La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/01/2021 | FRANCE | N°20MA04037-20MA04038

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 21 janvier 2021, 20MA04037-20MA04038


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... E... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 19 novembre 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois.

Par un jugement n° 1910765 du 26 mars 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête enregistrée le 30 octobre 2020, sous le n° 20MA

04037, Mme E... épouse C..., représenté par Me Gonand, demande à la Cour :

1°) d'annuler le juge...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... E... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 19 novembre 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois.

Par un jugement n° 1910765 du 26 mars 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête enregistrée le 30 octobre 2020, sous le n° 20MA04037, Mme E... épouse C..., représenté par Me Gonand, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 26 mars 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 19 novembre 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, à verser au conseil de la requérante, sous réserve qu'il s'engage à renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- l'arrêté méconnaît l'article 6 alinéa 1-7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire enregistré le 17 novembre 2020, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Mme E... épouse C... été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 septembre 2020.

II. Par une requête enregistrée le 30 octobre 2020, sous le n° 20MA04038, Mme A... E... épouse C..., représentée par Me Gonand, demande à la Cour :

1°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement du 26 mars 2020 ;

2°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, à verser au conseil de la requérante, sous réserve qu'il s'engage à renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- l'exécution de l'arrêté en litige entraînerait des conséquences difficilement réparables eu égard aux soins médicaux nécessités par sa pathologie ;

- l'arrêté attaqué méconnaît l'article 6 alinéa 1-7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire enregistré le 17 novembre 2020, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Mme E... épouse C... été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 septembre 2020.

Vu les pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Portail a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

Sur la jonction :

Les requêtes ont fait l'objet d'une instruction commune et sont relatives à la situation d'une même personne. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.

Sur le bien-fondé du jugement :

1. Mme E... épouse C..., ressortissante algérienne, a demandé la délivrance d'un titre de séjour. Par un arrêté du 19 novembre 2019, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par un jugement du 26 mars 2020, dont la requérante relève appel, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable en l'espèce en l'absence de stipulations particulières de l'accord franco-algérien : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ".

3. Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui en fait la demande au titre des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège des médecins mentionné à l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Il appartient au juge, pour contrôler si l'administration a correctement apprécié les possibilités d'accès effectif aux soins en Algérie, de se prononcer au vu de l'ensemble des éléments du dossier. Lorsque le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que les soins nécessaires étaient disponibles dans ce pays, il appartient à l'étranger d'apporter tous éléments probants de nature à contredire cette affirmation.

4. Il ressort des pièces du dossier que Mme E... épouse C... souffre d'une coronaropathie importante avec insuffisance cardiaque sévère, a été opérée à Marseille à plusieurs reprises de ses artères coronaires sténosées, est affectée de diabète insulino-dépendant, d'obésité, d'hypertension artérielle sévère et de dysthyroïdie. Aux termes des documents et certificats médicaux produits par l'intéressée, son état de santé, et notamment sa pathologie cardiaque, requièrent un suivi spécialisé régulier et un traitement au long cours. Selon l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) le 10 août 2019, cet état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, elle peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et son état de santé peut lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine au vu des éléments du dossier à la date de l'avis.

5. Il ressort des pièces du dossier que le traitement de Mme E... épouse C... comprend notamment l'Entresto 97 mg/ 103 mg. Il ressort de la Base de Données Publiques des Médicaments, accessible librement sur internet, que ce médicament est un antihypertenseur agissant sur le système rénine-angiotensine et qu'il ne comprend pas de générique. Le préfet des Bouches-du-Rhône ne conteste pas que ce médicament est indispensable au traitement suivi par la requérante pour sa cardiopathie et que son interruption pourrait avoir pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Il résulte d'ailleurs de l'extrait du dictionnaire Vidal produit par la requérante que ce médicament, qui associe le Valsartan et le Sacubitril, est un nouveau mécanisme d'action dans l'insuffisance cardiaque chronique. Il résulte du certificat établi par un cardiologue exerçant en Algérie que l'Entresto n'est pas disponible dans les pharmacies en Algérie. Le préfet des Bouches-du-Rhône ne remet pas en cause ces informations. Dans ces conditions, Mme E... épouse C..., qui justifie résider habituellement en France depuis 2016, établit que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'elle ne peut pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, elle est fondée à soutenir que le préfet des Bouches-du-Rhône a méconnu l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et à demander l'annulation du jugement attaqué ainsi que de l'arrêté du 19 novembre 2019.

Sur les conclusions au fins de sursis à exécution :

6. La Cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions de Mme C... aux fins d'annulation du jugement attaqué, ses conclusions aux fins de sursis à exécution sont devenues sans objet.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

7. Eu égard au motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement, en l'absence de changement de circonstances de droit ou de fait y faisant obstacle et résultant de l'instruction, la délivrance à l'intéressée d'un certificat de résident algérien d'un an. Il y a lieu d'enjoindre au préfet des BouchesduRhône de délivrer à Mme C... ce titre de séjour, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

8. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, à verser au conseil de la requérante, sous réserve qu'il s'engage à renoncer au bénéfice de la contribution à l'aide juridique.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 26 mars 2020 du tribunal administratif de Marseille et l'arrêté du 19 novembre 2019 du préfet des Bouches-du-Rhône sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à Mme E... épouse C... un certificat de résident algérien d'un an dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 20MA04038.

Article 4 : L'Etat versera à Me Gonand la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve qu'il s'engage à renoncer au bénéfice de la contribution à l'aide juridique.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... E... épouse C..., au ministre de l'intérieur et à Me Gonand.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Marseille.

Délibéré après l'audience du 7 janvier 2021, où siégeaient :

- M. Poujade, président,

- M. Portail, président-assesseur,

- Mme Gougot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 janvier 2021,

4

N°20MA04037, 20MA04038

hw


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20MA04037-20MA04038
Date de la décision : 21/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. POUJADE
Rapporteur ?: M. Philippe PORTAIL
Rapporteur public ?: Mme GIOCANTI
Avocat(s) : GONAND ; GONAND ; GONAND

Origine de la décision
Date de l'import : 30/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-01-21;20ma04037.20ma04038 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award