La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/02/2021 | FRANCE | N°18MA04971

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 02 février 2021, 18MA04971


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... F... a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la société Orange à lui verser la somme totale de 41 467 euros, en réparation des différents préjudices qu'il estime avoir subis en raison des fautes commises par son employeur, et d'enjoindre à la société Orange de le repositionner au niveau IV.1, à l'indice brut 663 à compter du mois de juillet 2016.

Par un jugement n° 1610163 du 15 octobre 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Proc

dure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 novembre 2018, M. F..., représe...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... F... a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la société Orange à lui verser la somme totale de 41 467 euros, en réparation des différents préjudices qu'il estime avoir subis en raison des fautes commises par son employeur, et d'enjoindre à la société Orange de le repositionner au niveau IV.1, à l'indice brut 663 à compter du mois de juillet 2016.

Par un jugement n° 1610163 du 15 octobre 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 novembre 2018, M. F..., représenté par le cabinet Goldmann et Associés, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 15 octobre 2018 ;

2°) de condamner la société Orange à lui verser la somme totale de 41 467 euros en réparation des différents préjudices qu'il estime avoir subis en raison des fautes commises par son employeur ;

3°) d'enjoindre à la société Orange de le repositionner au niveau IV.1, à l'indice brut 663 à compter du mois de juillet 2016 ;

4°) de mettre à la charge de la société Orange la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- son employeur n'a pas respecté les accords d'entreprise relatifs à la promotion et au développement professionnel de ses agents ;

- son employeur a méconnu le principe d'égalité de traitement ;

- il a fait l'objet d'une discrimination en raison de son appartenance syndicale ;

- l'appauvrissement de ses responsabilités au cours de sa carrière constitue un manquement grave de son employeur qui a, en outre, fait preuve d'une attitude déloyale à son égard ;

- " son maintien dans le grade d'agent de maîtrise devait être regardé comme entaché d'une erreur manifeste d'appréciation " ;

- il sollicite un repositionnement au niveau IV.1 à compter du mois de décembre 2013 ainsi que l'indemnisation des différents préjudices qu'il a subis en raison des fautes commises par son employeur.

Par un mémoire en défense enregistré le 2 avril 2019, la société Orange, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. F... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les demandes tendant à sa condamnation à verser à M. F... la somme de

5 000 euros, au titre du préjudice moral allégué, et la somme de 10 000 euros, au titre de l'appauvrissement allégué des responsabilités, sont irrecevables faute d'avoir été mentionnées dans la demande indemnitaire préalable de l'intéressé ;

- elle n'a commis aucune des fautes invoquées.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;

- la loi n° 96-660 du 26 juillet 1996 ;

- la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- les observations de Me B..., représentant M. F..., et celles de Me D..., représentant la société Orange.

Considérant ce qui suit :

1. M. F..., fonctionnaire des postes et télécommunications, a occupé, à la suite de son intégration dans l'un des nouveaux corps de France Télécom créés en 1993, des postes correspondant à son grade de " reclassification " de collaborateur de premier niveau (II.1). L'intéressé, qui a été promu en 2006, au grade de collaborateur de deuxième niveau (II.2), a ensuite exercé différents emplois relevant de ce grade. Par une lettre du 20 juillet 2016, reçue le 25 juillet suivant, il a saisi son employeur d'une demande tendant à obtenir, d'une part, son repositionnement au niveau IV.1 et, d'autre part, réparation du préjudice financier qu'il estime avoir subi. A la suite du rejet implicite de sa demande, il a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la société Orange à réparer différents préjudices qu'il estime avoir subis du fait du déroulement insatisfaisant de sa carrière. M. F... relève appel du jugement du 15 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

2. En premier lieu, il résulte de l'article 29 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et à France Télécom que les personnels de droit public de la société Orange sont régis par des statuts particuliers pris en application de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et de celle du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat. Si les dispositions de l'article 31-1 de la loi du 2 juillet 1990 confient expressément à la société France Télécom devenue la société Orange le soin de négocier, avec les organisations syndicales, des accords applicables à tous ses personnels, elles n'ont eu ni pour objet ni pour effet de permettre à ces accords d'intervenir dans le champ des mesures qui relèvent par nature des statuts particuliers des fonctionnaires de cette société.

3. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que, comme l'a relevé le tribunal au point 3 du jugement attaqué, les différents accords dont se prévaut M. F... ne sauraient avoir eu pour objet ou pour effet de remettre en cause les modalités de promotion prévues par les dispositions statutaires qui lui sont applicables. Il ne résulte pas de l'instruction que la société Orange, qui a notamment financé la formation de master en ergologie suivie par M. F... au sein de l'université d'Aix-Marseille puis lui a proposé au moins un poste, qu'il a refusé, compatible avec son état de santé et lui permettant d'accéder au grade d'agent de maîtrise à la suite de l'obtention de son diplôme de master en 2013, aurait commis une faute consistant en la méconnaissance des accords en cause et ayant bloqué son évolution professionnelle.

4. En deuxième lieu, M. F..., qui n'établit pas qu'il était en droit de percevoir la prime exceptionnelle dont a bénéficié l'un de ses collègues au mois de juillet 2013, persiste à soutenir en appel que son employeur a méconnu le principe d'égalité de traitement et commis une faute de nature à engager sa responsabilité. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal au point 4 du jugement contesté.

5. En troisième lieu, M. F... ne conteste pas que les fonctions qu'il a exercées en qualité de technicien d'intervention répartiteur correspondaient à son grade de collaborateur de deuxième niveau et ne fait état d'aucun élément précis de nature à établir que son affectation sur ce poste en 2008 aurait entraîné une diminution effective de ses responsabilités. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que la société Orange aurait commis une faute en l'affectant sur ce poste de technicien d'intervention répartiteur que l'appelant ne démontre pas avoir occupé au début de sa carrière.

6. En quatrième lieu, M. F... soutient que la société Orange a fait preuve d'une attitude déloyale à son égard dès lors que les deux postes qui lui ont été proposés le 27 mars 2014 à la suite de l'obtention de son master 2 en ergologie ne sont en adéquation ni avec son état de santé ni avec son niveau de qualification. Il ne résulte toutefois pas de l'instruction, au vu notamment de la fiche d'aptitude médicale établie le 8 juin 2015 par le médecin du service de santé au travail de la société Orange, que l'intéressé aurait été dans l'incapacité d'occuper le poste de correspondant local de sécurité qui lui a été proposé. Par ailleurs, M. F..., qui n'établit ni même n'allègue s'être présenté à un concours ou à un examen professionnel en vue d'accéder à un poste de cadre, n'est pas fondé à soutenir que la société Orange aurait commis une faute en lui proposant les deux postes en cause lui permettant d'accéder au grade d'agent de maîtrise.

7. En cinquième lieu, le deuxième alinéa de l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983 dispose que : " Aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leurs opinions politiques, syndicales, philosophiques ou religieuses, (...) de leur âge, (...) de leur état de santé (...) ". Aux termes de l'article 1er de la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations : " Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de (...) ses convictions, (...) une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable. / Constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner, pour l'un des motifs mentionnés au premier alinéa, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés (...) ". Selon l'article 4 de cette même loi : " Toute personne qui s'estime victime d'une discrimination directe ou indirecte présente devant la juridiction compétente les faits qui permettent d'en présumer l'existence. Au vu de ces éléments, il appartient à la partie défenderesse de prouver que la mesure en cause est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination (...) ".

8. Il appartient au juge administratif, dans la conduite de la procédure inquisitoire, de demander aux parties de lui fournir tous les éléments d'appréciation de nature à établir sa conviction. Cette responsabilité doit, dès lors qu'il est soutenu qu'une mesure ou une pratique a pu être empreinte de discrimination, s'exercer en tenant compte des difficultés propres à l'administration de la preuve en ce domaine et des exigences qui s'attachent aux principes à valeur constitutionnelle des droits de la défense et de l'égalité de traitement des personnes. S'il appartient au requérant qui s'estime lésé par une telle mesure de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer une atteinte à ce dernier principe, il incombe au défendeur de produire tous ceux permettant d'établir que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. La conviction du juge se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

9. M. F... soutient avoir été victime de mesures discriminatoires tant directes qu'indirectes. S'il relève qu'il n'a pas bénéficié d'une promotion à un poste de cadre en raison de ses activités syndicales, il ne résulte pas des seuls propos tenus par un cadre de la société Orange, ni des autres éléments produits par M. F..., que son absence de promotion ou d'évolution professionnelle serait liée à son engagement syndical. L'appelant fait en outre valoir qu'il n'a pas bénéficié d'un avancement comparable à celui d'agents placés dans une situation analogue à la sienne et qu'il a été privé d'une prime exceptionnelle. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 4, M. F... n'est pas fondé à soutenir que son déroulement de carrière aurait méconnu le principe d'égalité, ni qu'il a été privé à tort d'une prime à laquelle il pouvait prétendre. Si l'intéressé soutient qu'il n'était pas apte à occuper les postes qui lui ont été proposés par son employeur en 2014 et que ces postes ne correspondaient pas à ses compétences du fait de l'obtention de son diplôme de master 2 en ergologie, il ne résulte pas de l'instruction, pour les raisons exposées au point 6, que l'intéressé aurait été dans l'incapacité d'occuper le poste de correspondant local de sécurité qui lui a alors été proposé. La seule circonstance qu'il ait obtenu un master 2 en ergologie ne lui ouvrait, par elle-même, aucun droit à être nommé sur un poste de cadre. Enfin, M. F... se prévaut d'un appauvrissement de ses responsabilités. Toutefois, la circonstance qu'il ait occupé, même en fin de carrière, un poste de technicien d'intervention répartiteur, n'est pas de nature à faire présumer que son affectation sur ce poste correspondant à son grade présenterait un caractère discriminatoire. Dans ces conditions, et compte tenu de tout ce qui a été dit précédemment, les éléments de fait dont se prévaut M. F... ne sont pas susceptibles de faire présumer l'existence d'une situation de discrimination directe ou indirecte.

10. En sixième et dernier lieu, si M. F... soutient que son " maintien dans le grade d'agent de maîtrise devait être regardé comme entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ", il n'assortit pas ses allégations sur ce point de précisions suffisantes.

11. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de ses conclusions indemnitaires, M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société Orange à réparer les préjudices qu'il estime avoir subis.

12. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions indemnitaires présentées par M. F..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Orange, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. F... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. F... la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Orange et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.

Article 2 : M. F... versera la somme de 1 500 euros à la société Orange au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... F... et à la société Orange.

Délibéré après l'audience du 19 janvier 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Chazan, président,

- Mme E..., première conseillère,

- M. C..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 février 2021.

6

N° 18MA04971


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA04971
Date de la décision : 02/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique. Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. CHAZAN
Rapporteur ?: M. Raphaël MOURET
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : SELARL GOLDMANN ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 13/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-02-02;18ma04971 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award