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31/12/2020 | FRANCE | N°19MA02980

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 31 décembre 2020, 19MA02980


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'ordonner une expertise afin de déterminer la nature et l'étendue des préjudices qu'elle estime avoir subis à la suite de la chute dont elle a été victime le 23 décembre 2015, et d'autre part, de condamner la métropole Aix-Marseille-Provence à lui verser une indemnité de 10 000 euros, à parfaire en fonction des conclusions du rapport d'expertise.

Par un jugement n° 1706221 du 2 mai 2019, le tribunal administratif de Ma

rseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'ordonner une expertise afin de déterminer la nature et l'étendue des préjudices qu'elle estime avoir subis à la suite de la chute dont elle a été victime le 23 décembre 2015, et d'autre part, de condamner la métropole Aix-Marseille-Provence à lui verser une indemnité de 10 000 euros, à parfaire en fonction des conclusions du rapport d'expertise.

Par un jugement n° 1706221 du 2 mai 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 1er juillet 2019 et 13 octobre et 27 novembre 2020, Mme B..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille ;

2°) de condamner la métropole Aix-Marseille-Provence à lui verser une indemnité de 10 000 euros à parfaire en réparation des préjudices qu'elle impute à sa chute ;

3°) d'ordonner une expertise afin de déterminer la nature et l'étendue de ses préjudices ;

4°) de mettre à la charge de la métropole Aix-Marseille-Provence une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le lien de causalité entre les travaux effectués sur le boulevard Camille Pelletan et sa chute le 23 décembre 2015 est suffisamment établi par les attestations de témoins et les photographies qu'elle produit ;

- la responsabilité de la métropole Aix-Marseille-Provence est engagée, en sa qualité de maître d'ouvrage de ces travaux, pour défaut d'entretien normal ;

- elle a subi plusieurs préjudices dont l'exacte étendue pourra être déterminée par la réalisation d'une expertise médicale ;

- en tout état de cause, elle est en droit de prétendre au versement d'une indemnité de 10 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 septembre 2020, la métropole Aix-Marseille-Provence, représentée par Me G..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme B... la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les conclusions indemnitaires de Mme B... sont mal dirigées dès lors que seule la responsabilité du maître d'oeuvre est susceptible d'être recherchée à raison des conséquences dommageables des travaux qu'il réalise ;

- à titre principal, elle s'en remet à l'appréciation de la cour sur la demande de réalisation d'une expertise ;

- à titre subsidiaire, ni les circonstances exactes de la chute de Mme B..., ni le défaut d'entretien normal de l'ouvrage qu'elle invoque ne sont établis ;

- l'imprudence de la victime est de nature à l'exonérer de sa responsabilité ;

- le montant à parfaire de la somme demandée par Mme B... n'est pas justifié.

La requête et les mémoires ont été communiqués à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

La présidente de la cour a désigné Mme H..., présidente-assesseure de la 2ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. F...,

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant Mme B..., et de Me E..., représentant la métropole d'Aix-Marseille-Provence.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... relève appel du jugement du 2 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant, d'une part, à la condamnation de la métropole Aix-Marseille-Provence à lui verser une indemnité de 10 000 euros à parfaire en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à la suite de la chute dont elle a été victime le 23 décembre 2015 boulevard Camille Pelletan à Marseille, et d'autre part, à la réalisation d'une expertise afin de déterminer la nature et l'étendue exacte de ses préjudices.

Sur la fin de non-recevoir opposée par la métropole Aix-Marseille-Provence à la demande présentée par Mme B... devant le tribunal :

2. La métropole Aix-Marseille-Provence, qui a la qualité de maître de l'ouvrage public que constitue la voie en cause, n'est pas fondée à soutenir que les conclusions de la victime présentées au titre d'un défaut d'entretien normal de cet ouvrage et tendant à la réparation des préjudices résultant de sa chute ne pouvaient qu'être présentées à l'encontre de l'entrepreneur ayant exécuté les travaux publics sur cette voie. Par suite, la fin de non-recevoir qu'elle oppose, tirée de ce que ces conclusions sont mal dirigées à son encontre, doit être écartée.

Sur la responsabilité et les conclusions indemnitaires de Mme B... :

3. Il appartient à l'usager d'un ouvrage public qui demande réparation d'un préjudice qu'il estime imputable à cet ouvrage de rapporter la preuve de l'existence d'un lien de causalité entre celui-ci et le préjudice invoqué. Le maître de l'ouvrage ne peut être exonéré de l'obligation d'indemniser la victime qu'en rapportant, à son tour, la preuve soit que cet ouvrage était en état d'entretien normal, soit que le dommage est imputable à une faute de la victime ou à un cas de force majeure.

4. Il résulte tant du rapport d'incident produit en appel par la métropole que des attestations nombreuses et concordantes de témoins directs que Mme B... verse à l'instruction que l'intéressée a chuté le 23 décembre 2015 au niveau du 121 boulevard Camille Pelletan à Marseille, sur une portion de la chaussée sur laquelle des travaux publics étaient en cours, dans une excavation comblée de ciment frais. La métropole n'apporte aucun élément de nature à établir un entretien normal de l'ouvrage, notamment par la mise en place d'une signalisation appropriée et d'une voie de passage permettant de contourner cet obstacle, lequel excède les défectuosités qu'un piéton normalement prudent et attentif doit s'attendre à rencontrer, même dans une zone en travaux. Ce défaut d'entretien normal de l'ouvrage public est de nature à engager la responsabilité de la métropole Aix-Marseille-Provence.

5. Il appartenait toutefois à Mme B..., dont l'accident a eu lieu en plein jour, de prendre toutes les précautions nécessaires pour circuler sur une chaussée dont elle ne pouvait ignorer qu'elle était en travaux. Ainsi, la requérante a commis une imprudence de nature à exonérer la métropole de la moitié de sa responsabilité.

6. L'article R. 621-1 du code de justice administrative prévoit que la juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'elles, ordonner avant dire droit qu'il soit procédé à une expertise sur les points qu'elle détermine.

7. Il résulte de l'instruction, en particulier des certificats médicaux produits par Mme B... que celle-ci a pour le moins présenté un syndrome d'entorse à la cheville droite et un traumatisme à l'épaule droite ayant entraîné une incapacité temporaire de travail. Toutefois, l'état du dossier ne permet à la cour d'apprécier ni la nature, ni l'étendue exacte des préjudices corporels subis par Mme B... à la suite de son accident.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande et qu'il y a lieu d'ordonner une expertise médicale avant de statuer sur les préjudices de la requérante.

D É C I D E :

Article 1err : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 2 mai 2019 est annulé.

Article 2 : Il sera, avant de statuer sur les préjudices de Mme B..., procédé par un expert désigné par la présidente de la cour administrative d'appel, à une expertise. L'expert aura pour mission de :

1°) se faire communiquer les documents médicaux utiles à sa mission, examiner Mme B... et décrire son état actuel ;

2°) préciser dans quelle mesure l'état actuel de Mme B... est imputable aux séquelles de l'accident dont elle a été victime le 23 décembre 2015 ;

3°) déterminer, d'une part, la date de consolidation de l'état de santé de Mme B... à la suite de cet accident et, d'autre part, l'ensemble des préjudices en relation directe avec celui-ci, notamment la durée et le taux du déficit fonctionnel temporaire, le taux du déficit fonctionnel permanent, le préjudice esthétique, les souffrances endurées et le préjudice d'agrément.

Article 3 : L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il prêtera serment par écrit devant la greffière en chef de la cour. L'expert déposera son rapport au greffe de la cour en deux exemplaires et en notifiera copie aux parties dans le délai fixé par la présidente de la cour dans sa décision le désignant.

Article 4 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statué en fin d'instance.

Article 5 : Tous droits et moyens des parties, sur lesquels il n'est pas expressément statué par le

présent arrêt, sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B..., à la métropole Aix-Marseille-Provence, et à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 10 décembre 2020, où siégeaient :

- Mme H..., présidente-assesseure, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme I..., première conseillère,

- M. F..., conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 décembre 2020.

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N° 19MA02980


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA02980
Date de la décision : 31/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-03-04 Travaux publics. Différentes catégories de dommages. Dommages créés par l'exécution des travaux publics.


Composition du Tribunal
Président : Mme JORDA-LECROQ
Rapporteur ?: M. Pierre SANSON
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : SCP INTER-BARREAUX IAFA (ALLAM - FILLIOL - ABBOU)

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-12-31;19ma02980 ?
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