté.

S'agissant de la légalité interne :

20. Aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement, applicable au litige en vertu de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017 : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas. (...) ". L'article R. 111-27, anciennement R. 111-21, du code de l'urbanisme dispose que : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. "

21. Il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte aux paysages naturels avoisinants, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site. Les dispositions de cet article excluent qu'il soit procédé dans le second temps du raisonnement, pour apprécier la légalité des permis de construire délivrés, à une balance d'intérêts divers en présence, autres que ceux visés à l'article R. 111-21 cité ci-dessus.

22. La circonstance que l'arrêté en litige vise le schéma régional climat air énergie (SRE), lequel a été annulé par un arrêt de la Cour de céans du 10 novembre 2017, le plan de gestion des paysages audois vis-à-vis de l'éolien, l'atlas des paysages audois et la convention européenne des paysages, qui ne présentent pas de caractère normatif, est sans incidence dès lors que le motif de l'atteinte aux paysages retenu par le préfet de l'Aude est fondé sur les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'environnement ainsi que celles de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme que l'arrêté contesté mentionne. Il en va de même du fait que l'arrêté vise le projet de parc naturel régional interdépartemental Corbières et Fenouillèdes dont le préfet ne tire aucune conséquence.

23. La circonstance à la supposer établie que l'arrêté en litige ait mentionné à tort que " l'étude qui se réfère à une synthèse des enjeux de 2012 n'est pas conforme à la version finalisée des enjeux du SRCAE (2013) et ne tient pas compte des enjeux forts identifiés " alors que cette étude comprend une carte de synthèse des enjeux du SRE de 2013 laquelle fait apparaître que le projet est situé en zone présentant des enjeux jugés forts est sans incidence dès lors que le préfet de l'Aude n'a pas fondé sa décision sur ce motif superfétatoire mais sur celui de l'atteinte aux paysages et à l'avifaune.

24. En l'espèce, le projet de parc éolien " les Arbres Hauts ", constitué de huit aérogénérateurs de 125 mètres de haut répartis sur trois lignes de crêtes parallèles orientées sud-ouest/nord-est et de deux postes de livraison est localisé sur le territoire des communes de Fourtou et Cubières-sur-Cinoble, dans l'Aude. Alors même que selon l'étude paysagère, l'aire d'étude immédiate (AEI) du projet est constituée de milieux naturels diversifiés, de boisements, de pelouses et de calcaires, que l'agriculture et la sylviculture marquent le paysage, ce projet est cependant implanté sur les sommets aplanis de l'anticlinal de la Fontaine salée, situé au sein de la forêt domaniale du même nom et de celle de l'Orme mort à une altitude de 800 à 830 mètres. L'étude paysagère précise d'ailleurs que l'aire d'étude immédiate se trouve dans une zone présentant des enjeux jugés forts en raison de la présence de sites remarquables. En effet, si l'aire d'étude immédiate ne comprend aucun château cathare ni aucun site touristique, l'étude paysagère mentionne toutefois que 63 monuments sont protégés dans l'air d'étude paysagère éloignée dont 40 sont inscrits et 23 sont classés et se trouvent entre 4,5 kilomètres et 21,5 kilomètres de l'aire d'étude immédiate. De même, dix monuments protégés sont situés à moins de 10 kilomètres de cette aire parmi lesquels trois au sein de l'aire d'étude paysagère rapprochée, plus précisément le site inscrit du château de Peyrepertuse à 7 kilomètres de l'aire d'étude immédiate, dans une configuration dominant l'ensemble des paysages alentours, ainsi que le château et la chapelle de Saint-André. Le projet est aussi marqué par sa proximité avec les forteresses de montagne, filles F..., Aguilar, Peyrepertuse, Puilaurens et Termes), en cours d'inscription sur la liste indicative du patrimoine mondiale de l'Unesco comme bien en série. Sont également présents dans l'aire d'étude, au sud-ouest, le Pech de Bugarach, site touristique classé par décret du 14 février 2017 dont le sommet se situe à 4,9 kilomètres de la zone projetée selon l'analyse paysagère, la crête nord du Synclinal de Fenouillèdes classée par décret du 14 février 2017, située à 500 mètres de l'aire d'étude immédiate et la vallée du Rialsesse, remarquable par ses terres rouges et qui se situe dans l'aire d'étude du projet à environ 7 ou 8 kilomètres. Les termes de l'arrêté contesté ne démontrent pas que le préfet de l'Aude aurait considéré que le projet de parc éolien " Les Arbres Hauts " était situé dans cette vallée lequel a pris en compte, conformément aux dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme mentionné au point 20, l'atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants mais aussi des sites, des paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. La seule circonstance que soient situés, à proximité immédiate du site d'implantation du projet, des éléments d'anthropisation tels que les infrastructures liées aux bourgs avoisinants formées par des lignes électriques et des axes de déplacements majeurs n'est pas de nature à remettre en cause l'intérêt du site et de son environnement tel que décrit précédemment, au sens de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme.

25. L'étude paysagère du projet et ses photomontages font état de covisibilités réelles du projet "Les Arbres Hauts " avec les sites touristiques du Pech de Bugerach, le GR 36 d'où l'aire d'étude immédiate sera entièrement visible, le château de Peyrepertuse installé sur une crête de relief étroite et haute qui lui confère une vue à 360° sur les paysages alentours, ainsi qu'avec la chapelle d'Auriac, classée monument historique, pour laquelle aucun photomontage ne permet d'établir qu'une butte rocailleuse de 230 mètres de haut préviendra les vues sur le projet en litige. Ces mêmes documents relèvent également que les gorges de Galamus qui se trouvent en limite sud de l'air d'étude paysagère éloignée présentent également une covisibilité avec les reliefs de cette aire. Par ailleurs, la planche PDV25 du cahier de photomontages mentionne que le sommet du Pech de Bugarach offre un panorama exceptionnel sur le territoire des hautes Corbières et la vallée du Verdouble et que le projet " Arbres Hauts " est visible dans sa totalité depuis ce point de vue. Elle précise aussi que les éoliennes paraissent ici trop rapprochées. En outre, bien que le château de Qéribus soit situé à 14 kilomètres du projet de parc éolien, le photomontage PDV15 indique que depuis ce site, les éoliennes 3 à 8 sont partiellement visibles en arrière du relief du Roc de Sagne, ce paysage remarquable étant d'ailleurs présenté par l'analyse paysagère comme ayant un enjeu fort vis-à-vis du patrimoine touristique. La planche PDV20 du cahier de photomontage qui indique que l'enjeu du plateau de Rennes-le-Château vis-à-vis du patrimoine est fort et que 5 éoliennes seront visibles, ne permet pas de démontrer que le parc sera presqu'intégralement masqué depuis ce site. Enfin si la société requérante soutient que l'échelle des paysages a été respectée, le préfet de l'Aude a fait valoir que l'échelle des collines qui encadrent une vallée doit être deux fois supérieures à la taille des machines, donc supérieure de 250 mètres pour des éoliennes de 125 mètres. Or, selon le préfet, le profil altimétrique depuis le site du projet montre que l'échelle des collines aux alentours du site d'implantation du projet ne dépasse pas 150 mètres et donc que la taille des machines est pratiquement deux fois supérieurs à l'échelle des collines voisines. Par suite, compte tenu de l'imposante verticalité des éoliennes de 125 mètres de hauteur, la configuration de la zone d'implantation du projet en promontoire topographique au sommet d'un vallon totalement ouvert et plat à une altitude comprise en 800 et 830 mètres, du positionnement en ligne des 8 éoliennes sur une emprise de 1 500 mètres selon un axe nord-est/Sud-Ouest face aux communes de Fourtou et de Cubières-sur-Cinoble, de la végétation principalement rase constituée de garrigue et de vigne, parsemée de cyprès ou de plantations de résineux qui, compte tenu de leur petite taille, n'arrêtent ni ne masquent les vues proches ou lointaines, la perception des 8 éoliennes sera particulièrement significative dans le paysage depuis une trentaine de secteurs présentant un intérêt.

26. Il résulte de ce qui a été dit aux points 24 à 25 que la demande de permis de construire et d'autorisation unique du projet de parc éolien de la société Parc Eolien des Trois Communes est de nature à porter atteinte aux intérêts visés aux articles L. 511-1 du code de l'environnement et R. 111-27 du code de l'urbanisme. Ce motif lié à l'atteinte aux paysages et au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants suffit à justifier l'arrêté contesté sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen tiré de l'absence d'effet de mitage et ceux dirigés contre le second motif de l'arrêté relatif à l'atteinte à l'avifaune.

27. Il résulte de tout ce qui précède que la société Parc Eolien des Trois Communes n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 mai 2017 et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

28. Le présent arrêt n'appelle aucune mesure d'exécution. Les conclusions présentées par la société Parc éolien des Trois Communes sur le fondement des dispositions des articles L. 911-1 et L. 911-3 du code de justice administrative ne peuvent dès lors qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

29. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société Parc Eolien des Trois Communes demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Parc Eolien des Trois Communes est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Parc Eolien des Trois Communes et à la ministre de la transition écologique.

Délibéré après l'audience du 22 janvier 2021, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. Guidal, président assesseur,

- Mme D..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 février 2021.

2

N° 19MA00029

nl


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA00029
Date de la décision : 05/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - Forme et procédure - Procédure consultative - Consultation obligatoire.

Energie.

Nature et environnement - Installations classées pour la protection de l'environnement.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : SELAS LPA-CGR AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-02-05;19ma00029 ?
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