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21/01/2021 | FRANCE | N°18MA03485

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 21 janvier 2021, 18MA03485


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une demande, enregistrée le 28 août 2015 sous le n° 1506710, la commune de Miramas a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision implicite par laquelle l'administration fiscale a rejeté sa demande tendant à ce que soient corrigées les valeurs locatives des établissements situés sur son territoire sur la plateforme logistique de Clesud au titre des années 2012, 2013 et 2014 et soient émis des rôles supplémentaires relatifs à la taxe foncière au titre de ces années ainsi

qu'à ce qu'il soit enjoint à la direction départementale des finances publiques...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une demande, enregistrée le 28 août 2015 sous le n° 1506710, la commune de Miramas a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision implicite par laquelle l'administration fiscale a rejeté sa demande tendant à ce que soient corrigées les valeurs locatives des établissements situés sur son territoire sur la plateforme logistique de Clesud au titre des années 2012, 2013 et 2014 et soient émis des rôles supplémentaires relatifs à la taxe foncière au titre de ces années ainsi qu'à ce qu'il soit enjoint à la direction départementale des finances publiques des Bouches-du-Rhône de procéder, pour les établissements concernés, à la correction des valeurs locatives déclarées en appliquant la méthode comptable prévue par l'article 1499 du code général des impôts.

Par une demande, enregistrée le 16 octobre 2015 sous le n° 1508282, la commune de Miramas a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l'Etat à lui verser la somme de 3 045 000 euros augmentée des intérêts légaux décomptés à partir de la date du recours préalable, les intérêts portant eux-mêmes intérêts, en réparation des préjudices subis, au titre des années 2010, 2011 et 2012, du fait du comportement fautif des services fiscaux.

Par une demande, enregistrée le 1er décembre 2017 sous le n° 1709518, la commune de Miramas a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 030 010 euros augmentée des intérêts légaux décomptés à partir de la date du recours préalable, les intérêts portant eux-mêmes intérêts, en réparation des préjudices subis, au titre de l'année 2013, du fait du comportement fautif des services fiscaux.

Par un jugement n° 1506710, 1508282, 1709518 du 1er juin 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses trois demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 25 juillet 2018 et 6 septembre 2019, la commune de Miramas, représentée par la SCP Alcade et Associés agissant par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 1er juin 2018 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet précitée par laquelle l'administration fiscale a rejeté sa demande tendant à ce que soient corrigées les valeurs locatives des établissements situés sur son territoire sur la plateforme logistique de Clesud au titre des années 2012, 2013 et 2014 et soient émis des rôles supplémentaires relatifs à la taxe foncière au titre de ces années ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser, en réparation des préjudices subis, la somme de 4 161 800 euros, augmentée des intérêts légaux décomptés à partir de la date du recours préalable, les intérêts portant eux-mêmes intérêts ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des frais liés au litige.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable ;

- la prescription issue des dispositions de l'article L. 190 A du livre des procédures fiscales n'est pas applicable aux conclusions indemnitaires qu'elle a présentées ;

Sur l'illégalité de la décision contestée :

- les seize entrepôts logistiques situés dans la zone d'exploitation de plateformes logistiques dénommée Clesud présentent, en raison de leur superficie et des moyens techniques importants et prépondérants mis en oeuvre pour la réalisation de leur activité de stockage, le caractère d'établissements industriels au sens de l'article 1499 du code général des impôts ; les entrepôts précités répondent ainsi à tous les critères de l'établissement industriel tels qu'ils ont été définis par la jurisprudence et la doctrine administrative (BOI-IF-TBF-20-10-50-10) ;

- il en résulte que la décision par laquelle l'administration fiscale a refusé implicitement de modifier la valeur locative de ces établissements pour les années 2012, 2013 et 2014, en maintenant la méthode réservée aux locaux commerciaux prévue par l'article 1498 du code général des impôts, est entachée d'illégalité ;

Sur la responsabilité de l'Etat :

- le tribunal a fait une interprétation erronée des faits et des règles applicables en refusant de qualifier de fautif le comportement des services fiscaux à la suite de l'alerte donnée par le syndicat d'agglomération nouvelle Ouest Provence (SANOP) en décembre 2012, concernant une possible sous-évaluation des valeurs locatives de différents entrepôts situés dans son périmètre ;

- l'administration fiscale a commis une faute en procédant à la détermination de la valeur locative des seize entrepôts logistiques précités, selon la méthode fixée par l'article 1498 du code général des impôts, alors que ces établissements auraient dû être évalués selon la méthode comptable prévue par l'article 1499 de ce même code qui s'applique aux établissements industriels ; ces entrepôts répondent ainsi aux critères de l'établissement industriel tels qu'ils ont été définis par la jurisprudence et la doctrine administrative (BOI-IF-TBF-20-10-50-10) ;

- l'inaction du service, qui n'a pas modifié les valeurs locatives foncières pour les années 2010 à 2013 malgré un rapport qui lui a été adressé le 27 décembre 2012 par le SANOP, est constitutive d'une faute engageant sa responsabilité dès lors qu'elle a été privée illégalement d'une partie de ses recettes fiscales ; à cet égard, c'est à tort que le tribunal a estimé qu'elle devait apporter des éléments établissant de manière irréfutable une sous-évaluation des valeurs locatives ; elle n'avait à verser aux débats que des éléments suffisants de vraisemblance du caractère illégal de cette évaluation ; seule l'administration fiscale, qui a en charge l'établissement de l'assiette des impositions locales, disposait des informations qui lui étaient adressées par les entreprises concernées et de l'ensemble des pouvoirs de contrôle nécessaires afin de les vérifier ; elle aurait dû agir avant l'expiration des délais de reprise au titre des années 2010 à 2013 ;

Sur le préjudice :

- le préjudice indemnisable est égal à la perte de recettes consécutive à la sous-évaluation des bases de la taxe foncière par le service ; ce préjudice s'élève au minimum à 4 000 000 euros au titre des années 2010 à 2013 ; en toute hypothèse, les services fiscaux disposent de tous les éléments permettant d'apprécier le montant exact de la sous-évaluation des bases d'imposition ; il convient d'ajouter à ce montant les intérêts légaux dus depuis 2010 pour un montant de 151 800 euros ainsi qu'une somme de 10 000 euros au titre des dépenses qu'elle a engagées pour assurer sa défense devant les juridictions administratives ; la somme totale de 4 161 800 euros portera elle-même intérêts à compter de la présente demande.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 26 juin et 14 octobre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la Cour de rejeter la requête de la commune de Miramas.

Il fait valoir que :

- les conclusions indemnitaires, présentées dans la requête de première instance enregistrée sous le n° 1709518, sont irrecevables dès lors qu'elles ont été enregistrées au greffe du tribunal administratif à l'expiration du délai de recours contentieux ;

- en application de l'article L. 190 A du livre des procédures fiscales, l'action en responsabilité introduite par la commune de Miramas ne peut plus porter sur les années antérieures à l'année 2013 ;

- à titre subsidiaire, les moyens invoqués par l'appelante ne sont pas fondés dès lors que, d'une part, la décision contestée refusant l'émission des rôles supplémentaires n'est entachée d'aucune illégalité et, d'autre part, les conditions de la mise en jeu de sa responsabilité pour faute ne sont pas réunies ; en toute hypothèse, à la date de réception du courrier de la commune lui demandant de procéder à la correction des valeurs locatives, elle ne pouvait plus procéder à la correction de ces dernières dès lors que le délai de reprise de l'article L. 173 du livre des procédures fiscales était expiré et que ses services ne pouvaient user de la procédure des rôles particuliers issue de l'article L. 175 du même livre.

Par un courrier, enregistré le 4 juillet 2019, la commune de Miramas a sollicité l'organisation d'une mission de médiation prévue par les dispositions des articles L. 213-1 et suivants du code de justice administrative.

Par un courrier, enregistré le 8 octobre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics a manifesté son désaccord pour organiser une telle mission.

Par un courrier, enregistré le 15 novembre 2019, la commune de Miramas a pris acte de ce désaccord.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Courbon, rapporteur public,

- et les observations de Me C... pour la commune de Miramas.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Miramas, dont le territoire comprend une partie de la zone d'exploitation de plateformes logistiques dénommée Clesud, a, par une lettre en date du 13 mai 2015, demandé à l'administration fiscale de procéder à la rectification de la valeur locative de seize entrepôts situés son territoire, en vue de leur appliquer la méthode comptable prévue par l'article 1499 du code général des impôts. Par lettres des 22 mai 2015 et 11 janvier 2017, elle a également saisi l'administration de deux demandes de versement d'indemnités d'un montant égal à celui des recettes fiscales dont elle estime avoir été privée, au titre respectivement des années 2010 à 2012 et de l'année 2013, à raison du refus du service de procéder à la rectification de la valeur locative des entrepôts situés au sein de cette zone. La commune relève appel du jugement du 1er juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de la décision implicite de refus précitée et ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser les sommes respectives de 3 000 000 euros au titre des années 2010 à 2012 et 1 000 000 euros au titre de l'année 2013, auxquelles s'ajoutent les sommes de 35 400 euros et 20 010 euros au titre des intérêts au taux légal dus depuis respectivement 2010 et 2013 ainsi que deux fois la somme de 10 000 euros au titre des dépenses qu'elle a engagées pour assurer sa défense devant les juridictions administratives. En appel, la commune de Miramas porte sa demande indemnitaire à la somme totale de 4 161 800 euros, augmentée des intérêts au taux légal et des intérêts capitalisés.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Aux termes de l'article 1499 du code général des impôts : " La valeur locative des immobilisations industrielles passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties est déterminée en appliquant au prix de revient de leurs différents éléments, revalorisé à l'aide des coefficients qui avaient été prévus pour la révision des bilans, des taux d'intérêt fixés par décret en Conseil d'Etat (...) ". Revêtent un caractère industriel, au sens de ces dispositions, les établissements dont l'activité nécessite d'importants moyens techniques, non seulement lorsque cette activité consiste en la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers, mais aussi lorsque le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en oeuvre, fût-ce pour les besoins d'une autre activité, est prépondérant.

3. La commune de Miramas soutient que, sur son territoire, figure une partie de la zone d'exploitation de plateformes logistiques, dénommée Clesud, comprenant les seize entrepôts désignés M1, M2, M3, M4, M5, M6, M8, M9, M10, M12, M13, M14, M15, M16 (comprenant deux entités distinctes) et M17, et que ces derniers sont essentiellement destinés au stockage. L'appelante fait valoir qu'après avoir constaté que les exploitants et les propriétaires de ces entrepôts les avaient déclarés en locaux commerciaux et non en établissements industriels pour la détermination de leur valeur locative, le syndicat d'agglomération nouvelle Ouest Provence (SANOP), dont elle faisait partie, a fait procéder sur la période du 5 au 17 décembre 2012 à des constats d'huissier au sein de plusieurs d'entre eux. Les huissiers de justice disposaient à cet effet d'un questionnaire-type préétabli à partir de critères distinctifs retenus, selon la commune, par la jurisprudence relative à la qualification industrielle des entrepôts logistiques, et comportant des questions portant sur les caractéristiques des espaces exploités, l'évaluation journalière de l'activité, les opérations réalisées ainsi que les moyens humains et matériels mis en oeuvre. A partir des éléments de réponse ainsi recueillis, de photographies et vues aériennes des entrepôts ainsi que d'articles de presse ou de plaquettes de présentation de sociétés exploitantes, la commune dresse, dans sa requête d'appel, un tableau répertoriant quatorze des seize entrepôts concernés en mentionnant le numéro du bâtiment, sa superficie et son utilisateur avec, le cas échéant, la synthèse des éléments constatés par huissier relatifs aux caractéristiques de l'entreposage des produits, incluant leur réception, le stockage, ainsi qu'éventuellement le reconditionnement et l'expédition. Elle en déduit que l'ensemble de ces entrepôts logistiques utilisent des " moyens techniques importants " et que ces derniers jouent, au sens de la jurisprudence, un " rôle prépondérant " dans l'exercice de l'activité concernée.

4. Cependant, les questionnaires remplis à la demande des huissiers de justice ne concernent que les entrepôts M5, M9 et M14 sur les seize précités au point 3 du présent arrêt. Si les questionnaires-types comportent des questions relativement précises, ils n'ont été renseignés que partiellement ou par des données approximatives, la plupart du temps non chiffrées, et leurs réponses ne comportent aucune description du processus spécifique présidant à l'activité déployée dans les entrepôts concernés, de sorte que les informations recueillies ne permettent pas d'approcher la part que représente l'utilisation de moyens techniques dans l'exercice de l'activité, notamment par rapport aux moyens humains. En outre, la circonstance que l'activité d'entreposage se déroule dans des bâtiments de plus de 8 000 m² est à cet égard, contrairement à ce qui est soutenu, insuffisante pour conclure au caractère industriel des établissements en cause. La commune ajoute que, si le rapport précité n'a pu concerner que les entrepôts logistiques dont l'accès a été autorisé par les exploitants aux huissiers de justice mandatés par le SANOP, le processus de stockage des marchandises est en toute hypothèse similaire d'un entrepôt logistique à l'autre, la finalité des installations étant de stocker le moins longtemps possible les produits concernés, ce qui nécessiterait un matériel de manutention important et mécanisé jouant un rôle prépondérant dans ce processus. Toutefois, s'agissant des entrepôts M1, M2, M3, M4, M6, M8, M13, M15, M16 (comprenant deux entités distinctes) et M17, les photographies et extraits de sites internet, produits par l'appelante et dépourvus de tout caractère probant, ne sauraient davantage permettre une qualification des locaux en établissements industriels. Par ailleurs, s'agissant des entrepôts M10 et M12, la commune n'apporte aucun élément d'information sur les moyens techniques y figurant et l'activité effectivement déployée. Dans ces conditions, les pièces produites tant en appel qu'en première instance, constituées principalement des questionnaires précités remis par le SANOP mais également d'articles ou extraits de sites internet, ne permettent pas d'établir, notamment en l'absence d'éléments suffisamment précis et circonstanciés sur la teneur et le rôle des moyens techniques utilisés dans le processus de production, qu'au jour de la décision en litige, les seize entrepôts en litige relevaient de la catégorie des établissements industriels au sens et pour l'application de l'article 1499 du code général des impôts.

5. Enfin, la commune requérante, à supposer qu'elle se place sur le terrain de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, ne saurait se prévaloir valablement de la doctrine administrative référencée BOI-IF-TBF-20-10-50-10, dès lors que la garantie prévue par les dispositions de cet article ne trouve, en tout état de cause, pas à s'appliquer dans le contentieux de l'excès de pouvoir.

6. Par suite, la commune de Miramas n'est pas fondée à soutenir que la décision implicite par laquelle l'administration fiscale a refusé de procéder, au titre des années 2012 à 2014, à la correction de la valeur locative des entrepôts situés au sein de la zone d'exploitation de Clesud pour la partie située sur son territoire est entachée d'illégalité.

Sur les conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne la recevabilité de certaines conclusions indemnitaires présentées en première instance :

7. D'une part, aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction issue du décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016, et applicable aux requêtes enregistrées à compter du 1er janvier 2017 : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle. " Aux termes du premier alinéa de l'article R. 421-2 de ce code : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet. Toutefois, lorsqu'une décision explicite de rejet intervient avant l'expiration de cette période, elle fait à nouveau courir le délai de recours. " Et, aux termes de l'article R. 421-3 du même code, dans sa rédaction issue de l'article 10 du décret précité du 2 novembre 2016, et également applicable aux requêtes enregistrées à compter du 1er janvier 2017 : " Toutefois, l'intéressé n'est forclos qu'après un délai de deux mois à compter du jour de la notification d'une décision expresse de rejet : / 1° Dans le contentieux de l'excès de pouvoir, si la mesure sollicitée ne peut être prise que par décision ou sur avis des assemblées locales ou de tous autres organismes collégiaux ; / 2° Dans le cas où la réclamation tend à obtenir l'exécution d'une décision de la juridiction administrative.".

8. D'autre part, aux termes des dispositions de l'article L. 112-6 du code des relations entre le public et l'administration, en vigueur depuis le 1er janvier 2016, les délais de recours contentieux contre une décision implicite de rejet ne sont pas opposables à l'auteur d'une demande lorsque l'accusé de réception prévu par l'article L. 112-3 du même code ne lui a pas été transmis ou que celui-ci ne porte pas les mentions prévues à l'article R. 112-5 de ce code et, en particulier, la mention des voies et délais de recours. Cependant, aux termes de l'article L. 100-1 du code des relations entre le public et l'administration, le présent code ne régit que les relations entre le public et l'administration en l'absence de dispositions spéciales applicables. A cet égard, aux termes de l'article L. 100-3 de ce code, le public s'entend comme, aux termes du 2° a), " toute personne physique ", ou du 2° b), " Toute personne morale de droit privé, à l'exception de celles qui sont chargées d'une mission de service public lorsqu'est en cause l'exercice de cette mission ".

9. Il résulte de l'instruction que le silence gardé par les services fiscaux pendant plus de deux mois sur la demande préalable de la commune de Miramas en date du 11 janvier 2017, réceptionnée par les services fiscaux le 16 janvier 2017, a fait naître une décision implicite de rejet le 16 mars 2017. En application des dispositions, précitées au point 7, de l'article R. 421-2 du code de justice administrative, le délai de recours contre cette décision implicite de rejet expirait le 17 mai 2017. En outre, s'agissant de relations entre l'Etat et une collectivité territoriale, l'article L. 112-6 du code des relations entre le public et l'administration, qui subordonne l'opposabilité des délais de recours en matière de décisions implicites à la délivrance d'un accusé de réception comportant la mention des voies et délais de recours, n'est pas applicable, en vertu des dispositions, précitées au point 8, des articles L. 100-1 et L. 100-3 du même code. Il en résulte qu'ainsi que le ministre l'a fait valoir tant en première instance qu'en appel, la demande, qui a été enregistrée au greffe le 1er décembre 2017 sous le n° 1709518, par laquelle la commune de Miramas a demandé au tribunal administratif de Marseille de l'indemniser du préjudice subi à raison des recettes de taxe foncière non perçues au titre de l'année 2013, était donc tardive et, par suite, irrecevable.

En ce qui concerne le bien-fondé des conclusions indemnitaires portant sur les préjudices subis au titre des années 2010 à 2012 :

10. Une faute commise par l'administration lors de l'exécution d'opérations se rattachant aux procédures d'établissement et de recouvrement de l'impôt est de nature à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard d'une collectivité territoriale ou de toute autre personne publique si elle leur a directement causé un préjudice. Un tel préjudice peut être constitué des conséquences matérielles des décisions prises par l'administration et notamment du fait de ne pas avoir perçu des impôts ou taxes qui auraient dû être mis en recouvrement. L'administration peut invoquer le fait du contribuable ou, s'il n'est pas le contribuable, du demandeur d'indemnité comme cause d'atténuation ou d'exonération de sa responsabilité.

11. Ainsi qu'il a été précédemment exposé au point 3 du présent arrêt, par un courrier du 27 décembre 2012, le SANOP a demandé à l'administration fiscale de procéder à la rectification de la valeur locative de trente-trois entrepôts logistiques situés sur les zones de Clesud à Grans et à Miramas et de Distriport PSL à Port-Saint-Louis. Cependant, les éléments produits par le syndicat au soutien de sa demande ne pouvaient permettre au service de déterminer avec précision soit l'importance des moyens techniques mis en oeuvre dans chaque entrepôt, soit, s'agissant d'une activité de stockage essentiellement, la prépondérance de ces moyens dans l'exercice de cette activité. Par ailleurs, ainsi qu'il a été dit également, les autres éléments produits par la commune de Miramas pour justifier du caractère industriel des entrepôts, situés sur son territoire et n'ayant pas fait l'objet du questionnaire renseigné, sont insuffisants. En toute hypothèse, il ne résulte pas de l'instruction que d'autres éléments que ceux produits par le syndicat au soutien de sa demande auraient été portés à la connaissance du service afin d'attester de leur caractère industriel. Dans ces conditions, en n'ayant pas procédé à la requalification des entrepôts logistiques concernés en établissements industriels sur la base des seuls éléments produits par le SANOP en décembre 2012 et, par suite, en n'ayant pas procédé aux rehaussements de taxe foncière qui auraient résulté d'une telle requalification, les services fiscaux n'ont pas commis de faute de nature à engager leur responsabilité.

12. Par ailleurs, la commune de Miramas fait valoir que le comportement de l'administration fiscale est constitutif d'une carence fautive dès lors qu'en s'abstenant d'user de ses pouvoirs d'investigations et de procéder à des opérations de contrôle, elle n'a pas tiré les conséquences du rapport mentionné précédemment, qui comportait des informations permettant, à tout le moins, d'instituer une forte présomption de ce que les entrepôts concernés constituaient des établissements industriels au sens de la jurisprudence. Cependant, l'administration soutient d'abord sans être sérieusement contestée que les premières investigations ont été menées sur les entrepôts abritant des produits frais ou sous température dirigée, susceptibles de disposer de chambres froides, et sur ceux d'une superficie supérieure à 17 000 m², stockant des produits secs et mettant en oeuvre des technologies de type informatique embarquée, et non détenus par une société civile immobilière. Les investigations ont consisté dans un premier temps à rechercher sur internet des éléments d'information sur l'activité exercée au sein de ces entrepôts et, en présence d'indices d'une activité dans laquelle les moyens techniques étaient susceptibles d'être importants et prépondérants dans l'exercice des processus, à envoyer un courrier-type aux propriétaires des bâtiments en cause. Dans un second temps, en cas de persistance d'un doute sérieux sur leur qualification, l'administration fiscale a diligenté des contrôles sur place. Certains d'entre eux ont pu d'ailleurs confirmer l'absence d'établissement industriel, comme c'est le cas des bâtiments M5 et M8 situés à Miramas, tandis que d'autres ont entraîné la requalification totale ou partielle du bâtiment en établissement industriel, comme c'est le cas du bâtiment M11, ce dernier n'étant pas au demeurant concerné par la demande indemnitaire de la commune. Dans ces conditions, s'agissant en particulier d'impositions primitives reposant sur un régime déclaratif, la méthodologie retenue par le service afin de diligenter des opérations ciblées de contrôle ne saurait révéler un comportement fautif de l'administration fiscale. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la tardiveté de l'intervention de la commune auprès de l'administration fiscale au regard des délais de prescription prévus par les dispositions de l'article L. 173 du livre des procédures fiscales, ni de la possibilité pour cette dernière de faire usage de rôles particuliers issus de l'article L. 175 du même livre, la commune de Miramas n'établit pas l'existence d'une carence fautive de l'administration suite à l'alerte que le SANOP lui avait adressée dès décembre 2012 sur un risque de sous-estimation des valeurs locatives des entrepôts concernés.

13. Enfin, la commune requérante, à supposer qu'elle se place sur le terrain de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, ne saurait se prévaloir valablement de la doctrine administrative référencée BOI-IF-TBF-20-10-50-10, dès lors que la garantie prévue par les dispositions de cet article ne trouve, en tout état de cause, pas à s'appliquer dans le cadre d'une action en responsabilité reposant sur une faute qu'auraient commise les services fiscaux lors de l'exécution d'opérations se rattachant aux procédures d'établissement de l'impôt.

14. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la prescription des conclusions indemnitaires au regard des dispositions de l'article L. 190 A du livre des procédures fiscales, que la commune de Miramas n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes. Ses conclusions présentées au titre des frais liés au litige ne peuvent qu'être rejetées par voie de conséquence.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Miramas est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Miramas et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 7 janvier 2021, où siégeaient :

- M. Lascar, président,

- Mme B..., présidente assesseure,

- Mme A..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 janvier 2021.

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N° 18MA03485

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