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18/12/2020 | FRANCE | N°18MA04959

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 18 décembre 2020, 18MA04959


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 2 février 2018 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par le jugement n° 1802228 du 29 octobre 2018, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 26 novembre 2018, M. C

..., représenté par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 29 octobre 2018 d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 2 février 2018 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par le jugement n° 1802228 du 29 octobre 2018, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 26 novembre 2018, M. C..., représenté par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 29 octobre 2018 du tribunal administratif de Nice ;

2°) d'annuler l'arrêté du 2 février 2018 du préfet des Alpes-Maritimes ;

3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour de 10 ans dans le délai de huit jours à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé ce délai, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, qui sera versée à Me D... en contrepartie de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Il soutient que :

Sur le refus de titre de séjour :

- la commission du titre de séjour aurait dû être préalablement consultée, dès lors qu'il justifie résider habituellement en France depuis plus de dix ans ;

- il a droit à un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français, dès lors qu'il remplit les conditions exigées par le 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- ce refus de titre de séjour est entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle ;

- cette décision méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- en tout état de cause, il aurait dû bénéficier d'une admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- par la voie de l'exception d'illégalité du titre de séjour, cette décision d'éloignement est dépourvue de base légale ;

- il ne peut pas faire l'objet légalement d'une obligation de quitter le territoire français en application du 6 °de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La requête a été transmise au préfet de qui n'a pas produit de mémoire.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 14 décembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme E... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., de nationalité comorienne, a demandé le 7 octobre 2016 au préfet des Alpes-Maritimes la délivrance d'un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français. Par l'arrêté en litige du 2 février 2018, le préfet a rejeté cette demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. Par le jugement dont M. C... relève appel, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. C... est entré en France en 1999 à l'âge de 22 ans. Il établit, notamment par la production d'un relevé de carrière de l'Assurance maladie daté du 17 octobre 2018 qui démontre qu'il a occupé chaque année depuis l'année 2000 jusqu'à l'année 2011 comprise, puis à nouveau en 2016 et 2017, une activité salariée à temps plein, résider habituellement en France depuis 2000, alors même qu'il a fait l'objet le 6 octobre 2014 d'une première décision de refus d'admission exceptionnelle au séjour assortie d'une obligation de quitter le territoire français. Sa compagne de nationalité comorienne l'a rejoint en 2002 en France est en situation régulière. Cinq enfants sont nés en France de leur union entre 2002 et 2012, et sont tous mineurs et scolarisés en France. Les deux aînés de ses enfants nés en 2002 et 2004 sont devenus français respectivement en 2016 et 2017 par déclaration de nationalité sur le fondement de l'article 21-11 alinéa 2 du code civil. Si le couple s'est séparé en avril 2017, le préfet ne conteste pas que le couple a partagé une vie commune avec leurs 5 enfants entre 2002 et 2015, soit pendant treize années et que le requérant a ainsi nécessairement créé avec ses enfants des relations affectives anciennes et stables. D'ailleurs, M. C... a assigné sa compagne en référé devant le juge aux affaires familiales près du tribunal de grande instance de Nice aux fins de fixer les modalités d'exercice de l'autorité parentale sur ses enfants. Dans ces conditions, M. C... établit avoir fixé en France le centre de ses intérêts privés et familiaux. Par suite, le préfet des Alpes-Maritimes a porté une atteinte disproportionnée au droit de M. C... au respect de sa vie privée et familiale en refusant de lui délivrer un titre de séjour. Dans les circonstances particulières de l'espèce, le requérant est fondé à soutenir que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, le refus de titre de séjour en litige méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à en demander l'annulation.

4. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Il est, dès lors, fondé à demander tant l'annulation de ce jugement que de l'arrêté en litige du 2 février 2018 du préfet des Alpes-Maritimes portant refus de lui délivrer un titre de séjour. Par voie de conséquence, l'obligation de quitter le territoire français en litige et la décision fixant le pays de destination sont dépourvues de base légale et doivent, dès lors, être annulées.

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ". Aux termes de l'article L. 911-2 du même code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. ".

6. Compte tenu du motif retenu par le présent arrêt et en l'absence de tout changement dans les circonstances de fait et de droit, l'annulation de l'arrêté en litige n'implique pas nécessairement que le préfet des Alpes-Maritimes délivre à l'intéressé un "titre de séjour de dix ans", mais implique seulement qu'il délivre à M. C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée de validité d'un an. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de délivrer ce titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

7. M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me D..., avocat de M. C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais engagés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 29 octobre 2018 du tribunal administratif de Nice est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 2 février 2018 du préfet des Alpes-Maritimes est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de délivrer à M. C... un titre de séjour d'une durée d'un an portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me D... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., au ministre de l'intérieur, au préfet des Alpes-Maritimes et à Me A... D....

Copie en sera adressée au Procureur de la république près du tribunal judiciaire de Perpignan.

Délibéré après l'audience du 8 décembre 2020, où siégeaient :

- M. Chazan, président de chambre,

- Mme Simon, président assesseur,

- Mme E..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 décembre 2020.

4

N° 18MA04959


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA04959
Date de la décision : 18/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. CHAZAN
Rapporteur ?: Mme Marie-Claude CARASSIC
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : CHEBBI-TRIFI

Origine de la décision
Date de l'import : 08/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-12-18;18ma04959 ?
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