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23/12/2020 | FRANCE | N°20MA02027

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 23 décembre 2020, 20MA02027


Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance du 17 juin 2020, la présidente du tribunal administratif de Nice a transmis à la Cour le dossier de la requête de M. E....

Par cette requête et des mémoires, enregistrés les 31 décembre 2019, 2 mai, 15 mai, 28 mai, 13 octobre et 29 octobre 2020, M. D... E..., représenté par Me J..., demande à la Cour :

1°) d'annuler l'arrêté du maire de la commune de Grasse en date du 9 août 2019, autorisant la démolition du bâtiment dit " Monoprix ", la construction d'un ensemble immobilier comprenant 150 logements, dont 45 lo

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Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance du 17 juin 2020, la présidente du tribunal administratif de Nice a transmis à la Cour le dossier de la requête de M. E....

Par cette requête et des mémoires, enregistrés les 31 décembre 2019, 2 mai, 15 mai, 28 mai, 13 octobre et 29 octobre 2020, M. D... E..., représenté par Me J..., demande à la Cour :

1°) d'annuler l'arrêté du maire de la commune de Grasse en date du 9 août 2019, autorisant la démolition du bâtiment dit " Monoprix ", la construction d'un ensemble immobilier comprenant 150 logements, dont 45 logements locatifs sociaux, des commerces dont un cinéma, une surface alimentaire, une halle marchande ainsi qu'un parc de stationnement, et valant autorisation d'exploitation commerciale ;

2°) d'annuler la décision de la même autorité en date du 31 octobre 2019, portant rejet du recours gracieux présenté à l'encontre de cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge solidaire de la commune de Grasse, de la société Bouygues Immobilier et de la société Pays de Grasse Développement une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les dispositions de l'article R. 600-4 du code de l'urbanisme ont été respectées ; il dispose d'un intérêt à agir au regard des dispositions de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme, en ses qualités de voisin et de contribuable ;

- les formalités prescrites par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ont été respectées ;

- la requête a été régularisée au regard des dispositions de l'article R. 811-7 du code de justice administrative ;

- les dispositions de l'article R. 431-14 du code de l'urbanisme ont été méconnues ;

- le dossier de demande est entaché d'incohérences quant à la superficie de l'unité foncière ;

- le récépissé au titre de la loi sur l'eau était caduc et les dispositions des articles L. 425-14 et R. 431-5 du code de l'urbanisme ont été méconnues ;

- les règles en matière de stationnement, concernant le nombre de places et la présence de fosses étanches, instituées par le plan local d'urbanisme et le cadre de la zone d'aménagement concertée ne sont pas respectées ; le non-respect du programme de la zone n'est pas un moyen nouveau au sens de l'article R. 600-5 du code de l'urbanisme ;

- l'architecture du projet méconnait le plan de sauvegarde et de mise en valeur de la commune, particulièrement son article US11 ;

- la démolition du bâtiment situé sur la parcelle BE n°16, au sujet de laquelle le dossier n'est pas clair, est contraire aux dispositions de ce plan ;

- le moyen tiré de la méconnaissance du plan de sauvegarde a été développé dans le délai fixé par l'article R. 600-5 du code de l'urbanisme qui expirait le 24 août 2020 compte-tenu de l'état d'urgence sanitaire ;

- aucune régularisation n'est envisageable.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 21 février, 15 mai, 28 mai, 25 septembre et 22 octobre 2020, la commune de Grasse, représentée par Me H..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le requérant n'a pas intérêt à agir ;

- le requérant n'a pas régularisé sa requête au regard des dispositions de l'article R. 811-7 du code de justice administrative ;

- les moyens tirés du non-respect des prévisions de la zone d'aménagement concertée et des dispositions du plan de sauvegarde sont irrecevables en application de l'article R. 600-5 du code de l'urbanisme ;

- la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève ;

- subsidiairement une régularisation pourrait intervenir s'agissant de la parcelle BE n°16 qui n'est pas incluse dans le périmètre de démolition.

Par des mémoires, enregistrés les 14 mai, 25 septembre et 22 octobre 2020, la société Bouygues-Immobilier, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de M. E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il n'est pas satisfait aux exigences de l'article R. 600-4 du code de l'urbanisme ; en tout état de cause le requérant n'a pas intérêt à agir, particulièrement en ce que l'arrêté attaqué vaut permis de démolir ;

- la requête n'est pas fondée dans les moyens qu'elle soulève ;

- la contestation portant sur le permis de démolir est tardive au regard des dispositions de l'article R. 600-5 du code de l'urbanisme, de même que celle portant sur le non-respect des dispositions du plan de sauvegarde ;

- la juridiction pourra le cas échéant faire application des dispositions des articles L. 600-5 ou L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.

Par des mémoires en intervention, enregistrés les 8 et 21 octobre 2020, la société Pays de Grasse Développement, représentée par Me F..., demande que la Cour rejette la requête de M. E....

Elle soutient que :

- le requérant ne justifie pas d'un intérêt à agir et n'a pas satisfait aux dispositions de l'article R. 600-4 du code de l'urbanisme ;

- il ne justifie pas avoir notifié ses recours conformément aux dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;

- les conclusions présentées à son encontre au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont mal dirigées ;

- la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève.

La procédure a été communiquée à la SCI Grasse commerce qui n'a pas présenté d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de Mme G...,

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,

- et les observations de Me J..., représentant M. E..., de Me A..., représentant la commune de Grasse et de Me C..., représentant la société Bouygues-Immobilier.

Considérant ce qui suit :

1. M. E... demande à la Cour d'annuler l'arrêté du maire de la commune de Grasse en date du 9 août 2019, autorisant, au sein de la zone d'aménagement concertée Martelly, la démolition du bâtiment dit " Monoprix ", la construction d'un ensemble immobilier comprenant 150 logements, dont 45 logements locatifs sociaux, des commerces dont un cinéma, une surface alimentaire, une halle marchande ainsi qu'un parc de stationnement, et valant autorisation d'exploitation commerciale.

Sur l'intervention de la société Pays de Grasse Développement :

2. La société Pays de Grasse Développement, maître d'ouvrage du programme de construction, a intérêt au maintien de la décision attaquée. Ainsi son intervention est recevable.

Sur la recevabilité de la requête :

3. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation. ".

4. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.

5. En l'espèce, il n'est pas contesté que M. E... n'est pas voisin immédiat du projet, son appartement étant situé, à vol d'oiseau, à plus de 170 mètres à l'ouest de son terrain d'assiette. Il en est séparé par le centre ancien de la commune qui forme plusieurs rideaux bâtis et denses faisant écran. Contrairement à ce qu'il soutient, M. E... ne jouit ainsi pas depuis son balcon d'une vue directe sur les constructions projetées, mais d'une vue lointaine, nécessairement oblique compte tenu de la configuration des lieux, et qui ne porte que sur les toits des bâtiments. Quand bien même les immeubles projetés seront plus hauts et d'allure plus contemporaine que ceux actuels, le simple changement de perspective induit par le projet depuis son balcon, qui sera d'ailleurs davantage visible depuis l'est de la commune, n'est pas, malgré l'envergure de l'ensemble immobilier projeté, susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien de M. E... au sens des dispositions citées ci-dessus.

6. La qualité de contribuable communal, pas plus d'ailleurs que celle d'architecte, n'est susceptible de conférer un intérêt à agir contre les décisions relatives à l'occupation ou à l'utilisation du sol telles celles de l'espèce.

7. Il suit de là que les défendeurs et l'intervenant en défense opposent à bon droit le défaut d'intérêt donnant à M. E... qualité pour agir à l'encontre de la décision litigieuse. La requête doit ainsi être rejetée comme irrecevable.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Grasse, de la société Bouygues-Immobilier et de la société Pays de Grasse Développement, qui ne sont pas parties perdantes dans la présente instance, une quelconque somme au titre des frais exposés par M. E... et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de ce dernier la somme de 1 000 euros à verser à la commune de Grasse et la somme de 1 000 euros à verser à la société Bouygues-Immobilier sur le fondement de ces dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : L'intervention de la société Pays de Grasse Développement est admise.

Article 2 : La requête de M. E... est rejetée.

Article 3 : M. E... versera une somme de 1 000 euros respectivement à la commune de Grasse et à la société Bouygues-Immobilier en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E..., à la commune de Grasse, à la société Bouygues-Immobilier, à la SCI Grasse commerce et à la société Pays de Grasse Développement.

Délibéré après l'audience du 14 décembre 2020, où siégeaient :

- Mme I..., présidente,

- M. Marcovici, président assesseur,

- Mme G..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 décembre 2020.

N°20MA02027 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA02027
Date de la décision : 23/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-06-01-02 Urbanisme et aménagement du territoire. Règles de procédure contentieuse spéciales. Introduction de l'instance. Intérêt à agir.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMLINGER
Rapporteur ?: Mme Caroline POULLAIN
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : SELARL PLENOT-SUARES-BLANCO-ORLANDINI

Origine de la décision
Date de l'import : 16/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-12-23;20ma02027 ?
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