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24/12/2020 | FRANCE | N°18MA02244

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 24 décembre 2020, 18MA02244


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Centre de rééducation du Finosello a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler la décision du 14 février 2017 de la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en tant qu'elle a déclaré Mme A... C... inapte à tout poste au sein de l'établissement.

Par un jugement n° 1700313 du 9 mai 2018, le tribunal administratif de Bastia a rejeté ces demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés

les 16 et 30 mai 2018 et 20 septembre 2018, sous le n° 18MA02244, la SAS Centre de rééducation ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Centre de rééducation du Finosello a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler la décision du 14 février 2017 de la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en tant qu'elle a déclaré Mme A... C... inapte à tout poste au sein de l'établissement.

Par un jugement n° 1700313 du 9 mai 2018, le tribunal administratif de Bastia a rejeté ces demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 16 et 30 mai 2018 et 20 septembre 2018, sous le n° 18MA02244, la SAS Centre de rééducation du Finosello, représentée par Me H..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bastia du 9 mai 2018 ;

2°) d'annuler l'article 2 de la décision du 14 février 2017 par lequel Mme C... a été déclarée inapte à son poste de médecin rééducateur ainsi qu'à tout poste au sein de l'établissement ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le signataire de la décision contestée ne bénéficie pas d'une délégation de pouvoir ou de signature ;

- l'avis médical ne lui a pas été communiqué et elle n'a ainsi pu le contester, en méconnaissance du principe du contradictoire et des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les éléments de cet avis sont erronés ;

- l'intéressée a cherché à être licenciée pour inaptitude à seule fin d'intégrer un poste de médecin hospitalier au centre hospitalier d'Ajaccio dont le recrutement était prévu depuis plusieurs mois ;

- la décision en litige est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 août 2018, Mme C..., représentée par Me G..., conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de la SAS Centre de rééducation du Finosello la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la SAS Centre de rééducation du Finosello ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à la ministre du travail qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du travail ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F...,

- et les conclusions de M. Chanon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., a été recrutée, le 16 juillet 2007, en qualité de médecin généraliste au centre de rééducation du Finosello. Elle a été placée en arrêt de travail à compter du 19 janvier 2016 jusqu'au 11 août 2016 suite à un épuisement professionnel. Dans le cadre de sa visite de reprise, le même jour, le médecin inspecteur du travail l'a déclaré inapte à tous les postes de l'établissement de façon définitive, en application des dispositions de l'article R. 4624-31 du code du travail, dans leur rédaction alors en vigueur, en raison d'un danger immédiat pour sa santé. Saisi d'une contestation de cet avis du médecin inspecteur du travail par l'employeur, l'inspectrice du travail, par décision du 14 octobre 2016, a confirmé l'inaptitude de Mme C... à tout poste au sein du centre de rééducation du Finosello. Sur recours hiérarchique de l'employeur, la ministre chargée du travail, par une décision du 14 février 2017, a, à l'article 1er, annulé cette décision de l'inspectrice du travail pour insuffisance de motivation et, à l'article 2, déclaré Mme C... inapte à son poste de médecin rééducateur ainsi qu'à tout poste au sein du centre de rééducation du Finosello. Par jugement du 9 mai 2018, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'article 2 de cette décision du 14 février 2017. La SAS Centre de rééducation du Finosello relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005, en vigueur à la date de la décision contestée : " A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : / 1° (...) les directeurs d'administration centrale (...) ; / 2° Les chefs de service, directeurs adjoints, sous-directeurs, (...) ". Aux termes de l'article 3 du décret précité : " Les personnes mentionnées aux 1° et 3° de l'article 1er peuvent donner délégation pour signer tous actes relatifs aux affaires pour lesquelles elles ont elles-mêmes reçu délégation : / 1° (...), aux fonctionnaires de catégorie A et aux agents contractuels chargés de fonctions d'un niveau équivalent, qui n'en disposent pas au titre de l'article 1er ; (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que, par une décision du 11 août 2015, publiée au Journal officiel n° 0187 du 14 août 2015, le directeur général du travail a donné à M. B..., adjoint à la sous-directrice des conditions de travail, de la santé et de la sécurité au travail, délégation à l'effet de signer, dans la limite des attributions de la sous-direction des conditions de travail, de la santé et de la sécurité au travail, au nom du ministre chargé du travail, tous actes, décisions ou conventions à l'exclusion des décrets. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision contestée doit être écarté comme manquant en fait.

4. Aux termes de l'article L. 4624-1 du code du travail, en vigueur à la date de la décision de l'inspecteur du travail : " Le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé physique et mentale des travailleurs. Il peut proposer à l'employeur l'appui de l'équipe pluridisciplinaire du service de santé au travail ou celui d'un organisme compétent en matière de maintien dans l'emploi. / L'employeur est tenu de prendre en considération ces propositions et, en cas de refus, de faire connaître les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite. / En cas de difficulté ou de désaccord, l'employeur ou le salarié peut exercer un recours devant l'inspecteur du travail. Il en informe l'autre partie. L'inspecteur du travail prend sa décision après avis du médecin inspecteur du travail. (...). ". Aux termes de l'article R. 4624-31 du même code : " Le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude médicale du salarié à son poste de travail que s'il a réalisé : / 1° Une étude de ce poste ; / 2° Une étude des conditions de travail dans l'entreprise ; / 3° Deux examens médicaux de l'intéressé espacés de deux semaines, accompagnés, le cas échéant, des examens complémentaires. / Lorsque le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour sa santé ou sa sécurité ou celles des tiers ou lorsqu'un examen de préreprise a eu lieu dans un délai de trente jours au plus, l'avis d'inaptitude médicale peut être délivré en un seul examen ". Aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2 ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ".

5. Il résulte de ces dispositions qu'en cas de difficulté ou de désaccord sur les propositions formulées par le médecin du travail concernant l'aptitude d'un salarié à occuper son poste de travail, il appartient à l'inspecteur du travail, saisi par l'une des parties, ou le cas échéant au ministre en cas de recours hiérarchique, de se prononcer définitivement sur cette aptitude. Cette appréciation, qu'elle soit confirmative ou infirmative de l'avis du médecin du travail, se substitue à cet avis. Seule la décision rendue par l'inspecteur du travail et, le cas échéant, par le ministre, est susceptible de faire l'objet d'un recours devant le juge de l'excès de pouvoir.

6. Ni les dispositions précitées de l'article L. 4624-1 du code du travail, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire n'impose que l'avis du médecin inspecteur du travail, au vu duquel doit se prononcer l'inspecteur du travail, soit préalablement communiqué à l'employeur. En tout état de cause, dès lors qu'il a formé un recours hiérarchique contre la décision de l'inspecteur du travail, laquelle vise expressément l'avis du médecin inspecteur du 10 octobre 2016, l'employeur a été mis à même de solliciter auprès du ministre, dont seule la décision est en litige, la communication de cet avis. Or il n'est pas allégué que cette demande aurait été formulée et qu'un refus aurait été opposé. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire doit être écarté. La SAS Centre de rééducation du Finosello ne peut utilement se prévaloir de la violation des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés dès lors que la procédure administrative en cause n'entre pas dans le champ de ces stipulations.

7. En l'espèce, Mme C... a été placée en arrêt de travail à compter du 19 janvier 2016 jusqu'au 11 août 2016, soit sur une période de sept mois pour un syndrome dépressif sévère pour lequel son médecin psychiatre atteste qu'il a été caractérisé par une altération de son état général, une douleur morale intense et une inhibition psychomotrice, en relation, selon l'intéressée, avec les pratiques en cours dans l'établissement. Son inaptitude à tous les postes a, par ailleurs, été constatée par deux avis du 11 août et 10 octobre 2016 de la médecine du travail dont le premier, rendu en une seule visite en raison d'un danger immédiat pour sa santé. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la ministre chargée du travail se serait fondée sur les seules déclarations de Mme C... alors que le médecin inspecteur du travail s'est prononcé au vu de son dossier médical et que plusieurs entretiens se sont déroulés à l'inspection du travail avec ce médecin, l'employeur et la salariée, chacun ayant été entendu individuellement. Par ailleurs, si le centre de rééducation du Finosello soutient que les conditions de travail de Mme C... rapportées par la ministre du travail sont inexactes et qu'il s'agirait d'un dossier monté par un professionnel de santé avec la complicité de confrères complaisants dont celle de son médecin psychiatre, il ne l'établit pas. Il en va de même du fait que Mme C... aurait cherché à se faire licencier pour inaptitude à seule fin d'intégrer un poste de médecin hospitalier au centre de la Miséricorde à Ajaccio et de bénéficier des indemnités correspondantes. Le centre de rééducation du Finosello ne peut utilement se prévaloir d'une certification obtenue le 19 février 2014 auprès de la Haute autorité de santé. Par suite, les moyens tirés de ce que la ministre chargée du travail aurait entaché d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation sa décision constatant l'inaptitude définitive de Mme C... à tout poste dans l'établissement doivent être écartés.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Centre de rééducation du Finosello n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'article 2 de la décision du 14 février 2017.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, tout ou partie de la somme que la SAS Centre de rééducation du Finosello demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SAS Centre de rééducation du Finosello la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme C... et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SAS Centre de rééducation du Finosello est rejetée.

Article 2 : La SAS Centre de rééducation du Finosello versera à Mme C... la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Centre de rééducation du Finosello, à Mme A... C... et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.

Délibéré après l'audience du 11 décembre 2020, où siégeaient :

- Mme D..., présidente de la Cour,

- M. Guidal, président assesseur,

- Mme F..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 décembre 2020.

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N° 18MA02244

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA02244
Date de la décision : 24/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-03-04 Travail et emploi. Conditions de travail. Médecine du travail.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMLINGER
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : MARIAGGI - FAZAI

Origine de la décision
Date de l'import : 23/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-12-24;18ma02244 ?
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