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31/12/2020 | FRANCE | N°19MA04005

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 31 décembre 2020, 19MA04005


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du 1er décembre 2016 du directeur du centre communal d'action sociale (CCAS) de La Valette prononçant son licenciement pour inaptitude physique et fixant le montant de l'indemnité de licenciement à la somme de 2 126,88 euros, confirmée par la décision implicite ayant rejeté son recours gracieux, et de condamner le CCAS de La Valette à lui verser la somme de 33 077,26 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir

subis du fait de son licenciement.

Par un jugement n° 1701630 du 20 juin ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du 1er décembre 2016 du directeur du centre communal d'action sociale (CCAS) de La Valette prononçant son licenciement pour inaptitude physique et fixant le montant de l'indemnité de licenciement à la somme de 2 126,88 euros, confirmée par la décision implicite ayant rejeté son recours gracieux, et de condamner le CCAS de La Valette à lui verser la somme de 33 077,26 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de son licenciement.

Par un jugement n° 1701630 du 20 juin 2019, le tribunal administratif de Toulon a condamné le CCAS de La Valette à verser à Mme A... la somme de 15 000 euros, a rejeté le surplus des conclusions de sa requête et a mis à sa charge la somme de 1 500 euros au titre des frais liés à l'instance.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 20 août 2019 et le 12 juin 2020, le CCAS de La Valette, représenté par la SELARL Mauduit, D..., Goirand et Associés, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 20 juin 2019 en tant qu'il l'a condamné à verser à Mme A... la somme de 15 000 euros et a mis à sa charge la somme de 1 500 euros au titre des frais de procédure ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Toulon ;

3°) de mettre à la charge de Mme A... la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé en ce qui concerne le chiffrage des préjudices ;

- aucune faute ne peut lui être imputée pour ne pas avoir invité l'agent qui n'avait pas été déclaré inapte de manière définitive avant le 27 octobre 2016 à présenter une demande de reclassement ;

- il n'était pas tenu d'inviter Mme A... à présenter une demande de reclassement compte tenu de son inaptitude définitive à ses fonctions et à tous postes ;

- il se trouvait en situation de compétence liée pour licencier l'agent contractuel ;

- les préjudices financier et moral ne sont pas établis ;

- à défaut, l'auteur de la décision de licenciement bénéficiait d'une délégation de fonction ;

- les indemnités de licenciement versées ont été exactement calculées ;

- la durée du préavis est régulière.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 12 mai et 12 octobre 2020, Mme A..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) à titre principal, de rejeter la requête ;

2°) à titre subsidiaire, par la voie de l'appel incident :

- d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 20 juin 2019 en tant qu'il a limité à 15 000 euros le montant de l'indemnité allouée et a rejeté les conclusions à fin d'annulation ;

- d'annuler la décision du 1er décembre 2016, confirmée par la décision de rejet de son recours gracieux ;

- de porter le montant de l'indemnité due à 33 077,26 euros ;

3°) de mettre à la charge du CCAS de La Valette la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision de licenciement est entachée d'un vice d'incompétence ;

- l'obligation de reclassement s'applique à l'agent contractuel de droit public déclaré inapte physiquement de manière définitive à occuper son emploi ;

- le calcul des indemnités de licenciement effectué par l'employeur est erroné ;

- aucun préavis de licenciement n'est nécessaire en cas de licenciement pour inaptitude physique ;

- elle n'a pas été informée de la faculté de renoncer au préavis ;

- la responsabilité de l'employeur est engagée en raison des fautes commises du fait du retard dans la mise en oeuvre de la procédure la déclarant inapte et de licenciement et de l'absence de reclassement ;

- elle a droit au versement d'une indemnité de 15 000 euros en réparation des préjudices financier et moral, de 5 000 euros au titre du préavis et de 13 077,26 euros au titre des indemnités de licenciement.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la Cour a désigné Mme E..., présidente-assesseure de la 2ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F...,

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., représentant le CCAS de La Valette.

Considérant ce qui suit :

1. Le CCAS de La Valette relève appel du jugement du 20 juin 2019 en tant que par celui-ci le tribunal administratif de Toulon l'a condamné à verser à Mme A... la somme de 15 000 euros à titre indemnitaire et a mis à sa charge la somme de 1 500 euros au titre des frais de procédure. Mme A... conclut, à titre principal, au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, par la voie de l'appel incident, à l'annulation de la décision prononçant son licenciement et fixant l'indemnité de licenciement à la somme de 2 126,88 euros ainsi qu'à une meilleure indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de son licenciement pour inaptitude physique.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Les premiers juges, après avoir retenu que l'employeur de Mme A... n'apportait aucun élément relatif au reclassement dont l'agent aurait pu faire l'objet entre la date à laquelle elle a été placée en arrêt de travail non indemnisé et celle à laquelle le médecin du travail l'a déclarée définitivement inapte à ses fonctions et à tous postes au sein du CCAS de La Valette, ont évalué les préjudices financier et moral subis du fait de la durée de la situation d'attente dans laquelle elle a été placée au regard de cette durée. Ils ont ainsi suffisamment motivé leur jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la responsabilité du fait de l'absence de recherche de reclassement et d'invitation à présenter une demande de reclassement avant le 27 octobre 2016 :

3. Il résulte du principe général du droit dont s'inspirent tant les dispositions du code du travail relatives à la situation des salariés qui, pour des raisons médicales, ne peuvent plus occuper leur emploi que des règles statutaires applicables dans ce cas aux fonctionnaires, que, lorsqu'il a été médicalement constaté qu'un salarié se trouve de manière définitive atteint d'une inaptitude physique à occuper son emploi, il appartient à l'employeur de le reclasser dans un autre emploi et, en cas d'impossibilité, de prononcer, dans les conditions prévues pour l'intéressé, son licenciement. Ce principe est applicable en particulier aux agents contractuels de droit public, catégorie à laquelle appartient Mme A.... Toutefois, l'administration n'est pas tenue de rechercher un poste de reclassement lorsque, en raison de l'altération de son état de santé, l'agent ne peut plus exercer d'activité et ne peut ainsi faire l'objet d'aucune mesure de reclassement.

4. Il résulte de l'instruction que Mme A..., qui a été recrutée le 23 juin 1988 par le CCAS de La Valette en tant qu'aide à domicile par un contrat à durée indéterminée, a présenté une sciatique hyperalgique invalidante à partir du 6 mai 2006. Si elle a été déclarée, à la suite de l'avis du médecin du travail du 7 janvier 2010, temporairement inapte à l'exercice de la fonction d'aide à domicile, puis a été placée en congé de maladie à compter du 8 janvier 2010 sans aucune prise en charge de la sécurité sociale à partir du 14 mars 2011, il n'appartenait alors pas au CCAS, informé par le médecin du travail le 11 janvier 2010 de la nécessité d'aménager le poste de travail de Mme A... compte tenu de son inaptitude temporaire, et en l'absence d'inaptitude définitive à ce poste, de reclasser l'agent dans un autre emploi. En outre, aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait au CCAS de La Valette d'entreprendre en 2010 des démarches afin que l'agent soit déclaré inapte définitivement et sa responsabilité ne peut être engagée du fait d'un quelconque retard dans la mise en place de la procédure de licenciement pour inaptitude physique. Le CCAS de la Valette est donc fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont retenu que sa responsabilité était engagée du fait de la carence à rechercher un reclassement et à inviter Mme A... à présenter une demande de reclassement entre la date à laquelle elle a été placée en arrêt de travail non indemnisé et celle à laquelle le médecin du travail l'a déclarée définitivement inapte à ses fonctions et à tous postes, soit le 27 octobre 2016.

En ce qui concerne le surplus des conclusions présentées par Mme A... devant le tribunal et ses conclusions d'appel incident :

S'agissant de la légalité de la décision du 1er décembre 2016 :

5. Ainsi que cela a été mentionné au point 4, le médecin du travail a reconnu Mme A..., définitivement et totalement inapte aux fonctions qu'elle exerçait et à tous postes au sein du CCAS de La Valette par un avis du 27 octobre 2016. Le directeur du CCAS de La Valette, qui s'est borné à constater l'inaptitude définitive et totale de Mme A... à son poste et à tous postes ainsi relevée par le médecin du travail, était en situation de compétence liée pour procéder au licenciement de l'agent. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cette décision doit être écarté comme inopérant et Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du 1er décembre 2016 par laquelle le directeur du CCAS de La Valette a prononcé son licenciement pour inaptitude physique.

S'agissant des conclusions indemnitaires :

6. D'une part, il résulte de ce qui a été exposé aux points 4 et 5 que le CCAS de La Valette n'était pas tenu de rechercher un reclassement ni d'inviter Mme A... à présenter une demande de reclassement postérieurement au 27 octobre 2016, mais était dans l'obligation de procéder à son licenciement pour inaptitude physique. Sa responsabilité n'est donc pas susceptible d'être engagée du fait de l'absence de telles recherche et invitation.

7. D'autre part, il résulte de l'instruction que le CCAS de La Valette a appliqué un préavis de licenciement de quatre mois à l'agent conformément aux dispositions de l'article 40 du décret du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale, et du 3° de l'article L. 5212-13 du code du travail dès lors que Mme A... justifiait d'une ancienneté dans le service supérieure à deux ans et bénéficiait d'une rente d'invalidité depuis le 15 janvier 2009, ainsi que l'ont retenu à bon droit les premiers juges. Par ailleurs, si Mme A... soutient n'avoir pas été informée de son droit de renoncer à tout moment à ce préavis, elle ne l'établit pas, alors qu'en tout état de cause, il ne résulte ni de l'article 13 de ce décret, ni d'aucune autre disposition légale ou réglementaire, ni d'aucun principe, qu'existait une obligation en ce sens à la charge de son employeur. Il suit de là que c'est à bon droit que les premiers juges ont écarté la demande de Mme A..., qui ne bénéficiait plus d'aucune prise en charge depuis le 14 mars 2011 ainsi qu'indiqué au point 4, tendant à la condamnation de son employeur à lui payer la période de préavis.

8. Enfin, si Mme A... soutient que l'indemnité de licenciement fixée par son employeur à 2 126,88 euros par la décision du 1er décembre 2016 méconnaît les modalités de calcul fixées par les dispositions des articles 45 et 46 du décret du 15 février 1988, qui sont relatives aux contrats à temps partiel, elle ne justifie pas avoir été employée par le CCAS de La Valette dans le cadre d'un tel contrat à temps partiel alors qu'il résulte de l'instruction, en particulier des bulletins de salaire des années 2000 à 2003 et 2005 qu'elle produit, qu'elle a été recrutée sur un emploi permanent à temps non complet, régi par les articles 104 à 108 de la loi du 26 janvier 1984. Mme A... n'est par suite pas fondée à demander que le CCAS de La Valette soit condamné à lui verser la somme de 13 077,26 euros au titre de cette indemnité.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le CCAS de La Valette est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulon l'a condamné à verser à Mme A... la somme de 15 000 euros au titre de ses préjudices financier et moral et à demander l'annulation des articles 1er et 2 du jugement du 20 juin 2019 et le rejet de la demande présentée par celle-ci devant le tribunal administratif de Toulon ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions d'appel incident.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du CCAS de La Valette, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... la somme demandée par le CCAS de La Valette au titre de ces mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement du tribunal administratif de Toulon du 20 juin 2019 sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le tribunal, ses conclusions d'appel incident ainsi que celles qu'elle a présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au centre communal d'action sociale de La Valette et à Mme B... A....

Délibéré après l'audience du 10 décembre 2020 où siégeaient :

- Mme E..., présidente-assesseure, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme F..., première conseillère,

- M. Sanson, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 décembre 2020.

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N° 19MA04005

kp


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA04005
Date de la décision : 31/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - violation directe de la règle de droit - Principes généraux du droit - Reconnaissance de droits sociaux fondamentaux.

Fonctionnaires et agents publics - Agents contractuels et temporaires - Fin du contrat - Licenciement.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : Mme JORDA-LECROQ
Rapporteur ?: Mme Agnes BOURJADE
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : SELARL MAUDUIT LOPASSO GOIRAND et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-12-31;19ma04005 ?
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