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17/12/2020 | FRANCE | N°20MA01131

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 17 décembre 2020, 20MA01131


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 20 février 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours en fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 1906499 du 8 novembre 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 6 mars 2020, M. E.

.. A..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal admini...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 20 février 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours en fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 1906499 du 8 novembre 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 6 mars 2020, M. E... A..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 8 novembre 2019 ;

2°) d'annuler cet arrêté préfectoral du 20 février 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre provisoire de séjour avec autorisation de travailler dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de procéder à un réexamen de sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir et de lui délivrer dans l'attente de la décision une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travailler, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français :

- les décisions, qui sont insuffisamment motivées, sont entachées d'un défaut d'examen complet de sa situation personnelle ; les premiers juges n'ont pas procédé à un examen sérieux de la situation du requérant ;

- la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet des Bouches-du-Rhône s'est estimé lié par l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ;

- l'avis de l'OFII procède de deux vices de procédure : d'une part, cet avis ne mentionne pas les éléments de procédure prévus par l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 et, d'autre part, le préfet ne justifie pas que la décision de l'OFII a été rendue à l'issue d'une délibération collégiale ;

- la décision de refus de séjour méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision de refus méconnaît les dispositions des articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le centre de sa vie privée et familiale se trouve désormais en France de telle sorte que le préfet a commis une erreur d'appréciation ;

- les décisions de refus de séjour et portant obligation de quitter le territoire français méconnaissent les stipulations de l'article 3 de la convention précitée et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet s'est cru lié par les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) et de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) ;

- l'obligation de quitter le territoire français viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste quant à l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

Sur la décision fixant le délai de départ volontaire :

- la décision méconnaît les dispositions des articles 2, 12 et 7 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- le préfet s'est estimé en situation de compétence liée pour fixer le délai de départ volontaire à trente jours et a ainsi méconnu l'étendue de sa compétence ;

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention précitée et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet s'est cru lié par les décisions de l'OFPRA et de la CNDA.

La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit d'observations.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 13 décembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme D....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant guinéen né le 15 septembre 1995, a bénéficié, en qualité d'étranger malade, de deux autorisations provisoires de séjour dont la dernière a expiré le 16 juillet 2018. Le 10 juillet 2018, il a sollicité, sans succès, le bénéfice d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Marseille du 8 novembre 2019 ayant rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté préfectoral du 20 février 2019 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixation du pays de destination.

Sur la régularité du jugement :

2. Il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens invoqués dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Pour demander l'annulation du jugement attaqué, M. A... ne peut donc utilement se prévaloir du défaut d'examen sérieux de sa situation dont les premiers juges auraient entaché leur jugement.

Sur le refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, M. A... reprend devant la Cour les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de la décision portant refus de séjour et du défaut d'examen particulier de sa situation. Il y a lieu pour la Cour, par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal au point 3 de son jugement, d'écarter ces moyens comme non fondés.

4. En deuxième lieu, la décision de refus d'admission au séjour opposée au requérant ne fixe par elle-même aucun pays de destination. Le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que le moyen tiré de l'erreur de droit commise par le préfet qui se serait cru lié, dans l'appréciation de ces risques, par les décisions respectives de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile ne peuvent dès lors être utilement soulevés à l'encontre de cette décision.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. / La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".

6. Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 de ce code : " (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. (...) ". L'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / Cet avis mentionne les éléments de procédure. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".

7. Au vu de l'avis émis le 21 novembre 2018 par le collège de médecins de l'OFII, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de délivrer un titre de séjour à M. A.... Dans cet avis, les médecins de ce collège ont conclu que si l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale, le défaut de cette prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé, et qu'à la date de l'avis, son état de santé lui permettait de voyager sans risque vers son pays d'origine.

8. D'une part, il résulte du modèle d'avis figurant à l'annexe C de l'arrêté du 27 décembre 2016 précité, rendu obligatoire par l'article 6, que l'avis doit comporter les éléments de la procédure comme l'indication que l'étranger a été, ou non, convoqué par le médecin ou par le collège, celle que des examens complémentaires ont été, ou non, demandés et celle qu'il lui a été demandé de justifier son identité. En l'espèce, l'avis litigieux, établi sur le modèle figurant à l'annexe C de l'arrêté, ne comporte aucune mention dans la rubrique relative aux " éléments de procédure " où ne sont pas même cochées les cases " non " au regard de l'énumération des différentes diligences que peuvent effectuer le médecin rapporteur puis le collège lui-même, et ne précise donc pas si, devant ce médecin ou le collège, l'étranger a été, ou non, convoqué, et si des examens complémentaires ont été, ou non, demandés. Cet avis ne fait figurer que la mention selon laquelle l'étranger a été conduit, au stade de l'élaboration du rapport, à justifier de son identité. Toutefois, alors que le requérant ne prétend pas avoir été convoqué, astreint à des examens médicaux complémentaires ou invité à mieux justifier de son identité au stade de l'avis, il n'est pas établi que l'absence de ces mentions dans l'avis remis au préfet et sur la base duquel il a pris sa décision l'aurait privé d'une garantie ou aurait influé sur le sens de sa décision. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 précité doit être écarté.

9. D'autre part, si le requérant soutient que la mention " après en avoir délibéré " figurant dans l'avis du 21 novembre 2018 est insuffisante pour établir que cet avis aurait été pris à l'issue d'une délibération collégiale, il n'apporte toutefois aucun élément ni même aucun commencement de justification tendant à infirmer cette mention alors que l'avis en cause a été signé par les trois médecins qui composent le collège des médecins de l'OFII. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté.

10. En quatrième lieu, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'OFII doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tout élément permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, de sa capacité à bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

11. Pour contredire l'avis précité au point 7, le requérant précise que lui a été diagnostiquée en 2016 une tuberculose pulmonaire multi-sensible, traitée par quadrithérapie initiale de deux mois et une bithérapie poursuivie pendant une durée totale de sept mois, et que la gravité de sa pathologie ne suscite aucun doute dès lors qu'il a bénéficié de deux autorisations provisoires de séjour pour ce motif. A cet égard, M. A... se borne à produire trois certificats médicaux en date des 10 août 2016, 25 juillet 2017 et 22 mai 2018, indiquant seulement que son état de santé nécessite une " surveillance médicale ", tandis que le compte rendu de la dernière consultation du 22 mai 2018 fait état d'un " antécédent de tuberculose ", laquelle " a été traitée à partir du 18 mai 2016 par quadrithérapie pendant 2 mois puis bithérapie pendant 4 mois avec une bonne évolution ". Ainsi, de tels éléments, qui ne démontrent pas la persistance de l'affection subie par M. A..., à la date de la décision attaquée, ne suffisent pas à remettre en cause l'appréciation portée par l'avis du collège précité sur les conséquences d'un défaut de prise en charge médicale sur son état de santé. Par ailleurs, si l'intéressé se prévaut d'une tachycardie et de douleurs pulmonaires résultant de cette pathologie, il ne se fonde que sur des éléments de doctrine médicale sans apporter aucun certificat médical de nature à établir que de tels troubles pourraient entraîner à son égard des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Dans ces conditions, M. A... ne peut utilement se prévaloir de l'absence de traitement approprié effectif dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de ce que l'appelant répond aux conditions de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

12. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier, en particulier des termes même de l'arrêté contesté, que le préfet des Bouches-du-Rhône a lui-même procédé à une appréciation de la situation personnelle de M. A..., ce dernier n'alléguant notamment pas avoir adressé à l'administration de nouveaux documents médicaux après l'intervention de l'avis du collège des médecins de l'OFII. Ainsi, le moyen tiré de ce que le préfet des Bouches-du-Rhône se serait cru à tort en situation de compétence liée par cet avis doit être écarté.

13. En sixième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ".

14. En l'espèce, si M. A..., entré en France en janvier 2016, se prévaut de son insertion sociale en France caractérisée par un parcours de formation exemplaire dans le domaine de la maçonnerie et des cours d'alphabétisation, il ressort toutefois des pièces du dossier que le requérant n'est pas dépourvu d'attaches personnelles et familiales en Guinée, pays où il a vécu la majeure partie de son existence et où résident sa compagne et ses deux enfants nés en 2014 et 2016. En outre, l'intéressé n'établit pas avoir dû quitter sa famille pour fuir les risques qu'il encourrait dans son pays d'origine, alors surtout qu'il a fait l'objet d'un rejet de sa demande d'asile le 28 avril 2017 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmé par une décision du 18 octobre 2017 de la Cour nationale du droit d'asile. Ainsi, la décision en litige n'a pas porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.

15. En septième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ".

16. Eu égard à sa situation personnelle et familiale telle que décrite au point 14 ci-dessus, M. A... ne justifie d'aucune considération humanitaire ou motif exceptionnel de nature à lui permettre d'être admis au séjour en application des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué méconnaîtrait ces dispositions.

17. En dernier lieu, si M. A... invoque à nouveau le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs exposés à bon escient par les premiers juges au point 16 de leur jugement.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

18. D'une part, M. A... reprend devant la Cour les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de l'obligation de quitter le territoire français et du défaut d'examen particulier de sa situation. Il y a lieu pour la Cour, par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal au point 3 de son jugement, d'écarter ces moyens comme non fondés.

19. D'autre part, l'obligation de quitter le territoire français édictée à l'encontre du requérant ne fixe par elle-même aucun pays de destination. Le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que le moyen tiré de l'erreur de droit commise par le préfet qui se serait cru lié, dans l'appréciation de ces risques, par les décisions respectives de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile ne peuvent dès lors être utilement soulevés à l'encontre de cette décision.

20. Enfin, les moyens tirés de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 14, ceci étant précisé qu'il n'est pas établi que la décision contestée aurait pour effet d'interrompre le cursus de formation de M. A... ni de l'empêcher de se soigner de manière appropriée.

Sur la décision fixant le délai de retour volontaire :

21. Les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur rédaction issue de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011, sont issues de la transposition, en droit interne, de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008. M. A... ne peut ainsi utilement invoquer directement les dispositions des articles 2, 7 et 12 de ladite directive à l'encontre de la décision en litige.

22. Les moyens tirés de ce que, d'une part, la décision contestée est insuffisamment motivée et, d'autre part, elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et le préfet s'est estimé à tort en situation de compétence liée pour fixer le délai de départ volontaire à trente jours, lesquels sont invoqués dans les mêmes termes qu'en première instance, doivent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges respectivement aux points 21 et 22 de leur jugement.

Sur la décision fixant le pays de destination :

23. L'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". En vertu de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950.

24. M. A... se borne à se prévaloir de risques pour sa vie en cas de retour dans son pays d'origine, lesquels ne sont pas précisés par le requérant, et, au surplus, n'ont pas été regardés comme suffisamment étayés tant par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans sa décision du 28 avril 2017 que la Cour nationale du droit d'asile dans celle du 18 octobre 2017. Il s'ensuit que le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination aurait été prise en méconnaissance des stipulations et dispositions précitées. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier, en particulier des termes mêmes de l'arrêté litigieux, que le préfet se serait estimé lié, dans l'appréciation de tels risques, par les décisions de rejet précitées.

25. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille, par le jugement attaqué, a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre de l'allocation à son conseil de frais liés à l'instance doivent également être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A..., à Me C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 3 décembre 2020, où siégeaient :

- M. Lascar, président,

- Mme D..., présidente assesseure,

- Mme B..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 décembre 2020.

2

N° 20MA01131

nc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA01131
Date de la décision : 17/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. LASCAR
Rapporteur ?: Mme Mylène BERNABEU
Rapporteur public ?: Mme COURBON
Avocat(s) : QUINSON

Origine de la décision
Date de l'import : 23/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-12-17;20ma01131 ?
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