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17/12/2020 | FRANCE | N°19MA02577

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 17 décembre 2020, 19MA02577


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme E... D... ont demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la réduction de la cotisation primitive d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2015.

Par un jugement n° 1703050 du 29 mars 2019, le tribunal administratif de Marseille a réduit de 6 551,19 euros la base de l'impôt sur le revenu qui leur a été assignée dans la catégorie des revenus fonciers au titre de l'année 2015, les a déchargés de la part de la cotisation primitive d'im

pôt sur le revenu correspondant à cette réduction de leurs bases d'imposition et a re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme E... D... ont demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la réduction de la cotisation primitive d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2015.

Par un jugement n° 1703050 du 29 mars 2019, le tribunal administratif de Marseille a réduit de 6 551,19 euros la base de l'impôt sur le revenu qui leur a été assignée dans la catégorie des revenus fonciers au titre de l'année 2015, les a déchargés de la part de la cotisation primitive d'impôt sur le revenu correspondant à cette réduction de leurs bases d'imposition et a rejeté le surplus de leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 3 juin 2019 et 17 août 2020, M. et Mme D... représentés par Me A..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille en tant qu'il a rejeté le surplus de leur demande ;

2°) de prononcer la décharge des impositions restant en litige ;

3°) de rejeter l'appel incident du ministre ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement est irrégulier dès lors, d'une part, que le mémoire en défense n'a pas été analysé et, d'autre part, que les premiers juges n'ont pas exercé leurs pouvoirs d'instruction et ont statué ultra petita ; en outre, le jugement est entaché de contradiction de motifs et d'insuffisance de motivation ; enfin, il est entaché d'erreurs de droit, d'erreurs de fait et de dénaturations ;

- la proposition de rectification du 10 juillet 2017 est insuffisamment motivée ; en outre, ils n'ont pas été destinataires d'une lettre de réponse aux observations qu'ils ont présentées à la suite de cette proposition de rectification ;

- ils justifient de la réalité et du caractère déductible des dépenses de travaux exposées.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 27 septembre 2019 et 15 septembre 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement en tant qu'il a donné partiellement satisfaction à M. et Mme D....

Il fait valoir que :

- les travaux en litige s'apparentent à de la reconstruction et excèdent la notion d'amélioration prévue par le législateur ;

- les autres moyens soulevés par M. et Mme D... ne sont pas fondés.

Un mémoire, présenté pour M. et Mme D..., enregistré le 16 octobre 2020, n'a pas été communiqué en application des dispositions de l'article R. 6111 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Courbon, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant M. et Mme D....

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme D... ont été assujettis à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2015 conformément aux déclarations de revenus qu'ils avaient souscrites. Par une réclamation déposée le 5 septembre 2016, ils ont demandé la prise en compte de déficits fonciers correspondant à des travaux réalisés en 2015 sur un immeuble situé 5 rue des Amandiers à Aix-en-Provence et appartenant à la SCI Blaise Signoret dans laquelle ils sont co-associés. A la suite du rejet de leur réclamation par décision du 28 février 2017, M. et Mme D... ont saisi le tribunal administratif de Marseille d'une demande tendant à la réduction des impositions primitives ainsi mises à la charge de leur foyer fiscal. Ils font appel, en tant qu'il leur est défavorable, du jugement du 29 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Marseille a réduit la base de l'impôt sur le revenu qui leur a été assignée dans la catégorie des revenus fonciers, au titre de l'année 2015, de 6 551,19 euros, les a déchargés de la part de la cotisation primitive d'impôt sur le revenu correspondant à cette réduction de leurs bases d'imposition et a rejeté le surplus de leur demande. Le ministre de l'action et des comptes publics demande, par la voie de l'appel incident, l'annulation du jugement en tant qu'il a partiellement donné satisfaction aux contribuables.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique, sauf s'il a été fait application des dispositions de l'article L. 731-1. (...) / Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. (...) ".

3. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, les premiers juges pouvaient, sans entacher leur jugement d'irrégularité, se borner, dans l'analyse du mémoire en défense produit devant eux par l'administration fiscale, à relever que cette dernière faisait valoir que les moyens de leur demande n'étaient pas fondés, dès lors que ce mémoire se limitait à la réfutation des moyens qu'ils avaient soulevés.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 611-10 du code de justice administrative : " (...) le rapporteur (...) peut demander aux parties, pour être jointes à la procédure contradictoire, toutes pièces ou tous documents utiles à la solution du litige. (...) ". Si le tribunal peut demander aux parties toutes pièces ou tous documents utiles à la solution du litige, une telle demande constitue une simple faculté pour le juge. En l'espèce, il ne résulte pas de l'instruction que le tribunal n'aurait pas été suffisamment éclairé par les éléments et pièces versés au dossier par les parties à l'instance et qu'en conséquence il aurait dû exercer son pouvoir d'instruction pour compléter le dossier avant de statuer sur le litige. Au demeurant, il résulte de l'instruction que si le tribunal a sollicité la production par l'administration de " l'entier dossier de contrôle ", l'administration a répondu à cette demande dans le cadre de son mémoire en défense en précisant que ces pièces ne pouvaient être communiquées dès lors que le litige ne faisait pas suite à un contrôle fiscal.

5. En troisième lieu, en estimant que les factures produites par les requérants ne permettaient pas de justifier le lieu de réalisation des travaux, ainsi que le faisait valoir le défendeur, les premiers juges n'ont pas statué " ultra petita ".

6. En quatrième lieu, les requérants soutiennent que le jugement est entaché d'une insuffisance de motivation. Toutefois, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments soulevés devant eux par les parties, ont indiqué que le devis du 12 février 2015 ne constituait pas une pièce justifiant de la réalité des charges supportées, que les factures de la société Ebene n° 7, 24 et 14 des 14 février et 14 mars 2015 ne précisaient pas le lieu d'exécution des travaux alors que la SCI Blaise Signoret était propriétaire de plusieurs locaux et que les factures n° 5 et 6 de la société Ebene datées du 17 octobre 2015 n'avaient pas un caractère suffisamment probant. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement attaqué doit être écarté.

7. En dernier lieu, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels les juges de première instance se sont prononcés sur les moyens qui leur étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Les requérants ne peuvent donc utilement se prévaloir des erreurs de droit, des erreurs de fait et des dénaturations que les premiers juges auraient commises pour contester la régularité du jugement attaqué. De même, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué souffrirait d'une contradiction de motifs n'est, en tout état de cause, pas susceptible d'entacher sa régularité, mais seulement son bien-fondé.

Sur l'appel incident :

8. Aux termes de l'article 31 du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige : " I. Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : 1° Pour les propriétés urbaines : a) Les dépenses de réparation et d'entretien effectivement supportées par le propriétaire ; (...) b) Les dépenses d'amélioration afférentes aux locaux d'habitation, à l'exclusion des frais correspondant à des travaux de construction, de reconstruction ou d'agrandissement (...) ". Au sens de ces dispositions, doivent être regardés comme des travaux de reconstruction, ceux qui comportent la création de nouveaux locaux d'habitation, ou qui ont pour effet d'apporter une modification importante au gros oeuvre, ainsi que les travaux d'aménagement interne qui, par leur importance, équivalent à des travaux de reconstruction, et, comme des travaux d'agrandissement, ceux qui ont pour effet d'accroître le volume ou la surface habitable des locaux existants. Des travaux d'aménagement interne, quelle que soit leur importance, ne peuvent être regardés comme des travaux de reconstruction que s'ils affectent le gros oeuvre ou s'il en résulte une augmentation du volume ou de la surface habitable.

9. Il est constant que l'immeuble en litige correspondait, avant travaux, à une maison divisée en trois logements comprenant un studio et un appartement T4 en rez-de-chaussée et un appartement au premier étage. Il résulte notamment de l'attestation établie le 7 avril 2017 par le cabinet chargé de la gestion de ces biens que les travaux ont consisté, pour le rez-de-chaussée, en la transformation du studio en appartement T3 et de l'appartement T4 en T3 sans travaux de gros oeuvre avec, en ce qui concerne l'appartement à l'étage, une rénovation avec mise aux normes de la cuisine et de la salle de bain. Ces travaux, dont il n'est pas soutenu qu'ils auraient augmenté la surface habitable des locaux existants et dont il ne résulte pas de l'instruction qu'ils auraient apporté une modification importante au gros oeuvre alors même qu'ils comporteraient notamment une reprise partielle du sous-oeuvre, doivent être regardés comme des travaux d'amélioration au sens des dispositions précitées du I de l'article 31 du code général des impôts. Par suite, les conclusions présentées par le ministre, par la voie de l'appel incident, doivent être rejetées.

Sur l'appel principal :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

10. Il résulte de l'instruction que les impositions en litige présentent le caractère d'impositions primitives qui n'ont pas été établies à la suite de procédures de rectification. Dès lors, les moyens tirés du défaut de motivation de la proposition de rectification du 10 juillet 2017, qui se rapporte à une procédure de rectification distincte menée postérieurement à l'égard de la SCI Blaise Signoret, ainsi que celui tiré de l'absence de réponse aux observations présentées par les contribuables dans le cadre de cette procédure de rectification sont, en tout état de cause, inopérants.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

11. Il résulte de l'instruction que M. et Mme D... ont été imposés au titre de l'année 2015 en matière d'impôt sur le revenu conformément aux énonciations de leur déclaration. Par suite, en application des dispositions de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, il leur appartient de démontrer le caractère exagéré des impositions qu'ils contestent.

12. En premier lieu, les requérants produisent trois factures, numérotées 7, 14 et 24, émanant de la société " Ebene et co " et mentionnant " Chantier : Aix-en-Provence ". La première, établie le 14 février 2015 au nom de la SCI Blaise Signoret, mentionne au titre des travaux réalisés " démolitions, séparation appartement, cloison légère, travaux extérieurs " pour un montant total de 46 200 euros TTC. La deuxième facture datée du 14 mars 2015, établie pour un montant total de 41 030 euros TTC, recense en outre des travaux de " reprise des sols, réalisation de cloisons séparatives, remise aux normes des réseaux électriques, reprise des réseaux humide y compris raccordement, reprise de la terrasse, pose de carrelage et fayence, pose de bloc-porte ". Enfin, la troisième d'un montant total 25 300 euros TTC, également datée du 14 mars 2015, y ajoute des travaux tenant à la " création de salle de bain y compris pose de sanitaire, pose de radiateur, dépose de la moquette de l'étage, ratissage des murs en plâtre, préparation des murs et application de peinture et de produit anti-humidité ". Si l'administration fait valoir que ces factures ne mentionnent pas le lieu de réalisation des travaux alors que la SCI Blaise Signoret dispose non des trois seuls appartements en litige mais d'un total de sept biens immobiliers répartis à trois adresses d'Aix-en-Provence, les requérants versent pour la première fois en appel une attestation émanant de l'agence immobilière C2R Immobilier du 6 juin 2019 indiquant avoir assuré la gestion des quatre autres appartements de la SCI Blaise Signoret à Aix-en-Provence et que la société Ebene et Co n'avait pas réalisé de travaux dans ces biens. Les dépenses correspondant à ces travaux sont par conséquent déductibles du revenu foncier de M. et Mme D... au titre de l'année en cause. Dès lors, le déficit foncier supporté par les contribuables au titre de l'année 2015 doit être majoré d'un montant total de 112 530 euros.

13. En second lieu, en se bornant à soutenir que le bien sur lequel ont porté les travaux en litige est leur propriété, par l'intermédiaire de la SCI Blaise Signoret, les requérants ne critiquent pas utilement les motifs précis et circonstanciés par lesquels le tribunal a, à bon droit, considéré que, eu égard notamment à leur ordre d'établissement et aux mentions manuscrites portées sur l'une d'elles, les factures n° 5 et 6 de la société Ebene du 17 octobre 2015 ne permettaient pas d'établir les sommes effectivement dues par la SCI Blaise Signoret.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D... sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à ce que soient admises en déduction au titre de l'année 2015 la somme de 112 530 euros et à ce que la cotisation primitive d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de cette même année soit réduite en conséquence.

Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. et Mme D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Les bases de l'impôt sur le revenu de M. et Mme D... au titre de l'année 2015 sont réduites dans la catégorie des revenus fonciers d'une somme de 112 530 euros.

Article 2 : La cotisation primitive à l'impôt sur le revenu à laquelle M. et Mme D... ont été assujettis au titre de l'année 2015 est réduite à due concurrence de la réduction en base prononcée à l'article 1er.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : L'appel incident du ministre de l'économie, des finances et de la relance est rejeté.

Article 5 : L'article 3 du jugement du tribunal administratif de Marseille du 29 mars 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme E... D... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 3 décembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lascar, président,

- Mme C..., présidente assesseure,

- Mme B..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 décembre 2020.

2

N° 19MA02577

nc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA02577
Date de la décision : 17/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02-03-04 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Détermination du revenu imposable. Charges déductibles du revenu global.


Composition du Tribunal
Président : M. LASCAR
Rapporteur ?: Mme Samira TAHIRI
Rapporteur public ?: Mme COURBON
Avocat(s) : ANDRE ANDRE et ASSOCIES - AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-12-17;19ma02577 ?
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