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17/12/2020 | FRANCE | N°20MA02664-20MA02667

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 17 décembre 2020, 20MA02664-20MA02667


Vu les procédures suivantes :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 13 novembre 2018 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 1905399 du 15 octobre 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

I°) Par une requête, enregistrée le 30 ju

illet 2020 sous le n° 20MA02664, Mme D..., représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'...

Vu les procédures suivantes :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 13 novembre 2018 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 1905399 du 15 octobre 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

I°) Par une requête, enregistrée le 30 juillet 2020 sous le n° 20MA02664, Mme D..., représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 13 novembre 2018 ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard, à titre principal de lui délivrer un titre de séjour et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que son traitement n'existe pas en Arménie et n'y est pas substituable par un autre traitement ; en outre, compte tenu de ses ressources et de l'absence de système de protection sociale, elle ne pourrait y accéder ;

- pour les mêmes motifs, il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est entachée d'un vice de procédure faute de procédure contradictoire préalable, en méconnaissance de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ; elle a ainsi été privée d'une garantie ;

- la décision est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu des risques encourus ;

- elle méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît enfin les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 août 2020, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés.

Mme D... a obtenu l'aide juridictionnelle totale par décision du 29 juin 2020.

II°) Par une requête, enregistrée le 30 juillet 2020 sous le n° 20MA02667, Mme D..., représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement rendu le 15 octobre 2019 par le tribunal administratif de Marseille ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'exécution du jugement risque d'entraîner pour elle des conséquences difficilement réparables, en rendant possible son éloignement ;

- les moyens d'annulation développés dans sa requête au fond présentent un caractère sérieux.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 août 2020, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les observations de Me B..., représentant Mme D....

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., ressortissante arménienne née en 1965, déclare être entrée en France en octobre 2016. Elle fait appel du jugement du 15 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 novembre 2018 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. Elle présente également une requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement. Il y a lieu de joindre ces deux requêtes, qui sont dirigées contre le même jugement, pour statuer par un seul arrêt.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. Chaque année, un rapport présente au Parlement l'activité réalisée au titre du présent 11° par le service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ainsi que les données générales en matière de santé publique recueillies dans ce cadre. ".

3. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'accès effectif ou non à un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

4. Par un avis du 8 septembre 2018, le collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'état de santé de Mme D... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, elle peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Mme D... soutient qu'elle ne pourrait pas bénéficier des soins que requiert son état de santé en Arménie, son traitement n'y étant pas disponible y compris sous une forme substituable. Elle produit notamment un certificat du 21 novembre 2018 établi par son médecin traitant indiquant qu'elle souffre d'un diabète sévère nécessitant une trithérapie non disponible dans son pays d'origine ainsi qu'un certificat du 2 septembre 2019 émanant d'un autre médecin généraliste indiquant qu'elle présente un " diabète non immunodépendant mal équilibré nécessitant un traitement quotidien lourd n'existant pas en Arménie ". Toutefois ces certificats, peu circonstanciés sur les points de savoir si des produits pharmaceutiques d'effets équivalents n'y seraient pas disponibles ou si des médicaments de même classe thérapeutique ne pourraient pas leur être substitués, ne sont pas de nature, à eux-seuls, à remettre en cause l'appréciation portée par le collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration. Si l'intéressée fait également valoir que les soins nécessités par son état de santé ne lui seraient pas accessibles en raison de l'absence de protection sociale et de son manque de ressources, elle ne produit pas d'éléments au soutien de ses allégations. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

5. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ne peut qu'être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui. bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ".

7. Contrairement à ce que soutient Mme D..., il ressort des dispositions du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français. Dès lors, la procédure contradictoire préalable prévue par les dispositions des articles L. 121-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration n'est pas applicable aux décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne peut être qu'écarté.

8. En troisième lieu, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'égard de la décision portant obligation de quitter le territoire français qui, par elle-même, n'implique pas le retour de Mme D... dans son pays d'origine.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bienêtre économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

10. Mme D... soutient que la décision en litige porte atteinte de façon disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Elle fait valoir qu'elle n'a plus d'attaches dans son pays d'origine qu'elle a quitté en 2016 et qu'elle entretient des liens étroits avec sa fille, qui réside en France sous couvert d'un titre de séjour valable jusqu'en 2025, et ses trois petits-enfants. Toutefois, elle n'établit pas être dépourvue d'attaches privées et familiales en Arménie, où elle a vécu au moins jusqu'à l'âge de quarante-huit ans. Dans ces conditions, eu égard notamment à sa faible ancienneté de séjour, elle n'établit pas avoir fixé en France le centre de ses intérêts privés et familiaux. Par suite, le préfet n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas entaché la décision en litige d'erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle et familiale.

11. En dernier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 4 que l'obligation de quitter le territoire français n'a pas méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lesquelles font obstacle à ce qu'une mesure d'éloignement soit prise à l'encontre d'un étranger dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait l'exposer à des conséquences d'une exceptionnelle gravité.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte.

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :

13. Le présent arrêt statue sur l'appel de Mme D... tendant à l'annulation du jugement attaqué. Dès lors, il n'y a pas lieu de statuer sur sa requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du même jugement.

Sur les frais liés aux litiges :

14. Il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de Mme D... tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à la suspension de l'exécution du jugement du tribunal administratif de Marseille du 15 octobre 2019.

Article 2 : La requête n° 20MA02664 de Mme D... et ses conclusions présentées dans la requête n° 20MA02667 au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D..., à Me B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 3 décembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lascar, président,

- Mme E..., présidente assesseure,

- Mme C..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 décembre 2020.

2

N° 20MA02664, 20MA02667

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA02664-20MA02667
Date de la décision : 17/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. LASCAR
Rapporteur ?: Mme Samira TAHIRI
Rapporteur public ?: Mme COURBON
Avocat(s) : HEBERT JEAN-YVES

Origine de la décision
Date de l'import : 23/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-12-17;20ma02664.20ma02667 ?
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