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23/12/2020 | FRANCE | N°19MA00329

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 23 décembre 2020, 19MA00329


Vu la procédure suivante :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 23 janvier, 28 mars et 18 novembre 2019, l'association Priorité Centre-Ville - Fédération pour le développement économique, environnemental, patrimonial et culturel de Béziers (Priorité Centre-Ville), représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le permis de construire délivré le 29 novembre 2018 par le maire de Villeneuve-lès-Béziers à la société L'Immobilière Leroy Merlin France en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale ;

2°) de mettre la so

mme de 3 000 euros à la charge de toute partie perdante en application de l'article L. 76...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 23 janvier, 28 mars et 18 novembre 2019, l'association Priorité Centre-Ville - Fédération pour le développement économique, environnemental, patrimonial et culturel de Béziers (Priorité Centre-Ville), représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le permis de construire délivré le 29 novembre 2018 par le maire de Villeneuve-lès-Béziers à la société L'Immobilière Leroy Merlin France en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale ;

2°) de mettre la somme de 3 000 euros à la charge de toute partie perdante en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable ;

- l'arrêté de permis de construire est insuffisamment motivé, en méconnaissance de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme ;

- il ne mentionne pas la date d'affichage de la demande de permis de construire ;

- le projet soumis à la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) portait en réalité sur un ensemble commercial formé par les magasins sous les enseignes Décathlon et Leroy Merlin ;

- il a été présenté en méconnaissance de l'article L. 752-21 du code de commerce ;

- la CNAC a inexactement apprécié l'impact du projet en matière d'aménagement du territoire et de développement durable.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 juillet 2019, la société L'Immobilière Leroy Merlin France, représentée par la SELAS Wilhelm et associés, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête présentée par l'association Priorité Centre-Ville ;

2°) mettre à sa charge la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conclusions sont irrecevables en tant que l'arrêté attaqué vaut autorisation de construire ;

- les moyens relatifs à l'autorisation de construire sont irrecevables en application de l'article L. 600-1-4 du code de l'urbanisme ;

- en tout état de cause, les moyens soulevés par l'association Priorité Centre-Ville ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 décembre 2019, la commune de Villeneuve-lès-Béziers, représentée par le cabinet Maillot avocats et associés, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête présentée par l'association Priorité Centre-Ville ;

2°) de mettre à sa charge la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'association requérante ne justifie pas de la qualité pour agir de son président ;

- la requête est irrecevable dans son ensemble, dès lors qu'elle n'est pas dirigée seulement contre l'arrêté en tant qu'il vaut autorisation de construire ;

- les moyens relatifs à l'autorisation de construire sont irrecevables en application de l'article L. 600-1-4 du code de l'urbanisme ;

- en tout état de cause, les moyens soulevés par l'association Priorité Centre-Ville ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à la Commission nationale d'aménagement commercial et au ministre de l'économie, des finances et de la relance, qui n'ont pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- le décret n° 2018-617 du 17 juillet 2018 ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant l'association Priorité Centre-Ville, de Me C..., représentant la commune de Villeneuve-lès-Béziers, et de Me E..., représentant la société L'Immobilière Leroy Merlin France.

Considérant ce qui suit :

1. La société L'Immobilière Leroy Merlin France a demandé, le 29 mars 2018, au maire de Villeneuve-lès-Béziers un permis de construire un magasin d'équipement de la maison de 11 850 mètres carrés de surface de vente, un point permanent de retrait et douze pistes de ravitaillement. La commission départementale d'aménagement commercial de l'Hérault a rendu un avis favorable sur le projet le 21 juin 2018. La Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC), à l'issue de sa séance du 25 octobre 2018, a rejeté les recours présentés notamment par les associations Priorité Centre-Ville, Les Coeurs battants et En toute franchise - département de l'Hérault et émis un avis favorable sur le projet de la société L'Immobilière Leroy Merlin France. Le maire de Villeneuve-lès-Béziers a délivré le permis de construire demandé par un arrêté du 29 novembre 2018. L'association Priorité Centre-Ville demande l'annulation de cet arrêté en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale.

Sur la légalité externe :

En ce qui concerne la motivation des prescriptions d'urbanisme :

2. Le premier alinéa de l'article L. 600-1-4 du code de l'urbanisme prévoit que " Lorsqu'il est saisi par une personne mentionnée à l'article L. 752-17 du code de commerce d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis de construire mentionné à l'article L. 425-4 du présent code, le juge administratif ne peut être saisi de conclusions tendant à l'annulation de ce permis qu'en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale. Les moyens relatifs à la régularité de ce permis en tant qu'il vaut autorisation de construire sont irrecevables à l'appui de telles conclusions. "

3. Les dispositions du code de commerce et du code de l'urbanisme constituent des législations indépendantes, répondant à des finalités distinctes. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme ne peut utilement être invoqué par l'association Priorité Centre-Ville à l'appui de sa requête dirigée contre un permis relevant de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme en tant qu'il vaut autorisation de construire.

En ce qui concerne l'absence d'indication de la date d'affichage de l'avis de dépôt de la demande :

4. Les dispositions du premier alinéa de l'article R. 424-5 du code de l'urbanisme prévoient, dans leur version issue de l'article 6 du décret n° 2018-617 du 17 juillet 2018, que la décision d'autorisation ou de non-opposition mentionne la date d'affichage en mairie de l'avis de dépôt de la demande. L'absence d'indication de cette date sur le permis délivré est cependant sans influence sur sa légalité.

Sur la légalité interne :

En ce qui concerne la méconnaissance de l'article L. 752-21 du code de commerce :

5. L'article L. 752-21 du code de commerce prévoit que : " Un pétitionnaire dont le projet a été rejeté pour un motif de fond par la Commission nationale d'aménagement commercial ne peut déposer une nouvelle demande d'autorisation sur un même terrain, à moins d'avoir pris en compte les motivations de la décision ou de l'avis de la commission nationale. "

6. La commission nationale avait émis un avis défavorable, le 4 février 2016, concernant un précédent projet de la société L'Immobilière Leroy Merlin France sur le même site. Cet avis défavorable était motivé par les effets négatifs du projet sur les flux de transport de la zone d'activité, la forte imperméabilisation des sols, une intégration architecturale très peu qualitative, et l'absence d'accessibilité par les modes de transport doux. En revanche, contrairement à ce que soutient l'association requérante, les deux premiers paragraphes de cet avis, relatifs à la localisation du projet, avaient un simple caractère descriptif. L'avis favorable de la commission du 25 octobre 2018 relève point par point, par des motifs qui ne sont pas contestés par l'association requérante, les modifications apportées au projet par la société pétitionnaire en vue de tenir compte des motifs de l'avis précédent, concernant la voirie de la ZAC, la desserte par le réseau de bus, le nombre, la disposition et la perméabilité des places de stationnement, le nombre de places dédiées aux véhicules électriques, les dispositions environnementales et la reprise de l'insertion architecturale et paysagère du projet. Les conditions d'accès par piste cyclable, et le fait que, selon l'association requérante, l'impact du projet resterait négatif sur les flux de circulation ainsi que le maintien de conséquences négatives sur l'imperméabilisation des sols, ne suffisent pas pour considérer que la nouvelle demande d'autorisation présentée par la société L'Immobilière Leroy Merlin France aurait été présentée en méconnaissance de l'article L. 752-21 du code de commerce.

En ce qui concerne l'appartenance du projet à un ensemble commercial :

7. Le projet de la société L'Immobilière Leroy Merlin France porte sur l'extension d'un ensemble commercial au sein de la zone d'aménagement concerté (ZAC) la Méridienne par la création d'un magasin sous l'enseigne " Leroy Merlin " attenant à un magasin sous l'enseigne " Décathlon " ayant précédemment obtenu une autorisation d'exploitation commerciale à la suite d'un avis favorable de la CNAC. Contrairement à ce que soutient l'association requérante, l'appartenance des magasins sous les enseignes " Leroy Merlin " et " Décathlon " à un même ensemble commercial ne signifie pas que leur construction aurait relevé d'un seul et même projet, au sens de l'article L. 752-1 du code de commerce, dont la CNAC aurait eu à examiner les effets dans sa globalité. En outre, il ressort des pièces du dossier que celle-ci était informée de l'appartenance du projet de la société L'Immobilière Leroy Merlin France à cet ensemble commercial et l'a prise en compte pour rendre son avis. Le moyen tiré de ce que l'appréciation de la CNAC aurait été viciée du fait de l'appartenance du projet à un ensemble commercial manque, dès lors, en fait.

En ce qui concerne l'objectif d'aménagement du territoire :

8. Le projet est situé à proximité de l'autoroute A9 et de l'échangeur avec l'autoroute A75, dans une ZAC située en continuité du tissu économique existant au sud-est de l'agglomération de Béziers, qui accueille déjà des entrepôts logistiques. L'importance accordée à l'accès en voiture est justifiée par la nature des achats réalisés dans un magasin de bricolage et de jardinage. Le fonctionnement d'un tel commerce est d'ailleurs peu compatible avec une implantation en centre-ville ou au sein d'un quartier d'habitations, ainsi que le corrobore l'étude d'impact produite par l'association requérante concernant les magasins du même type dans la zone de chalandise du projet. La localisation du projet n'est donc pas défavorable.

9. Il ressort de l'étude d'impact produite par l'association requérante que les magasins de bricolage, de décoration et de jardinage auxquels le projet de la société L'Immobilière Leroy Merlin France est susceptible de porter concurrence au sein de l'agglomération de Béziers sont presque tous situés en périphérie urbaine. Il n'est donc pas établi que le projet fragiliserait le commerce du centre-ville de Béziers et porterait ainsi atteinte à l'animation de la vie urbaine.

10. Les flux de circulation ont été appréciés à partir d'une étude de circulation produite par la société pétitionnaire. Cette étude conclut que les giratoires desservant la ZAC sont à même d'absorber les flux de véhicules générés par le projet aux heures de pointe, à l'exception, en période estivale, d'une plage du samedi soir en sortie du réseau autoroutier et de la RD 612 pour l'un des ronds-points et d'une plage du vendredi soir pour la branche sud de l'avenue du Viguier pour l'autre rond-point. Les critiques de l'association requérante ne comportent pas d'éléments factuels permettant d'infirmer cette conclusion. En outre, contrairement à ce qu'elle soutient, l'avis de la CNAC n'a pas tenu compte de la réalisation du " demi-échangeur de la Devèze ", qui en est au stade des études de faisabilité.

11. La desserte du projet par les transports collectifs est étayée par un courrier du 11 octobre 2018 du président de la communauté d'agglomération Béziers Méditerranée annonçant la desserte de l'arrêt de bus aménagé à l'entrée du parc d'activités économiques de la Méridienne à compter du 1er janvier 2019 par deux lignes de bus, l'une à destination de Béziers, l'autre à destination de Cers, Villeneuve-lès-Béziers, Sérignan et Valras-Plage. En outre, les défauts affectant l'intégration des pistes cyclables desservant le site au reste du réseau viaire de l'agglomération ne sauraient justifier à eux seuls le refus d'accorder l'autorisation sollicitée, au surplus, eu égard à la nature du commerce en cause.

12. Les éléments examinés au point 10, concernant les difficultés de circulation à certaines périodes, et au point 11, concernant l'accessibilité des pistes cyclables, ne suffisent pas pour considérer que le projet compromettrait l'objectif d'aménagement du territoire. La CNAC n'a donc pas inexactement qualifié les faits en estimant que le projet ne méconnaissait pas cet objectif.

En ce qui concerne l'objectif de développement durable :

13. L'avis du 25 octobre 2018 de la CNAC retient, par des motifs qui ne sont pas contestés, que le projet vise la certification " BREEAM " au niveau " very good " et qu'il comporte 3 200 mètres carrés de panneaux photovoltaïques. Il comporte, en outre, plusieurs dispositifs de nature à limiter l'imperméabilisation du site à 55 % du terrain d'assiette. La qualité environnementale est donc satisfaisante.

14. Pour contester l'insertion environnementale et architecturale du projet, l'association requérante se borne à se référer à l'avis émis par le ministre en charge de l'urbanisme, selon lequel " l'ensemble reste disproportionné par rapport à l'environnement proche constitué de surfaces agricoles et d'éléments naturels comme le ruisseau de Cabrials et des haies bocagères ". Cependant, le projet n'est pas situé dans un cadre champêtre, mais s'insère, au sein de la ZAC la Méridienne, entre l'autoroute A9, le dépôt logistique d'une chaîne de supermarchés, une concession automobile et le site du magasin sous l'enseigne " Décathlon ". Ainsi que l'indique l'avis du ministre, le projet s'inscrit dans la continuité de cette ZAC. Le fait qu'il ne procède pas à une " recherche de modernité " et ne repose pas sur " un concept architectural et paysager novateur " ne suffit pas pour considérer que son insertion environnementale et architecturale serait insuffisante.

15. La CNAC n'a donc pas non plus inexactement qualifié les faits en considérant que le projet ne portait pas atteinte à l'objectif de développement durable.

16. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que l'association Priorité Centre-Ville n'est pas fondée à demander l'annulation du permis de construire délivré le 29 novembre 2018 par le maire de Villeneuve-lès-Béziers à la société L'Immobilière Leroy Merlin France en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale. Il n'est dès lors pas nécessaire de se prononcer sur les fins de non-recevoir invoquées par la commune et la société L'Immobilière Leroy Merlin France en défense.

Sur les frais liés au litige :

17. Il y a lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'association Priorité Centre-Ville le versement de la somme de 1 500 euros chacune à la commune de Villeneuve-lès-Béziers et à la société L'Immobilière Leroy Merlin France au titre des frais qu'elles ont exposés et non compris dans les dépens.

18. En revanche, les dispositions de cet article font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par l'association requérante sur le même fondement.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de l'association Priorité Centre-Ville est rejetée.

Article 2 : L'association Priorité Centre-Ville versera à la commune de Villeneuve-les-Béziers et à la société L'Immobilière Leroy Merlin France la somme de 1 500 euros chacune en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Priorité Centre-Ville - Fédération pour le développement économique, environnemental, patrimonial et culturel de Béziers, à la commune de Villeneuve-lès-Béziers, à la Commission nationale d'aménagement commercial, à la société L'Immobilière Leroy Merlin France et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 14 décembre 2020, où siégeaient :

- Mme D..., présidente de la cour,

- M. Marcovici, président assesseur,

- M. A..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 décembre 2020.

6

No 19MA00329


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA00329
Date de la décision : 23/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

14-02-01-05 Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique. Réglementation des activités économiques. Activités soumises à réglementation. Aménagement commercial.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMLINGER
Rapporteur ?: M. Sylvain MERENNE
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : SCP COURRECH et ASSOCIES - AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-12-23;19ma00329 ?
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