Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner l'Etat à lui verser la somme de 64 810 euros en réparation des troubles dans les conditions d'existence que lui a causés l'arrêté du 20 janvier 2012 du préfet des Alpes-Maritimes refusant de faire droit à sa demande d'agrément pour l'exercice à titre individuel de l'activité de mandataire judiciaire à la protection des majeurs, ainsi que de condamner l'Etat à lui verser la somme 15 000 euros en réparation du préjudice moral que lui a causé cet arrêté du 20 janvier 2012, le tout assorti des intérêts capitalisés à compter du 4 mai 2016, date de réception par le préfet des Alpes-Maritimes de sa demande préalable.
Par un jugement n° 1604125 du 7 mars 2019, le tribunal administratif de Nice a condamné l'Etat à verser à M. B... la somme de 500 euros en réparation du préjudice subi, assortie des intérêts légaux à compter du 4 mai 2016, capitalisés à compter du 4 mai 2017, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date, et à lui verser 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et a rejeté le surplus des conclusions de la requête de M. B....
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 3 mai 2019 et le 21 juillet 2020,
M. C... B..., représenté par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 7 mars 2019 ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme 15 000 euros en réparation du préjudice moral que lui a causé cet arrêté du 20 janvier 2012, le tout assortit des intérêts capitalisés à compter du 4 mai 2016, date de réception par le préfet des Alpes-Maritimes de sa demande préalable ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en vertu de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- le jugement attaqué est irrégulier faute pour le tribunal d'avoir statué sur ses conclusions à fin d'injonction ;
- le jugement attaqué est irrégulier au motif qu'en ne lui laissant que 5 jours pour répondre à une demande de documents du 24 janvier 2019, il n'a pas pu établir la réalité des préjudices invoqués, et par suite, la faute de l'Etat qui a rejeté à tort son agrément pour exercer à titre individuel l'activité de mandataire judiciaire à la protection des majeurs justifie les indemnités sollicitées.
Par un mémoire en défense enregistré le 25 juin 2020, la ministre des solidarités et de la santé demande à la Cour de rejeter la requête.
La ministre soutient que les moyens du requérant sont infondés.
Une ordonnance du 1er juillet 2020 a fixé la clôture de l'instruction au 31 juillet 2020 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'action familiale et des familles ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... qui exerçait les fonctions de gérant de tutelles depuis le 13 mai 2004, a adressé le 4 août 2011 au préfet des Alpes-Maritimes une demande d'agrément pour exercer, à titre individuel, l'activité de mandataire judiciaire à la protection des majeurs en vertu de l'article L. 472-1 du code de l'action sociale et des familles portant sur la protection juridique des majeurs. Consulté sur cette demande, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nice a émis un avis défavorable, daté du 21 octobre 2011 et complété le
3 janvier 2012. Le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté cette demande par un arrêté n° 2012-108 du 20 janvier 2012. Le préfet s'est fondé sur l'avis défavorable du procureur de la République qui se réfère lui-même aux avis des juges des tutelles qui ont émis des réserves " quant à (la) capacité (de l'intéressé) à faire face à des situations difficiles et dans l'absorption des dossiers ". Toutefois, par un jugement n° 1200703 du 12 juin 2014, le tribunal administratif de Nice a considéré que cette allégation à caractère général n'étant étayée par aucune circonstance précise ni corroborée par aucune pièce permettant d'en apprécier la portée, et a annulé l'arrêté du
20 janvier 2012 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé à M. B... l'agrément sollicité. M. B... a alors demandé au tribunal administratif de Nice de condamner l'Etat à lui verser la somme de 64 810 euros en réparation des troubles dans les conditions d'existence que lui a causés l'arrêté du 20 janvier 2012, ainsi que de condamner l'Etat à lui verser la somme de 15 000 euros en réparation du préjudice moral que lui a causé cet arrêté du 20 janvier 2012, le tout assortit des intérêts capitalisés à compter du 4 mai 2016, date de réception par le préfet des Alpes-Maritimes de sa demande préalable. M. B... fait appel du jugement n° 1604125 du
7 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Nice a condamné l'Etat à lui verser la somme de 500 euros en réparation du préjudice subi, assortie de l'intérêt légal capitalisé, ainsi qu'à la somme de 1 500 euros en vertu de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et a rejeté le surplus de sa requête.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes (...). / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ".
3. Par une mesure du 24 janvier 2019, le tribunal a sollicité de M. B..., dans le délai de 5 jours, la production de tout élément de nature à établir les sommes perçues au titre de ses fonctions pour les années 2009, 2010 et 2011, ainsi que tout élément de nature à démontrer qu'il a subi une perte de revenu sur la période 2012 à 2016. Toutefois, il résulte de l'instruction, et notamment du point 4. du jugement attaqué, que, comme il en avait la possibilité, M. B... n'a produit aucun élément avant la clôture de l'instruction fixée au 6 novembre 2018, ni avant l'audience tenue le 7 février 2019. Dans ces conditions, le principe du droit à se défendre du requérant n'a pas été affecté, et ne saurait, dès lors, être utilement invoqué par lui. Ainsi,
M. B... n'est pas fondé à soutenir que la procédure juridictionnelle devant le tribunal est entachée d'irrégularité, et à demander, pour ce motif, l'annulation du jugement.
4. En second lieu, il ne résulte pas de l'instruction que M. B... a présenté des conclusions à fin d'injonction dans sa requête introductive d'instance ou dans son mémoire enregistrés devant le tribunal administratif de Nice. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué n'a pas statué sur de telles conclusions, doit être écarté comme manquant en fait.
Sur les conclusions indemnitaires :
5. Si l'illégalité dont est entachée une décision administrative constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la puissance publique, elle n'est de nature à ouvrir droit à réparation que dans la mesure où elle a été à l'origine d'un préjudice direct et certain.
6. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la décision du 20 janvier 2012 refusant l'agrément de M. B... pour exercer à titre individuel l'activité de mandataire judiciaire à la protection des majeurs, a été annulée par le tribunal pour un motif de fond tiré de l'erreur manifeste d'appréciation, et que cette illégalité est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'administration.
7. En deuxième lieu, l'illégalité susmentionnée présente un lien de causalité suffisamment direct et certain avec le préjudice au titre des troubles dans ses conditions d'existence résultant de la perte de revenus qui auraient été retirés de cette activité. M. B... fait valoir qu'il doit être indemnisé au titre des années 2012 à 2016 à hauteur de 64 810 euros sur la base d'un revenu annuel moyen de 12 960 euros calculé sur la moyenne de ses revenus au titre des trois années antérieures à 2012. Cependant, il résulte de l'instruction que ce n'est que le
1er avril 2015, que M. B... a sollicité à nouveau un agrément auprès du préfet, laquelle candidature n'a pas été retenue. Dans ces conditions, le préjudice de M. B... au titre de l'arrêté illégal ne peut être indemnisé qu'au titre des années 2012, 2013 et 2014, pour un montant annuel qui sera justement estimé à 12 000 euros, soit pour la période à 36 000 euros.
8. En troisième lieu, le refus dont M. B... a été l'objet a entraîné une conséquence sur son état moral en raison de son caractère brutal et non justifié, qui sera justement indemnisée à raison de 1 000 euros par année, soit 3 000 euros.
9. En quatrième lieu, si M. B... soutient qu'il doit être indemnisé des frais supplémentaires liés à des crédits immobiliers et domestiques contractés en raison de la perte brutale de ses revenus de mandataire judiciaire, dès lors que cette fonction ne présente pas un caractère pérenne, l'engagement de ces frais purement personnels et familiaux, est sans lien avec l'illégalité de la décision du 20 janvier 2012.
10. Il résulte de ce qui vient d'être dit, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a seulement condamné l'Etat à lui verser une somme de 500 euros au titre du préjudice subi.
Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :
11. La somme de 39 000 euros versée à M. B... en réparation des préjudices qu'il a subis portera intérêts au taux légal à compter du 4 mai 2016, date de réception de la réclamation préalable indemnitaire par le préfet des Alpes-Maritimes, et capitalisation desdits intérêts à compter du 4 mai 2017.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à M. B... en application des dispositions précitées.
D É C I D E :
Article 1er : L'Etat versera à M. B... une somme de 39 000 euros en réparation des préjudices subis assortie des intérêts légaux à compter du 4 mai 2016. Ces intérêts seront capitalisés à compter du 4 mai 2017 ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Article 2 : L'Etat versera à M. B... une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le jugement n° 1604125 du 7 mars 2019 du tribunal administratif de Nice est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de M. B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre des solidarités et de la santé.
Délibéré après l'audience du 12 janvier 2021, où siégeaient :
- M. Badie, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- M. A..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 janvier 2021.
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N° 19MA02038