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18/12/2020 | FRANCE | N°20MA00031-20MA00032

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 18 décembre 2020, 20MA00031-20MA00032


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... H... et Mme A... E... épouse H... ont demandé, par deux demandes distinctes, au tribunal administratif de Marseille d'annuler les arrêtés du 22 février 2018 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté leur demande d'admission au séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par le jugement n° 1808295-1808299 du 2 avril 2019, le tribunal administratif de Marseille a joint leurs demandes et les a rejetées.

Procédure devan

t la Cour :

I. Par une requête enregistrée le 6 janvier 2020 sous le n° 2000031 et par ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... H... et Mme A... E... épouse H... ont demandé, par deux demandes distinctes, au tribunal administratif de Marseille d'annuler les arrêtés du 22 février 2018 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté leur demande d'admission au séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par le jugement n° 1808295-1808299 du 2 avril 2019, le tribunal administratif de Marseille a joint leurs demandes et les a rejetées.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête enregistrée le 6 janvier 2020 sous le n° 2000031 et par un mémoire complémentaire enregistré le 17 mars 2020, M. H..., représenté par la SCP d'avocats Bourglan-Damane-J..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 2 avril 2019 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler l'arrêté du 22 février 2018 du préfet des Bouches-du-Rhône ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence algérien portant la mention "vie privée et familiale" lui permettant de travailler, dans le délai de 15 jours à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 la somme de 2 000 euros, qui sera versée à Me J... en contrepartie de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Il soutient que :

Sur le refus de titre de séjour :

- l'avis émis par les médecins de l'office français de l'intégration et de l'immigration (OFII) est irrégulier pour méconnaître les articles R. 313-22 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- ce refus méconnaît l'article 6 alinéa 1-5 de l'accord franco-algérien en l'absence de soins adaptés à l'état de santé de son fils dans son pays d'origine ;

- cette décision méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle méconnaît aussi l'article 23 paragraphes 1 et 2 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- par voie d'exception de l'illégalité du refus de titre de séjour, cette décision d'éloignement est dépourvue de base légale ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste dans l''appréciation de sa situation personnelle.

Sur le délai de départ volontaire :

-le refus de lui accorder un délai de départ volontaire supérieur à 30 jours n'est pas motivé.

Par un mémoire enregistré le 27 février 2020, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés en se référant à ses écritures en défense de première instance.

M. H... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 12 décembre 2019.

II. Par une requête enregistrée le 6 janvier 2020 sous le n° 2000032 et par un mémoire complémentaire enregistré le 17 mars 2020, Mme H..., représentée par la SCP d'avocats Bourglan-Damane-J..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 2 avril 2019 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler l'arrêté du 22 février 2018 du préfet des Bouches-du-Rhône ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence algérien portant la mention "vie privée et familiale" lui permettant de travailler, dans le délai de 15 jours à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler, sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 la somme de 2 000 euros, qui sera versée à Me J... en contrepartie de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Elle soutient que :

Sur le refus de titre de séjour :

- l'avis émis par les médecins de l'office français de l'intégration et de l'immigration (OFII) est irrégulier pour méconnaître les articles R. 313-22 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- ce refus méconnaît l'article 6 alinéa 1-5 de l'accord franco-algérien en l'absence de soins adaptés à l'état de santé de son fils dans son pays d'origine ;

- cette décision méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle méconnaît aussi l'article 23 paragraphes 1 et 2 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- par voie d'exception de l'illégalité du refus de titre de séjour, cette décision d'éloignement est dépourvue de base légale ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.

Sur le délai de départ volontaire :

- le refus de lui accorder un délai de départ volontaire supérieur à 30 jours n'est pas motivé.

Par un mémoire enregistré le 27 février 2020, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés en se référant à ses écritures en défense de première instance.

Mme H... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 12 décembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme I...,

- et les observations de Me G... représentant M. et Mme H....

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes n° 20MA00031 et n° 20MA00032 présentées respectivement par M. et Mme H... sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par la même décision.

2. Par deux arrêtés du 22 février 2018, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté les demandes d'admission au séjour en qualité de parent d'un enfant malade présentées respectivement par M. et Mme H..., de nationalité algérienne, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 2 avril 2019, dont les requérants relèvent appel, le tribunal administratif de Marseille a joint leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés et les a rejetées.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

3. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale susvisée relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations, que dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables, non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs, mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

4. Il ressort des pièces du dossier que le jeune C... D..., né le 29 avril 2010, âgé de 8 ans à la date de la décision en litige, souffre d'un trouble du spectre de l'autisme d'intensité sévère, qui a au demeurant donné lieu à la reconnaissance d'un taux de handicap supérieur à 80 % et à l'attribution de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé par la maison départementale des personnes handicapées des Bouches-du-Rhône. Il est accueilli en hôpital de jour et bénéficie d'un suivi régulier par un neuropsychiatre en hôpital, par un psychomotricien et un pédopsychiatre une fois par semaine et par un orthophoniste deux fois par semaine. Il a pu être partiellement scolarisé pour l'année scolaire 2017-2018 dans une unité localisée pour l'inclusion scolaire (ULIS) pour les enfants atteints de troubles envahissants du développement et poursuit en 2018-2019 une scolarité adaptée, 12h par semaine, avec l'aide d'une auxiliaire de vie scolaire individuelle. De nombreux personnels médicaux et médicaux-sociaux attestent d'une amélioration sensible de son état de santé grâce à ce suivi, à un âge où la réalisation des soins appropriés a une incidence décisive sur le développement futur de l'enfant. Si le préfet, pour rejeter la demande de titre de séjour de M. et Mme H..., affirme que l'enfant peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine en se fondant sur l'avis du collège de médecins de l'office français de l'intégration et de l'immigration (OFII) du 10 janvier 2018, ni cet avis qui ne se prononce pas précisément sur la prise en charge en Algérie des enfants atteints d'autisme, ni la seule création invoquée par le préfet d'un centre national pour enfants autistes en avril 2018 en Algérie ne permettent d'établir que l'enfant pourrait effectivement accéder à un traitement approprié à sa pathologie dans son pays d'origine, lequel exige selon l'avis des spécialistes un travail long, une coordination pluridisciplinaire entre les différents intervenants et une scolarisation dans un établissement scolaire spécialisé, dont l'existence en Algérie n'est ni établie ni même alléguée par le préfet. D'ailleurs, il ressort des pièces du dossier que l'enfant C... D... n'a pas été scolarisé avant son arrivée en France. A l'inverse, les requérants produisent des documents datant de moins de trois ans permettant de penser qu'il existe un risque avéré que le jeune C... D... ne puisse être effectivement pris en charge en Algérie. Ainsi, le préfet des Bouches-du-Rhône en rejetant la demande d'autorisation provisoire de séjour présentée par ses parents, doit être regardé, dans les circonstances de l'espèce, comme ayant méconnu les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale susvisée relative aux droits de l'enfant.

5. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. et Mme H... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande. Ils sont, dès lors, fondés à demander tant l'annulation de ce jugement que des arrêtés en litige du 22 février 2018 du préfet des Bouches-du-Rhône portant refus d'autorisation provisoire de séjour en France. Par voie de conséquence, les obligations de quitter le territoire français en litige et les décisions fixant le pays de destination sont dépourvues de base légale et doivent, dès lors, être annulées.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ". Aux termes de l'article L. 911-2 du même code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. ".

7. Le présent arrêt, qui annule les décisions de refus de titre de séjour du 22 février 2018 du préfet des Bouches-du-Rhône et les décisions subséquentes, implique nécessairement, eu égard au motif sur lequel il se fonde, et en l'absence d'élément faisant apparaître une évolution dans la situation de droit ou de fait de M. et de Mme H... et de leur fils, que le préfet des Bouches-du-Rhône délivre le titre sollicité aux requérants. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet de délivrer à M. H... et à Mme H... un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions tendant à ce que cette injonction soit assortie d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

8. M. et Mme H... ont été chacun admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, leur avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me J..., avocate de M. et de Mme H..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de chacune des deux instances pour les frais qu'ils ont engagés et qui sont non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 2 avril 2020 du tribunal administratif de Marseille est annulé.

Article 2 : Les arrêtés du 22 février 2018 du préfet des Bouches-du-Rhône sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à M. H... et à Mme H... un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me J... une somme de 1 000 euros au titre de l'instance n° 20MA00031 et une autre somme de 1 000 euros au titre de l'instance n° 20MA00032 en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... H..., à Mme A... E... épouse H..., au ministre de l'intérieur, au préfet des Bouches-du-Rhône et à Me B... J....

Copie en sera adressée au Procureur du tribunal judiciaire de Marseille.

Délibéré après l'audience du 8 décembre 2020, où siégeaient :

- M. Chazan, président de chambre,

- Mme I..., première conseillère,

- M. Mouret, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 décembre 2020.

6

N° 20MA00031 - 20MA00032


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA00031-20MA00032
Date de la décision : 18/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. CHAZAN
Rapporteur ?: Mme Marie-Claude CARASSIC
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : SCP BOURGLAN - DAMAMME - LEONHARDT ; SCP BOURGLAN - DAMAMME - LEONHARDT ; SCP BOURGLAN - DAMAMME - LEONHARDT

Origine de la décision
Date de l'import : 08/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-12-18;20ma00031.20ma00032 ?
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