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04/02/2021 | FRANCE | N°20MA01195

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 04 février 2021, 20MA01195


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2018 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement, et a prononcé à son encontre une interdiction de retour pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 1904437 du 2 octobre 2019, le tribunal administratif de Ma

rseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2018 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement, et a prononcé à son encontre une interdiction de retour pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 1904437 du 2 octobre 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 4 mars 2020, M. D..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 2 octobre 2019 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2018 du préfet des Bouches-du-Rhône ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) subsidiairement, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer sa demande de titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique à verser à son conseil qui s'engage à renoncer au versement de la contribution au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué méconnaît l'article L. 313-11-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

- l'arrêté attaqué méconnaît l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il se déduit de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 que le collège de médecins doit être désigné pour chaque dossier par décision du directeur général de l'OFII ; or les médecins qui ont rendu leur rapport n'ont pas été désignés pour le dossier de M. D... par le directeur de l'OFII ;

- le collège de l'OFII ne s'est pas prononcé sur la pathologie psychiatrique dont est affecté M. D... ;

- le requérant souffre de troubles psychiatriques post traumatiques qui nécessitent une prise en charge dont l'absence entraînerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui ne peuvent être pris en charge en république démocratique du Congo ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est privée de base légale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant interdiction de retour est illégale car elle mentionne à tort que le requérant ne justifie pas de l'ancienneté de sa présence en France.

La procédure a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. D... été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 décembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant de la république démocratique du Congo, a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2018 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour étranger et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement, et a pris à son encontre une interdiction de retour pour une durée d'un an. Il relève appel du jugement du 2 octobre 2019 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

2. En vertu du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est, sous réserve d'une menace pour l'ordre public, délivrée de plein droit à " l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ".

3. Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des dispositions du 11° de l'article L. 313-11, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Elle doit alors, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

4. Le collège des médecins de l'OFII a estimé dans un avis du 15 novembre 2018 que l'état de santé de M. D... nécessite une prise en charge médicale mais que le défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Toutefois, il ressort du certificat établi le 30 avril 2019 par un médecin psychiatre du centre hospitalier de Martigues que le requérant est affecté d'une pathologie psychiatrique liée à un stress post traumatique, qu'un risque suicidaire ne peut pas être écarté, et que l'administration d'un traitement psychiatrique à moyen et long terme est indispensable. Si ce certificat est postérieur de cinq mois à l'arrêté attaqué, il indique que l'état clinique du patient évolue depuis plusieurs mois. Il ressort du rapport du docteur Brongniart, médecin psychiatre, rédigé le 14 décembre 2016, qui décrit les cicatrices des brulûres subies M. D..., que cette pathologie trouve son origine dans l'agression dont il a fait l'objet dans son pays d'origine. Le jugement du 11 avril 2017 rendu par le tribunal de Kinshasa Mateta, statuant en matière répressive, qui a condamné par défaut M. D... pour l'infraction d'atteinte à la sureté de l'État, corrobore d'ailleurs les engagements politiques de l'intéressé. Il résulte de ces éléments que le défaut de prise en charge médicale de l'intéressé est susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'eu égard à l'origine des troubles psychiatriques dont il est affecté, une prise en charge médicale ne peut être assurée efficacement dans son pays d'origine. En refusant la délivrance d'un titre de séjour à l'intéressé, le préfet des Bouches-du-Rhône a méconnu l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande et à demander l'annulation de ce jugement et de l'arrêté du 20 décembre 2018.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

6. Le présent arrêt implique nécessairement que le préfet des Bouches-du-Rhône délivre un titre de séjour à M. D..., dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'à la date du présent arrêt, des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient que le préfet oppose à la demande de l'intéressé une nouvelle décision de refus. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de délivrer à celui-ci une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

7. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, à verser au conseil du requérant, sous réserve qu'il renonce à percevoir la contribution au titre de l'aide juridictionnelle.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 2 octobre 2019 du tribunal administratif de Marseille et l'arrêté du 20 décembre 2018 du préfet des Bouches-du-Rhône sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à M. D... un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'État versera à Me C... la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve qu'il renonce à percevoir la contribution au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., au ministre de l'intérieur et à Me C....

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône et au procureur de la République près le tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence.

Délibéré après l'audience du 21 janvier 2021, où siégeaient :

- M. Poujade, président,

- M. B..., président assesseur,

- Mme Gougot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe 4 février 2021.

2

N° 20MA01195

hw


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20MA01195
Date de la décision : 04/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. POUJADE
Rapporteur ?: M. Philippe PORTAIL
Rapporteur public ?: Mme GIOCANTI
Avocat(s) : PEROLLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-02-04;20ma01195 ?
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