Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 4 novembre 2019 et 11 août 2020, la SCI Immocalm, représentée par la SCP CGCB et Associés, demande à la Cour :
1°) d'annuler l'arrêté du 10 septembre 2019 par lequel le maire de la commune de La Calmette a refusé de lui délivrer un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale un supermarché à l'enseigne Super U, doté d'une station-service, d'un drive et d'une galerie marchande, d'une surface de vente totale de 3 682 m2 ;
2°) d'enjoindre à la commune de se prononcer à nouveau sur sa demande, après un nouvel avis de la Commission nationale d'aménagement commercial ;
3°) de mettre à la charge solidaire des SAS Karist et Malgec une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les interventions ne sont pas recevables dès lors que les sociétés concernées n'ont pas formé de recours contre le refus de permis de construire et ne peuvent critiquer l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial ;
- l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial est insuffisamment motivé ;
- il est entaché d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 752-6 du code de commerce.
Par des mémoires, enregistrés les 8 décembre 2019, 19 mars 2020 et 12 octobre 2020, la commune de La Calmette, représentée par Eleom Avocats, conclut à ce qu'il soit statué " ce que de droit " sur les conclusions de la requête.
Elle soutient que :
- elle est défenderesse dans l'instance et non intervenante, de sorte que ses écritures sont recevables ;
- son maire s'étant toutefois trouvé en situation de compétence liée pour prendre l'arrêté litigieux, elle se joint aux observations de la requérante et présente les mêmes moyens ;
- les moyens invoqués par les SAS Karist et Malgec sont non fondés ;
- les recours formés par ces sociétés contre l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial étaient irrecevables.
Par des mémoires, enregistrés les 20 janvier et 20 août 2020, la SAS Malgec, représentée par la SELARL Maillot Avocats et Associés, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la SCI Immocalm au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les écritures de la commune ne sont pas recevables dès lors qu'elle n'a pas contesté dans le délai de recours la décision de son maire ou l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial ;
- elle est elle-même partie à l'instance dès lors qu'elle a régulièrement saisi la Commission nationale d'aménagement commercial d'un recours ;
- la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève ;
- d'autres motifs que ceux retenus par la Commission nationale d'aménagement commercial justifiaient l'avis défavorable.
Par un mémoire, enregistré le 31 janvier 2020, la SAS Karist, représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la SCI Immocalm au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle est recevable à agir dès lors qu'elle exploite un magasin concurrent dans la zone de chalandise et a régulièrement formé un recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial ;
- la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève ;
- d'autres motifs que ceux retenus par la Commission nationale d'aménagement commercial justifiaient l'avis défavorable et le projet ne respecte pas les règles d'urbanisme.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement informées du jour de l'audience.
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant la SCI Immocalm, de Me D..., représentant la commune de La Calmette, de Me A..., représentant la SAS Karist, et de Me F..., représentant la SAS Malgec.
Considérant ce qui suit :
1. La SCI Immocalm a sollicité auprès du maire de la commune de La Calmette, le 6 novembre 2018, un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale un supermarché à l'enseigne Super U, doté d'une station-service, d'un drive et d'une galerie marchande, d'une surface de vente totale de 3 682 m2. La commission départementale d'aménagement commercial a rendu, le 30 janvier 2019, un avis favorable au projet. Saisie par la SAS Karist et la SAS Malgec, exploitant des supermarchés respectivement situés à La Calmette et à Saint-Geniès-de-Malgoirès, la Commission nationale d'aménagement commercial a cependant émis pour sa part, le 27 juin 2019, un avis défavorable. En conséquence, par un arrêté du 10 septembre 2019 dont la SCI Immocalm demande l'annulation, le maire de la commune de La Calmette a refusé de délivrer le permis de construire sollicité.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce : " I.- L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme. / La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; / b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; / b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; / c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. / Les a et b du présent 2° s'appliquent également aux bâtiments existants s'agissant des projets mentionnés au 2° de l'article L. 752-1 ; / 3° En matière de protection des consommateurs : / a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; / b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; / c) La variété de l'offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locales ; / d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs. / II.-A titre accessoire, la commission peut prendre en considération la contribution du projet en matière sociale. ". Il résulte de ces dispositions que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce.
3. En l'espèce, la Commission nationale d'aménagement commercial a estimé, dans son avis du 27 juin 2019 dont il est excipé l'illégalité, que le projet de la SCI Immocalm compromettait l'objectif d'aménagement du territoire au vu de sa localisation, de son effet sur l'animation de la vie urbaine et de son accessibilité par les transports en commun.
4. Toutefois, dès lors que la densité de l'offre commerciale n'est pas au nombre des critères à prendre en compte pour évaluer la conformité d'un projet aux objectifs fixés par la loi, il ne résulte pas de la circonstance que celui de la SCI Immocalm est localisé à proximité immédiate d'autres magasins alimentaires dans une zone faiblement peuplée, pourtant essentiellement prise en compte par la Commission, qu'il compromettrait l'objectif d'aménagement du territoire au sens des dispositions citées ci-dessus. Il ressort au contraire des pièces du dossier que la commune de La Calmette est identifiée au sein du schéma de cohérence territoriale sud du Gard comme un pôle urbain intermédiaire dont les équipements, notamment commerciaux, sont à renforcer afin d'éviter l'évasion commerciale des habitants de la zone de chalandise qui sont en constante augmentation. Si le terrain d'assiette du projet est situé au sein d'une zone d'aménagement concertée et ne contribue pas au développement du centre-ville historique, cette zone se trouve en entrée de ville, aisément accessible aux habitants des bourgs voisins, et à moins de deux cents mètres d'habitations. Elle regroupe surtout désormais, avec l'espace qui lui est immédiatement attenant, l'essentiel des commerces de la commune. Il résulte de ces éléments qu'en estimant que le projet compromettait l'objectif d'aménagement du territoire au vu de sa localisation et de son effet sur l'animation de la vie urbaine, la Commission nationale d'aménagement commercial a entaché son avis d'une erreur d'appréciation.
5. Si le site d'implantation du projet, situé au sein d'une commune rurale, ne bénéficie que d'une fréquence de desserte en transports en communs relativement faible, cette circonstance ne justifie pas à elle seule le refus de l'autorisation sollicitée.
6. Il résulte de de tout ce qui précède que la SCI Immocalm est fondée à soutenir que l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial sur lequel est fondé l'arrêté litigieux est entaché d'illégalité. Les SAS Karist et Malgec ne peuvent utilement faire valoir que cet avis défavorable aurait pu être justifié par d'autres motifs que ceux retenus par la Commission, une telle substitution de motifs ne pouvant être demandée au juge de l'excès de pouvoir que par l'auteur de la décision attaquée. L'arrêté pris par le maire de la commune de La Calmette le 10 septembre 2019 doit dès lors, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité des écritures de la collectivité, ni de celles des SAS Karist et SAS Malgec, être annulé.
7. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, l'autre moyen invoqué par la requérante, tiré de l'insuffisante motivation de l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial, n'est pas susceptible de fonder cette annulation.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Par l'effet du présent arrêt, la Commission nationale d'aménagement commercial se trouve de nouveau saisie des recours formés contre l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial rendu le 30 janvier 2019, favorable au projet de la SCI Immocalm. Son exécution implique dès lors que la Commission rende un nouvel avis puis que le maire de la commune de La Calmette prenne une nouvelle décision statuant sur la demande de permis de construire.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il en soit fait application en mettant à la charge de la SCI Immocalm, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une quelconque somme sur leur fondement. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidaire des SAS Karist et Malgec la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la SCI Immocalm et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : L'arrêté pris par le maire de la commune de La Calmette le 10 septembre 2019 est annulé.
Article 2 : Il est enjoint au maire de la commune de La Calmette de statuer à nouveau sur la demande de permis de construire de la SCI Immocalm après un nouvel examen par la Commission nationale d'aménagement commercial des recours dont elle a été saisie.
Article 3 : Les SAS Karist et Malgec verseront solidairement la somme globale de 2 000 euros à la SCI Immocalm au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par les SAS Karist et Malgec au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Immocalm, à la commune de La Calmette, au ministre de l'économie, des finances et de la relance, à la SAS Karist, à la SAS Malgec et à la société Carrefour Hypermarché.
Copie en sera adressée à la Commission nationale d'aménagement commercial.
Délibéré après l'audience du 14 décembre 2020, où siégeaient :
- Mme G..., présidente,
- M. Marcovici, président assesseur,
- Mme C..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 décembre 2020.
N°19MA04716 6