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19/01/2021 | FRANCE | N°19MA01443

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 19 janvier 2021, 19MA01443


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Aurore a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la mise en demeure valant commandement de payer la somme de 12 252 euros émise à son encontre le 23 mai 2016 par le comptable public de la trésorerie de Leucate au titre de la redevance d'archéologie préventive, d'annuler la décision du directeur départemental des finances publiques de l'Aude du 12 juillet 2016, d'annuler la décision du directeur départemental des territoires et de la mer de l'Aude d

u 5 août 2016, enfin, de prononcer le dégrèvement de la somme de 12 252 eur...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Aurore a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la mise en demeure valant commandement de payer la somme de 12 252 euros émise à son encontre le 23 mai 2016 par le comptable public de la trésorerie de Leucate au titre de la redevance d'archéologie préventive, d'annuler la décision du directeur départemental des finances publiques de l'Aude du 12 juillet 2016, d'annuler la décision du directeur départemental des territoires et de la mer de l'Aude du 5 août 2016, enfin, de prononcer le dégrèvement de la somme de 12 252 euros mise à sa charge par cette mise en demeure ou, subsidiairement, de prononcer le dégrèvement du montant de la redevance d'archéologie préventive mentionné dans le permis de construire du 8 mars 2012.

Par un jugement n° 1605161 du 25 janvier 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 27 mars 2019 et 29 juillet 2020, la SCI Aurore, représentée par la SCPA A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 25 janvier 2019 ;

2°) d'annuler les décisions mentionnées ci-dessus des 23 mai, 12 juillet et 5 août 2016 ;

3°) de prononcer le dégrèvement de la somme de 12 252 euros mise à sa charge par la mise en demeure valant commandement de payer émise à son encontre le 23 mai 2016 ou, subsidiairement, de prononcer le dégrèvement de la somme de 11 137 euros correspondant au montant de la redevance d'archéologie préventive mentionné dans le permis de construire qui lui a été délivré le 8 mars 2012 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de

l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a statué ultra petita et a dénaturé les pièces du dossier au point 7 du jugement attaqué ;

- le tribunal a statué ultra petita aux points 12 et 13 du jugement dès lors qu'elle n'a pas contesté la majoration de 10 % du montant de la redevance en cause ;

- le tribunal a commis une erreur de droit au regard de l'article L. 524-6 du code du patrimoine ;

- les premiers juges ont irrégulièrement relevé d'office un moyen d'ordre public au point 11 du jugement attaqué et le tribunal était compétent pour se prononcer sur la régularité formelle de la mise en demeure en litige ;

- les décisions litigieuses sont insuffisamment motivées ;

- les dispositions des articles L. 524-4 et L. 524-6 du code du patrimoine applicables en l'espèce sont celles en vigueur du 11 août 2004 au 30 décembre 2011 ;

- elle n'est pas redevable de la redevance d'archéologie préventive en application des des deuxième et troisième alinéas de l'article L. 524-6 du code du patrimoine ;

- la créance en cause est prescrite en application du II de l'article L. 524-8 du code du patrimoine ;

- elle subit une rupture d'égalité de traitement au sens de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et le droit à dégrèvement d'une imposition irrégulièrement établie constitue un bien au sens de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 31 juillet 2020, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens invoqués par la SCI Aurore ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du patrimoine ;

- le livre des procédures fiscales ;

- la loi validée du 27 septembre 1941 modifiée ;

- la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 ;

- la loi n° 2003-707 du 1er août 2003 ;

- le décret n° 2004-490 du 3 juin 2004 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant la SCI Aurore.

Considérant ce qui suit :

1. La SCI Aurore relève appel du jugement du 25 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande qu'il a interprétée comme tendant à la décharge, d'une part, de la redevance d'archéologie préventive à laquelle elle a été assujettie à raison du permis de construire qui lui a été délivré le 8 mars 2012 par le maire de Narbonne et, d'autre part, de l'obligation de payer la somme de 12 252 euros résultant de la mise en demeure tenant lieu de commandement de payer émise à son encontre le 23 mai 2016. Eu égard à la nature du présent litige, qui relève du plein contentieux fiscal, la SCI Aurore doit être regardée comme présentant à la cour de telles conclusions à fin de décharge.

2. Il résulte de l'article L. 521-1 du code du patrimoine que l'archéologie préventive a notamment pour objet d'assurer " la détection, la conservation ou la sauvegarde par l'étude scientifique des éléments du patrimoine archéologique affectés ou susceptibles d'être affectés par les travaux publics ou privés concourant à l'aménagement ". En vertu des dispositions combinées de l'article L. 522-1 du même code et de l'article 14 du décret du 3 juin 2004 relatif aux procédures administratives et financières en matière d'archéologie préventive, alors en vigueur et dont les dispositions sont aujourd'hui reprises à l'article R. 523-15 de ce code, le préfet de région peut prescrire la réalisation, avant le début de travaux d'aménagement, d'un diagnostic " qui vise, par des études, prospections ou travaux de terrain, à mettre en évidence et à caractériser les éléments du patrimoine archéologique éventuellement présents sur le site et à présenter les résultats dans un rapport ". Sur la base de ce diagnostic, l'autorité préfectorale peut prescrire soit la réalisation d'une fouille " qui vise, par des études, des travaux de terrain et de laboratoire, à recueillir les données archéologiques présentes sur le site, à en faire l'analyse, à en assurer la compréhension et à présenter l'ensemble des résultats dans un rapport final ", soit " la modification de la consistance du projet permettant d'éviter en tout ou partie la réalisation des fouilles ".

3. Aux termes de l'article L. 524-4 du code du patrimoine, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Le fait générateur de la redevance d'archéologie préventive est : / a) Pour les travaux soumis à autorisation ou à déclaration préalable en application du code de l'urbanisme, à l'exception des lotissements, la délivrance de cette autorisation ou la non-opposition aux travaux (...) / Dans le cas où l'aménageur souhaite que le diagnostic soit réalisé avant la délivrance de l'autorisation préalable ou la non-opposition aux travaux mentionnée au a (...), le fait générateur de la redevance est le dépôt de la demande de réalisation du diagnostic ". Selon l'article 1er du décret du 3 juin 2004 relatif aux procédures administratives et financières en matière d'archéologie préventive, alors en vigueur et dont les dispositions sont désormais reprises à l'article R. 523-1 du code du patrimoine : " Les opérations d'aménagement, de construction d'ouvrages ou de travaux qui, en raison de leur localisation, de leur nature ou de leur importance, affectent ou sont susceptibles d'affecter des éléments du patrimoine archéologique ne peuvent être entreprises que dans le respect des mesures de détection et, le cas échéant, de conservation et de sauvegarde par l'étude scientifique ainsi que des demandes de modification de la consistance des opérations ". L'article 4 du même décret, alors en vigueur et aujourd'hui repris à l'article R. 523-4 du code du patrimoine, dispose que : " Entrent dans le champ de l'article 1er : (...) / 2° La réalisation de zones d'aménagement concerté créées conformément à l'article L. 311-1 du code de l'urbanisme et affectant une superficie supérieure ou égale à 3 hectares (...) ". En vertu du 2° du I de l'article 8 du décret du 3 juin 2004, aujourd'hui codifié à l'article R. 523-9 du code du patrimoine, dans le cas prévu au 2° de son article 4 notamment, le préfet de région est saisi, pour les zones d'aménagement concerté, par la personne publique ayant pris l'initiative de la création de la zone qui lui adresse le dossier de réalisation approuvé.

4. Il résulte de l'instruction que, saisi par la commune de Narbonne dans le cadre du projet de création de la zone d'aménagement concerté dénommée " Les Collines de Réveillon ", le préfet de la région Languedoc-Roussillon a, par un arrêté du 30 décembre 2005, prescrit la réalisation d'un diagnostic archéologique sur des terrains d'une superficie totale de près de 30 hectares. Ce diagnostic ayant permis de mettre en évidence différents vestiges, cette même autorité a, le 22 septembre 2007, prescrit la réalisation de fouilles archéologiques sur une partie de ces terrains. La SCI Aurore s'est vu délivrer, le 8 mars 2012, un permis de construire sur un terrain situé dans le périmètre de cette zone d'aménagement concerté. Elle a été assujettie, au titre de ce permis de construire, à la redevance d'archéologie préventive.

5. Selon le deuxième alinéa de l'article L. 524-6 du code du patrimoine, dans sa rédaction alors en vigueur, la redevance d'archéologie préventive " n'est pas due lorsque l'emprise des constructions a déjà fait l'objet d'une opération visant à la détection, à la conservation ou à la sauvegarde par l'étude scientifique du patrimoine archéologique, réalisée dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ". Il ne résulte pas de ces dispositions, qui sont claires, ni d'aucune autre disposition que le législateur ait, ainsi que le soutient la ministre qui se prévaut inutilement à cet égard tant des travaux préparatoires de la loi visée ci-dessus du 1er août 2003 que des énonciations de la circulaire du 23 juin 2005 relative à la redevance d'archéologie préventive, entendu exclure du champ d'application de la redevance d'archéologie préventive les seuls travaux ou aménagements portant sur des terrains ayant fait l'objet d'une opération d'archéologie préventive soit au cours de la période comprise entre le 1er février 2002 et le 30 octobre 2003 sous l'empire de la loi du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive, soit avant le 1er février 2002 sous l'empire de la loi validée du 27 septembre 1941 portant réglementation des fouilles archéologiques.

6. Il résulte de l'instruction que le terrain d'assiette du projet de la SCI Aurore a fait l'objet du diagnostic archéologique évoqué au point 4. Par ailleurs, la société requérante produit, pour la première fois en appel, une attestation établie le 14 février 2019 par un géomètre-expert dont il résulte que les fouilles archéologiques prescrites en 2007, à la suite de ce diagnostic, ont notamment porté sur la majeure partie de ce terrain. Dans ces conditions, le terrain en cause ayant déjà fait l'objet d'opérations d'archéologie préventive, la SCI Aurore ne pouvait, en application des dispositions citées ci-dessus du deuxième alinéa de l'article L. 524-6 du code du patrimoine, être assujettie à la redevance d'archéologie préventive. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué et les autres moyens de sa requête, la SCI Aurore est fondée à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses conclusions tendant à la décharge de cette redevance à laquelle elle a été assujettie.

7. Il résulte de la décharge prononcée au point précédent, qui frappe de caducité les effets de la mise en demeure tenant lieu de commandement de payer émise le 23 mai 2016 à l'encontre de la SCI Aurore, que les conclusions tendant à la décharge de l'obligation de payer procédant de cette mise en demeure ont perdu leur objet.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à la SCI Aurore au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 25 janvier 2019 est annulé.

Article 2 : La SCI Aurore est déchargée de la redevance d'archéologie préventive à laquelle elle a été assujettie.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la SCI Aurore tendant à la décharge de l'obligation de payer procédant de la mise en demeure tenant lieu de commandement de payer émise à son encontre le 23 mai 2016.

Article 4 : L'Etat versera à la SCI Aurore la somme de 1 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Aurore, à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée au préfet de l'Aude, au directeur départemental des finances publiques de l'Aude et au directeur départemental des territoires et de la mer de l'Aude.

Délibéré après l'audience du 6 janvier 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Chazan, président,

- Mme Simon, président assesseur,

- M. B..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 janvier 2021.

2

N° 19MA01443


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA01443
Date de la décision : 19/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-08-02 Contributions et taxes. Parafiscalité, redevances et taxes diverses. Redevances.


Composition du Tribunal
Président : M. CHAZAN
Rapporteur ?: M. Raphaël MOURET
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : SCP D'AVOCATS EMERIC VIGO

Origine de la décision
Date de l'import : 06/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-01-19;19ma01443 ?
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