Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 24 septembre 2018 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par le jugement n° 1805028 du 29 janvier 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 25 février 2019, M. C..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 29 janvier 2019 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler l'arrêté du 24 septembre 2018 du préfet de l'Hérault ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de réexaminer sa demande dès la notification du présent arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative la somme de 1 500 euros.
Il soutient que :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
- ce refus méconnaît l'article 6-7° de l'accord franco-algérien ;
- il aurait dû être admis au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- ce refus est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle ;
- ce refus de titre de séjour méconnaît son droit à un procès équitable et à un recours effectif garantis respectivement par les articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet aurait dû saisir la commission du titre de séjour.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- il ne peut pas faire légalement l'objet d'une mesure d'éloignement en application du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision en litige méconnaît son droit d'être entendu, garanti par la directive 2008/115/CE du conseil européen du 16 décembre 2008 ;
- cette décision méconnaît son droit à un procès équitable et à un recours effectif garantis par les articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
En ce qui concerne le délai de départ volontaire :
- par la voie de l'exception, elle est dépourvue de base légale ;
- le préfet aurait dû lui accorder un délai de départ volontaire supérieur à 30 jours.
Par un mémoire enregistré le 2 mai 2019, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés en se référant à ses écritures de première instance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive n° 2008/115/CE du 26 décembre 2008 du Parlement européen et du Conseil ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les observations de Me A..., représentant M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., de nationalité algérienne, a demandé le 5 décembre 2017 au préfet de l'Hérault un titre de séjour en qualité d'"étranger malade". Par l'arrêté du 24 septembre 2018 en litige, le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer ce titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de 30 jours. Par le jugement dont M. C... relève appel, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, l'article 6 de l'accord franco-algérien prévoit que : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. (...) ". Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande en raison de son état de santé, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser de délivrer ou de renouveler le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine.
3. Il ressort des pièces du dossier que le requérant, né le 22 novembre 1996, est entré sur le territoire français le 12 avril 2017 avec un visa Schengen valable du 10 avril au 25 mai 2017, dans le cadre d'un parcours de soins d'une durée prévue d'un mois en France, pour bénéficier dans une clinique de Montpellier d'une opération chirurgicale pour une déformation majeure de la colonne vertébrale cervico-dorsale. Après deux opérations les 18 et 19 avril 2017 et de fortes complications opératoires, il est désormais atteint de paraplégie. Il est depuis pris en charge par un centre de rééducation. Saisi dans le cadre de sa demande de titre de séjour, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), dans son avis du 7 septembre 2018, affirme que si l'état de santé du demandeur nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut toutefois, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et que son état de santé lui permet de voyager sans risque vers son pays d'origine. Pour soutenir qu'il n'existe pas de possibilités de traitement approprié à sa pathologie en Algérie, M. C... se borne à produire un certificat médical du Dr Mauri, qui décrit son état de santé sans se prononcer sur la disponibilité d'un traitement approprié de sa paraplégie en Algérie, ni sur sa capacité à voyager vers l'Algérie et qui n'est dès lors pas de nature à remettre utilement en cause l'appréciation de l'avis collégial des trois médecins. La circonstance que le séjour en France avait initialement pour objet de pallier les carences du système de santé algérien s'agissant de son opération du dos n'implique pas par elle-même que son état de santé actuel après opération ne peut pas être pris en charge en Algérie. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir qu'il remplirait les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article 6 7° de l'accord franco-algérien.
4. En deuxième lieu, en se bornant à invoquer l'absence de consolidation de son état de santé, le requérant n'établit pas justifier de considérations humanitaires ou d'un motif exceptionnel pour être admis exceptionnellement au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet n'a pas entaché sa décision de refus de régularisation d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.
5. En troisième lieu, si le requérant soutient qu'il doit être admis au séjour pour pouvoir se présenter à l'expertise médicale qu'il a obtenue par ordonnance du 20 décembre 2018 du juge des référés du tribunal de grande instance de Montpellier dans le cadre de la plainte qu'il a déposée contre la clinique et le chirurgien qui l'a opéré, le refus de titre de séjour en litige ne méconnaît ni son droit à un procès équitable, ni son droit à un recours effectif garantis respectivement par les articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'il peut être autorisé à revenir en France pour les besoins de cette expertise.
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3. ". Il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues à l'article L. 313-11 et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions. M. C... n'étant pas en situation de bénéficier de plein droit d'un titre de séjour en France, ainsi qu'il a été dit au point 3, le préfet n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
7. Le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. ". Si l'autorité administrative ne peut légalement prendre une mesure d'éloignement à l'encontre d'un ressortissant étranger lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, il résulte de ce qui a dit été dit au point 3 que M. C... pouvait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français.
8. Lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. A l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour.
9. Si le requérant fait valoir qu'il n'a pas été informé par le préfet qu'il était susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement et mis en mesure de présenter ses observations sur l'éventualité d'une telle décision ainsi que sur ses modalités d'exécution avant qu'il ne lui soit fait obligation de quitter le territoire français, l'obligation de quitter le territoire français litigieuse faisait suite au rejet de sa demande de titre de séjour. Par suite, aucune obligation d'information ne pesait sur le préfet. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant ait sollicité en vain un entretien avec les services préfectoraux ni qu'il ait été empêché de s'exprimer avant que ne soit prise la décision. Le principe général du droit de l'Union européenne constitué par le droit d'être entendu préalablement à l'édiction de la décision de retour en litige n'a ainsi pas été méconnu.
10. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5 et en l'absence d'argumentation spécifique à l'encontre de la mesure d'éloignement en litige, cette décision ne méconnaît ni son droit à un procès équitable, ni son droit à un recours effectif garantis respectivement par les articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
11. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4 et en l'absence d'argumentation spécifique, l'obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.
En ce qui concerne le délai de départ volontaire :
12. Dès lors que M. C... n'est pas fondé à invoquer par voie d'exception l'illégalité de l'arrêté en litige en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français, la décision fixant le délai de départ volontaire en litige n'est pas dépourvue de base légale.
13. En se bornant à invoquer le défaut non établi de consolidation de son état de santé, le requérant ne justifie d'aucune circonstance particulière justifiant l'application d'un délai supérieur au délai de trente jours fixé par la décision litigieuse.
14. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 19 janvier 2021, où siégeaient :
- M. Chazan, président de chambre,
- Mme Simon, président assesseur,
- Mme B..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 février 2021.
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N° 19MA00967