La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/12/2020 | FRANCE | N°18MA04467

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 24 décembre 2020, 18MA04467


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Union locale CGT de La Ciotat a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, la décision du 27 mars 2015 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur (DIRECCTE PACA) a autorisé la suppression du comité d'entreprise de la société H2X, et, d'autre part, la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre du travail sur son recours

hiérarchique.

Par un jugement n° 1605068 du 14 août 2018, le tribunal ad...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Union locale CGT de La Ciotat a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, la décision du 27 mars 2015 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur (DIRECCTE PACA) a autorisé la suppression du comité d'entreprise de la société H2X, et, d'autre part, la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre du travail sur son recours hiérarchique.

Par un jugement n° 1605068 du 14 août 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 13 octobre 2018, le 31 août 2020 et le 11 septembre 2020, l'Union locale CGT de La Ciotat, représentée par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 14 août 2018 ;

2°) d'annuler la décision du 27 mars 2015 du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et la décision implicite de rejet de son recours hiérarchique ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société IXBLUE la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision autorisant la suppression du comité d'entreprise ne pouvait intervenir qu'après que l'inspecteur du travail ait procédé à une enquête contradictoire, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce ;

- elle n'a été avisée ni de la demande de suppression formée par la société H2X ni de la décision intervenue sur cette demande, qui ne lui a été notifiée que tardivement ;

- la fusion intervenue entre les sociétés H2X et IXBLUE faisait obstacle à la délivrance de l'autorisation sollicitée ;

- il n'est pas établi que les conditions prévues à l'article L. 2322-7 du code du travail pour autoriser la suppression du comité d'entreprise, et notamment l'absence d'un accord avec les organisations syndicales représentatives et une baisse importante et durable des effectifs, soient réunies en l'espèce ;

- au regard de la situation existant dans la société et notamment de la volonté de l'employeur de licencier le délégué syndical, l'administration pouvait refuser de délivrer l'autorisation sollicitée alors même que l'effectif aurait été inférieur à cinquante salariés.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 5 avril 2019 et le 2 septembre 2020, la société IXBLUE, venant aux droits de la société H2X, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Union locale CGT de La Ciotat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par l'Union locale CGT de La Ciotat ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à la ministre du travail, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

La clôture immédiate de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 28 septembre 2020, en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que le moyen tenant à la méconnaissance par l'inspecteur du travail du caractère contradictoire de l'enquête, fondé sur une cause juridique distincte de celle de première instance, constitue une demande nouvelle irrecevable en appel.

Par un mémoire, enregistré le 28 octobre 2020, la société IXBLUE a présenté des observations en réponse à la communication du moyen susceptible d'être relevé d'office.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., représentant l'Union locale CGT de La Ciotat, et de Me B..., représentant la société IXBLUE.

Considérant ce qui suit :

1. Par une première décision du 23 décembre 2014, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Provence Alpes Côte d'Azur (DIRECCTE) a refusé la suppression du comité d'entreprise de la société H2X. Celle-ci a formé un recours gracieux contre cette décision. Par une seconde décision du 27 mars 2015, le DIRECCTE a, d'une part, retiré sa décision du 23 décembre 2014 et, d'autre part, autorisé la suppression du comité d'entreprise. L'Union locale CGT de La Ciotat relève appel du jugement du 14 août 2018 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 27 mars 2015, ainsi que de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre du travail sur son recours hiérarchique.

Sur la légalité des décisions en litige :

2. Aux termes de l'article L. 2322-7 du code du travail, dans sa rédaction alors en vigueur : " La suppression d'un comité d'entreprise est subordonnée à un accord entre l'employeur et l'ensemble des organisations syndicales représentatives. A défaut d'accord, l'autorité administrative peut autoriser la suppression du comité d'entreprise en cas de réduction importante et durable du personnel ramenant l'effectif au-dessous de cinquante salariés ". Aux termes de l'article R. 2322-2 du même code : " La décision de suppression d'un comité d'entreprise, prévue à l'article L. 2322-7, est prise par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi. / Le silence gardé pendant plus de quatre mois par le ministre saisi d'un recours hiérarchique contre cette décision vaut décision de rejet ".

3. En premier lieu, les conditions de notification d'une décision administrative sont sans incidence sur sa légalité et ne peuvent avoir d'incidence que sur le délai dans lequel peut être formé un recours. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision du 27 mars 2015 du DIRECCTE n'aurait pas été régulièrement notifiée à l'Union locale CGT de La Ciotat est, en tout état de cause, inopérant.

4. En deuxième lieu, devant le tribunal administratif, l'Union locale CGT de La Ciotat n'avait soulevé que des moyens tirés de l'illégalité interne de la décision en litige. Si devant la Cour, elle soutient en outre que cette décision serait entachée d'un vice de procédure en raison d'une méconnaissance par l'inspecteur du travail du caractère contradictoire de l'enquête, ce moyen, fondé sur une cause juridique distincte, constitue une demande nouvelle irrecevable en appel.

5. En troisième lieu, si en l'absence d'accord sur la suppression d'un comité d'entreprise entre l'employeur et l'ensemble des organisations syndicales représentatives, l'employeur peut demander au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi l'autorisation de procéder à cette suppression, aucune disposition ne prévoit qu'il informe les organisations syndicales de sa démarche, même s'il en a la faculté. Par suite, si l'Union locale CGT de La Ciotat soutient qu'elle n'a pas été avisée de la demande de suppression du comité d'entreprise formée par la société H2X, cette circonstance est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de la décision en litige. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier, qu'en l'espèce, le syndicat a bien été destinataire d'une copie de la lettre de demande d'autorisation adressée par la société au DIRECCTE de la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur.

6. En quatrième lieu, l'article L. 2322-7 du code du travail, cité au point 2, subordonne la suppression d'un comité d'entreprise à un accord entre l'employeur et l'ensemble des organisations syndicales représentatives. L'article L. 2121-1 du même code précise les critères cumulatifs selon lesquels est déterminée la représentativité des organisations syndicales. Le 5° de cet article mentionne les critères selon lesquels doit être mesurée l'audience des organisations syndicales suivant le niveau de négociation concerné et renvoie à cette fin aux dispositions des articles L. 2122-1, L. 2122-5, L. 2122-6, L. 2122-9 de ce même code, qui fixent respectivement ces critères au niveau de l'entreprise ou de l'établissement, au niveau de la branche professionnelle ainsi qu'au niveau national et interprofessionnel. En vertu de l'article L. 2122-1 du code du travail, relatif à l'appréciation de la représentativité des organisations syndicales au niveau de l'entreprise, une organisation syndicale doit, pour être reconnue représentative, avoir " au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires au comité d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votant ".

7. En l'espèce, il est constant qu'au regard des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires au comité d'entreprise de la société H2X, seule la CGT pouvait être regardée comme une organisation syndicale représentative pour l'application de l'article L. 2322-7 du code du travail. Elle était, dès lors, la seule organisation syndicale habilitée à conclure un accord portant sur la suppression du comité d'entreprise. Il en résulte, d'une part, que l'employeur n'était nullement tenu de convoquer les différentes organisations syndicales qui avaient présenté des candidats aux élections professionnelles au sein de l'entreprise en vue de rechercher avec celles-ci un accord sur la suppression de ce comité. D'autre part, dès lors que l'employeur avait constaté l'existence d'un refus de la CGT de conclure un tel accord, il était légalement fondé à solliciter auprès des services de l'administration du travail l'autorisation de procéder à cette suppression. La circonstance, qu'en l'espèce, ce désaccord n'ait pas été formalisé par un écrit est à cet égard sans incidence, dès lors que son existence ressort sans aucune ambiguïté des pièces du dossier et notamment de l'absence de toute réponse donnée par l'organisation syndicale aux demandes écrites adressées par la société en vue d'obtenir une confirmation écrite du désaccord formulé verbalement, le 17 novembre 2014, par le délégué syndical CGT au sein de l'entreprise. Par suite, le DIRECCTE était fondé à constater l'absence d'accord entre le représentant de la société H2X et la CGT, seule organisation syndicale représentative, et à en tirer les conséquences légales.

8. En cinquième lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 2322-7 du code du travail, citées au point 2, que le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi et, le cas échéant, le ministre du travail, ne peut autoriser la suppression du comité d'entreprise que si l'abaissement de l'effectif au-dessous de cinquante salariés est important et présente un caractère durable, sans que cette situation résulte d'une manoeuvre de l'entrepreneur en vue d'éluder l'obligation d'avoir un comité d'entreprise. Par ailleurs, l'autorité administrative tient de l'article L. 2322-7 du code du travail un pouvoir d'appréciation de l'opportunité qui lui permet, même si les conditions mises à la suppression du comité d'entreprise sont remplies, de refuser l'autorisation sollicitée en se fondant sur des motifs d'intérêt général.

9. Si la société H2X a été absorbée par la société IXBLUE pour devenir un établissement de cette dernière société, il ressort des pièces du dossier que cette opération est intervenue le 1er septembre 2016, postérieurement à la décision en litige du 27 mars 2015. Dès lors, et en tout état de cause, elle est demeurée sans incidence sur l'appréciation portée à cette dernière date, par l'autorité administrative, sur le caractère important et durable de la réduction des effectifs de l'entreprise.

10. Pour autoriser la suppression du comité d'entreprise de la société H2X, le DIRECCTE de la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur s'est fondé sur les éléments relevés par l'inspectrice du travail dans son avis du 15 décembre 2014 tenant à l'existence d'une baisse des effectifs de l'entreprise de 10 % sur au moins 24 mois depuis l'année 2012 et sur le fait que cette baisse avait fait passer les effectifs sous le seuil de 50 salariés, à savoir 43 salariés en moyenne en 2013 et 2014. Si les salariés mis à disposition et les salariés temporaires doivent, pour la détermination de l'effectif, être pris en compte au prorata de leur temps de présence dans l'entreprise au cours des douze mois précédents, sauf lorsqu'ils remplacent un salarié absent ou dont le contrat de travail est suspendu notamment du fait d'un congé de maternité, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que la détermination de l'effectif pris en compte par l'administration n'aurait pas tenu compte de cette règle. A cet égard, la seule référence faite par l'Union locale CGT de La Ciotat à deux articles de presse, dont l'un relate l'activité de construction de navire de la société de 2011 à 2015 et l'autre rapporte les déclarations de l'un de ses dirigeants mentionnant le recours à la sous-traitance, aux contrats à durée déterminée et à l'intérim, n'est pas de nature à établir que l'effectif en cause n'aurait pas été régulièrement calculé.

11. En sixième lieu, les circonstances tenant aux conditions de licenciement du délégué syndical CGT au sein de l'entreprise sont étrangères au présent litige et sans incidence sur la légalité de la décision contestée.

12. Il résulte de ce qui précède que l'Union locale CGT de La Ciotat n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat et de la société IXBLUE qui ne sont pas dans la présente instance les parties perdantes, la somme que l'Union locale CGT de La Ciotat demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de l'Union locale CGT de La Ciotat, au titre des mêmes dispositions, une somme de 2 000 euros à verser à la société IXBLUE.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de l'Union locale CGT de La Ciotat est rejetée.

Article 2 : L'Union locale CGT de La Ciotat versera à la société IXBLUE la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'Union locale CGT de La Ciotat, à la société IXBLUE et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.

Délibéré après l'audience du 11 décembre 2020, où siégeaient :

- Mme C..., présidente de la Cour,

- M. A..., président assesseur,

- M. Coutier, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 décembre 2020.

2

N° 18MA04467

bb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA04467
Date de la décision : 24/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-04-01 Travail et emploi. Institutions représentatives du personnel. Comités d'entreprise.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMLINGER
Rapporteur ?: M. Georges GUIDAL
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : CONCIATORI-BOUCHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 16/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-12-24;18ma04467 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award