Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler la délibération du 22 avril 2017 par laquelle le conseil municipal de la commune de Vezzani a décidé de ne pas donner suite à la vente à son profit de la parcelle communale cadastrée section A n° 1337, au lieudit Sambuccu, et de retirer la délibération du 30 avril 2016 décidant de cette vente.
Par un jugement n° 1701312 du 22 août 2019, le tribunal administratif de Bastia a annulé la délibération du 22 avril 2017.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 19 octobre 2019, 27 janvier 2020 et 31 mars 2020, la commune de Vezzani, représentée par Me F..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 22 août 2019 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif ;
3°) de mettre à la charge de M. B... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le maire est habilité à agir en son nom ;
- le tribunal aurait dû statuer sur le moyen tiré de la tardiveté de la requête qu'il avait lui-même soulevé ;
- la demande de première instance était tardive ;
- la délibération du 30 avril n'a acté qu'un accord de principe et aucunement une vente, celle-ci étant soumise aux conditions suspensives du classement de la parcelle en zone constructible et de sa distraction indispensable du régime forestier ;
- elle n'a créé aucun droit dès lors que les conditions n'ont pas été réalisées et, du reste, aucun acte authentique n'a été dressé.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 9 décembre 2019, 25 février 2020 et 25 avril 2020, M. A... B..., représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune de Vezzani au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête est irrecevable faute pour le maire de justifier de sa qualité à agir au nom de la commune ;
- elle est non fondée dans les moyens qu'elle soulève.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code forestier ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- et les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Faisant suite à la sollicitation de M. B... qui souhaitait y installer une résidence touristique, le conseil municipal de Vezzani a décidé, par une délibération du 30 avril 2016, de vendre à l'intéressé la parcelle cadastrée section A n° 1337, au lieudit Sambuccu. Toutefois, par une nouvelle délibération du 22 avril 2017, il a décidé de ne pas donner suite à cette vente et a retiré sa délibération du 30 avril 2016. La commune de Vezzani relève appel du jugement du 22 août 2019 par lequel le tribunal administratif de Bastia a, à la demande de M. B..., annulé la délibération du 22 avril 2017 au motif qu'elle a retiré tardivement une décision créatrice de droit.
Sur la recevabilité de l'appel :
2. Par une délibération du 9 août 2019, le conseil municipal de Vezzani a, sur le fondement des dispositions de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales, donné délégation au maire pour la durée de son mandat aux fins notamment " d'intenter au nom de la commune les actions en justice ou de défendre la commune dans les actions intentées contre elle, avec possibilité d'interjeter appel ou de se pourvoir en cassation contre les jugements et arrêts rendus devant toutes les juridictions qu'elles soient civiles, administratives ou pénales, qu'il s'agisse de première instance, d'un appel ou d'une cassation ". Par suite, le maire avait qualité pour introduire la présente instance au nom de la commune et la fin de non-recevoir opposée à cet égard par M. B... doit être écartée.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Aux termes du I de l'article L. 211-1 du code forestier : " Relèvent du régime forestier, constitué des dispositions du présent livre, et sont administrés conformément à celui-ci : / 1° Les bois et forêts qui appartiennent à l'Etat, ou sur lesquels l'Etat a des droits de propriété indivis ; / 2° Les bois et forêts susceptibles d'aménagement, d'exploitation régulière ou de reconstitution qui appartiennent aux collectivités et personnes morales suivantes, ou sur lesquels elles ont des droits de propriété indivis, et auxquels ce régime a été rendu applicable dans les conditions prévues à l'article L. 214-3 : / a) Les régions, la collectivité territoriale de Corse, les départements, les communes ou leurs groupements, les sections de communes ; / b) Les établissements publics ; / c) Les établissements d'utilité publique ; / d) Les sociétés mutualistes et les caisses d'épargne. ". Aux termes de l'article L. 214-3 du même code : " Dans les bois et forêts des collectivités territoriales (...) susceptibles d'aménagement, d'exploitation régulière ou de reconstitution, l'application du régime forestier est prononcée par l'autorité administrative compétente de l'Etat, après avis de la collectivité ou de la personne morale intéressée. En cas de désaccord, la décision est prise par arrêté du ministre chargé des forêts. ". Aux termes de son article R. 214-2 : " Pour l'application de l'article L. 214-3, le préfet prononce l'application du régime forestier sur la proposition de l'Office national des forêts, après avis de la collectivité ou personne morale propriétaire. / En cas de désaccord entre la collectivité ou personne morale intéressée et l'Office national des forêts, l'application du régime forestier est prononcée par arrêté du ministre chargé des forêts après avis, selon le cas, des autres ministres concernés. ".
4. Il résulte de ces dispositions que la cession d'une parcelle relevant du régime forestier à un particulier ne peut intervenir qu'après que l'autorité compétente, à savoir le préfet en cas d'accord de l'Office national des forêts et de la collectivité ou personne morale intéressée, ou le ministre en charge des forêts à défaut d'un tel accord, a distrait cette parcelle dudit régime.
5. En l'espèce, il n'est pas contesté que la parcelle cadastrée section A n° 1337, au lieudit Sambuccu, fait partie de la forêt communale de Vezzani et relève du régime forestier. Dans ces circonstances, la délibération du 30 avril 2016, eu égard au principe de distraction préalable du régime forestier rappelé au point précédent, avait pour portée d'autoriser la cession de cette parcelle à M. B... sous la réserve qu'il soit procédé préalablement à cette distraction. Il en résulte que cette délibération ne saurait être regardée comme conférant, par elle-même, à l'intéressé un droit à la réalisation de la vente. Le conseil municipal pouvait dès lors, tant que la distraction du régime forestier n'était pas intervenue et alors même que seule la commune pouvait solliciter cette distraction auprès de l'autorité compétente, légalement abroger à tout moment cette délibération dépourvue d'effet direct.
6. Il s'ensuit que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur le motif tiré de ce que la délibération du 30 avril 2016 avait directement créé des droits pour M. B... et qu'un délai de plus de quatre mois s'était écoulé depuis son adoption pour annuler la délibération du 22 avril 2017.
7. Aucun autre moyen que celui retenu par les premiers juges n'ayant été invoqué par M. B... devant le tribunal administratif ou devant la Cour, il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance ni la régularité du jugement attaqué, que la commune de Vezzani est fondée à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif de Bastia a annulé la délibération de son conseil municipal du 22 avril 2017.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Vezzani, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une quelconque somme au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de ce dernier la somme de 2 000 euros à verser à la commune de Vezzani sur le fondement de ces dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bastia du 22 août 2019 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Bastia est rejetée.
Article 3 : M. B... versera à la commune de Vezzani une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Vezzani et à M. A... B....
Délibéré après l'audience du 14 décembre 2020, où siégeaient :
- Mme E..., présidente,
- M. Marcovici, président assesseur,
- Mme D..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 décembre 2020.
N°19MA04554 5