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17/12/2020 | FRANCE | N°20MA01978

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 17 décembre 2020, 20MA01978


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Fédération pour les espaces naturels et l'environnement des Pyrénées-Orientales (FRENE 66) et M. B... E... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 3 février 2015 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales a accordé à la société Provençale SA une dérogation aux interdictions de destruction d'espèces de flore et de faune sauvages protégées, dans le cadre de la réouverture de la carrière Nau Bouques sur le territoire des communes de Vingrau et Tautavel.


Par un jugement n° 1502035 du 3 mai 2016, le tribunal administratif de Montpellier a a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Fédération pour les espaces naturels et l'environnement des Pyrénées-Orientales (FRENE 66) et M. B... E... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 3 février 2015 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales a accordé à la société Provençale SA une dérogation aux interdictions de destruction d'espèces de flore et de faune sauvages protégées, dans le cadre de la réouverture de la carrière Nau Bouques sur le territoire des communes de Vingrau et Tautavel.

Par un jugement n° 1502035 du 3 mai 2016, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté précité du 3 février 2015.

Par un recours, enregistré le 1er juillet 2016 sous le numéro 16MA02626, la société Provençale SA, représentée par Me F..., a demandé à la Cour d'annuler le jugement du 3 mai 2016 du tribunal administratif de Montpellier.

Par un arrêt n° 16MA02626 du 14 septembre 2018, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté la requête de la société Provençale SA.

Par un pourvoi n° 425395 enregistré le 14 novembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Provençale SA a demandé au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 14 septembre 2018 de la cour administrative d'appel de Marseille.

Par une décision n° 425395, 425399, 425425 du 3 juin 2020, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt du 14 septembre 2018 de la cour administrative d'appel de Marseille et renvoyé l'affaire devant la cour.

Procédure devant la Cour :

Par la requête, enregistrée le 1er juillet 2016 sous le numéro 16MA02626 devenu 20MA01978, la société Provençale SA, représentée par la SCP Zribi Texier, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 3 mai 2016 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) de débouter la Fédération pour les espaces naturels et l'environnement des Pyrénées-Orientales et M. E... de toutes leurs demandes ;

3°) de mettre à la charge de la Fédération pour les espaces naturels et l'environnement des Pyrénées-Orientales et de M. E... la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société soutient que :

- les formulaires Cerfa étaient complets ;

- la consultation et l'information du public étaient régulières :

- le dossier de demande était complet et le projet ne méconnait pas l'arrêté de biotope s'agissant de l'aigle de Bonnelli ;

- l'arrêté est suffisamment motivé ;

- il n'existe pas d'autres solutions satisfaisantes ;

- il existe une raison impérative d'intérêt public majeur au sens des dispositions de l'article L. 411-2 du code de l'environnement ;

- le projet maintient, dans un état de conservation favorable, les espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.

Par des mémoires en défense enregistrés les 19 décembre 2016 et 18 septembre 2020, la Fédération pour les espaces naturels et l'environnement des Pyrénées-Orientales et M. E..., représentés par le cabinet Busson, concluent au rejet de la requête et à la mise à la charge solidaire de l'Etat et de la société Provençale SA d'une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que :

- l'association au regard de son objet social et M. E..., habitant de la commune de Vingrau, ont intérêt à agir dans le cadre du présent litige ;

- les moyens soulevés par la société ne sont pas fondés ;

- ils s'en rapportent à l'ensemble de leurs écritures produites en première instance quant à l'illégalité de l'arrêté du 3 février 2015.

Le mémoire présenté pour la société Provençale SA le 30 novembre 2020, après clôture de l'instruction intervenue par ordonnance du 8 octobre 2020, n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive n° 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Giocanti, rapporteur public,

- et les observations de Mme C... représentant la société Provençale SA, celles de M. E..., et celles de M. D... représentant le ministre de la transition écologique.

Une note en délibéré présentée par la société Provençale SA a été enregistré le 9 décembre 2020.

Une note en délibéré présentée par le ministre de la transition écologique a été enregistré le 10 décembre 2020.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 3 février 2015, le préfet des Pyrénées-Orientales a délivré à la société Provençale SA une dérogation aux interdictions de destruction d'espèces de flore et de faune sauvages protégées pour l'exploitation de la carrière Nau Bouques à Vingrau et Tautavel. La société Provençale SA relève appel du jugement du 3 mai 2016 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a annulé cet arrêté.

Sur la fin de non-recevoir opposée en première instance :

2. M. E... justifie, en sa qualité d'habitant de la commune de Vingrau sur le territoire de laquelle se trouvent les espèces protégées faisant l'objet de la dérogation accordée et eu égard aux conséquences d'une telle décision sur l'environnement, d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre l'arrêté préfectoral contesté. La fin de non-recevoir opposée en ce sens doit donc être écartée.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 3 février 2015 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales a délivré à la société Provençale SA une dérogation aux interdictions de destruction d'espèces de flore et de faune sauvages protégées pour l'exploitation de la carrière Nau Bouques à Vingrau et Tautavel, d'une part, pour le motif tiré de l'absence de raison impérative d'intérêt public majeur, et d'autre part, pour le motif tiré de l'absence de preuve de l'inexistence de site alternatif satisfaisant.

4. L'article L. 411-1 du code de l'environnement prévoit, lorsque les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation d'espèces animales non domestiques, l'interdiction de " 1° La destruction ou l'enlèvement des oeufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat / 2° La destruction, la coupe, la mutilation, l'arrachage, la cueillette ou l'enlèvement de végétaux de ces espèces, de leurs fructifications ou de toute autre forme prise par ces espèces au cours de leur cycle biologique, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur mise en vente, leur vente ou leur achat, la détention de spécimens prélevés dans le milieu naturel ; / 3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces (...). " Le I de l'article L. 411-2 du même code renvoie à un décret en Conseil d'Etat la détermination des conditions dans lesquelles sont fixées, notamment : " 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l'autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : (...) / c) Dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement ; (...). ".

5. Il résulte de ces dispositions qu'un projet de travaux, d'aménagement ou de construction d'une personne publique ou privée susceptible d'affecter la conservation d'espèces animales ou végétales protégées et de leur habitat ne peut être autorisé, à titre dérogatoire, que s'il répond, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, tels que notamment le projet urbain dans lequel il s'inscrit, à une raison impérative d'intérêt public majeur. En présence d'un tel intérêt, le projet ne peut cependant être autorisé, eu égard aux atteintes portées aux espèces protégées appréciées en tenant compte des mesures de réduction et de compensation prévues, que si, d'une part, il n'existe pas d'autre solution satisfaisante et, d'autre part, cette dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.

6. En premier lieu, par son arrêt précité du 3 juin 2020, le Conseil d'Etat a considéré que le projet de carrière en litige répondait à une raison impérative d'intérêt public majeur, au sens du c) du 4° de l'article L. 411-2 I du code de l'environnement.

7. En second lieu, par le même arrêt revêtu de l'autorité de la chose jugée, le Conseil d'Etat a considéré qu'il " n'existe pas en Europe un autre gisement disponible de marbre blanc de qualité comparable et en quantité suffisante que celui de la carrière de Nau Bouques pour répondre à la demande industrielle ". Dans ces conditions, la Fédération pour les espaces naturels et l'environnement des Pyrénées-Orientales et M. B... E... ne sont pas fondés à soutenir qu'il pourrait exister une solution alternative satisfaisante.

8. Il résulte de ce qui précède que la société La Provençale est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a annulé, pour ces deux motifs, l'arrêté en litige. Il appartient à la Cour, saisie dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner le bien-fondé des autres moyens soulevés en première instance.

9. Aux termes de l'article 1er de la Directive 92/43/CE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages : " Aux fins de la présente directive, on entend par a) conservation : un ensemble de mesures requises pour maintenir ou rétablir les habitats naturels et les populations d'espèces de faune et de flore sauvages dans un état favorable au sens des points e) et i) ; b) habitats naturels : des zones terrestres ou aquatiques se distinguant par leurs caractéristiques géographiques, abiotiques et biotiques, qu'elles soient entièrement naturelles ou semi-naturelles (...) e) état de conservation d'un habitat naturel : l'effet de l'ensemble des influences agissant sur un habitat naturel ainsi que sur les espèces typiques qu'il abrite, qui peuvent affecter à long terme sa répartition naturelle, sa structure et ses fonctions ainsi que la survie à long terme de ses espèces typiques sur le territoire visé à l'article 2. " L'état de conservation " d'un habitat naturel sera considéré comme " favorable " lorsque : - son aire de répartition naturelle ainsi que les superficies qu'il couvre au sein de cette aire sont stables ou en extension, et - la structure et les fonctions spécifiques nécessaires à son maintien à long terme existent et sont susceptibles de perdurer dans un avenir prévisible, et - l'état de conservation des espèces qui lui sont typiques est favorable au sens du point i) (...) i) état de conservation d'un espèce : l'effet de l'ensemble des influences qui, agissant sur l'espèce, peuvent affecter à long terme la répartition et l'importance de ses populations sur le territoire visé à l'article 2. " L'état de conservation " sera considéré comme " favorable " lorsque : - les données relatives à la dynamique de la population de l'espèce en question indiquent que cette espèce continue et est susceptible de continuer à long terme à constituer un élément viable des habitats naturels auxquelles elle appartient, et - l'aire de répartition naturelle de l'espèce ne diminue ni ne risque de diminuer dans un avenir prévisible, et- il existe et il continuera d'exister un habitat suffisamment étendu pour que ses populations se maintiennent à long terme ".

10. Le dossier de dérogation en litige porte sur la destruction de 50 à 600 pieds de Glaïeul douteux, 50 à 100 individus et 8 hectares d'habitats de Psammodrome algire (reptile), 50 à 100 individus et 8 hectares d'habitats de Lézard catalans, 1 à 10 individus et 8 hectares d'habitat de reproduction de Proseprine (insecte), 8 hectares d'habitats de reproduction de 22 espèces d'oiseaux : Bruant fou, Coucou gris, Fauvette à tête noire, Fauvette Mélanocéphale, Fauvette orphée, Fauvette passerinette, Fauvette pitchou, Linotte mélodieuse, Loriot d'Europe, Martinet à ventre blanc, Mésange charbonnière, Moineau soulcie, Monticole bleu, Monticole de roches, Pinson des arbres, Pouillot véloce, Rossignol Philomèle, Rougequeue noir, Serin cini, Traquet oreillard, Hirondelle de rochers et Hirondelle rustique, 1 à 10 individus et habitats de repos et reproduction de Vespère de Savi (mammifères), 1 à 5 individus et habitats de repos et reproduction de Molosse de Cestoni (mammifères). La direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) de Languedoc-Roussillon a considéré, dans son rapport d'instruction du 24 mai 2013, que l'ensemble des groupes taxonomiques potentiellement présents en fonction des habitats identifiés a été couvert, que les périodes de prospection apparaissent adaptées et que les méthodes de prospection semblent suffisantes. En outre, l'analyse des enjeux et des impacts concernant les habitats, la faune et la flore a été considérée comme globalement satisfaisante, tout comme les mesures d'évitement préconisées par le porteur de projet. La FRENE et M. E... n'apportent pas d'éléments permettant de remettre en cause les méthodes utilisées pour l'inventaire et la détermination des enjeux patrimoniaux, notamment par exemple s'agissant de l'aigle de Bonelli qui n'est plus aperçu dans la zone depuis de longues années. En outre, si un précédent dossier d'autorisation de réouverture de carrière avait fait apparaître la présence de plusieurs oiseaux bénéficiant de protections sur le site de Nau Bouques, qui ne sont pas répertoriés par le présent dossier, la FRENE et M. E... n'apportent pas d'éléments de nature à remettre en cause les méthodes de prospection des oiseaux présents sur le site.

11. Face à cet inventaire des espèces et habitats concernés par des destructions et aux impacts attendus, le porteur de projet avait initialement prévu, pour remédier notamment à la destruction des habitats naturels composés majoritairement sur le site d'étude de dalles rocheuses avec végétation type garrigue, de falaises calcaires, de mattorrals calciphiles de chênes verts et de zones rudérales, quatre mesures techniques de compensation : une réouverture d'anciens milieux ouverts actuellement embroussaillés sur 20 hectares (MC1), un aménagement écologique des zones débroussaillées sur 10 hectares (MC2), un aménagement de cultures faunistiques sur 2 hectares (MC 3) et une veille sur la possibilité de pâturage (MC4), ainsi qu'une mesure spécifique pour les chauve-souris (MC5), ces mesures ayant donné lieu à un rapport d'instruction favorable de la DREAL le 24 mai 2013, un avis favorable sous conditions du conseil national de la protection de la nature (CNPN) le 12 septembre 2013, et un avis défavorable du CNPN le 19 juillet 2013 s'agissant du Glaïeul douteux. La société a fait réaliser un addendum au dossier de dérogation concernant le Glaïeul douteux, ayant donné lieu à un nouvel avis favorable du CNPN le 21 octobre 2014. Toutefois, il ressort de cet addendum que la société a, dans le cadre de cette nouvelle étude, décidé de modifier les mesures de compensation initialement envisagées, en diminuant les surfaces prévues de 20 hectares à 9 hectares pour la mesure MC 1 et de 10 hectares à 6,5 hectares pour la mesure MC 2, sans que ces réductions, bien que mentionnées dans le rapport d'instruction de la DREAL du 3 octobre 2014, n'aient donné lieu à analyse ou avis favorable de la DREAL ou du CNPN qui n'étaient alors ressaisis que de la question du Glaïeul douteux. Or, il ressort des pièces du dossier, notamment de l'annexe 7 relative aux terrains offerts en compensation, que si la nouvelle mesure MC 7 de préservation et gestion d'un secteur de garrigue ouverte de 19 hectares sur le site " Coma d'en Battle " pour le Glaïeul douteux peut être bénéfique également pour le Psammodrome algire, la Proserpine et les oiseaux de milieux ouverts de garrigue, aucun bénéfice n'est indiqué pour le reste des espèces, notamment le lézard catalan ou les autres oiseaux concernés. Egalement, si le site de " Els Cons ", finalement retenu pour la mesure MC 1, peut présenter des effets bénéfiques pour le Psammodrome algire, les oiseaux de garrigues (surtout Fauvette orphée et Passerinette), ou encore la flore scorsonère, aucun bénéfice n'est indiqué en ce qui concerne le lézard catalan, la Proserpine ou les autres oiseaux. En outre, alors que la DREAL indique n'avoir pu se déplacer sur l'ensemble des sites retenus pour les mesures de compensation, le dossier de dérogation se contente de décrire de manière générale les sites retenus et il n'existe aucune étude naturaliste précise et détaillée de ces sites, de leur caractéristiques et compositions, et donc aucune certitude quant à la possibilité pour chaque site d'offrir les bénéfices allégués pour chacune des espèces en cause. Il n'est donc pas démontré que les habitats des espèces au sein de leurs aires de répartition demeureraient stables ou en extension, que la structure et les fonctions spécifiques nécessaires au maintien à long terme des habitats existeraient et seraient susceptibles de perdurer, ou encore que l'aire de répartition naturelle de chaque espèce ne diminuerait pas. La DREAL conclut ainsi par exemple que les " espèces rupestres comme le Vespère de Savi, le Molosse de Cestoni ou le Monticole bleu ne bénéficieront pas des mesures de compensation ", à l'exception de la mesure MC 5 dédiée aux chiroptères. La réduction des surfaces des parcelles offertes en compensation, qui n'a pas été évaluée par la DREAL et le CNPN, l'absence d'étude précise de ces parcelles, ou encore l'absence de mesure bénéficiant au Monticole bleu, ne peuvent donc permettre d'établir que la conservation des espèces et des habitats dans leurs aires de répartition naturelle sera favorable. Enfin, il ressort également des pièces du dossier que, alors que tant la DREAL que le CNPN préconisaient " un entretien pastoral de préférence ou entretien mécanique dans l'impossibilité de pâturer, mais en évitant le girobroyeur trop destructeur de la faune invertébrée ", la société a prévu de réaliser la réouverture des milieux fermés et leur entretien par le biais d'un girobroyage, sans démontrer l'impossibilité de pâturer ou de réaliser un entretien mécanique moins dommageable pour les espèces, en se contentant d'indiquer que le coût du pâturage, qui nécessiterait un regroupement d'opérations, serait trop élevé, et sans mesurer l'importance qualitative et quantitative de la destruction d'invertébrés engendrée par le girobroyage sur les sites de compensation qui, comme il a été dit précédemment, n'ont fait l'objet d'aucun inventaire naturaliste précis.

12. Dans ces conditions, les lacunes précitées du dossier de dérogation ne permettent pas d'établir que la dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.

13. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens, que la société Provençale SA n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement en litige, le tribunal administratif a annulé l'arrêté du 3 octobre 2015.

Sur les frais exposés dans l'instance :

14. La Fédération pour les espaces naturels et l'environnement des Pyrénées-Orientales et M. E... n'étant pas parties perdantes à la présente instance, il y a lieu de rejeter la demande présentée par la société Provençale SA au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

15. L'Etat n'étant pas partie à la présente instance, il y a lieu de rejeter la demande présentée à son encontre par la Fédération pour les espaces naturels et l'environnement des Pyrénées-Orientales et M. E... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la société Provençale SA la somme globale de 2 000 euros à verser à la Fédération pour les espaces naturels et l'environnement des Pyrénées-Orientales et M. E... au titre des mêmes frais.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Provençale SA est rejetée.

Article 2 : La société Provençale SA versera la somme globale de 2 000 euros à la Fédération pour les espaces naturels et l'environnement des Pyrénées-Orientales et à M. E... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Provençale SA, à la Fédération pour les espaces naturels et l'environnement des Pyrénées-Orientales et à M. B... E...

Copies en sera adressée au ministre de la transition écologique et au préfet des Pyrénées-Orientales.

Délibéré après l'audience du 3 décembre 2020 où siégeaient :

-M. Poujade, président,

- M. Portail, président assesseur,

- Mme A..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2020.

2

N° 20MA01978

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20MA01978
Date de la décision : 17/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

44-045 Nature et environnement.


Composition du Tribunal
Président : M. POUJADE
Rapporteur ?: Mme Elisabeth BAIZET
Rapporteur public ?: Mme GIOCANTI
Avocat(s) : GRANDPIERRE HOSTEIN

Origine de la décision
Date de l'import : 08/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-12-17;20ma01978 ?
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