Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La Région Occitanie a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'avis du 31 mars 2017 par lequel le conseil de discipline de recours de la Région Occitanie a estimé qu'il n'y avait pas lieu d'engager une procédure disciplinaire à l'encontre de M. B... F..., ayant fait l'objet d'une révocation par un arrêté du 3 février 2017.
Par un jugement n° 1701735 du 7 décembre 2018, le tribunal administratif de Montpellier a annulé cet avis du 31 mars 2017 du conseil de discipline de recours de la fonction publique territoriale de la région Occitanie.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 29 janvier 2019 et les 26 mars, 1er juillet et 3 septembre 2020, M. F..., représenté par Me E..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 7 décembre 2018 ;
2°) de rejeter la demande de la région Occitanie devant le tribunal administratif de Montpellier ;
3°) de mettre à la charge de la région Occitanie une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les dispositions de l'article R. 711-3 du code de justice administrative ont été méconnues ;
- le jugement est irrégulier en ce qu'il est entaché de dénaturation et d'erreur d'appréciation d'un arrêt de la Cour ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative ;
- c'est à bon droit que le conseil de discipline de recours a considéré que la Région aurait dû chercher la procédure adaptée à son comportement, étant potentiellement malade plutôt que l'évincer sans ménagement ;
- c'est également à bon droit que le conseil de discipline de recours a considéré que la Région pouvait rechercher si M. F... était responsable de ses actes.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 21 mai 2019 et les 16 juin et 1er septembre 2020, la région Occitanie, représentée par la SCP Vinsonneau-Palies Noy Gauer et associés conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. F... d'une somme, dans le dernier état de ses écritures, de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par M. F... ne sont pas fondés.
M. F... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 juin 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de Me E..., représentant M. F..., et de Me D..., représentant la région Occitanie.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 3 février 2017, le président de la région Occitanie a prononcé, à la suite de l'avis favorable à cette mesure émis à l'unanimité le 13 janvier 2017 par le conseil de discipline, la révocation de M. F..., attaché territorial affecté depuis 2014 à la maison de Région à Béziers. A la suite de la saisine par ce dernier dans le cadre des dispositions de l'article 91 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale du conseil de discipline de recours, ce dernier a, le 31 mars 2017, estimé que, " dans les circonstances particulières de l'espèce, il n'y avait pas lieu d'engager une procédure disciplinaire et de prononcer la révocation " de l'intéressé. M. F... interjette appel du jugement du 7 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a annulé cet avis.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne la régularité du jugement :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 7 du code de justice administrative : " Un membre de la juridiction, chargé des fonctions de rapporteur public, expose publiquement, et en toute indépendance, son opinion sur les questions que présentent à juger les requêtes et sur les solutions qu'elles appellent " et aux termes de l'article R. 711-3 du même code : " " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne ". La communication aux parties du sens des conclusions, prévue par ces dispositions, a pour objet de mettre les parties en mesure d'apprécier l'opportunité d'assister à l'audience publique, de préparer, le cas échéant, les observations orales qu'elles peuvent y présenter, après les conclusions du rapporteur public, à l'appui de leur argumentation écrite et d'envisager, si elles l'estiment utile, la production, après la séance publique, d'une note en délibéré. En conséquence, les parties ou leurs mandataires doivent être mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l'audience, l'ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d'adopter, à l'exception de la réponse aux conclusions qui revêtent un caractère accessoire, notamment celles qui sont relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Cette exigence s'impose à peine d'irrégularité de la décision rendue sur les conclusions du rapporteur public. En revanche, s'il appartient au rapporteur public de préciser, en fonction de l'appréciation qu'il porte sur les caractéristiques de chaque dossier, les raisons qui déterminent la solution qu'appelle, selon lui, le litige, et notamment d'indiquer, lorsqu'il propose le rejet de la requête, s'il se fonde sur un motif de recevabilité ou sur une raison de fond, et de mentionner, lorsqu'il conclut à l'annulation d'une décision, les moyens qu'il propose d'accueillir, la communication de ces informations n'est pas prescrite à peine d'irrégularité de la décision juridictionnelle.
3. Il ressort des pièces du dossier que le rapporteur public devant le tribunal administratif de Montpellier a indiqué sur l'application Sagace, le sens de ses conclusions, en vue de l'audience du 23 novembre 2018 " Satisfaction totale ou partielle " concernant le sens synthétique des conclusions et " Annulation de l'avis du 31 mars 2017 du conseil de discipline de recours de la fonction publique territoriale de la région Occitanie (erreur d'appréciation) " concernant la rubrique " Sens des conclusions et moyens ou causes retenues ". Le rapporteur public a ainsi précisé le moyen qu'il proposait à la formation de jugement d'accueillir.
4. En deuxième lieu, le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments de l'intéressé, a suffisamment motivé son jugement.
5. En dernier lieu, un jugement n'est entaché d'une irrégularité que lorsque le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui. La contestation du bien-fondé du jugement ne met pas en cause sa régularité. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le jugement est irrégulier en ce qu'il serait entaché de dénaturation et d'erreur d'appréciation d'un précédent arrêt de la Cour.
En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :
6. Pour estimer que les faits reprochés à M. F... pour la période à compter d'avril 2016 ne justifiaient pas l'engagement d'une procédure disciplinaire, le conseil de disciplinaire de recours a considéré que la situation actuelle était semblable à celle de 2008 dans le cadre d'une précédente sanction de révocation où l'intéressé avait été déclaré irresponsable de ses actes à la suite d'une expertise psychiatrique, ce qui aurait dû alerter la Région.
7. Le tribunal, pour annuler l'avis dudit conseil, a retenu que celui-ci avait commis une erreur de fait dès lors qu'il n'était pas établi que M. F... était effectivement atteint d'un trouble psychiatrique au moment des faits qui lui étaient reprochés.
8. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, et notamment du certificat médical établi le 13 mai 2016 adressé à la maison départementale des personnes handicapées que M. F..., victime de " psychotraumatismes de l'enfance ", a été victime " d'épisodes psychotiques aigüs " ayant nécessité son hospitalisation en 2008 où il a été diagnostiqué comme souffrant de troubles bipolaires et où un suivi psychiatrique et une prise en charge médicamenteuse à compter du 30 octobre 2012 ont été prescrits, et que cet état de santé constitue un véritable " handicap pour sa vie professionnelle ". Les troubles bipolaires du requérant ont été médicalement constatés à plusieurs autres reprises, notamment à l'occasion de faits similaires à ceux reprochés en l'espèce ayant donné lieu, en 2008, à une procédure pénale classée sans suite et une procédure disciplinaire, qui n'a finalement donné lieu à aucune sanction, ainsi que dans le cadre d'une expertise judiciaire. Bien que pris en charge médicalement et n'ayant commis aucun fait fautif entre 2008 et 2015, eu égard à la nature de l'affection mentale de l'intéressé, maladie psychiatrique au long cours se caractérisant notamment par une perte de contrôle extrême dans le comportement révélée par le contenu des courriels comminatoires et propos outranciers reprochés à M. F..., l'état pathologique dans lequel il se trouvait lorsqu'il les a adressés, comme l'a d'ailleurs constaté le juge pénal qui a classé sans suite les deux plaintes déposées pour ces mêmes faits, est établi. Il suit de là que le requérant est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a estimé que l'avis du conseil de discipline de recours du 31 mars 2017 était entaché d'erreur de fait.
9. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par la Région Occitanie devant le tribunal administratif de Montpellier.
10. Il ressort de l'ensemble des pièces du dossier, et notamment des pièces médicales, que le discernement de M. F... n'était pas, à la date des faits retenus à son encontre, aboli mais uniquement altéré. Dans ces conditions, la région Occitanie est fondée à soutenir que le conseil de discipline de recours a entaché son avis d'une erreur d'appréciation en estimant qu'il n'y avait pas lieu de prononcer une sanction disciplinaire à l'encontre du requérant.
11. Il résulte de ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'avis du 31 mars 2017.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la région Occitanie, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse à M. F... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'appelant une quelconque somme au titre de ces mêmes dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la région Occitanie sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... F..., à la région Occitanie et à Me E....
Délibéré après l'audience du 6 janvier 2021, où siégeaient :
- M. Chazan, président,
- Mme A..., président assesseur,
- Mme C..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 janvier 2021.
N° 19MA00459 5