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21/01/2021 | FRANCE | N°18MA03452

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 21 janvier 2021, 18MA03452


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La métropole Aix-Marseille Provence a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision implicite par laquelle l'administration fiscale a rejeté sa demande tendant à ce que soient corrigées les valeurs locatives des établissements situés sur les plateformes logistiques de Grans, Miramas et Port-Saint-Louis au titre des années 2015 et 2016 et soient émis des rôles supplémentaires en matière de cotisation foncière des entreprises et de taxe foncière au titre de ces années ainsi qu'

ce qu'il soit enjoint à la direction départementale des finances publiques de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La métropole Aix-Marseille Provence a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision implicite par laquelle l'administration fiscale a rejeté sa demande tendant à ce que soient corrigées les valeurs locatives des établissements situés sur les plateformes logistiques de Grans, Miramas et Port-Saint-Louis au titre des années 2015 et 2016 et soient émis des rôles supplémentaires en matière de cotisation foncière des entreprises et de taxe foncière au titre de ces années ainsi qu'à ce qu'il soit enjoint à la direction départementale des finances publiques des Bouches-du-Rhône de procéder, pour les établissements concernés, à la correction des valeurs locatives déclarées en appliquant la méthode comptable prévue par l'article 1499 du code général des impôts.

Par un jugement n° 1704021 du 1er juin 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 23 juillet 2018 et 27 juin 2019, la métropole Aix-Marseille Provence, représentée par la SCP Alcade et Associés agissant par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 1er juin 2018 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler la décision implicite par laquelle l'administration fiscale a rejeté sa demande tendant à ce que soient corrigées les valeurs locatives des établissements situés sur les plateformes logistiques de Grans, Miramas et Port-Saint-Louis au titre des années 2015 et 2016 ;

3°) d'enjoindre à la direction départementale des finances publiques des Bouches du Rhône de procéder, pour les établissements concernés, à la correction des valeurs locatives déclarées selon une méthode erronée, en appliquant la méthode comptable prévue par l'article 1499 du code général des impôts, et d'émettre en conséquence des rôles supplémentaires en matière de cotisation foncière des entreprises et de taxe foncière au titre des années précitées ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des frais liés au litige.

Elle soutient que :

- le tribunal a fait une interprétation erronée des faits et des règles applicables en refusant d'annuler la décision implicite des services fiscaux ;

- les entrepôts logistiques situés dans les zones d'exploitation de plateformes logistiques des communes de Grans, Miramas et Port-Saint-Louis présentent, en raison de leur superficie et des moyens techniques importants et prépondérants mis en oeuvre pour la réalisation de leur activité de stockage, le caractère d'établissements industriels au sens des dispositions de l'article 1499 du code général des impôts ; les entrepôts des plateformes logistiques précitées répondent tous aux critères de l'établissement industriel tels qu'ils ont été définis par la jurisprudence et la doctrine administrative (BOI-IF-TBF-20-10-50-10) ;

- il en résulte que la décision par laquelle l'administration des impôts a refusé de modifier la valeur locative de ces établissements pour les années 2015 et 2016, en maintenant la méthode réservée aux locaux commerciaux prévue par l'article 1498 du code général des impôts, est entachée d'illégalité ;

- l'administration fiscale a commis une faute en s'abstenant de diligenter des contrôles sur l'ensemble des entrepôts en vue de procéder à leur requalification en bâtiment industriel ;

- en matière de taxe foncière, les délais de reprise ne sont pas expirés dès lors que les dispositions de l'article L. 175 du livre des procédures fiscales permettant l'émission de rôles particuliers trouvent à s'appliquer ;

- en matière de cotisation foncière des entreprises, les délais de reprise issus de l'article L. 174 du livre des procédures fiscales ne sont pas expirés.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 19 décembre 2018 et 12 juillet 2019, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la Cour de rejeter la requête de la métropole Aix-Marseille Provence.

Il fait valoir que :

- les moyens d'annulation invoqués par l'appelante ne sont pas fondés ;

- en outre, s'agissant de la taxe foncière, aucun rôle supplémentaire ne pouvait être établi au titre de l'année 2015 au-delà du 31 décembre 2016 dès lors que le délai de reprise était expiré ;

- les conclusions aux fins d'injonction ne peuvent qu'être rejetées, en ce qui concerne l'émission de rôles supplémentaires de taxe foncière, dès lors que le délai de reprise pour l'année 2016 est désormais expiré.

Par un courrier, enregistré le 4 juillet 2019, la métropole Aix-Marseille Provence a sollicité l'organisation d'une mission de médiation prévue par les dispositions des articles L. 213-1 et suivants du code de justice administrative.

Par un courrier, enregistré le 8 octobre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics a manifesté son désaccord pour organiser une telle mission.

Par un courrier, enregistré le 15 novembre 2019, la métropole Aix-Marseille Provence a pris acte de ce désaccord.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Courbon, rapporteur public,

- et les observations de Me C... pour la Métropole Aix-Marseille Provence.

Considérant ce qui suit :

1. La métropole Aix-Marseille Provence, dont le territoire comprend plusieurs zones d'exploitation de plateformes logistiques, a, par une lettre en date du 17 mars 2017, demandé à l'administration fiscale de procéder à la rectification de la valeur locative de plusieurs entrepôts situés sur les plateformes de Clesud à Grans et Miramas ainsi que celle de Distriport PSL à Port-Saint-Louis, en vue de leur appliquer la méthode comptable prévue par l'article 1499 du code général des impôts. La métropole relève appel du jugement du 1er juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle l'administration fiscale a rejeté sa demande tendant à ce que soient corrigées les valeurs locatives de ces établissements et soient émis des rôles supplémentaires en matière de cotisation foncière des entreprises et de taxe foncière au titre des années 2015 et 2016.

2. Aux termes de l'article 1499 du code général des impôts : " La valeur locative des immobilisations industrielles passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties est déterminée en appliquant au prix de revient de leurs différents éléments, revalorisé à l'aide des coefficients qui avaient été prévus pour la révision des bilans, des taux d'intérêt fixés par décret en Conseil d'Etat (...) ". Revêtent un caractère industriel, au sens de ces dispositions, les établissements dont l'activité nécessite d'importants moyens techniques, non seulement lorsque cette activité consiste en la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers, mais aussi lorsque le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en oeuvre, fût-ce pour les besoins d'une autre activité, est prépondérant.

3. Pour contester la légalité de la décision implicite de rejet de l'administration fiscale précitée au point 1 du présent arrêt, la métropole Aix-Marseille Provence soutient que, sur son territoire, figurent plusieurs zones d'exploitation de plateformes logistiques, dont celle de Clesud, située à la fois sur les communes de Grans et Miramas, et celle de Distriport PSL sur la commune de Port-Saint-Louis, et que certains de ces entrepôts, dont sept situés à Grans, seize à Miramas et dix à Port-Saint-Louis, sont essentiellement destinés à l'activité de stockage. L'appelante fait valoir qu'après avoir constaté que les exploitants, redevables de la cotisation foncière des entreprises, et les propriétaires, redevables de la taxe foncière, avaient déclaré ces entrepôts en locaux commerciaux et non en établissements industriels pour la détermination de leur valeur locative, le syndicat d'agglomération nouvelle Ouest Provence (SANOP), auquel la métropole requérante s'est substituée le 1er janvier 2016, a fait procéder, au sein de certains d'entre eux, sur la période du 5 au 17 décembre 2012, à des constats par voie d'huissier de justice. Ces derniers disposaient à cet effet d'un questionnaire-type préétabli à partir de critères distinctifs retenus, selon la métropole, par la jurisprudence relative à la qualification industrielle des entrepôts logistiques, et comportant des questions portant sur les caractéristiques des espaces exploités, l'évaluation journalière de l'activité, les opérations réalisées ainsi que les moyens humains et matériels mis en oeuvre. A partir des éléments de réponse ainsi recueillis, de photographies et vues aériennes des entrepôts ainsi que d'articles de presse ou de plaquettes de présentation de sociétés exploitantes, la métropole dresse, dans sa requête d'appel, un tableau répertoriant certains des entrepôts concernés en mentionnant le numéro du bâtiment, sa superficie et son utilisateur avec, le cas échéant, la synthèse des éléments constatés par huissier relatifs aux caractéristiques de l'entreposage des produits, incluant leur réception, le stockage, ainsi qu'éventuellement le reconditionnement et l'expédition. Elle en déduit que l'ensemble de ces entrepôts logistiques utilisent des " moyens techniques importants " et que ces derniers jouent, au sens de la jurisprudence, un " rôle prépondérant " dans l'exercice de l'activité concernée.

4. S'agissant de la zone de Clesud située à Miramas comprenant les entrepôts désignés M1, M2, M3, M4, M5, M6, M8, M9, M10, M12, M13, M14, M15, M16 (constitué de deux entités) et M17, parmi les documents remis par le SANOP à l'administration fiscale le 27 décembre 2012, au titre desquels figurait plus particulièrement le questionnaire type préétabli par les services du syndicat auquel les exploitants des entrepôts ont été invités à répondre par sommations interpellatives, seuls trois d'entre eux concernaient des entrepôts situés à Miramas, à savoir les entrepôts M5, M9 et M14. En outre, la métropole se prévaut, d'une part, s'agissant de la zone de Clesud à Grans comprenant les entrepôts G1, G2, G3, G5, G7, G8 et G9, des informations recueillies par le biais du questionnaire précité uniquement pour les entrepôts G7 et G9, et, d'autre part, s'agissant de la zone de Distriport PSL comprenant les entrepôts A1, A2, A3, A4, B1, B2, B3, B5, B8 (séparé en deux entités), celles relatives aux entrepôts A1, A2, A3 et B5. Si ces informations tendent à établir que certains entrepôts logistiques utilisent des moyens techniques importants, l'imprécision voire l'absence de réponse apportée à certaines questions ne permettait pas aux services fiscaux de disposer de toutes les informations requises pour établir que ces derniers jouaient un rôle prépondérant dans l'exercice de l'activité déployée dans chacun de ces bâtiments, la seule circonstance qu'elle se déroule dans des bâtiments de plus de 8 000 m² étant à cet égard, contrairement à ce qui est soutenu, insuffisante pour conclure au caractère industriel des établissements en cause. La métropole ajoute que, si le rapport précité n'a pu concerner que les entrepôts logistiques dont l'accès a été autorisé par les exploitants aux huissiers de justice mandatés par le SANOP, l'activité de stockage et d'entreposage ainsi que le processus qui sous-tend cette activité, ne diffèrent pas d'un entrepôt logistique à l'autre. Cependant, pour les entrepôts dont la seule information connue est la superficie, le propriétaire et l'exploitant, comme c'est le cas notamment des entrepôts M1, M2, M6 ou M15, la circonstance alléguée selon laquelle le processus d'exploitation serait similaire d'un entrepôt à l'autre, la finalité des installations étant de stocker le moins longtemps possible les produits visés, ce qui nécessiterait un matériel de manutention important et mécanisé, ne saurait suffire, à elle seule, à établir la nature industrielle de chacun de ces établissements, dès lors que les critères à prendre en compte sont, ainsi qu'il a déjà été dit, ceux de l'importance des moyens matériels et de la prépondérance de leur rôle dans l'activité exercée. En outre, les plans, photographies et extraits de sites internet produits par l'appelante ne sont pas suffisamment précis et probants pour justifier que d'autres entrepôts, notamment ceux désignés M3, M8, M13, M16, M17 ou encore G9 pour la partie exploitée par la société Mousset Logistics, pouvaient recevoir la qualification d'établissements industriels. Enfin, la circonstance alléguée par la métropole selon laquelle l'administration fiscale, qui dispose seule des pouvoirs d'investigations nécessaires en vue d'obtenir les informations requises pour connaître avec précision la situation des entrepôts concernés, aurait commis une faute en s'abstenant de diligenter des contrôles sur l'ensemble des entrepôts en vue de procéder à leur requalification en bâtiment industriel, est sans incidence sur la légalité de la décision contestée. Dans ces conditions, les pièces produites tant en première instance qu'en appel, constituées principalement des questionnaires précités remis par le SANOP mais également d'articles ou extraits de sites internet, ne permettent pas d'établir, notamment en l'absence d'éléments suffisamment précis et circonstanciés démontrant la prépondérance des moyens techniques utilisés dans le processus de production, qu'au jour de la décision en litige, l'ensemble des entrepôts concernés relevaient de la catégorie des établissements industriels au sens et pour l'application de l'article 1499 du code général des impôts. Par suite, la métropole Aix-Marseille Provence n'est pas fondée à soutenir qu'en refusant de procéder, au titre des années 2015 et 2016, à la correction de la valeur locative des entrepôts situés au sein des plateformes logistiques de Clesud à Grans et Miramas ainsi que celle de Distriport PSL à Port-Saint-Louis, l'administration fiscale a fait une inexacte application des dispositions précitées.

5. Enfin, la métropole requérante, à supposer qu'elle se place sur le terrain de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, ne saurait se prévaloir valablement de la doctrine administrative référencée BOI-IF-TBF-20-10-50-10, dès lors que la garantie prévue par les dispositions de cet article ne trouve, en tout état de cause, pas à s'appliquer dans le contentieux de l'excès de pouvoir.

6. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la métropole Aix-Marseille Provence n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre des frais liés au litige ne peuvent qu'être rejetées par voie de conséquence.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la métropole Aix-Marseille Provence est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la métropole Aix-Marseille Provence et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 7 janvier 2021, où siégeaient :

- M. Lascar, président,

- Mme B..., présidente assesseure,

- Mme A..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 janvier 2021.

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N° 18MA03452

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