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07/01/2021 | FRANCE | N°20MA01940-20MA01941

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 07 janvier 2021, 20MA01940-20MA01941


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 14 novembre 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

M. G... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 14 novembre 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le

délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 14 novembre 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

M. G... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 14 novembre 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1910293, n° 1910327 en date du 10 février 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée le 30 mai 2020 sous le n° 20MA01940, Mme C..., représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 10 février 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 14 novembre 2019 du préfet des Bouches-du-Rhône ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " et, à titre subsidiaire, de procéder à l'enregistrement de sa demande de titre de séjour en qualité " d'étranger malade " et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que son conseil renonce à percevoir le bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- le préfet n'a pas procédé à un examen réel et complet de sa situation avant de l'obliger à quitter le territoire français ;

- dès lors qu'elle peut prétendre de plein droit à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle ne peut faire l'objet d'une mesure d'éloignement ;

- l'arrêté en litige méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire en défense.

II. Par une requête, enregistrée le 1er juin 2020 sous le n° 20MA01941, M. B..., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 10 février 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 14 novembre 2019 du préfet des Bouches-du-Rhône ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que son conseil renonce à percevoir le bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- le préfet n'a pas procédé à un examen réel et complet de sa situation avant de l'obliger à quitter le territoire français ;

- l'arrêté en litige méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté en litige a été pris en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. B... et Mme C... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions du 26 juin 2020.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la Cour a désigné Mme F..., présidente assesseure, pour présider la formation de jugement, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Le rapport de Mme E... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Les demandes d'asile présentées par M. B... et Mme C..., ressortissants ivoiriens nés en 1991 et 1993, ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par des décisions du 13 septembre 2019. Par deux arrêtés du 14 novembre 2019 pris au vu de ces décisions, le préfet des Bouches-du-Rhône a obligé M. B... et Mme C... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par des requêtes enregistrées sous les n° 20MA01940 et 20MA01941, Mme C... et M. B... font appel du jugement du 10 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Marseille, après avoir joint leurs demandes d'annulation de ces arrêtés, les a rejetées.

2. Les requêtes susvisées, qui concernent le même jugement et des décisions administratives relatives aux membres d'une même famille, présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt.

3. Si les requérants soutiennent que le préfet n'a pas tenu compte de leurs situations personnelles et notamment de ce que Mme C... a retiré une demande de titre de séjour " étranger malade " le 4 octobre 2019 dont le dépôt a été refusé le 18 novembre 2019, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Bouches-du-Rhône ait eu connaissance, à la date de l'arrêté en litige, d'élément ou de document liés à cette demande. Dans ces conditions, les moyens tirés de ce que le préfet n'aurait pas procédé à un examen réel et complet de la situation des appelants doivent être écartés.

4. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".

5. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 que Mme C..., qui au demeurant ne peut être regardée comme résidant habituellement en France, dès lors qu'elle n'y est entrée qu'un an avant la date de la décision en litige, s'est abstenue d'informer le préfet des Bouches-du-Rhône de son état de santé. En tout état de cause, si Mme C... est suivie dans le service des maladies infectieuses de l'Institut hospitalo-universitaire Méditerranée Infection pour une affection de longue durée, il ressort du compte-rendu de consultation du 12 novembre 2019 du Dr Tissot Dupont que l'intéressée doit être suivie " une fois par an environ " pour cette pathologie. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision obligeant Mme C... à quitter le territoire français a été prise en méconnaissance de l'article L. 511-4-10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (...) ". En outre, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 (...) ".

7. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré récemment en France et qu'il n'a été autorisé à y résider qu'en raison des démarches qu'il a accomplies en vue d'obtenir le statut de réfugié. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 que rien ne fait obstacle à ce qu'il poursuive, avec sa compagne, sa vie privée et familiale hors de France, et notamment en Côte d'Ivoire, ainsi que leurs enfants. Dans ces conditions, la décision contestée obligeant M. B... à quitter le territoire français n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. Les circonstances invoquées au point 7 ne suffisent pas à caractériser des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Ces dispositions font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement, un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée.

10. Les requérants, dont les demandes d'asile ont été rejetées, n'apportent aucun élément probant de nature à établir la réalité des risques qu'ils encourent en cas de retour dans leur pays d'origine. Par suite, en désignant la Côte d'Ivoire ou tout autre pays pour lequel ils établissent être légalement admissibles comme pays de destination des mesures d'éloignement, le préfet des Bouches-du-Rhône, qui a procédé à un examen particulier de la situation des intéressés, n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande. Par suite, leurs requêtes doivent être rejetées, y compris leurs conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

D É C I D E :

Article 1er : Les requêtes de M. B... et Mme C... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... B..., à Mme H... C..., à Me A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2020, où siégeaient :

- Mme F..., présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme E..., première conseillère,

- Mme D..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 janvier 2021.

6

N° 20MA01940, 20MA01941

mtr


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA01940-20MA01941
Date de la décision : 07/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme BERNABEU
Rapporteur ?: Mme Jeannette FEMENIA
Rapporteur public ?: Mme COURBON
Avocat(s) : ALI

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-01-07;20ma01940.20ma01941 ?
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